B. La criminalité astucieuse

Les nigérians se sont faits les spécialistes d'escroqueries en tous genres. Même les services de répression sont admiratifs : "leur seule limite ? L'imagination !". Ces fraudes et arnaques frappent des victimes dans le monde entier. Selon le FBI, il existerait d'ailleurs au Nigeria des "écoles du crime", destinées à former les escrocs. On y enseigne comment obtenir des documents d'identités, frauder les établissements bancaires,... mais aussi à réagir lors d'arrestation et à se comporter devant le Tribunal.

L'importation frauduleuse de marchandises :

Il s'agit pour des escrocs nigérians de commander des marchandises, généralement en Europe, qui ne seront pas règlées mais revendues sur place. La commande se fait avec de faux documents commerciaux issus de compagnies privées ou de banques. L'importateur est soit une fausse entreprise, soit une entreprise existante mais dont les documents ont été contrefaits. Dans ce cas, l'adresse du siège social est modifiée au profit d'une Boîte Postale anonyme. Les escrocs présentent des faux documents de paiement ou de crédit prétendument émis par des banques nigérianes et faussement garantis par des banques étrangères (souvent en Grande-Bretagne). Ces faux chèques ou faux crédits documentaires sont des faux intégraux ou des contrefaçons.

De même, il existe une importante fraude sur le pétrole, dont le Nigeria, rappelons-le, est un important producteur. Se fondant sur des documents contrefaits (notamment des certificats d'origine, de quantité et de qualité ou encore lettres de crédit), des sociétés occidentales (notamment aux Pays-Bas, abritant d'importants terminaux pétroliers54) achètent des cargaisons entières mais totalement fictives. S'il existe bien des cargos pétroliers en route vers l'Europe, les documents les concernants sont faux et une même cargaison peut être vendue plusieurs fois : d'abord légitimement, ensuite frauduleusement grâce à des faux documents. Ces escroqueries sont facilitées par des complicités au sein de la "Nigerian National Petroleum Corporation" et des compagnies de transport maritime. Le chargement de pétrole est règlé à son arrivée au port de destination, après une expertise indépendante concernant la quantité et la qualité du pétrole (pour un cargo moyen, ce prix est estimé à 15 millions de dollars minimum, soit 17,5 millions d'euros). Mais certaines charges doivent être payées lors de la commande (entre 300.000 et 1,7 million de dollars - 350.000 à 2 millions d'euros)55 : c'est sur ce terrain que les escrocs agissent.

Le système du "wash-wash" :

Les escrocs présentent à des hommes d'affaires crédules un procédé chimique leur permettant de transformer de simples bouts de papiers en billets de banque (en général des dollars). Une démonstration est opérée sous leurs yeux : un récipient accueillant la fameuse solution chimique, un liquide trouble, cache au fond un vrai billet. Les escrocs utilisent un papier spécial qui se dissout justement dans cette solution : ce papier disparu lors du trempage, il convient alors de récupérer le vrai billet. Le liquide miracle et secret est alors vendu entre 400 et 800.000 FRF56 (de 61 à 122.000 _) aux victimes57 : ceux-ci se retrouvent avec de l'eau colorée et les escrocs sont déjà loin. Cette escroquerie a un autre avantage : se sentant ridicules, les victimes portent rarement plainte... A noter que d'autres groupes criminels utilisent également cette technique en France : des cas d'escrocs zaïrois ou yougoslaves ont ainsi été signalés, en général quand les victimes se sont vengées physiquement. En avril 1999, la police de Californie arrête un ressortissant nigérian soupçonné d'avoir tenté d'escroquer un homme d'affaires local de 1,8 million de dollars (2,1 millions d'euros). Celui-ci avait rencontré au Cameroun des "représentants du gouvernement nigérian" qui lui avaient proposé de lui vendre le "liquide magique". En mars 1999, un canadien est délesté de 130.000 dollars (152.000 _) à Accra (Ghana). Il avait prêté cette somme à un homme se disant zaïrois et fils d'un général du Président Mobutu, général tué pendant la guerre civile. Cet homme disait avoir en sa possession une forte somme en francs CFA qui avait été volontairement maculée d'une substance spécifique pour éviter qu'elle tombe entre les mains des rebelles. L'argent était donc nécessaire à l'achat du liquide chimique. L'homme d'affaires canadien a cru à cette histoire et n'a pas revu son argent. Il n'y a pas eu d'arrestation mais on sait que ce réseau est également actif en Côte d'Ivoire, en Sierra Leone et au Nigeria. En mars 2001, un agent du Secret Service, agissant sous couverture, permet l'arrestation d'un escroc nigérian à Houston. Victor Okiti cherchait à lui vendre le fameux produit miraculeux pour 18.500 $ (plus de 21.000 _). Des cartes de crédit et des documents d'identité volés ont également été retrouvés chez cet escroc.

