Tigres de la Libération de l'Eelam Tamil : Chronologie 1970 - 1995
 
 

1970
Fondation d'un mouvement étudiant tamoul "Thamil Manavar Peravai" (Mouvement étudiant tamoul, marxiste-léniniste-maoïste) qui se fond dans le Front de la jeunesse tamoule, mouvement juvénile du Front tamoul unifié (nom que prend à l'époque l'ancien Parti fédéraliste tamoul). Le Front de la jeunesse passe rapidement à la clandestinité.

1971
Février : premiers attentats (engins incendiaires ou explosifs) dans la région de Jaffna. premières arrestations de jeunes séparatistes.

1972
Le Front de la jeunesse tamoule éclate en plusieurs mouvements, tous révolutionnaires et clandestins, dont :

Dès lors, les mouvements indépendantistes clandestins nouent des liens avec les tamouls indiens (Etat du Tamil Nadu, capitale Madras). L'un des dirigeants séparatistes déclare en février 1972, dans une interview publiée dans un journal de Madras : "Nous nous battrons pour un Etat pleinement indépendant. Nous exigeons un Etat séparé à Ceylan... ce pourquoi nous avons besoin de l'aide du peuple du Tamil Nadu, mais aussi de celle de tous les peuples de l'Inde". Les indépendantistes entrent aussi en contact avec la diaspora tamoule en Asie, en Amérique du Nord et en Europe.
Première vagues d'attentats visant des personnalités politiques tamoules modérées et fédéralistes, participant au gouvernement de Colombo ("collabos").

1975
Juillet : assassinat (armes à feu) d'Alfred Duraiappah, le maire tamoul modéré de Jaffna, à proximité d'un temple Krishnaïte où il se rendait.

1976
Mai : des politiciens naguère modérés (fédéralistes) exigent désormais la construction d'un Etat de Tamil Eelam "libre, souverain, laïc et socialiste" et fondent le Front Unifié de Libération Tamoul. Ce qui ne les empêche pas de rester les cibles d'attentats des Tigres.
Cette année là, les Tamil New Tigers adoptent le nom de Tigres de la Libération de Tamil Eelam (Liberation Tigers of Tamil Eelam, LTTE).

1977
Début d'une guérilla de grande ampleur des Tigres (TLET).

1978
Le gouvernement Sri-lankais dissout et interdit les TLET.

1979
Le gouvernement Sri-lankais adopte une loi antiterroriste sévère. La loi martiale est instaurée à Jaffna.

1980
Revenue au pouvoir en janvier, Indira Gandhi se lance dans une politique de soutien aux séparatistes tamouls. le SR extérieur indien (Research and Analysis Wing, RAW) établit, pour les Tigres, des camps d'entraînement et de repli au Tamil Nadu, le plus souvent à proximité des camps de réfugiés tamouls srilankais.
Alliés N°1 des Tigres à l’époque : le clergé tamoul. Par rapport à l’hindouisme, la communauté catholique tamoule de Sri-Lanka se trouve en effet dans la situation des chrétiens orthodoxes palestiniens face à l’Islam : celle d’une minorité jouant la surenchère révolutionnaire pour masquer sa faiblesse. Une stratégie séduisante pour des prêtres tamouls marqués par la théologie de la libération. Et l’explication des liens noués très tôt entre les Tigres et le FPLP, émanation politique des palestiniens grec-orthodoxes.
Après l'assassinat de sa mère par des Sikhs en septembre 1984, Rajiv Gandhi poursuit quelques temps la politique d'aide aux Tigres, mais finit par éprouver des doutes. D'abord en raison de l'ultra-violence des Tigres, mais aussi sur leurs objectifs réels. Et s'il s'agissait pour Villupilai Prabhakaran de créer le "grand Eelam", comprenant l'Etat indien du Tamil Nadu et l'Eelam Tamil srilankais ?

1983
Juillet : les Tigres massacrent 13 soldats srilankais à Jaffna. Dans toute la partie cinghalaise de l'île, éclatent alors des pogroms, au cours desquels de 2 à 3000 tamouls sont assassinés, avec la complicité active ou passive des forces de sécurité srilankaises. La rupture entre les deux communautés est consommée. A cette époque, la branche armée des TLET compte une trentaine d’hommes dans la ville de Jaffna, équipés d’armes légères.

