INTRODUCTION

Le blanchiment d'argent représente aujourd'hui un sérieux danger pour l'économie mondiale ; il touche de plus en plus de pays nouveaux. Les criminels dans le monde entier ont tous plusieurs choses en commun : ils doivent blanchir leurs profits pour leur donner un semblant de légitimité, éviter la saisie des capitaux qu'ils ont acquis, échapper aux poursuites judiciaires et faciliter la fraude fiscale. Le blanchiment de capitaux est actuellement le secteur de criminel qui croît le plus vite. Il est régulièrement l'un des thèmes de l'actualité politique et économique au niveau international.

Les conséquences du blanchiment d'argent sont très néfastes aussi bien sur le plan économique que social. Économiquement, elles constituent une menace immédiate pour les institutions financières et pourraient représenter une menace grave pour l'ensemble de l'infrastructure financière internationale. Le système financier reposant sur la confiance, il suffirait que cet élément soit miné pour engendrer l'effondrement et la faillite de tout le système économique. Socialement, Il permet à des organisations criminelles de consolider leur pouvoir économique en pénétrant dans l'économie légitime. Lorsque les blanchisseurs investissent dans l'économie légitime, il est manifesté qu'ils essaieront de dominer ce marché et de porter leurs profits au maximum. Les perdants sont les autres milieux d'affaires et les consommateurs. Et à l'autre bout de la chaîne que se passe-t-il ? Une concentration du pouvoir économique par criminalité organisée peut très facilement se transformer en influence politique. Un tel pouvoir constitue en fin de compte un danger réel pour la prééminence du droit et de la démocratie.

La globalisation des marchés et la liberté croissante des mouvements de capitaux, quelle que soit leur origine ou leur nature, offrent actuellement des moyens faciles pour blanchir de l'argent acquis illégalement dans des activités diverses, entre autres : trafic de drogues, vente d'armes, prostitution, corruption, etc. Les progrès des techniques bancaires et la sophistication des télécommunications permettent en outre à l'argent de circuler facilement et anonymement par transactions électroniques, repoussant et dissimulant à l'infini les frontières de ce qui constitue enfin de compte un paradis de l'escroquerie.

L'ampleur du phénomène est considérable. Selon une étude publiée par le FMI en juin 1996, l'argent blanchi sur les marchés financiers représente plus de 500 milliards de dollars par an (2 700 milliards de francs), soit l'équivalent de 2% du produit brut mondial. Étant donnée la dissimulation de leur origine, les fonds blanchis sont difficiles à estimer. L'appréciation donnée est souvent rapprochée de ce qu'on appelle le ( trou noir ) des balances de paiement observé par le Fonds Monétaire International. Cette différence correspond à l'erreur statistique constatée lorsque les soldes des balances de paiements courants sont additionnés. Le solde mondial de l'ordre de 120 milliards de dollars devrait être nul, les excédents et les déficits devraient se compenser si les transactions internationales étaient correctement saisies ou recensées.

Certes, les mouvements occultes des capitaux blanchis ne sont pas les seules causes de ce déséquilibre, mais il est permis de penser que les deux phénomènes ne sont pas indépendants.

Ils peuvent de plus avoir des incidences graves sur la stabilité économique des pays dans lesquels ils sont investis. Même, le commerce électronique pourrait être utilisé à des fins de transactions illégales, soit ponctuelles, soit liées à la criminalité organisée. Le relatif anonymat, la rapidité des transactions, le caractère obsolète des contrôles mis actuellement en place peuvent faciliter la tâche aux criminels qui cherchent à travestir la provenance de leurs revenus illicites.

L'activité de blanchiment permet aux intermédiaires qui y sont impliqués de recueillir des bénéfices substantiels, alors que les risques de répression encourus restent encore limités. Selon différentes sources recoupées par Jihad Azour, un expert international « le blanchiment laisserait de 10 à 15% de marge aux banques qui se livrent à cette activité illégale (soit des gains estimés à 6 milliards de dollars) auxquels s'ajoutent 25% environ de marge qui reviendraient aux intermédiaires. »1

Ces montants expliquent pourquoi le système bancaire et financier hésite encore à se lancer dans une franche coopération avec les organismes chargés de la répression du blanchiment un crime qui est actuellement au centre des préoccupations des autorités réglementaires du monde entier et notamment de la communauté financière internationale.

L'apparition de nouvelles méthodes de blanchiment révèle la persistance d'un problème de fond : la responsabilité des intermédiaires financiers à l'égard de la société.
Les gouvernements doivent insister tout particulièrement sur la nécessité d'un engagement concret en matière de formation de la part de la communauté financière internationale. De même, si l'on désire renforcer le lien de confiance de la société envers le système financier, il est important que des normes claires soient définies, en matière de secret bancaire et de transparence des opérations financières. Seule la réflexion commune entre les autorités gouvernementales et les acteurs financiers peut garantir la répression et l'échec du recyclage de l'argent illicite.

La présente étude sera consacrée à la présentation et à l'analyse du processus et des techniques de blanchiment. Nous verrons que, hormis les techniques traditionnelles d'autres méthodes ont vu le jour.

Nous définirons dans une première partie le concept ainsi que ses principales sources. L'approche du phénomène ne pourra être appréhendée que par l'étude de son processus. Ainsi, dans une deuxième partie, nous présenterons les étapes complexes du blanchiment. Cette opération s'obtiendrait grâce à des mécanismes éprouvés qui changent souvent de dénomination mais qui, concrètement, restent immuables.

La troisième partie sera, quant à elle, réservée à la description et l'analyse des techniques et des typologies du blanchiment. Lors de notre exposé, nous appuierons notre étude sur des cas réels.

Enfin, dans une ultime étape, nous présenterons les technologies nouvelles utilisées dans le blanchiment.
 
 

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1Le Monde, 21 octobre 1997, p. 3.