VIOLENCE ET SOCIETE

Une société violente

La Corse est une île de violence. Ce lieu commun n’est pas un mythe. Sénèque écrivait dès l’antiquité : "Se venger est la première loi des Corses, la seconde de vivre de rapines, la troisième mentir, la quatrième nier les Dieux". Au siècle dernier, certains prêtres disent la messe avec un pistolet sur l'autel. Depuis 1825 les statistiques criminelles enregistrent avec constance le particularisme corse : une sur-criminalité importante (1). Le XXème siècle n’a pas gommé cette spécificité.

Ce particularisme régional incite à s’interroger sur la nature des rapports sociaux en Corse. Les conflits quelqu’ils soient dégénèrent vite en rapport de force. Le passe-droit fait office de droit, et le droit est souvent une solution subsidiaire par rapport à la violence. De ce point de vue, la lutte armée menée par le FLNC s’insère plutôt bien dans le paysage corse.

Une violence socialisée

Le nombre des attentats perpétrés en Corse est impressionnant : en moyenne plusieurs centaines par an. Tous ne sont pas le fait du FLNC, une partie est imputable à des conflits sans motivation politique mais s’abrite souvent derrière le Front. Il est vrai aussi que le Front ne revendique pas toujours les attentats qu’il commet, quand ils sont impopulaires.

C’est pourquoi pendant les périodes de trêve politique le chiffre global d’attentats chute, les privés comme les politiques. Il est ainsi difficile de tenir un compte exact des attentats par explosifs et des homicides -idem pour les rackets et les vols à main armés- imputables au FLNC. Les chiffres souffrent forcément d’approximation. Globalement de 1976 à 1989, le FLNC a revendiqué 3212 attentats sur un total de 6 243, et 28 homicides (2).

Cette violence s’est banalisée, institutionnalisée au fil des années (3). Elle n’émeut pas grand mode. Et beaucoup de Corses ne la condamnent pas tant qu’elle ne prend pour cible que des "pinsuts"...

Depuis 1976 cette violence connaît des cycles rythmés par les échéances politiques. Il y eut ainsi deux grandes trêves : d’avril 1981 à janvier 1982 et de juin 1988 à novembre 1989. Chacune de ces trêves a été l’occasion pour le FLNC de se restructurer et de reprendre son souffle après des années de répression.

La trêve est donc sans doute le moyen pour le Front d’obtenir l’indulgence des pouvoirs publics, indispensable pour que ses militants emprisonnés, ou sur le pont de l’être, retrouvent la liberté (loi d’amnistie, clémence du Parquet, non lieu providentiels à l’instruction, etc.). Une fois libérés et la trêve rompue -inévitablement car les revendications du FLNC sont inacceptables- le FLNC ressurgit renforcé.

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(1) J.C. Chesnais "Histoire de la violence" - Hachette 1981 - Collection Pluriel.
(2) Annexe 11 : La violence en Corse. Données chiffrées (Sources D.C.P.J. et D.C.R.G.)
(3) Annexe 12 : L’usage quotidien du plastic (Le Monde 14/02/1990)