Une attitude délibérément criminelle ? Non : plutôt la conviction que l'objectif des lois anti-blanchiment - criminaliser le recyclage de l'argent noir ou, au minimum, celui des profits du trafic de stupéfiants - est chimérique. Un raisonnement qui s'appuie sur des arguments qui ne sont pas sans valeur, et d'abord celui ci : le crime de blanchiment est sans doute le seul du code pénal sans victimes patentes. "En effet" souligne un haut fonctionnaire des finances "Si le cartel de Cali vient investir 100 millions de francs en France, qui lèse-t-il ? Dans notre pays en tout cas ? Personne. Un ministre cynique peut même se dire que cet argent fera tourner notre économie. Nous le rejetons ? Il va s'investir chez nos voisins - et concurrents directs.".
Cette absence de victimes claires et l'effroyable difficulté
à juger les affaires de blanchiment rendent, de fait, bien difficile
la mobilisation des opinions publiques. Par essence, recycler implique
en effet d'empêcher l'enquêteur de remonter à l'origine
criminelle des fonds. Le procès du dictateur panaméen Manuel
Noriega a montré comment on brouillait les pistes : de juillet à
octobre 1986, 22 millions de dollars divisés en plusieurs tranches
circulent ainsi entre Luxembourg, Zurich, Londres, Panama et Genève
et passent par six banques différentes, sur des comptes aux noms
délibérément indiscernables comme "Finlay International,
"Findlays", ou encore "Finleys international".