ITURBE ABASOLO Domingo "Txomin"

Numéro un incontesté d'Eta(m), représentant le courant le plus "abertzale" et le plus dur, "Txomin" est né à Arrasate, dans la vallée de Léniz le 14 décembre 1943. Très religieux, il étudie chez les soeurs, fait son service militaire dans la marine au Ferrol, devient ajusteur puis chef de maintenance de la coopérative "Amat". Passionné de football, il joue comme goal à l'Union sportive Aretxabaleta", puis au club de Mondragon. Mais il ne sera jamais une vedette du foot, car l'appel de la lutte armée se fait plus fort. Devenu clandestin, "Txomin" est très certainement l'étarre jouissant de titres de guerre les plus impressionnants : six enlèvements, quatorze attentats, plus de vingt assassinats. C'est lui qui a enlevé Eugen Beihl et Zabala, assassiné Carrero Blanco, participé à la tuerie de la cafétéria "Rolando" de Madrid, qui fait douze morts et soixante-neuf blessés, tenté d'enlever la famille royale espagnole en France an août 1974, lui qui couvre de son autorité tous les assassinats, tous les attentats d'Eta(m).

Réfugié en France depuis 1968 avec sa femme Maria Aranzasu Sasain "Arantza", elle-même membre d'Eta, père de trois enfants dont l'aîné se nomme "Iraultza", c'est-à-dire "Révolution", Txomin est blessé le 30 août 1978 à Bermeo, d'une balle dans la tête. Des rumeurs courent alors : il aurait été expulsé d'Eta, qui l'aurait accusé d'être un "chivato" un indicateur infiltré par les services de sécurité espagnols. Il doit s'agir d'un malentendu, puisqu'une fois rétabli, "Txomin" accède au comité exécutif, qu'il ne tarde pas à diriger. Devenu le véritable patron d'Eta et une personnalité mythique auprès des terroristes, on le retrouve en Irlande pour tenter d'établir des contacts avec l'Ira et participer aux opérations finales de l'"Opération Ogro", qui voit la mort de l'amiral Carrero Blanco, numéro deux du franquisme. Et on le voit au Pays basque français, entouré de quatre gardes du corps armés de mitraillettes "mariettas", changeant une trentaine de fois de domicile, entre Biarritz, Saint-Jean-de-Luz et Hendaye, afin d'éviter les attentats du "Bataillon basque-espagnol" puis ceux du "Gal". A quatre reprises, il échappe à des attentats, qui ne réussissent qu'à blesser son fils.

Il se cache d'ailleurs peu ; on le voit recevoir des exilés à la porte de la cathédrale de Bayonne rue Pannecau, au supermarché "Casino" ou à la gare des autobus et percevoir avec sa femme l'impôt révolutionnaire, afin de le redistribuer aux commandos de l'intérieur. Son activité en fait l'homme le plus recherché d'Espagne et le coup de main donné par la police française, qui l'arrête le 12 juin 1982, à la veille du "Mundial" de football et de la visite du président Mitterrand à Madrid, n'en est que plus apprécié. Sur lui, on trouve un pistolet, ce qui suffit pour le juger en flagrant délit et le condamner à trois mois fermes pour "détention illicite d'arme". Il était pisté depuis janvier, alors qu'on l'aurait vu entrer à l'ambassade soviétique à Paris. Confiné à Tours, il est alors remplacé dans l'appareil d'Eta(m) par José Antonio Urruticoechea Bengoechea "José Ternera", co-organisateur de l'assassinat de Carrero Blanco.

Dès lors, son influence commence à décroître ; derrière sa stature se cachent en fait les diverses tendances de l'organisation et une nouvelle génération plus radicale arrive, formée de Juan Lorenzo Lasa Michelena "Txiquierdi" et de son bras droit Juan Ramon Aramburu Garmendia "Juanra". Désireux de recueillir l'héritage d'"Argala", en trouvant une sortie honorable à la violence, il voit ses efforts réduits à néant le 27 avril 1986, lorsqu'en compagnie de son frère Angel, il est arrêté par la police française près de Saint-Jean-de-Luz, condamné à trois mois de prison pour détention d'arme et finalement déporté à Libreville, au Gabon : il est le 37e étarre expulsé hors de France. "Herri Batasuna" organise aussitôt six manifestations, afin de lui démontrer l'"amour du peuple basque". Mais le mal est fait : comme "Antxon", comme les principaux "historiques" d'Eta(m), "Txomin" est désormais éliminé de la lutte ; c'est "Artapalo" Francisco Mugica Garmendia qui lui succède, malgré ses trente-deux ans. Un homme qui à plusieurs reprises s'est opposé à "Txomin". Dans le même temps, deux nouveaux entrent au comité exécutif : José Louis Alvarez Santacristina "Txelis" et José Javier Zabaleta Elosegui "Waldo".

Le 2 mars 1987, à 150 kilomètres d'Alger, la voiture dans laquelle il se trouve, dérape et quitte la route. Des débris, on sort deux blessés, Belen Gonzalez Penalva et Ignacio Aracama Mendia, membres du fameux "Commando Madrid" et un cadavre, celui de "Txomin". Celui qui avait échappé aux balles des tueurs du Gal, à la vengeance des forces policières espagnoles finit comme un quelconque vacancier imprudent. Depuis, on a appris qu'il était en train de négocier avec Madrid, et ce en dépit des dénégations de Felipe Gonzalez ; qu'il avait rencontré des émissaires du gouvernement, comme Jorge Argote, proche du secrétaire d'Etat à la Sécurité, et Rafael Vera, ce qui explique que les autorités algériennes l'aient laissé circuler à sa guise, vivant à Djelfa, à 275 kilomètres d'Alger, d'où il pouvait téléphoner où il voulait, voire se déplacer à Cuba, via Belgrade. On sut surtout qu'il avait accepté dès 1984 un plan en six phases :
1ère phase : obtenir d'Eta la cessation des combats et du paiement de l'impôt révolutionnaire, contre l'arrêt des activités du Gal et de la politique d'extraditions, ainsi que la légalisation de tous les partis politiques en Euskadi.
2ème phase : intégrer la Navarre à Euskadi, à travers référendum ; une amnistie prenant effet le 15 juin 1987.
3ème phase : élections d'un parlement basque, d'un gouvernement basque et élaboration d'un nouveau statut d'autonomie incluent la Navarre, pour 1990.
4ème phase : "reeuskaldunization" pour 1992.
5ème phase : substitution échelonnée des Forces de sécurité par la police autonome, pour 1994.
6ème phase : création d'un département basque, menant à l'autodétermination, pour 1996.
"Txomin" mort, c'est "Artapalo" Francisco Mugica Garmendia qui prend la tête d'Eta. Il reste qu'il passera dans l'Histoire basque comme un mythe et un exemple pour des centaines de jeunes exaltés.


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