I.4.2. Les pratiques de blanchiment de la criminalité organisée des Pouilles

Les différents clans de la SCU sont impliqués dans la contrebande de cigarettes, le trafic de stupéfiants, l’extorsion de fonds, les jeux de hasard et les filières d’immigration clandestine. Autant d’activités qui nécessitent de blanchir des sommes de plus en plus importantes, le plus souvent sous forme de liquidités.

La criminalité organisée des Pouilles ne semble pas avoir pour le moment une stratégie bien arrêtée pour ses activités de blanchiment et investit aussi bien dans des valeurs mobilières traditionnelles (bons du trésor par exemple) que dans des sociétés immobilières, des commerces et des petites entreprises locales.

Compte tenu de l’environnement économique très dégradé de la région des Pouilles, cette injection de capitaux criminels constitue une des rares sources d’investissement pour les collectivités locales et encourage la collusion entre les édiles locaux et les chefs de clans mafieux au nom de la paix sociale.

Pour recycler les capitaux criminels qu’ils investissent dans des sociétés, les clans de la Sacra Corona Unita ont recours à diverses techniques comptables de dissimulation : facturation de prestations fictives ou inexistantes, surfacturation de prestations déjà réalisées, évasion fiscale, corruption des fonctionnaires locaux, récupération forcée de sous-traitance sur des marchés et des appels d’offres publics ...

Le mécanisme de blanchiment le plus courant est le suivant : l’entreprise « en odeur de mafia » facture des prestations imaginaires (comme par exemple des prestations de service non effectuées) ou surfacture des réalisations réelles. L’entreprise cliente de l’entreprise mafieuse, honore ses factures dans les règles et veille notamment au bon paiement des taxes fiscales. L’entreprise mafieuse dégage alors une marge financière extorquée à l’entreprise cliente et peut justifier de l’origine régulière de cette recette. En 1994 , une enquête judiciaire menée par le parquet de Bari avait mis en évidence le recours à ce type de stratagème pour le blanchiment de fonds dans le secteur des cliniques privées.

Comme les autres organisations criminelles italiennes, les clans de la Sacra Corona Unita tendent à constituer des clubs d’affaires où se font et se défont l’attribution des marchés publics aux entreprises sous l’arbitrage de l’organisation criminelle. Cette propension à l’intermédiation corruptrice est caractéristique des organisations mafieuses. Elle nécessite une infiltration progressive des milieux politiques et économiques locaux (conseils municipaux, conseils d’administration des caisses locales d’épargne, de retraite ou de placement, chambres des métiers, etc ...). A l’exception de ses fiefs, la Sacra Corona Unita ne semble toutefois pas encore être parvenue à la maturité des organisations concurrentes en la matière.


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