Les TLET, terrorisme et "bombes humaines"
 
 
  
“Question : M. Prabhakaran, on dit que tous vos combattants portent au cou une capsule de cyanure : est-ce un bobard ? 
V. Prabhakaran : C’est vrai. Nous avons adopté cette règle dès l’origine. Nombre de nos camarades ont ainsi sacrifié leur vie. Mais ainsi, nous n’avons presque pas de prisonniers... Ce faisant, nos guerriers protègent ceux qui nous aident... La capsule de cyanure est le symbole de notre détermination... Elle nous donne la force de sacrifier notre vie pour notre cause.”
“The Hindu”, Madras, 5 septembre 1986.
  
 

D'abord, cette réalité effrayante : dans l'histoire du monde, nulle autre guérilla, dégénérée ou fidèle à ses idéaux d'origine, nul autre groupe terroriste, n'a réussi à assassiner un chef d'Etat (Ramasinghe Premadasa, Sri-Lanka) et une personnalité d'une envergure politique comparable à celle de Rajiv Gandhi, héritier d'une dynastie indienne illustre, chef de l’opposition au moment de sa mort et ancien premier ministre de la "plus grande démocratie au monde", ce hors du territoire qu'elle contrôle directement. Pire : entre 1989 et 1994, les TLET ont assassiné tous leurs principaux ennemis - sans jamais revendiquer aucun de ces crimes - en s'offrant même le luxe de démentir toute implication dans cet ensemble inouï de meurtres et de massacres.

Juillet 1989 : Appapilai Amirthalingam et Vettivelu Yogeswaran, deux dirigeants du Font uni de libération tamoule (modérés), sont assassinés par balle à leur domicile.

Mars 1991 : le ministre de la Défense srilankais, Ranjan Wijeratne meurt dans l'explosion d'une voiture piégée.

Mai 1991 : Rajiv Gandhi participe à un meeting politique dans la ville de Sriperumbudur, au Tamil Nadu indien, proche de Madras. Une jeune femme s'apprête à le ceindre d'une guirlande et fait exploser une ceinture de 2,5 kilos de C4 qu'elle porte sous son sari. 20 morts déchiquetés, dont Rajiv et la terroriste, dont on ne retrouve que la tête... et une pastille de cyanure qu'elle portait au cou, marque caractéristique des Tigres. Dans la ville indienne de Bangalore, la police encercle en août 91 les responsables du meurtre de R. Gandhi. Les 11 Tigres se suicident tous au cyanure, sauf le chef du groupe, Raja Arumainayam, abattu par les forces de l'ordre. Au printemps 92, la police judiciaire fédérale indienne inculpe Vilupillai Prabhakaran du meurtre de R. Gandhi, ainsi que le chef des services spéciaux des TLET. La justice indienne publie alors un document de 49 pages, plus 400 pages d'annexes, démontrant la responsabilité directe des Tigres dans l'attentat. Rajiv Gandhi a payé sa "trahison" envers les Tigres, lors de l'intervention de la force indienne de paix au Sri-Lanka (1987-90, voir chronologie, p 22).

Novembre 1992 : le chef de la marine srilankaise, le vice-amiral Clancey Fernando est assassiné par un motard-suicide, qui fait exploser une forte charge de plastic au moment de l'impact.

Avril 1993 : le chef de l'opposition srilankaise (Front national démocratique unifié), Lalith Athulathmudali, 57 ans, est assassiné par balles non loin de Colombo, lors d'une réunion électorale. Le meurtrier, Kandiah Ragunathan, un tamoul de Jaffna âgé de 25 ans, se suicide au cyanure peu après l'attentat. Athulathmudali avait été responsable de la lutte contre les Tigres quand il était ministre de la sécurité nationale, de 1987 à 1991.

Mai 1993 : Ramasinghe Premadasa, 68 ans, président du Sri-Lanka depuis décembre 1988, est assassiné, avec 16 membres de son état-major, alors qu'il participe à un défilé du 1er mai. L'auteur du massacre est Kulaweerasingham Veerakumar, 14 ans, un Tamoul de Jaffna. Comme pour Rajiv Gandhi, on ne retrouve que la tête du terroriste et sa pastille de cyanure. Premadasa a payé une tentative de rapprochement avec les Tigres, suivie d'une rupture.

Octobre 1994 : Gamini Dissanayake, candidat du parti national unifié (conservateur) à l'élection présidentielle, hostile à des pourparlers avec les Tigres, participe à un meeting non loin de Colombo. Le scénario-Gandhi se reproduit : une jeune femme, Mme. Pushpalamar, provoque un carnage en se faisant exploser au premier rang de la salle : 57 morts, dont le candidat, et 200 blessés. Dans le sac à main de la terroriste, une pilule de cyanure au bout d'un lacet et une photo du candidat. L'époux de la "bombe humaine", M. Ravindran, comme elle un Tamoul de Jaffna, est impliqué dans la préparation du meurtre de R. Premadasa.

Décembre 1994 : Karavai Kandasamy, ex-guérillero tamoul ayant abandonné la lutte armée et fort critique des TLET, vice-président d'un parti modéré, est assassiné par balles non loin de son domicile de Colombo.

retour | suite