Chapitre III - Exportation des violences urbaines hors des quartiers « en sécession » 

C'est l'un des principes établis des études sur l'insécurité: un noyau suractif composé

d'un petit groupe de malfaiteurs peut générer une insécurité galopante dans toute un quartier voire une ville. C'est ce que Sébastian Roché, chercheur au CNRS, enseignant à l'Institut d'Etudes Politique de Bordeaux et auteur de nombreux ouvrages sur l'insécurité, notamment « La délinquance des jeunes »104, explique en ces termes. « Les enquêtes autodéclarées confirment la suractivité délinquante (...) il existe bien un petit pourcentage de jeunes qui commettent 50% à 80% des délits, selon leur degré de gravité. Et environ 5% des jeunes ayant une activité délinquante réalisent entre 30% et 60% du nombre total des faits délinquants. Ce noyau suractif a une capacité de nuisance bien supérieure à son poids. Il n'en faut pas beaucoup pour désorganiser une classe ou même un quartier d'une ville. Et comme les plus actifs sont impliqués dans de nombreux actes, dont les trafics, ils ont tout intérêt à repousser les gêneurs (...) Ils peuvent exercer une tyrannie de la minorité sur les lieux qu'ils occupent ou qu'ils traversent (...) Azous Begag et Reynald Rossini disent que, dans les banlieues, on les appelle les « gremlins » : ils recherchent l'affrontement dans toutes les situations, la démonstration physique servant d'argument. Ces délinquant affirmés et voyous notoires sont aussi nommés des « cailleras » (racaille) par les jeunes des cités. » Ce noyau dur surdélinquant développe très vite son influence au-delà de la cité ou du quartiers. Celui- ci devient bien souvent une base arrière, tandis que le « business » se fait ailleurs. C'est ce qu'explique ce commissaire des Renseignements Généraux du Val d'Oise : " Ces zones de non-droit mettent en lumière une nouvelle géographie de la délinquance urbaine. Elle voyage, frappe dans les trains les bus, les gares, les RER, dans les villes voisines, mais épargne souvent ses repaires". 105

Le sentiment d'impunité qui existe chez des jeunes (parfois des enfants) de ces

quartiers ne disparaît pas une fois qu'ils sont dans les métros et les centres-ville. Les plus astucieux quittent la petite délinquance pour entrer dans le milieu et créer dans leur cité leur petite entreprise de criminalité organisée. D'autres profitent de ce terreau pour, dans des caves qu'ils changent en mosquées de fortune, recruter des islamistes et leur proposer d'aller se former au combat en Bosnie ou en Afghanistan pour se préparer à « la Djihad » 106.

 

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104 Editions du Seuil, octobre 2001

105 op. cité. Le Parisien, 17 février 1999

106 La djihad, signifie pour les musulmans « combattre » pour « la cause de Dieu ».