1985
Mai : Habillés en militaires srilankais, des Tigres massacrent des pèlerins dans un sanctuaire que les bouddhistes tiennent pour sacro-saint, à Anuradhapura ("arbre du Bouddha").

1987
Au début de l’année, les guérilleros des TLET parachèvent la “libération” de la péninsule de Jaffna, qu’ils ont entamée dès 1983, sous le commandement de Sathashivam Krishnakumar “Kittu”, le chef militaire des Tigres.
Mai : opération militaire importante de l'armée srilankaise contre les "zones libérées" contrôlées par les Tigres au Nord de l'île. Manifestations de soutien aux Tigres dans tout le Tamil Nadu, notamment à Madras.
Juillet : dans la ville de Mannar, les Tigres font exploser un camion piégé dans une base militaire : près de 70 morts.
Peu après, l'Inde et le Sri-Lanka décident d'implanter au nord de l'île une force indienne de maintien de la paix (Indian Peace Keeping Force, IPKF). Après avoir remporté quelques succès - les Tigres se retirent de la ville de Jaffna en novembre 1987 - l'IPKF (qui compte près de 80 000 hommes à son apogée) s’enlise. Et finit par se retirer en mars 1990 après avoir perdu près de 1200 hommes, plus 5000 blessés - en ayant absolument échoué à désarmer les Tigres, tout au contraire. Les TLET comptaient ± 4000 hommes en armes au début de 1987 et en alignent ± 10 000 au début de 1990.
Profitant de la présence de l'IPKF, les Tigres entreprennent d'anéantir leurs rivaux et entreprennent le "nettoyage ethnique" de l'Est de Ceylan, traquant notammentles musulmans "collabos” du régime de Colombo. Fin 87, toutes les directions politico-militaires des groupes séparatistes tamouls rivaux ont été liquidées.

1988
La guerre, les massacres, etc. font près de 10 000 morts dans l'année.

1989
Juillet : Appapilai Amirthalingam et Vettivelu Yogeswaran, dirigeants du principal parti tamoul modéré sont assassinés (armes à feu) à leurs domiciles. Tout accuse les TLET, qui nient toute implication dans l'affaire.

1990
Pourparlers, d'avril à juin, entre le gouvernement srilankais et les Tigres. Echec. les TLET reprennent la guerre :

Cette année là, combats et massacres font de 3 à 400 morts par semaine.

1991
Mars : assassinat de Ranjan Wijeratne, le ministre de la Défense (voiture piégée, à Colombo). Tout accuse les TLET, qui nient toute implication dans l'affaire.
Mai : assassinat de l'ex-premier ministre indien Rajiv Gandhi (bombe humaine, une femme, non loin de Madras). Tout accuse les TLET, qui nient toute implication dans l'affaire.

1992
Novembre : assassinat du commandant en chef de la marine srilankaise, l'amiral Clancey Fernando (bombe humaine à moto, à Colombo). Tout accuse les TLET, qui nient toute implication dans l'affaire.

1993
Janvier : la marine de guerre indienne intercepte, non loin des côtes srilankaises, le "MV Ahat", un cargo de 400 tonnes chargé d'armes, à bord duquel se trouve Sathashivam Krishnakumar “Kittu”, un haut dignitaire des Tigres qui réside d'ordinaire à Londres. Plutôt que de se rendre, "Kittu" saborde le cargo et coule avec lui.
Avril : assassinat (armes à feu), non loin de Colombo, du chef de l'opposition srilankaise, Lalith Athulathmudali. Tout accuse les TLET, qui nient toute implication dans l'affaire.
Mai : assassinat du président srilankais Ranasinghe Premadasa (bombe humaine à vélo, à Colombo, 20 morts). Tout accuse les TLET, qui nient toute implication dans l'affaire.
Juillet : attaque des Tigres contre une base militaire srilankaise au nord-est de l'île : 60 morts, dont un tiers de civils. Attaque analogue quelques jours plus tard, 13 morts.
Août : une vedette-suicide des Tigres de mer coule une canonnière de la marine srilankaise; pas de survivants.
Août-septembre : rumeurs de purges dans la hiérarchie des Tigres; accusé par Vilupillai Prabhakaran d'être "à la solde des services spéciaux indiens", le RAW, le N°2 supposé des TLET, Gopalaswamy Mahendrarajah, est arrêté, puis "disparaît", dans la meilleure tradition stalino-maoïste.
Novembre : attaque massive des Tigres contre la base militaire srilankaise de Pooneryn, la plus importante de la péninsule de Jaffna. Après avoir submergé la base - 637 marins et soldats tués, 547 blessés, bilan officiel - les Tigres s'emparent d'un véritable arsenal, dont deux blindés et cinq hovercraft militaires, puis détruisent les radars de la base et se replient. Les Tigres reconnaissent 470 morts, mais leurs pertes réelles sont à coup sûr beaucoup plus élevées.

