Profession : "blanchisseur"

Aujourd'hui, l'élargissement du champ du blanchiment - et l'énormité des sommes en cause - ont fini par donner naissance à un véritable métier : financier-criminel. Leur clientèle, ces "ingénieurs financiers" la rencontrent par le truchement de rabatteurs : policiciens corrompus, affairistes, gangsters, "conseillers en investissements", avocats marrons. Qui prospectent les "marchés" de la drogue et des armes, bien sûr, mais aussi ceux du vol des voitures à grande échelle, de la corruption et de l'évasion fiscale. Après réception des fonds "sales", les "recycleurs" vont, moyennant commission, promener l'argent de compte "offshore" en société-écran, jusqu'à ce qu'il soit impossible de retrouver son origine criminelle. Et qu'il apparaisse enfin, une fois réinvesti dans des pays développés - Amérique du nord, Europe, "dragons" d'Asie - comme le profit normal d'une affaire honnête.

Aujourd'hui, le "blanchisseur" d'argent sale exerce ses talents dans une ambiance de concurrence. Au coup par coup - et selon les montants en cause - des professionnels aux spécialités complémentaires se regroupent de façon fluide :
 

. Contrebandiers transportant de grosses sommes en espèces vers des centres "offshore" peu regardants,

. Changeurs, recevant dans un premier pays des espèces en une devise donnée et les restituant ailleurs dans le monde et dans une autre monnaie,

. Titulaires de sociétés-écran "complaisantes" et virtuoses des virements électroniques, enfin.
 

A ses clients importants - et réguliers - le "recycleur" prend un prix fixe déterminé. En général cependant, le blanchiment se paie à la commission : autour de 5% pour la contrebande; et de 8% pour le transfert électronique, plus sophistiqué. Mais une évolution est en cours, provoquée par la plus grande sévérité des contrôles, du moins dans les centres financiers majeurs : désormais, blanchir coûte plus cher. Et necessite des compétences telles que les criminels, qui recyclaient naguère, eux-mêmes, une grande partie de leur fonds doivent passer la main à des "pros" venus du monde de la finance ou du négoce international.

Des experts qui gagnent certes des fortunes, mais au prix de contraintes très sévères. Les "recycleurs" travaillant pour les narcos colombiens, par exemple, sont responsables sur leur vie de l'argent qu'ils "traitent", entre les Etats-Unis et sa restitution finale au cartel, en Amérique latine. S'ajoute à cela le respect d'une rigoureuse clandestinité : usage d'intermédiaires sans casier judiciaire, circuits financiers originaux à chaque opération de blanchiment, codes de communication différents avec chaque client ou associé, etc. Mais quels que soient les opérateurs, ou les techniques employées, le blanchiment ne fonctionne qu'à une échelle : celle de la planète toute entière.
 

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