La Fraude aux avances de paiement :

C'est en fait la véritable "spécialité" des organisations nigérianes. Ces escroqueries sont appelées "419", du nom de l'article du Code Pénal nigérian qui les réprime. Il s'agit en fait de propositions financières par lettres58, fax et maintenant e-mail, envoyés à travers le monde et proposant une commission de plusieurs millions de dollars pour opérer des transferts d'argent. Si des victimes, alléchées par l'appât du gain facile, répondent positivement, les escrocs leur demandent alors des avances de fonds sur ces opérations (en anglais : "Advance Fee Fraud"). Des excuses sont avancées pour justifier ces "avances techniques" : taxe préalable à l'importation, avance de commission, taxe de change sur transfert de fonds, corruption d'un officiel, droits de licence, frais d'enregistrement... Ces lettres expliquent en général qu'une personne a, pour des motifs plus ou moins avouables (commissions occultes, fraude fiscale,...), de 30 à 90 millions de dollars (entre 35 et 105 millions d'euros) à faire sortir du pays. Pour celà, on demande à la victime l'autorisation d'utiliser son compte bancaire en échange de 15 à 40% de la somme. Les escrocs espèrent que la victime, attirée par une récompense finale de plusieurs millions de dollars, est prête à débourser entre 4.000 et 6 millions de dollars59 (de 4.700 à 7 millions d'euros) selon les cas et la richesse des victimes.

Caractéristiques habituelles des "Lettres Nigérianes"

les enveloppes (souvent brunes) n'ont pas d'adresse retour ;
l'adresse est écrite à la main ;
les lettres sont en général adressées au "President" ou au "CEO" sans indication de nom précis ;
les lettres sont barrées "urgent" ou "confidential" ;
les expéditeurs ont des titres ronflants : "Doctor", "Chief", "Colonel", "Prince", "Ingénieur", ...;
les propositions financières sont de 30 à 90 millions de dollars (de 35 à 105 millions d'euros) pour une commission de 15 à 40%.

Parfois, les victimes les plus crédules sont invitées à rencontrer leurs interlocuteurs au Nigeria (on leur demande en général d'apporter des cadeaux, notamment des montres "rolex" et des téléphones portables). En fait, les pays d'accueil ont évolué progressivement : d'abord le Nigeria puis des pays voisins d'Afrique Occidentale et depuis quelques années l'Afrique du Sud. Il y a alors une mise en scène d'effectuée par les escrocs pour faire croire à une véritable réunion d'affaires : accueil à l'aéroport, hôtels chics, voitures de luxe,... Il est également arrivé que la victime soit accueillie à l'aéroport de Lagos par des "représentants officiels" puis escortés par des motards de la police vers des bâtiments publics où les escrocs, bénéficiant de complicités60, avaient "loué" un bureau officiel61. Le but de la man_uvre est de soutirer d'avantage d'argent à leur victime ainsi mise en confiance. Si la personne refuse de collaborer, les escrocs n'hésitent pas à le séquestrer et à le brutaliser62 : la victime doit alors opérer un transfert de fonds en faveur des fraudeurs. Ses documents d'identités (notamment passeport) sont également récupérés et vraisemblablement réutilisés, notamment par les trafiquants de drogue63, qui se servent de ces fraudes pour financer le trafic64.

Cette escroquerie a d'abord ciblé les entreprises. L'information des milieux d'affaires ayant limité leurs actions, les fraudeurs nigérians ont développé leurs activités vers les particuliers et les associations caritatives. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une variante de la fraude : les lettres envoyées font part d'héritage en faveur de ces associations caritatives ou religieuses. Une nouvelle fois, des avances sont nécessaires pour toucher cet argent. Ainsi, en 1993 et 1994, plusieurs milliers de lettres ont été envoyées à des organisations caritatives annonçant la mort d' "Harry Olsen", originaire du Texas et missionnaire au Nigeria. Ce mystérieux "Harry Olsen" laissait une somme des biens estimés à 3 millions de dollars65 (3,5 millions d'euros).

Il ne s'agit pas d'une activité nouvelle : en août 1949, on signalait déjà des arnaques opérées par des étudiants nigérians aux Etats-Unis et au Canada. Il s'agissait alors de proposer des diamants, de l'ivoire ou de l'art africain contre de l'argent. De même, les plus classiques escroqueries "419" ont été signalées dans une note d'information de l'Office Belge du Commerce Extérieur dès 1965 !