1994
Avril : les Tigres submergent une base srilankaise dans le district de Batticaloa (est de l'île) : 42 militaires tués. Ce même mois, campagne de bombes dans des hôtels de luxe de la région de Colombo.
Août : les sociaux-démocrates gagnent les élections législatives, Mme. Chandrika Kumaratunga devient premier ministre.
Septembre : levée partielle du blocus économique de la péninsule de Jaffna; un cessez-le-feu informel entre les Tigres et l'armée srilankaise s'instaure peu à peu. Le même mois, attaque d'une vedette-suicide des Tigres de mer contre la plus grosse unité de la flotte srilankaise, un patrouilleur de 330 tonnes. 25 marins tués. Pillé, puis brûlé, le navire part à la dérive.
Octobre : les Tigres envoient 400 guérilleros dans l'Est de l'île, précédemment reconquis et stabilisé par l'armée. Le même mois, assassinat (bombe humaine, banlieue de Colombo, 57 morts) du candidat du principal parti d'opposition aux élections présidentielles, Gamini Dissanayake. Tout accuse les TLET, qui nient toute implication dans l'affaire.
Novembre : les Tigres annoncent officiellement un cessez-le-feu unilatéral, du fait de l'élection de Chandrika Kumaratunga à la présidence de la République srilankaise, sur un programme de paix avec les Tigres.
Décembre : à son tour, le gouvernement srilankais propose une trêve aux Tigres, qui acceptent. Le même mois, le vice-président d'un parti tamoul modéré, Karaiva Kandasamy, est assassiné (armes à feu, à Colombo). Tout accuse les TLET, qui nient toute implication dans l'affaire.

1995
Janvier : les négociations de paix reprennent, alors que le harcèlement des Tigres contre l'armée n'a pas cessé depuis novembre 1994. Les Tigres profitent de la trêve pour se réimplanter à l'est de l'île, dans la région d'Ampara.
Avril : fin de la trêve. Deux unités-suicide des Tigres de mer coulent deux patrouilleurs de la marine srilankaise dans le port de Trincomalee; 12 morts, 23 blessés. Le blocus sur Jaffna est réinstauré, alors que les tirs de mortier et de roquettes se multiplient sur les bases militaires du nord-est de Ceylan, ainsi que les embuscades des Tigres sur des patrouilles de militaires et de policiers. Ce même mois, Vilupillai Prabhakaran écrit, à propos de l'attentat d'Oklahoma City, à l'ambassadeur des Etats-Unis à Colombo : " Quand un peuple est persécuté et désespéré, la frustration et la rage le contraignent à recourir à la violence." A la fin du mois, les Tigres attaquent plusieurs bases au nord de l'île : 20 morts chez les militaires.
Mai : les Tigres abattent, à l'aide de missiles sol-air, deux avions de transport Hawker-Siddeley “Avro” de l'armée srilankaise; 100 morts au total. Peu après, P. V. Narasimha Rao, le premier ministre indien, déclare que l'usage de ces missiles par les Tigres est "effrayant". A la fin du mois, 500 Tigres submergent une base militaire isolée de la province de Batticaloa (est de l'île); 26 soldats tués.
Juin : Les Tigres de mer coulent un cargo mixte civil affrété par la Croix-Rouge. Un marin est noyé. dans une lettre d’ ”excuses”, V. Prabhakaran parle d’ ”incident ennuyeux”...

Juillet : L’armée srilankaise lance 10 000 hommes à la reconquête de la presqu’île de Jaffna : 4 brigades d’infanterie, des avions, chars, hélicoptères, navires, etc. L’opération “bond en avant” est d’une extrême violence et 250 000 tamouls fuient les combats. Les Tigres abattent un bombardier léger Puccara avec un missile sol-air. Fin juillet, l’armée srilankaise est à 6 km. de la ville de Jaffna, tandis que les Tigres multiplient les attaques dans l’est de l’île (Batticaloa, Trincomalee) pour tenter de soulager leur “zone libérée”.
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