LISONS la presse de la semaine passée… Six jours en fait, du 9 au 15 mai : « Explosion de la contrebande de cigarettes en région parisienne… Marseille : le trafic de drogue déborde des quartiers nord et s’étend désormais à la Canebière… Vols en pharmacie : le phénomène inquiète… Les pompiers de plus en plus ciblés… Sept sociétés du BTP sur dix touchées par des vols d’engins de chantier… L’État impuissant face au fléau des rodéos sauvages… L’inquiétante emprise de la criminalité ». Tout ça, en mode trois petits tours et puis s’en vont.

Mais en même temps, une monstrueuse avalanche, un durable tsunami, submergent les médias : Mme Kardashian et son braquage hôtelier parisien, le procès. Inondation : nous ne parlons pas à la légère : « Kardashian, braquage » : Google dit « 2 860 000 résultats en 0,2 secondes ». Notons que la mésaventure-Kardashian advient en France plus de 500 fois l’an (1,4 braquage à domicile par jour), dans une assez vaste indifférence.
Or l’humanoïde plastifié Kardashian n’est à vrai dire rien : fanatiquement absorbée par l’idée de mourir la plus riche du cimetière, elle n’existe qu’en boucle de Möbius : « Vue-à-la-télé » par squat d’une médiasphère, elle-même hypnotisée par l’idole de l’écume sociale. Droit issue des pires cauchemars du prophète Philip K. Dick, géant littéraire de la seconde partie du XXe siècle, Mme Kardashian n’est en fait qu’un su-jet secondaire de l’hallucinant « Do androids dream of electric sheep », dont Ridley Scott tira le non-moins grandiose « Blade Runner ». Dick a coup sûr, Scott peut-être, écrivaient et filmaient en mode « rituel de conjuration » ; ce qu’on dépeint, permettra peut-être au monde d’éviter l’horreur.

Eh bien, le tsunami-Kardashian nous révèle que c’est raté.

Ainsi, l’épisode-Kardashian vaut-il surtout comme symptôme : d’abord, de l’abjection des médias « d’information », dont pas un seul ne s’est cabré pour clamer qu’il se foutait du show-Kardashian et que ses lecteurs avaient bien d’autres chats à fouetter. Surtout, de l’absolu, de l’écrasant pouvoir du spectacle ; de la toujours plus grave aliénation qui submerge les humains dans la société de l’information.

Spectacle, aliénation : tentons d’approfondir.

Sur « La société du spectacle », tout est dit par un autre prophète, Guy Debord, dans son livre éponyme, écrit à peu près l’année de « Do Androids… ». Songeons à l’épisode-Kar-dashian et méditons ceci : « Le spectacle est l’idéologie par excellence, parce qu’il ex-pose et manifeste dans sa plénitude l’essence de tout système idéologique : l’appauvrissement, l’asservissement et la négation de la vie réelle »… Aussi : « Le spectacle est le moment où la marchandise est parvenue à l’occupation totale de la vie sociale. Non seulement le rapport à la marchandise est visible, mais on ne voit plus que lui : le monde que l’on voit est son propre monde. La production économique moderne étend da dictature extensivement et intensivement ».

Négation de la vie réelle… Occupation totale de la vie sociale : bienvenue à Kardashian-Land.

Mais comment opèrent le spectacle et ses marionnettes ? Quel processus, ou phéno-mène, permet-il au rouleau-compresseur spectaculaire de « prendre la tête » (dit fami-lièrement) de populations entières ? Là, c’est d’aliénation dont il s’agit.

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