Autre preuve de la grande ingéniosité et capacité d'adaptation des fraudeurs nigérians : les lettres suivent l'actualité. Ainsi, quelques mois avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine, des lettres frauduleuses envoyées de l'ancienne colonie britannique ont été envoyées à Londres : les escrocs prétendaient avoir de l'argent à faire sortir du pays avant l'arrivée de la nouvelle administration66. Lors de l'organisation du Championnat de Football Junior au Nigeria en 1999, de nouvelles lettres ont été envoyées soulignant que des sommes importantes liées à la rénovation des stades étaient bloquées à l'étranger. En août 2000, des journalistes de l'hebdomadaire français "Le Nouvel Observateur" reçoivent dans leur e-mail un message signé "Henriette Konan Bédié", femme du Président de Côte d'Ivoire renversé le 24 décembre 1999. Il s'agissait de transférer 35 millions de dollars (41 millions d'euros) déposés par le Président déchu dans une société spécialisée. Les escrocs, basés à Cotonou (Bénin), leur demandaient près de 85.000 FRF (13.000 _) pour les faux-frais, plus quelques cadeaux en nature (téléphones portables et montres). Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les escrocs font des faux appels aux dons pour financer la Guerre Sainte contre les américains et leurs alliés. 

Il existe également des lettres faisant explicitement référence à ce type d'escroqueries pour mieux les rejeter. Certaines victimes reçoivent également, plusieurs mois après l'escroquerie, une lettre des services officiels nigérians affirmant que leurs fonds ont été retrouvés. Pour les récupérer, les victimes doivent alors régler divers frais administratifs, qu'ils ne reverront évidemment jamais. Depuis quelques années, des lettres de menaces sont également envoyées : sous peine de mort, une certaine somme d'argent doit être déposée sur un compte bancaire avant une certaine date. La lettre prévient également que la victime est sous surveillance et qu'en cas de contact avec la police ou des tiers, des représailles pourront être exercés contre la famille. Il ne semble pas cependant y avoir eu de victime déclarée de ce genre de lettres... mais elles existent !

Autre exemple de l'adaptabilité des clans nigérians : comme en matière de stupéfiants, les Nigérians ont changé l'origine des lettres. D'abord le Nigeria, puis les autres pays d'Afrique occidentale et maintenant des pays comme l'Afrique du Sud, le Brésil, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne. Des européens d'origine sont également utilisés lors des rencontres pour endormir la méfiance des victimes (on retrouve ainsi la même évolution qu'en matière de trafic de drogue).

La plupart de ces lettres ou fax finissent directement à la poubelle mais les escrocs estiment que seuls quelques crédules suffisent à rentabiliser l'escroquerie. Et les escrocs font des envois massifs : entre avril 1998 et novembre 1999, près de 5 millions de lettres ont été interceptées par les services du seul aéroport JFK. Parmi les victimes, on peut citer le cas d'Edward Mezvinsky, ami du couple Clinton, ancien député de Pennsylvanie et ancien représentant américain à la Commission des Droits de l'Homme aux Nations-Unies. Cet avocat, spécialiste du droit fiscal, a versé plus de 5 millions de FRF (760.000 _) à des proches de Mobutu sur un compte espagnol. Malgré le milliard de francs promis (150 millions d'euros), Mezvinsky a dû se déclarer en faillite et sa femme a abandonné la course au poste de sénateur de Pennsylvanie. Pour tenter de contrer les escroqueries (et sans doute également dans une volonté de se dédouaner), les autorité nigérianes, notamment la Banque Centrale du Nigeria, font régulièrement publier des annonces dans les grands journaux occidentaux67 : 12 langues différentes dans 36 pays. En France, de telles annonces plutôt "agressives" ("Nous vous avons prévenus !"), ont été publiées dans France-Soir, Le Monde,...

Le Secret Service américain68 estime que cette fraude coûte annuellement plus de 100 millions de dollars (117 millions d'euros) aux entreprises et citoyens américains et à 3.000 le nombre de tentatives par semaine à travers le monde, à 50% à destination des Etats-Unis et de Grande-Bretagne69. D'autres observateurs parlent de 250 millions de dollars par an70 (292 millions d'euros). Aux Etats-Unis, le Secret Service reçoit plus de 100 coups de téléphone et entre 300 et 500 exemplaires de lettres chaque jour71. En 2001, la seule division de la Gendarmerie Royale du Canada de Toronto-Ouest reçoit 5 à 6 lettres par jour et une plainte par semaine pour ce genre d'escroquerie. Les services des Postes de Sydney (Australie) ont saisi entre août et novembre 1998 plus d'1,8 million de lettres nigérianes72. En juillet 1998, les Douanes australiennes saisissent un colis contenant 302 lettres nigérianes devant être postées en Australie à destination de Nouvelle-Zélande, des îles du Pacifique et des pays du sud-est asiatique. Des statistiques précises, y compris en France, sont difficiles à obtenir : en effet, peu de victimes portent plainte.
Deux raisons principales :
Les victimes ont honte d'avoir été piégées ;
Elles se sont engagées dans une opération illégale et frauduleuse dès l'origine.

