V-2 Les trafics d'armes conventionnelles

La multiplication des guérillas, de l'hyperviolence dans le banditisme, les effets des embargos ont multiplié les occasions de mettre sur le marché non seulement des matières nucléaires, mais aussi, plus banalement, des armes conventionnelles que les arsenaux qui se sont déversé dans les Balkans et dans le Caucase depuis une dizaine d'années ont rendues accessibles. On peut d'ailleurs se demander si en l'espèce l'offre n'a pas suscité la demande, notamment de la part du grand banditisme : on n'a jamais tant utilisé le lance-roquette anti-char (LRAC, communément appelé bazooka) que depuis que cette arme collective a inondé le marché ex-yougoslave.

Nicolas MILETITCH dresse un tableau impressionnant des trafics dans la zone. Il donne notamment des indications sur les liens entre les arsenaux des factions bosniaques ou serbes et Cosa Nostra : les clans Santapaola (Catane) et Bruscia (Corleone) s'y fournissaient242 en armes diverses. Parallèlement, les mafias italiennes (Cosa Nostra, N'Drangheta et surtout Sacra Corona Unita) assurait un trafic en lien avec leurs homologues albanaises, kosovares, serbes, macédoniennes. Filières et vecteurs étaient identiques à ceux de la drogue, des cigarettes et des clandestins, notamment ces petits canots automobiles surpuissants qui traversent en moins d'une heure la mer Thyrénnienne.
Si pour l'essentiel les clients sont des figures du grand banditisme, surtout pour les armes de poing ou d'épaule (pistolets, pistolets mitrailleurs, fusils d'assaut dont l'emblématique Kalachnikov, fusils de précision des snipers) les factions paramilitaires ou terroristes constituent un autre volet de la clientèle. La police italienne a ainsi « mis en évidence des liens entre des trafiquants d'armes serbes arrêtés en 1995 près de Padoue (...) et une organisation paramilitaire de la région de Venise soupçonnée de préparer des attentats terroristes contre des bases de l'OTAN dans le nord de l'Italie243 ».

En France même, le grand banditisme enveloppé dans les oripeaux de l'islamisme se fournit dans ces réseaux : le « gang de Roubaix » était dirigé par un ancien militaire français de la SFOR244. Au demeurant des soldats de toutes nationalités des unités engagées dans les Balkans ont alimenté le trafic. Au Tremblay-en-France (Seine-St-Denis) la police a découvert une trentaine d'armes (dont des copies d'Uzi et de Kalachnikov) et 3000 cartouches chez un employé administratif se disant « collectionneur »245.

En France, durant l'année 2000, la police a mis la main sur 26 LRAC et une cinquantaine de fusils d'assaut Kalachnikov. Le prix moyen d'un LRAC à usage unique se situe aux alentours de 3.000 Euros (20.000 F) ; celui d'une Kalachnikov, de 500 Euros (3.300 F.). Fin novembre 2000, la police découvre à Nanterre (Hauts-de-Seine), en perquisitionnant dans l'appartement du patron, d'origine yougoslave, d'un centre de contrôle automobile 11 lance-roquettes de fabrication yougoslave sous licence soviétique de modèle PGP M80 de calibre 64 mm. Dix se trouvaient encore dans leur emballage d'origine, l'autre en démonstration246. La valeur estimée de cet arsenal est d'environ 220.000 francs (33.000 Euros). On imagine les effets d'un tir de ce genre d'engin, ou d'un plus puissant encore (mortier, RPG 22), sur un TGV, un avion, un site de stockage de produits chimiques ou de carburants, un ouvrage d'art (viaduc de Garabit, pont de Normandie, dans un tunnel routier, etc.).

En Tchéchénie, les militaires russes s'étonnent (vraiment ?) du nombre d'hélicoptères abattus. Peut-être trouveraient-ils dans la lecture de la lettre confidentielle TTU une réponse à leurs inquiétudes : un char T-72, deux lance-roquettes multiples Smerch et d'autres équipements lourds ont été découverts par le FSB dans le hangar d'une société privée de la banlieue de Moscou, fin août 2002247.

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242 Nicolas MILETITCH, op. cité, pages 67 ssq.

243 N. MILETITCH, op. cité, page 69.

244 Stabilisation Force, coalition multinationale engagée sous la direction de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine en 1993-1995.

245 Le Figaro, 14 juin 2002.

246 Xavier RAUFER : l'explosion criminelle. Editions Valmonde, janvier 2002, page 57.

247 TTU Europe N° 419, 12 septembre 2002.