2°) Dangers du « politiquement correct » pour la défense d'un pays

La libre circulation des idées est impérative dans la société. Toutes les hypothèses et propositions doivent pouvoir être exprimées sans obstacle ni censure. Mais le rôle d'un Etat conscient de sa mission fondamentale doit être de protéger ses instruments les plus sensibles - défense, renseignement - des ravages provoqués par les lubies, modes, idéologies et autres diktats bienséants nés du demi-monde intellectuel et véhiculés par les médias. Car insistons : dans une société ouverte, l'armée, les services spéciaux ne vivent ni dans une forteresse, ni dans la stratosphère - leurs officiers tirent au contraire la majorité des informations leur permettant de penser, non de notes ou de rapports secrets mais de médias, qui ne jouent pas toujours dans ces affaires un rôle positif.

. Ainsi, la médiasphère n'a qu'une explication pour le crime ou le terrorisme : c'est la misère qui les provoque. Cent études scientifiques ont été produites ces deux dernières décennies, montrant que dans le domaine du crime, il n'en est rien. Bienséante autant que romantique, l'affirmation est tout simplement fausse. Mais rien n'y fait. Et pour le terrorisme ? Après le 11 septembre, le serpent de mer des misérables sombrant dans le fanatisme refait surface - ce qui est grotesque. Voici le cas de Mohamed Rashid Daoud al-Owhali, exécutant de l'attentat contre l'ambassade des Etats-Unis à Nairobi (Kenya) en août 1998 (213 morts) 1. Il est né à Liverpool (Angleterre) en 1977, dans une famille saoudienne très aisée. Il a fait ses études supérieures à l'Université Mohamed bin Saud à Ryad, Arabie saoudite, d'où il a gagné un camp afghan d'al-Qaida. Au delà : Oussama ben Laden est-il né dans un bidonville ? Ses parents sont-ils des exclus ? 15 des 19 « bombes humaines » du 11 septembre sont des saoudiens. Or le PNB de l'Arabie saoudite dépasse les 9 000 Euros par an. Tout saoudien dispose gratuitement d'un logement confortable, de toute la nourriture nécessaire, des soins les plus complets. Un rêve de social-démocrate scandinave. Où sont les damnés de la terre ?

. Encore : comment même penser le contexte afghan en censurant impitoyablement - pour ne pas choquer telle ou telle minorité - tout ce qui révèle la nature tribale ou clanique de la société dans ce pays ?


De fait, le "brouillard médiatique" - comme Clausewitz disait "brouillard de la guerre" - rend-il les phénomènes de fond de tableau invisibles aux systèmes d'information et de renseignement des Etats-nations, ou les leur laisse percevoir bien trop tard.

Ainsi, l'appareil d'Etat perd sa capacité à déceler les menaces. Perdre sa capacité à déceler, c'est se trouver dans l'incapacité de discriminer, d'écarter l'inutile, de sélectionner le pertinent, face à une masse d'informations, de théories, de faits de toute sorte ; de surcroît en constante et rapide évolution.

Exposé sans protection et sans antidotes au bombardement du « politiquement correct » et de l'angélisme, un appareil de défense ou de renseignement s'engourdit, perd sa capacité à déceler et diagnostiquer, s'égare dans le brouillard médiatique - finit par quémander l'approbation de CNN avant même de lever le petit doigt. Toute société humaine affectée d'une telle perte de sa capacité de pré-vision ne peut plus compter que sur une intelligence de l'événement à peu près purement rétrospective. Ce qu'on a vu le 11 septembre 2001.

1 Voir « Suicide bomber who funked martyrdom » Financial Times, 29/11/01.

 

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