Les rares plaintes n'aboutissent qu'exceptionnellement : les autorités nigérianes ne répondant pas aux demandes d'entraide internationale. Seuls les Etats-Unis réussissent à avoir un début de collaboration mais aucune extradition n'a encore été accordée pour ce type de délit73. Ainsi, en juillet 1996, l'opération "Sweep" est menée par le Secret Service et l'Unité Spéciale Anti-Fraude (SFU74) de Lagos : 40 personnes (des lampistes) sont interpellées et un million de lettres vierges à en-tête officiel sont saisies (ainsi que des véhicules, des fax, des faux billets de 100 dollars, des faux passeports, des faux chèques, des faux tampons administratifs,...). Ce n'est qu'en juin 2000 que le Secret Service a ouvert un bureau permanent à Lagos. Mais les enquêtes restent difficiles. Les noms des personnes citées dans les documents sont faux et les adresses imaginaires. Les numéros de téléphone et de fax sont les seuls indices possibles. Ce sont souvent des numéros GSM (indice téléphonique (234) 90) ou des numéros du quartier Surulere à Lagos, réputé comme le centre des opérations de ces fraudeurs (indice (234) 1.83). Outre les possibilités de domiciliation fictive au sein de "centres d'affaires", ces lignes téléphoniques sont très difficiles à contrôler du fait des raccordements pirates et de la corruption au sein de la société nationale de téléphonie "Nitel" ou du service des postes "Nipost"75.

Quelques affaires

Janvier 1996 : la police britannique arrête 5 personnes dont 3 nigérians. Ils sont soupçonnés d'être impliqué dans ces fraudes pour plusieurs millions de livres sterling, soutirées à plus de 400 victimes dans 60 pays76.
Juillet 1996 : un homme d'affaires suédois, attiré à Lomé (Togo) par des fraudeurs nigérians, est kidnappé et relâché 10 jours plus tard contre une rançon de 500.000 dollars (585.000 _).

Décembre 1997 : la police malaisienne démantèle un réseau de fraudeurs (dont le chef, porteur d'un faux passeport zimbabwéen, et deux étudiants). Actif depuis 1991, les criminels nigérians avaient escroqué des hommes d'affaires de Corée du Sud, de Nouvelle-Zélande, de Palestine, d'Autriche et de Malaisie.
Décembre 1997 : un américain de Floride est inculpé pour sa participation, via sa société, à des fraudes aux avances de paiement. Le réseau est soupçonné d'avoir obtenu plus de 20 millions de dollars (23,4 millions d'euros) auprès de victimes à Los Angeles, en Louisiane, en Grande-Bretagne, au Japon, en France, en Australie, en Autriche et à Hong-Kong. Il a accepté de témoigner contre ses complices basés au Nigeria et à Londres.

Octobre 1998 : 9 nigérians sont arrêtés en Côte d'Ivoire alors qu'ils "négociaient" avec un homme d'affaires japonais.

