Annexe 2 - Un exercice pratique de décèlement précoce :

Extraits de l'introduction de l'étude Le tour du monde des islamistes, concernant en réalité la salafiya, publié dans le mensuel L'Histoire de septembre 1998, soit juste trois ans avant les attaques du World Trade Center et du Pentagone.

« Dans notre société où l'information, la communication, jouent un rôle si important, il est frappant de voir comme des entités immenses et dangereuses peuvent passer parfaitement inaperçues - et longtemps, encore. Tel est le cas de la salafiya, l'un des grands courants islamistes transnationaux avec l'Ikhwan (Frères musulmans) et le Tabligh. Prenez les grands quotidiens anglo-saxons, ceux-là même qui consacrent des pages entières au terrorisme d'Etat iranien, aux attentats du Hamas palestinien : jamais un mot sur le courant salafiste. Au point qu'on doute : ces grands médias savent-ils seulement que la salafiya existe ? ...

Cette étude a donc pour premier objet de combler ce vide. Le second est d'exprimer une inquiétude. Il se trouve que le courant salafiste - y compris ses avatars les plus violents - est traité par l'Arabie Séoudite, le Pakistan et les Etats-Unis avec une réserve telle qu'elle passerait aisément pour de la bienveillance. Un seul exemple, mais significatif : les Taliban s'emparent-ils de Kaboul ? Toute l'Asie (à l'exception du Pakistan) s'inquiète. Mais c'est un « développement positif » pour Washington.

Derrière toutes sortes d'événements dispersés du Maghreb à l'Asie centrale, on sent ainsi comme une vaste combinazione bénie par les Etats-Unis, visant d'abord à rendre aux « gentils » (Arabie Séoudite, Pakistan) le contrôle du courant islamiste sunnite qui lui échappait depuis la guerre du Golfe.

Oui mais si la mariée était trop belle ? Si Washington était entraîné par Ryad et Islamabad dans l'un de ces jeux complexes où l'orient musulman excelle - mais où les Etats-Unis ont toujours pataugé ? Un jeu "à la libanaise" dans lequel une communauté rusée - baptisons-là A - s'allie à B, puissance plus considérable (mais plus naïve) qu'elle, dans le seul but de contraindre cette dernière à régler ses propres comptes.

Concrètement : et si l'Amérique, aujourd'hui, à la fois aveuglée par sa phobie anti-iranienne et sous le charme des "experts ès-islamisme" séoudiens et pakistanais, ne voyait pas plus la salafiya monter en force qu'elle n'avait vu hier venir la révolution islamique à Téhéran, confiante qu'elle était à l'époque en la science des « experts » de la Savak, les services spéciaux du shah ?

Et si l'opération Taliban n'était que la dernière édition en date d'un jeu afghan classique entre tous, qui voit en fin de compte le « sponsor » extérieur berné et dépouillé ?...

Et si la grandiose man_uvre américano - séoudo - pakistanaise échouait ? Et si des sunnites fanatiques s'étaient simplement servis de Washington pour affaiblir - sinon détruire - ce centre de pouvoir chi'ite qu'est l'Iran ? Leur objectif atteint, salafistes, Taliban, etc. auront-ils encore la moindre raison de continuer à écouter les sirènes du Département d'Etat ?

Le monde - avec nos trois conjurés dans la posture toujours drôle de l'arroseur arrosé - ne risquerait-il pas de se retrouver bientôt face à un islamisme plus violent, plus intraitable encore que ceux connus à ce jour, et dont le GIA algérien d'aujourd'hui ne serait qu'une pâle ébauche ? » (ce dernier paragraphe, souligné par nos soins).

 

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