LES FORMES D'ORGANISATION
 

Les formes d'organisation découlent de l'analyse de la situation. Nous ne rejoignons pas l'analyse de la GP et du PCMLF qui prévoient une fascisation "par le haut", considérant que l'appareil judiciaire possède un arsenal de lois qui permet toutes les répressions.
Mais l'Etat n'en est pas faible pour autant. En 68, on n'a pas vu de soldats aux côtés des manifestants, on n'a pas vu non plus de contestation dans la police sur son rôle et ses missions. De plus, l'Etat bourgeois s'appuie également sur l'appareil PC-CGT qui dispose d'une police d'usine.
Tout en reproduisant -de manière assez lâche- les formes d'organisation de tout parti bolchévik, nous étudions les expériences antérieures de résistances à la pénétration de la police et à ses services de renseignements. La période de la seconde guerre mondiale est intéressante mais ne peut être appliquée mécaniquement (en cela, nous divergeons avec la GP). En revanche, la période "classe contre classe" (1928), quand le PCF subissait les attaques de Chiappe nous motives plus. On y trouve des similitudes avec notre propre sectarisme.
 

La première mesure consiste à adopter un pseudonyme. Au début, il est demandé d'en adopter deux, un pour l'organisation interne et un autre pour le travail de masse. La mesure ne tient pas, entre les trous de mémoire et les quiproquos. Il n'y aura qu'un seul pseudo. Mais quel pseudo ! Tel qui possède un prénom courant (François, Bernard, etc…) en adopte un fort voyant (Gontran, Emile, etc…). On ne compte plus les Joseph (à cause de Staline), les Fabien (à cause du Colonel). On demande même à certains camarades de raser leurs moustaches afin de paraître le plus neutre possible.
Tout participant à une réunion doit obligatoirement s'assurer qu'il n'est pas suivi en faisant le tour du pâté de maison avant d'y pénétrer. Chacun obéit, mais comme on n'est jamais filé, la mesure tombe en désuétude.
Les communications téléphoniques sont déconseillées sauf en cas d'absolue nécessité.
Il apparaît très vite que le pseudo n'est d'aucune protection puisque les militants continuent d'intervenir à visage découvert dans les facs et lycées (peu chez nous) ou dans les banlieues populaires. Il est alors décidé, sur proposition d'une unité de province qui adopte déjà ce principe, de séparer les "publics" des "non-publics" qui ne sont pourtant pas clandestins pour autant. Ces "non-publics" -dont des étrangers- se consacrent à des tâches d'étude, ce qui les coupent du travail pratique.
 

En fait, ceux qui doivent le plus se dissimuler sont les militants ouvriers vivant dans les municipalités communistes. Il apparaît que le PC a son propre service de renseignements. un camarade apprend par son délégué CGT que sa femme le trompe (et avec des détails croustillants). Un autre subit le chantage au logement bon marché.
Une conférence nationale, fin 71, élit une Direction Nationale (3 membres) qui désigne un Secrétariat permanent (2 membres parisiens). Le contact avec la direction se fait par l'intermédiaire d'une adresse postale (une sympathisante). Mais le style de vie des années 70 fait que tout le monde se rencontre lors de "stages de formation", "journées d'étude", "commissions" sur tel ou tel sujet (Femmes, immigrés, DOM/TOM, mouvement anti-impérialiste) ainsi que le comité de rédaction du journal (imprimé par nos soins et qui reste sans couverture légale durant 2 ans). Pour ne rien dire des rencontres fortuites dans les librairies progressistes.
 

L'organisation manque de discipline, le cloisonnement fonctionne mal. Ceux qui prennent les tâches techniques en main absorbent une partie du pouvoir qui échappe à la direction. En fait, toujours talonné par le sentiment d'urgence, le militant trouve que le travail n'est pas effectué correctement et se propose pour plus de tâches, ce qui se fait au détriment de son travail politique, de son travail professionnel, de sa vie personnelle (surtout s'il est marié) et aussi de l'étude des textes et documents. La direction perd une partie de son autorité au profit des "techniques".
Une véritable guerre des ronéos sévit dans le mouvement révolutionnaire. Nous planquons quelques machines chez des progressistes pour continuer à sortir des tracts au cas où la répression s'abattrait sur nous.
(N'eut-il pas mieux valu monter une radio-pirate ? A ce propos, les radios libres, du temps de leur splendeur illégale, reproduisaient quelque peu le mode de fonctionnement des groupuscules à la fois par leurs rapports internes et leur manque de convivialité. Il est vrai que de nombreux ex-révolutionnaires se sont reconvertis dans le "radiolisme").

 
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