1999 : un américain de 77 ans, attiré au Bénin, s'est trouvé délesté de son passeport, ses billets d'avion et de 2.400 dollars (2.800 euros) en liquide. Il a ensuite été relâché contre le versement de 50.000 dollars (58.500 _).
Février 1999 : un ancien spécialiste en investissement de la Citybank à Auckland (Nouvelle-Zélande) est arrêté en relation avec une affaire de "fraude nigériane".
Juin 1999 : un homme d'affaires japonais réussit à s'échapper alors qu'il était séquestré. Attiré à Durban (Afrique du Sud) par des escrocs nigérians, il avait dû contacter son fils au Japon pour le versement d'une rançon de 50.000 dollars (58.500 _).
Juin 1999 : deux frères libanais nés au Nigeria sont jugés à Grasse (France) pour avoir blanchi l'argent provenant de la fraude aux avances de paiement. Deux comptes bancaires à Cannes (transit de 18 millions de FRF - 2,7 millions d'euros - en 6 mois) et 8 autres à Monaco ont été identifiés.
Novembre 1999 : la police sud-africaine intervient pour libérer un homme d'affaires roumain de 42 ans séquestré depuis 10 jours. Les 7 personnes arrêtées (5 sud-africains et 2 nigérians) pourraient être impliquées dans le meurtre d'un millionnaire norvégien de 65 ans en septembre et d'un canadien résidant à l'île Maurice en juin. Ils avaient été attirés en Afrique du Sud grâce à des "lettres 419".
Décembre 1999 : condamnation à 5 ans de prison à Düsseldorf d'un allemand d'origine nigériane. Il était le chef d'une bande ayant escroqué des américains, des australiens, des britanniques et des italiens depuis 1988. Six comptes en banque, pour un total de 1,62 million de marks (830.000 _), avaient été gelés mais on estime le gain de ce gang à plus de 200 millions de marks (102 millions d'euros) en Allemagne uniquement.
Décembre 1999 : 17 personnes sont arrêtées à Abidjan pour avoir escroqué au moins 50 hommes d'affaires ivoiriens. 315 enveloppes timbrées, 900 timbres, 200 lettres à en-tête, 40 cartes de visite ont été saisis ainsi que 10,9 millions de francs CFA (16.600 _).

Novembre 2000 : un homme d'affaires américain attiré à Bruxelles par des « cadres d'une banque nigériane » dans l'espoir de toucher une commission de 9 millions de dollars prévient la police. Celle-ci saisit des faux documents et 17.000 $ en liquide (115.000 FRF) et arrête 4 nigérians et un ancien avocat bruxellois. En novembre 2001, les escrocs sont condamnés de 18 mois avec sursis à 3 ans de prison dont deux aver sursis. L'ancien avocat est relaxé.

Février 2001 : la police belge interpelle 2 nigérians et un britannique. Ceux-ci sont soupçonnés d'avoir proposé à une trentaine de personnes à travers le monde des opérations de type "419". L'opération a eu lieu alors qu'un américain leur remettait plus de 340.000 FRF (51.800 _). Des "lettres nigérianes" et des faux chèques ont également été saisis.
Mai 2001 : la police kenyane intervient pour libérer trois américains détenus pendant plusieurs jours par un gang de nigérians. Les victimes avaient été attirées à Nairobi par des propositions financières envoyées par Internet.
Juillet 2001 : une opération menée par la Gendarmerie Royale du Canada et le FBI permet le démantèlement d'un réseau d'escrocs opérant depuis Toronto depuis 1993 (3 arrestations). 300 victimes (essentiellement en Amérique du Nord mais également en Asie et en Europe) ont été recensées pour des pertes allant de 52.000 à 5 millions de dollars (de 60.000 à 5,7 millions d'euros).

Un "baron 419" : Victor Okafor

Le jour de Noël 1998, Victor Okafor, dit "Ezego", meurt dans un accident de voiture, le jour même de son 34ème anniversaire. Ce millionnaire Ibo de Lagos était soupçonné d'être un important "parrain" nigérian, largement impliqué dans la fraude aux avances de paiement. Sa fortune lui a permis de construire une luxueuse villa-bunker dans sa ville natale d'Ihiala : c'est là qu'il se rendait le jour de sa mort pour y fêter son annviversaire avec ses invités dont le "roi de l'Afrobeat", Femi Kuti. Il avait quitté Lagos avec ses proches et ses gardes du corps à bord de six voitures dont une Porsche et une Limousine. Mortellement blessé, "Ezego" a été amené dans un hôpital qui avait reçu une importante donation de sa part quelques années auparavent.

Cette mort de parrain est à la hauteur de sa "carrière". Issu d'une famille aisée, "Ezego" est chassé par son père après sa première arrestation comme membre d'un gang de braqueurs qui terrorisaient les commerçants locaux. Il gagne alors Lagos en 1989 et devient en moins de 10 ans un membre riche et influent de la jet-set locale. "Ezego" se lie ainsi à des officiers supérieurs de la police et de l'armée et à des hommes politiques influents. Ces contacts lui ont sans doute permis de développer un important réseau de fraude et de trafic d'armes. En 1997 cependant, il passe un an en détention après le démantèlement d'un trafic d'armes impliquant notamment des militaires. Sa libération n'avait fait qu'accroître sa légende au sein du milieu criminel de Lagos.

