Que ce soit exprimé verbalement ou par écrit, le fait
suivant est ressenti comme immuable : l'état de clandestin n'est
pas aisé, ni agréable ; c'est une contrainte, une "nécessité
historique" jamais un plaisir. Une vie morne, usante pour les nerfs qui
devient de plus en plus pénible au fur et à mesure de sa
durée. Enfin, le choix d'en sortir n'est pas libre. C'est une roue
dentée qui ne tourne que dans un seul sens.
Le clandestin est souvent un idéaliste, qui trouve un moyen de
pratiquer une forme dévoyée de l'ascèse. Ce n'est
pas un esprit concret : il est rarissime que le clandestin réfléchisse
à l'ordre social post révolutionnaire, ou écrire sur
ce thème.
Le clandestin est un homme de la rupture et de l'exil : son refus de
compromis avec la société existante fait qu'il s'en retranche
radicalement. Forme de régression vers des types sociaux primitifs,
la clandestinité -micro société grégaire vivant
dans un état permanent de menace- offre une ressemblance forte avec
des comportements archaïques, de … tribaux ou claniques. Cette régression
est sans doute la meilleure réponse possible aux situations dans
lesquels les groupes humains à la limite de la plongée dans
l'illégalité se sont mis eux-même.
Dans ce processus, un élément essentiel : l'idéologie.
Il y a en effet une liaison structurelle idéologie/clandestinité.
L'idéologie produite est avant tout à usage interne : elle
a un rôle autojustificatif et autovalorisant. De ce fait, elle nous
apprend beaucoup sur l'organisation et sur ceux qui la composent.