§2 Les activités opérationnelles

Les ressources financières, en partie issues des schémas évoqués précédemment, servent aux besoins liés à la clandestinité, corollaire du terrorisme.
La France est avant tout une zone logistique pour le terrorisme islamiste (1). Cependant, elle peut également constituer une cible. C'est ce que nous verrons à travers une tentative d'approche de la mouvance « Takfir » (2).

Pour mener à bien leurs projets, que ce soit en France ou à l'extérieur, les activistes islamistes évoluent le plus souvent dans la clandestinité. A partir de là, trois éléments sont particulièrement importants : les armes (a), les papiers (b) et les « planques » (c).

La France connaît bien le terrorisme islamiste, essentiellement du fait de la situation algérienne. De par notre histoire commune et une diaspora importante, les soutiens logistiques se font essentiellement à destination de l'Algérie. Ainsi, les trafics d'armes convergent essentiellement vers ce pays. La France n'est, dans la majorité des cas, qu'une zone de transit. Quoiqu'il en soit, nous sommes en présence de filières organisées, animées par des acteurs dynamiques.

L'exemple le plus abouti est peut-être le cas « Mamache/Mettai ». Cette affaire, datant de 1997, montre comment trois réseaux (GIA, Al Bakhoun Ala l'Had et Takfir wal Hijra) opposés idéologiquement, mais aussi militairement, sur le territoire algérien, ont pu se rapprocher ponctuellement, en France, pour fournir un soutien en matériels et en armes aux islamistes armés algériens.

Pour se donner une idée des circuits utilisés, il convient de se rapporter aux propos de Nacer Eddine Mettai. Lorsque les armes étaient aux Pays-Bas, un individu venait les chercher et les transportait à Zurich via l'Allemagne, en voiture ou en train. Une fois en Suisse, les armes étaient camouflées dans une voiture qui prenait la direction de Bergame, en Italie. Là, deux destinations différentes : Marseille ou Naples. Enfin, à partir de ces deux villes, départ pour l'Algérie (avec des variantes et des passages par la Tunisie ou le Maroc, pour ensuite rallier l'Algérie par la route).

Finalement, outre ce cas particulier mais significatif, on peut présenter la situation de façon schématique.
Il existe une répartition des rôles. L'Europe est ainsi découpée en trois zones :

Ce schéma est logique : on trouve « assez facilement » des armes, de relativement bonne qualité, à l'Est du fait des conflits récents dans les Balkans et de l'effondrement du bloc soviétique. Il est donc normal de voir circuler ces armes de l'est vers le sud-ouest.

Ceci met également en exergue une caractéristique fondamentale de ces réseaux logistiques : la transnationalité.
On va retrouver cet élément en matière de faux papiers.

La question des faux-papiers est une question fondamentale en matière de clandestinité. Ce sont eux qui permettent d'acquérir la liberté d'action (déplacements, achats...) nécessaire aux opérations.

Pour satisfaire ce besoin, des trafics transnationaux de faux-papiers sont mis en place. Un exemple nous en a été donné avec l'affaire du « Gang de Roubaix » déjà évoquée.

Il faut tout d'abord souligner que le « groupe de Roubaix » n'est qu'une composante de ce trafic international. Ainsi, on a identifié au moins trois autres groupes actifs en Europe et en Amérique du Nord liés à ce vaste réseau22.

L'enquête a également montré qu'il y avait deux catégories de pays :

S'agissant de la récupération des documents, différentes méthodes sont utilisées. Il y a d'abord le recours aux pickpockets. Ceci est efficace mais assez « artisanal ». Cette méthode est beaucoup utilisée en France.
Cependant, la demande étant importante, le recours à des démarches plus professionnelles a été envisagé. On a ainsi assisté à de véritables « hold-up/déménagements » de certaines administrations. Ce fut le cas en Belgique et en Italie où 6000 passeports italiens vierges ont été dérobés à Naples en 1996. On en a retrouvé en Bosnie, au Maroc, en Algérie...

La clandestinité suppose également l'existence de « planques ». Les groupes logistiques installés en France disposent donc d'appartements et de circuits bien rodés en vue de permettre l'accueil et l'exfiltration d'activistes.

Ainsi, Nacer Eddine Mettai a affirmé que son groupe disposait de plusieurs appartements à Marseille pour répondre à ce besoin.

L'exemple de la fuite des survivants du « groupe de Roubaix » (Lionel Dumont, Mouloud Boughelane, Hocine Bendaoui et Seddik Benbahlouli) est riche d'enseignements. Le réseau, fondé sur des connaissances personnelles, leur a permis de fuir la France après l'intervention des forces de l'ordre. On a retrouvé ces individus dans des pays comme la Turquie, la Bosnie et le Yémen.
On a pu ainsi se rendre compte de l'efficacité et de la célérité des procédures mises en place.

A noter que ces « immersions » d'individus recherchés sont facilitées pour les activistes islamistes du fait de certaines données culturelles fortes dans la communauté musulmane, comme la conception de l'hospitalité ou la notion extensive de famille.
Enfin, certaines cités deviennent de véritables sanctuaires pour les activistes entrés dans la clandestinité23. C'est ainsi que Nacer Eddine Mamache, bien qu'impliqué dans une affaire à Marseille, a été interpellé à Sartrouville en octobre 2001.

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22 SPA.

23 SPA.