Les autres fraudes :

Les clans nigérians sont également impliqués dans diverses escroqueries, notamment aux assurances. En février 1997, 10 nigérians et 2 américains ont été inculpés à Tampa (Floride) suite à une fraude à l'assurance accidents de 2 millions de dollars (2,35 millions d'euros). En juin 1997, une enquête de la Lloyd's permet de révéler la fraude de 5 nigérians résidants aux Etats-Unis et prétendument accidentés à Port-Harcourt (Nigeria). Ils espéraient toucher 400.000 dollars (469.000 _). Un des fraudeurs était connu aux U.S.A. pour vol à main armée et deux autres pour des fraudes à la carte de crédit. En juillet 1999, le Procureur Fédéral à Atlanta annonce l'inculpation de 17 personnes (nigérians et américains d'origine nigériane) pour une vaste fraude aux assurances. Les fraudeurs utilisaient une société de casse automobile pour prétexter des dommages matériels et de faux certificats médicaux pour les dommages corporels77.

Ils sont également largement présents dans les fausses déclarations de perte de bagages auprès des compagnies aériennes, notamment américaine. Les compagnies aériennes doivent également faire face à de faux-billets d'avions, dont les organisations criminelles nigérianes sont aussi des spécialistes.

Les clans nigérians sont également actifs en matière de fraude à la carte de crédit. Les renseignements confidentiels nécessaires à la création de ces cartes sont récupérés par divers moyens frauduleux. Il s'agit d'abord et tout simplement de récupérer des documents dans les conteners de papier à recycler des institutions financières. Les clans nigérians pratiquent également la corruption d'employés pouvant leur apporter de telles informations (employés des Postes ; des banques et services financiers ; des hôpitaux ; des sociétés d'assurance ;...). Ce genre d'informations confidentielles est également disponible sur Internet sur certains sites de pirates. En janvier 1997, la police du Maryland (Etats-Unis) procède à l'arrestation d'une douzaine de nigérians impliqués dans un vaste réseau de fraude à la carte de crédit. Fait rare, deux de ces criminels sont également impliqués dans une affaire de meurtre. En mars 1998, la Garda (police irlandaise) démantèle un réseau de fraude à la carte de crédit. Les escrocs se sont procurés frauduleusement des composants informatiques, des bijoux, des vêtements de marques, des billets d'avion long-courrier,... Les escrocs nigérians, qui avaient des contacts à Londres, ont recruté des irlandaises travaillant dans des hôtels, des stations-services et des restaurants pour obtenir des numéros de carte de crédit78. En août 1999, 3 nigérians (sous fausse identité britannique) sont arrêtés dans un magasin de luxe du quartier des Champs-Elysées à Paris. Ils venaient d'acheter 25.000 FRF (3.800 _) de vêtements avec des cartes de crédit volées. Une perquisition dans leur chambre d'hôtel a permis la découverte de 11 autres cartes volées et des faux-papiers79. Les fausses cartes de crédit permettent également la location de voitures (notamment aux Etats-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne), revendues ensuite en Afrique via les ports britanniques. La police britannique estime que ce type de fraude ou le vol classique de voitures rapporte 40 millions de livres (65,7 millions d'euros) par an aux organisations nigérianes et ghanéennes agissant sur leur territoire80. En 1996, les autorités belges estimaient qu'il existait plus de 1.000 cartes de crédit contrefaites en circulation dans le pays. Celles-ci, fabriquées par les organisations nigérianes à Londres, étaient acheminées en Belgique via des cellules nigérianes à Louvain. En mai 2001, la police de Durban (Afrique du Sud) arrête 7 personnes impliquées dans un réseau de fraude à la carte de crédit81. Des biens pour une valeur d'un million de FRF (150.000 _) étaient achetés chaque mois avec ces fausses cartes puis revendus contre de l'argent liquide, à la moitié ou aux tiers de leur valeur.
Autre exemple de la capacité des organisations nigérianes à manipuler les personnes : la fraude au mariage ou aux sentiments. Les plaintes sont encore plus rares que pour les escroqueries 419. L'arnaque consiste à séduire une femme occidentale en vue d'obtenir divers avantages de sa part. L'escroc prétexte notamment des frais urgents à régler alors qu'il se trouve dans l'impossibilité technique de débourser cet argent. Sur promesse d'un remboursement ultérieur, la victime accepte le prêt d'argent avant de s'apercevoir de la disparition de l'escroc (qui s'est bien sûr présenté sous une fausse identité). L'art de l'escroc est dans ce cas de réussir à maintenir une relation en se découvrant le moins possible pour éviter toute future identification par la victime ou la police.

