Patriotisme basque

(Du même ouvrage)2

(...) " Pionniers de la démocratie ibérique jusqu'en 1936, les Basques sont devenus incapables de comprendre que les activistes de l'ETA n'ont jamais fait qu'oeuvrer contre celle-ci. Le nombre moyen de leurs victimes n'avait jamais dépassé la vingtaine au cours de chacune des années précédant la mort du général Franco, en 1975. Il est passé à près de soixante en 1977, cent vingt environ en 1979 et 1980, et à une cinquantaine par an depuis lors. Ce massacre n'empêche pas les Basques de professer à 54% - selon une enquête de 1979 - une opinion favorable envers ces ennemis déterminés d'une démocratie toujours fragile (la proportion de leurs admirateurs atteint même 72% chez les jeunes de 18 à 24 ans). Plus gravement, cette sorte d'acquiescement populaire débouche sur un rejet du principe démocratique lui-même. Les Basques d'origine votent en majorité pour des partis liés aux terroristes. Ils se révoltent à l'idée que ces derniers puissent subir le même sort que les gardes civils, les témoins gênants ou les socialistes "castillans" qu'ils mitraillent.

Au-delà, ces anciennes victimes de "l'impérialisme espagnol" se transforment elles-mêmes en impérialistes . Voisine du Pays basque, la Navarre comprend une minorité de langue basque. Cela justifie à leur yeux qu'on la considère tout entière comme telle et qu'on exige son rattachement au Pays basque. Des droits historiques incertains sont invoqués dans cette perspective, qui font litière de la décision que les Navarrais pourraient prendre dans un scrutin d'autodétermination. Les habitants du territoire autonome d'Euzkadi récusent cette procédure à 43%; ils le font même à 66% lorsqu'ils se considèrent comme de souche basque sans mélange de sang castillan. Les Navarrais n'ont pas à être consultés. Ou, s'ils l'étaient, leur avis ne compterait pas face à la conviction des Basques. Présentée comme l'un des points d'aboutissement de la dynamique démocratique et comme une réparation des torts causés aux minorités périphériques par l'Etat centralisateur, la résurgence politique de ces minorités se traduit dans le cas basque par l'autoritarisme effronté d'une volonté de domination presque raciste.

(...) S'identifiant aux plus nordistes qu'eux, en l'occurrence aux Français, les Basques espagnols ont vécu jusqu'à la guerre civile de 1936 dans une sorte de quant-à-soi démocratique qui prétendait tourner le dos aux convulsions révolutionnaires ou dictatoriales des malheureux Castillans et des folâtres Andalous. Le mépris qu'ils ont grossi de la sorte les enferme aujourd'hui dans le ghetto de leur vindicte anti-démocratique. La démocratie espagnole les froisse plus encore que ne le faisait la dictature du général Franco. Celle-ci respectait au moins leurs idées reçues sur le manque d'esprit civique de leurs compatriotes et ennemis. "
 

2 LECTURE : «Le peuple contre la démocratie» Guy Hermet Fayard, 1989 -312 p -140 f.

 retour | suite