Causeur N°131 – Février 2025

Entretien avec Xavier Raufer
Propos recueillis par Anne Lejoly et Jean-Baptiste Roques

Selon le criminologue Xavier Raufer, l’agressivité croissante de nombreux Algériens de France envers leur pays d’accueil ne doit pas être confondue avec la crise diplomatique ouverte entre Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron. Que ce soit chez eux ou chez les autres, les régimes autoritaires n’aiment jamais le désordre.

D’où vous vient votre connaissance de l’appareil d’État algérien ?
À l’Institut de criminologie de Paris, où j’ai enseigné pendant près de vingt ans, j’ai eu beaucoup d’étudiants des pays du Maghreb, dont des Algériens. Certains sont devenus des hauts cadres de l’appareil régalien de leur pays. J’ai gardé le contact avec plusieurs d’entre eux. Et puis je me suis souvent rendu à Alger, pour des conférences et des échanges, et j’ai ainsi tissé des relations de qualité avec des personnalités du pouvoir, certaines de haut niveau.

Le « pouvoir », dites-vous, comment s’organise-t-il ?
J’y distingue, pour aller vite, trois cercles, dominant chacun une époque. Le premier cercle, héritier de l’ar-mée des frontières, les troupes de Boumediène, a joué un rôle crucial vers la fin de la guerre d’indépendance. Sa conception du nationalisme algérien est plus patrio-tique que révolutionnaire. Ses chefs sont souvent issus du corps des sous-officiers de l’armée française. Dans la génération suivante, le deuxième cercle est celui qui a mené la guerre du régime contre le GIA [Groupe islamique armé, NDLR] pendant la décennie noire (1992-2002). Parmi eux, les plus influents sont ceux du renseignement, puisque c’est d’abord sur ce terrain que la partie a été gagnée pour le pouvoir. Enfin, plus récemment, il y a eu la montée en puissance de la gendarmerie, car la lutte contre l’immigration clan-destine venue d’Afrique subsaharienne est devenue un enjeu capital pour le pays. Ils obtiennent d’ailleurs de bons résultats en la matière, sans souci majeur de la bienséance et des droits de l’homme.

Comment avez-vous pu vous faire accepter par des nationalistes algériens, vous qui avez milité dans la droite nationale française ?
Lors de mes premiers contacts, pour éviter tout drame ultérieur, j’ai exposé ça clairement à mes interlocu-teurs qui, en riant, m’ont répondu que c’était le passé et qu’ils croyaient à la « paix des braves ». Moins expli-citement, je les ai sentis agacés par ceux qui venaient faire des courbettes devant eux, l’extrême gauche, les anticolonialistes, etc. Le dialogue franc et ouvert avec l’ex-adversaire leur convient mieux. Surtout, ce sont des métiers où l’on est forcément réaliste. En 1848, lord Palmerston, Premier ministre de la reine Victo-ria, a tout dit à ce sujet  : «  Nous n’avons pas d’alliés éternels ni d’ennemis perpétuels. Nos intérêts sont éter-nels et perpétuels, et il est de notre devoir de les suivre. » Dans la sphère du régalien, on applique d’usage cette maxime, les Algériens comme les autres. Et par la suite en Algérie, je n’ai jamais plus entendu parler de la colonisation ni de la guerre d’indépendance.

Quand on lit la presse algérienne et quand on regarde les vidéos des désormais fameux influenceurs algériens prêcheurs de haine, on a quand même le sentiment d’une rancune tenace envers la France.
C’est indéniable, mais cela affecte davantage les Algé-riens vivant en France que ceux d’Algérie. Pour la jeunesse algérienne, la guerre d’indépendance, c’est la préhistoire – comme Verdun pour les jeunes Français. Quand mes correspondants à Alger m’ont dit avoir éliminé le GIA de la wilaya d’Alger, j’ai demandé à …

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