Les faux :

Ä faux documents d'identités :

Les activités de trafic de drogue et l'immigration clandestine, ainsi que l'ensemble des autres activités illicites, nécessitent l'utilisation de faux documents d'identités. Ceux-ci sont obtenus soit par le vol de vrais documents (notamment par les victimes de fraudes "419" se rendant en Afrique de l'Ouest), soit par la contrefaçon (d'excellentes qualités selon les spécialistes). En 1997, les experts internationaux estimaient que la criminalité nigériane s'était "procurée" 82.000 passeports britanniques et plus d'un million de permis de conduire. En février 1997, les autorités britanniques rappellent 4 employés de leur bureau des visas de Lagos : on estimait à l'époque que le visa britannique était revendu 3.000 dollars (3.500 _). Les services diplomatiques européens installés au Nigeria estiment que 80% des pièces présentées à l'appui des demandes de visa sont fausses. Outre des accords en matière de cocaïne, il apparaît également que les Posses jamaïquains se fournissent en faux papiers auprès des nigérians. En Alabama, la police a saisi des publications expliquant aux "cellules" nigérianes comment obtenir de faux documents d'identités, fausses cartes de sécurité sociale, faux certificats de naissances,...82 En mars 2001, la Garda (police irlandaise) arrête un nigérian de 35 ans et saisit 60 certificats de naissance vierges. Cette arrestation est liée à une autre, opérée quelques jours plus tôt à l'aéroport d'Amsterdam. Les deux nigérians en cause sont soupçonnés d'être impliqués dans un réseau d'immigration illégale. En août 2001, la police du Niger interpelle à la frontière avec le Nigéria un ressortissant de ce pays avec 16 faux passeports (libériens, guinéens, bissau-guinéens et sénégalais). Les faux documents sont également utilisés dans le trafic de véhicules volés. Les gangs nigérians sont en effet présents dans cette activité, notamment en Grande-Bretagne. Les voitures sont ensuite acheminées au Nigeria et en Afrique Noire via l'Espagne. Plusieurs affaires ont montré en Grande-Bretagne l'implication de réseaux nigérians dans la fraude aux aides sociales.

Äfaux timbres :

Il s'agit en fait d'une criminalité annexe aux fraudes financières. L'envoi de lettres "419" à travers le monde coûte très cher : les fraudeurs préfèrent donc fabriquer de faux timbres et de faux cachets. Ces faux (assez grossiers) ne sont pas interceptés par les services postaux nigérians, complicité passive ou active oblige. Les agents de l'US Postal Service en poste à l'aéroport JFK de New-York ont reçu une formation spécifique pour détecter ces faux83.

Äfaux chèques et chèques volés :

Les organisations nigérianes se sont également lancées dans la fabrication de faux chèques utilisés un peu partout dans le monde mais surtout en Afrique. Le vol de chéquiers est également une activité importante. En mars 1997, l'inspection postale américaine a démantelé un réseau nigérian ayant volé plus de deux millions de dollars (2,34 millions d'euros) grâce à des chéquiers volés lors de leur expédition vers un établissement bancaire de Boston. Des chèques ont été encaissés dans des banques de Boston, de New-York, d'Austin, de Houston et de Riga, en Lettonie. En mai 1998, la police canadienne démantèle un réseau de chèques volés et contrefaits dans l'Ontario. Actif pendant 15 mois, le réseau a réussi à obtenir frauduleusement des biens d'une valeur de 23 millions de dollars canadiens (17,5 millions d'euros)84. En mars 1999, 3 nigérians qui tentaient de négocier 25 millions de francs CFA (40.000 _) en travellers chèques dans une banque de Dakar (Sénégal) sont arrêtés. Les chéquiers avaient été volés en Afrique du Sud. En mai 1999, à Indianapolis, la police procède à l'arrestation de 18 personnes dont le chef du réseau, un américain d'origine nigériane. Ils sont accusés d'avoir volé 152.000 dollars (178.200 _) à des banques grâce à des chèques contrefaits. En juin 2000, le FBI arrête 9 personnes (surtout des nigérians) impliquées dans un réseau de faux chèques. Les chèques étaient volés lors d'envois postaux ou directement au siège de grandes sociétés (comme Toyota ou Disney) puis contrefaits pour des montants nominaux allant de 10.000 à 2 millions de dollars. Ces sommes (d'un total estimé à 40 millions de dollars - près de 46 millions d'euros) étaient ensuite déposées sur des comptes aux Etats-Unis, en Indonésie, au Sénégal, en Allemagne, en Grande-Bretagne et à Hong-Kong.

