Conclusion :

La dangerosité des gangs de motards criminalisés échappe encore aux cénacles politiques et à l'opinion publique242 (exception faite du Canada et des pays scandinaves). On peut regretter l'absence de mobilisation des pouvoirs publics, sous-estimant largement le danger et l'influence des organisations criminelles en général et des gangs de motards en particulier. Quand mobilisation il y a, c'est souvent - en France en tout cas - une « mode » liée à un évènement particulier, à une véritable analyse de fond : la Commission d'enquête parlementaire sur l'implantation de la Mafia italienne en France243, créée au lendemain de l'assassinat à Palerme des juges anti-mafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino en été 1992, a fait certaines propositions, jamais concrétisés ; aujourd'hui, la « mode » est aux "Mafias Russes" ; demain sans doute oubliera-t-on les mafieux russes et italiens pour découvrir de nouveaux ennemis... Pour les pouvoirs publics, un problème non-visible est souvent un problème qui n'existe pas (il est parfois officiellement nié).

Les services de répression locaux, régionaux et internationaux ont cependant su installer des instruments de lutte contre cette forme récente de crime organisé. Une réaction face aux motards existe aussi au niveau international, notamment sous l'impulsion de la Gendarmerie Royale du Canada et de son Service Central de Renseignements Criminels, relayée depuis peu par les services de répression scandinaves. La police canadienne a notamment mis en place en 1999 une "hot-line" téléphonique d'assistance pour la lutte anti-motards et destinée à ses agents confrontés au problème sur le terrain. Depuis les années 70, il existe une structure informelle regroupant les policiers intéressés à la lutte contre les motards : il s'agit du « International Outlaw Motorcycle Gang Investigators Association ». Plus officiellement, I'O.I.P.C.-Interpol a mis en place le projet « Rockers »244 centralisant et diffusant aux services concernés l'ensemble des informations recueillies sur les bandes de motards. Ce projet (repris par Europol au niveau régional) permet également aux policiers de divers pays de se rencontrer, de se connaître et donc de se contacter directement, sans devoir passer par la voie officielle et administrative. Car, en France notamment, la lutte contre les motards est souvent le fait d'individus plus que des services eux-mêmes. On peut parler, pour la France, de 2 ou 3 personnes intéressés au niveau national. C'est actuellement la Direction Centrale des Renseignements Généraux qui s'occupe du problème : mais ces enquêteurs travaillent également sur d'autres dossiers et ont du mal à mobiliser leurs collègues de province pour la remontée d'information. Interrogés pour ce travail, certains craignent que la mobilisation des pouvoirs publics ne survienne qu'en conséquence d'événements sanglants. Il semble regrettable qu'il n'y ait pas, en France, de véritable structure de renseignement criminel tel que l'on en trouve dans d'autres pays245 et que la D.S.T. n'ait même pas de sous-direction, ni d'unité, spécialisées dans les affaires de grande criminalité organisée.

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242 A notre connaissance, un seul article de fond (c'est à dire ne faisant pas écho, de manière réactive, à des affaires précises en France ou à l'étranger) a traité du problème criminel des H.A. dans la presse française. Voir « le Point » du 26 août 1997.

243 Commission parlementaire présidée par François D'Aubert qui a demandé la création d'un « Observatoire parlementaire sur la Mafia » puis une enquête parlementaire sur l'implantation "mafieuse" russe sur notre territoire. Rien dans ce domaine pour l'instant...

244 Actuellement dirigé par une représentante scandinave.

245 Par exemple : le "National Criminal Intelligence Service" britannique, le "Service Central de Renseignement Criminel" canadien, les départements "analyse" des diverses agences fédérales américaines, la "direzione investigativa antimafia" italienne,...