DEUXIEME PARTIE : MECANISMES ET PROCESSUS DU BLANCHIMENT

Nous avons vu précédemment que le blanchiment consistait à réinvestir de fonds d'origine frauduleuse dans des activités légales en dissimulant l'origine des sommes ainsi utilisées ou l'identité de leurs propriétaires réels. Le blanchiment de l'argent occulte paraît aujourd'hui comme une nécessité physique pour les financiers liés aux trafics internationaux de stupéfiants, qui doivent gérer chaque année des centaines de millions de dollars de fonds d'origine frauduleuse. La tâche du ( recycleur ) consiste, moyennant une commission, à ( agiter ) ou ( promener ) des fonds occultes. Ces commissions diffèrent selon la spécialité du ( recycleur) : change, transport ou virement électronique.

Prenons l'exemple de Franklin Jurado. Se présentant comme conseiller financier, ce diplômé de Harvard travaillait pour l'un des chefs du cartel de Cali, José Santa Cruz Londono, l'un des principaux narcotrafiquants colombiens. En trois ans, Jurado a reçu officiellement sur son compte, à la BNP de la place Vendôme, la somme de 570 960 dollars, soit à peu près 1,5% des 36 milliards de dollars blanchis à travers l'Europe entre 1987 et 1990 pour le compte du narcotrafiquant Londono, membre du Cartel de Cali. Sa technique, retrouvée sur disquettes informatiques, se décomposait en deux étapes distinctes, dont l'objectif était de ( dérouler un mécanisme de raffinement des fonds, de façon à ce qu'ils deviennent de plus en plus européens afin qu'aucune trace ne remonte son origine ).

La première étape appelée ( kenedyfication ) consistait à rendre les avoirs utilisables, sans questions et quel que soit le marché, et ce, au terme de quatre phases successives. Ainsi, selon F. Jurado, lorsqu'un compte est ouvert en Allemagne au nom de Jorge Perez et que des fonds en provenance des Caraïbes sont versés à ce compte, alors ce compte se trouve en phase 1. Lorsqu'un compte est ouvert à Monaco au nom de Ruiz et si un virement est effectué de la part de Perez en Allemagne, alors le compte passe à la phase 2.

Si une société suisse de placement ABZ et une société luxembourgeoise Oméga sont constituées et qu'elles touchent des fonds de Ruiz, alors ceux-ci deviennent totalement européens et se trouvent dans la phase 3. Si par l'intermédiaire de la société ABZ, un compte pseudonyme est ouvert en Autriche et que sur ce compte parviennent des fonds provenant d'Oméga, alors ils se trouvent dans la phase 4, et il n'existe plus aucun motif de suspicion à leur égard.

Reste alors la seconde étape la ( sanctification ) qui, bien que facultative, consiste à rapatrier ces fonds ( lavés ) dans l'économie colombienne. Ainsi, selon cette méthode et grâce aux 136 comptes ouverts dans onze pays, les enquêteurs ont estimé à 36 millions de dollars les capitaux que F. Jurado a réussi à réintégrer dans les comptes officiels américains, européens et colombiens.

Même si la terminologie employée par les experts diffère quelque peu de celle utilisée par F. Jurado, les principes du recyclage de l'argent restent inchangés. En effet selon le GAFI, le processus de blanchiment se compose de trois étapes : le placement, l'empilage et l'intégration. Nous définirons dans une première section ces étapes avant d'analyser leur impact sur le système monétaire.
 

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