Äfausse monnaie :

Les organisations criminelles nigérianes produisent également de la fausse monnaie : notamment la naira nigériane85 mais aussi le dollar ou la livre sterling. En février 1999, 5 hommes d'affaires nigérians, soupçonnés d'être à la tête d'un important réseau de faux-monnayeurs, sont arrêtés à Abidjan. Se livrant également aux escroqueries 419, les faussaires ont fabriqué plusieurs millions en faux billets de 100 dollars. Lors de leurs arrestations dans un hôtel 5 étoiles de la capitale ivoirienne, ils étaient porteurs de plus de 24 millions de faux dollars (28 millions d'euros). Leurs complices, un libérien et deux sierra-léonais, se livraient également à la contrebande d'or et de pierres précieuses. En août 2001, la police de Zinder (au Niger, près de la frontière avec le Nigéria) arrête 8 nigérians porteurs de 15 kg de haschisch et 900.000 francs CFA (1.373 _) en fausses coupures de 10.000 ; 1.000 dollars (1.093 _) en fausses coupures de 100 et 465.000 dinars algériens (6.492 _) en fausses coupures de 1.000.

Page précédente | Sommaire | Page suivante


54 En 1989 et 1990, les autorités néerlandaises ont recensées 35 affaires de fraudes maritimes ayant entraîné chacune des pertes de 300.000 à 2 millions de dollars (de 352.000 à 2,35 millions d'euros).

55 "International Shipping Fraud in the Trade in Crude Oil" - Interpol - 1990 et "Shipping Fraud with Crude Oil" - Interpol - 1991.

56 Un homme d'affaires japonais aurait même investi près de 40 millions de FRF (6,1 millions d'euros) dans un tel produit.

57 Voir notamment "Trends and Issues" n°121 (juillet 1999) de l'Institut de Criminologie Australienne.

58 Voir des exemples en annexe.

59 Postal Security Action Group Meeting - Union Postale Universelle - 23 novembre 1999.

60 Ainsi, le 5 janvier 2001, le Gouverneur de la Banque Centrale du Nigeria, M. Rasheed, est inculpé aux Etats-Unis pour parjure et faux-témoignage. Il est soupçonné d'avoir établi des comptes off-shores pour accueillir l'argent des fraudes.

61 "Stung by the African Mafia" - Daily Mail - 25 janvier 1992.

62 17 hommes d'affaires occidentaux (dont deux américains) ont été tués dans ce type d'escroquerie au Nigeria entre 1992 et 1999. Les services diplomatiques US ont du en outre secourir une centaine de leurs ressortissants, attirés au Nigeria.

63 Note de renseignement des Douanes Françaises - février 1995.

64 Selon Thomas Johnson, agent du Secret Service (dépêche AFP - 26 septembre 2000).

65 "Advance Fee Fraud" - Ambassade américaine à Lagos - novembre 1994.

66 Commercial Crime International - mai 1997.

67 Dont "The Times", "Financial Times", "International Herald Tribune", "The Wall Street Journal", "The Economist", "The New York Times", "The Washington Post",...

68 Agence fédérale en charge de la sécurité du gouvernement et de la lutte contre la fausse-monnaie et les fraudes financières.

69 Conférence Internationale sur la Criminalité Nigériane - Atlanta, juin 1997 et estimations du "Metropolitan Police Company Fraud Department" de Londres.

70 Audition de Jonathan Winer, secrétaire-adjoint aux "International Narcotics and Law Enforcement Affairs" devant le Sous-Comité sur l'Afrique du Comité des Relations Internationales - septembre 1996.

71 Présentation d'un projet de loi "Nigérian Advance Fee Fraud Prevention Act of 1998" devant la Chambre des Représentants - mai 1998.

72 Australian Associated Press - juillet 1999.

73 En matière de trafic de drogue, quelques personnes seulement ont été extradées... "Nigerian Organizations and White Collar Crime" - témoignage devant le Parlement américain - septembre 1996.

74 La "Special Fraud Unit" a été créée en 1993.

75 En mai 1999, 4 responsables du "Nipost" sont arrêtés pour leurs liens avec les fraudeurs.

76 ISR South East Asia - printemps 1996.

77 "Asset Forfaiture News" - publication de la section "Asset Forfeiture and Money Laundering" de la division criminelle du Ministère de la Justice américain.

78 "Irish Times" - 2 avril 1998.

79 "Le Figaro" - 17 août 1999.

80 "Car theft by african gang growing" - Office of International Criminal Justice - 1999.

81 Les cartes étaient achetées à un réseau de nigérians qui eux-mêmes les échangeaient aux contrefacteurs contre de la drogue ou les faisaient voler à des clients par des prostituées.

82 "Le Soir" - 19 septembre 1997.

83 Commercial Crime International - décembre 1998.

84 The Mississauga News - 17 mai 1998.

85 Une naira vaut 7 centimes ou 0,01 euro.