Annexe 1 - Une guerre terroriste au Penjab indien, 1978 - 1994 14

Avant-même l'indépendance de l'Inde et du Pakistan, soit dès 1947, le rêve d'un Etat Sikh indépendant (baptisé Khalistan) hante certains Sikhs du Penjab indien, mais surtout des émigrés Sikhs de Grande-Bretagne, du Canada et des Etats-Unis.

Au Penjab indien, l'agitation pour l'indépendance du Khalistan débute au printemps 1978. Les bandes nationalistes du prêcheur fondamentaliste J. S. Bhinderanwale commencent à assassiner des modérés Sikhs, pour eux, « collaborateurs » des Indiens. Notons qu'en 1977, le général Zia ul-Haq a pris le pouvoir au Pakistan. Dès lors, ses services spéciaux fournissent une aide massive aux rebelles Sikhs, depuis la partie pakistanaise du Penjab et sa métropole, Lahore.

La terreur indépendantiste gagne les villes et les campagnes du Penjab indien (113 assassinats en 1981-83). En juillet 1982, Bhinderanwale et ses partisans rejoignent, dans l'occupation du Temple d'Or d'Amritsar (le plus sacré des sanctuaires Sikhs), les partisans d'une autre bande nationaliste, le Babbar Khalsa. En avril 1983, A. S. Atwal, N°2 de la police du Penjab, est abattu par des khalistani sur les marches même du Temple d'Or. De janvier à mai 1984, on compte 300 assassinats de civils au Penjab.

En juin 1984, Indira Gandhi rompt avec la politique d'apaisement des khalistani. Elle ordonne à l'armée d'évacuer le Temple d'Or. Nommée « Blue Star », l'opération tourne au massacre : le sanctuaire est en ruines ; un millier de victimes, dont nombre d'innocents. L'insurrection Sikh débute réellement cet été-là. En octobre 1984, Indira Gandhi est assassinée par deux de ses gardes du corps Sikhs. A New Delhi, des pogroms anti-Sikhs font plusieurs milliers de victimes.

Durant l'été 1985, des élections au Penjab indien donnent la victoire aux Sikhs modérés de l'Akali Dal - qui, dès novembre suivant, libèrent tous les « prisonniers politiques » de la province. Peu après, les fanatiques ré-occupent le Temple d'Or d'où ils publient (le 29 avril 1986) une « déclaration d'indépendance du Khalistan ». Dès lors et jusqu'au printemps 1988, de 100 à 300 civils sont assassinés chaque mois dans la province.

En avril 1988, K. P. S. Gill (Sikh lui-même) est nommé chef de la police du Penjab. Le mois suivant, il fait évacuer - en douceur cette fois - le Temple d'O et entame une répression ciblée et efficace : 1 266 assassinats politiques au premier semestre 1988, et « que » 688 au second.

Au plan politique cependant, les fanatiques Sikhs gagnent les élections locales de 1989. En 1990, 506 policiers sont abattus au Penjab, ainsi que 19 de leurs proches. En 1990 et 91, 5 058 civils sont assassinés dans la province - il y en avait en 5 070 de 1978 à 1989. K. P. S. Gill opte alors pour la poigne de fer : intégrations des forces police-armée, saturation militaire des zones pro-khalistani, surtout la nuit. Surtout, Gill pratique délibérément les « éliminations sélectives ». En 1990, 1 320 terroristes sont tués par la police, 2 177 en 1991. En 1992, 136 cadres et chefs khalistani sont abattus.

Fin 1992, hormis quelques poches près du Pakistan, la province est à nouveau contrôlée par les forces indiennes. Fin 1993, le gouvernement amnistie les terroristes repentis. En 1994, l'insurrection est matée.

 

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14 Voir « Defeating a terrorist movement : lessons from Punjab, 1978-1994 », Journal of international security affairs, winter 2003. Pour un éclairage favorable aux Khalistani, voir « The Sikhs of the Punjab, unhrard voices of state and guerrilla violence », Joyce J. M. Pettigrew, Zed books, London, 1995.