Les entités dangereuses du monde actuel ne sont pas invincibles

Nous connaissons les dangers avérés du monde réel. En vrac : terrorismes, mafias, grands trafics mondiaux (êtres humains, stupéfiants, armes, véhicules), guérillas dégénérées, guerres de bandes, zones hors-contrôle, fanatismes meurtriers, finance criminalisée. Voici ce qui est vraiment menaçant aujourd'hui. Ces périls clairs et identifiés, nous les avons déjà radiographiés et disséqués cent fois en grands détails 5 : inutile d'insister sur la diversité et l'allure chaotique de la menace.

Pris ensemble, les dangers réels du monde actuel sont la face noire de la mondialisation ; une réaction - ce qu'est la fièvre pour un être humain - à l'effondrement brutal de l'ordre bipolaire en 1989-91. Ils constituent les symptômes visibles du chaos mondial qui règne depuis lors.

Exemple, la piraterie maritime. Depuis l'antiquité, la piraterie signale les périodes de chaos mondial. En Méditerranée, elle fait rage dès la chute de l'empire Romain et durant le haut Moyen-âge. Les pirates réapparaissent lorsque s'effondrent les royaumes musulmans d'Espagne, les corsaires-moujahidines - souvent des Maures chassés d'Espagne - virant à la piraterie après un épisode de « jihad maritime ». Quand s'abolit l'ordre mondial (en 1989-90), la piraterie resurgit vite, et s'aggrave depuis lors, dans l'absence de tout ordre mondial reconnu (ou subi...).

Pris un par un, nul des dangers ci-dessus évoqués n'est insurmontable. Projetées à l'échelle européenne avec l'appareil judiciaire ad hoc, des techniques policières classiques, en _uvre de longue date à l'échelle nationale, règleraient vite la majorité des problèmes criminels ou terroristes déclarés. Sur ces méthodes séculaires et fort efficaces, mentionnons l'enquête sur l'attentat « à la voiture piégée » (un chariot de foin, un baril de poudre) contre Napoléon, le 3 nivôse an IX (24 décembre 1800) 6, modèle insurpassé à ce jour de toute investigation antiterroriste.

Affirmons aussi que le terrorisme peut se vaincre. Pour preuve, voir en annexe le récit de l'insurrection des Sikhs au Penjab indien (1978-1994). Peu d'entreprises terroristes au monde furent plus meurtrières et sophistiquées - Indira Gandhi, alors premier ministre, assassinée le 31 octobre 1984 ; un Boeing 747 d'Air India détruit en vol le 23 juin 1985 (325 morts) ; assassinats et attentats par milliers - mais le gouvernement indien parvint quand même à l'emporter.

L'objectif de la « communauté internationale » est donc tout tracé : juguler le chaos et donner à la Terre un nomos (statut). A mesure où l'ordre s'imposera et comme toujours dans l'histoire humaine, les dangers actuels se résorberont, au minimum s'atténueront. Disparaîtront-ils ? Non bien sûr. Mais ils passeront sous le seuil de l'insupportable. Terrorisme, crime organisé, territoires hors-contrôle et flux illicites mobiliseront toujours les gouvernants, militaires, fonctionnaires, magistrats, officiers de renseignement - mais l'homme de la rue pourra le plus souvent les oublier.

Reste le problème crucial : comment résorber les menaces, déclarées et émergeantes, ce de façon efficace, humainement et financièrement supportable par la société ?

 

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5 Voir notamment « Dictionnaire technique et critique des nouvelles menaces » collection Défense & Défis Nouveaux, PUF, sous la direction de Xavier Raufer, 11/1998. Et « Insécurité intérieure et défense nationale », tribune libre d'Alain Bauer et Xavier Raufer, Le Figaro, 27 novembre 1997.

6 « La police parisienne de Napoléon », Jean Rigotard, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, 1990.