L'escalade criminelle

L'escalade criminelle revient à apprécier la propension du tueur à basculer dans l'homicide ou à aggraver son passage à l'acte, alors qu'il n'en avait a priori pas l'intention. Elle s'apprécie au moment des faits, mais aussi à l'échelle d'une série ou d'une carrière criminelle.

Au moment des faits, l'exemple-type est celui du violeur compulsif. Il tue sa victime parce qu'elle s'est défendue ou qu'elle allait le dénoncer. Si le rapport d'autopsie fait état de nombreuses blessures ante-mortem, en particulier aux mains, aux avant-bras ou/et à la face, la victime a résisté à son agresseur. Il en est de même si aucune marque de ligature n'est constatée aux extrémités des membres ou autour du cou. L'appréciation de l'escalade criminelle chez le tueur mixte ou dans les actes nécrophiles est plus délicate. Le tueur s'acharne-t-il sur sa victime, parce qu'ayant commencé il n'arrive plus à s'arrêter? Ou applique-t-il à la lettre ses fantasmes de manière contrôlée? En fait, si l'analyse de la scène du crime dans son ensemble s'oriente vers un criminel narcisso-sexuel inorganisé, les actes nécrophiles résultent bien d'une escalade criminelle. Cet indicateur permet également de distinguer les différentes séquences du passage à l'acte (ex : viol avant l'homicide, escalade criminelle dans l'homicide, acharnement sur le corps après l'homicide).

A l'échelle d'une série ou d'une carrière criminelle, cet indicateur permet de repérer les éventuelles évolutions dans le scénario criminel, et notamment les changements dans le mode opératoire ou par catégorie d'infractions. Par exemple, Berkowitz avait commencé une série d'agressions au couteau sur des adolescentes, et a terminé par des assassinats au revolver de gros calibre. Dans l'affaire du tueur en série de Perpignan, le type de mutilation observé sur les victimes (décapitation, amputation des mains, découpe des seins et surtout éviscération), du reste assez rare en France, tranche avec l'organisation affichée par le tueur avant le passage à l'acte. Tout se passe comme s'il contrôlait l'enlèvement, peut-être pour le viol uniquement, mais qu'il ne maîtrisait plus ses fantasmes pendant et après le passage à l'acte, en particulier pour Marie-Hélène Gonzales. Pourtant, le travail des policiers sur la scène du crime de Moktaria Chaïb, dont le corps a été mis en évidence en pleine ville, n'a révélé aucun élément susceptible de faire avancer l'enquête. Le tueur retrouve donc une grande maîtrise de soi après s'être déchaîné sur ses victimes. Or, contrôler son escalade criminelle demande de l'expérience. Cela renvoie d'emblée à un individu dont la carrière criminelle est importante et qui, probablement, connaît bien les rouages de la police comme de la justice. Par ailleurs, si les deux affaires sont liées, il a été capable de découper de manière quasi-chirurgicale le corps de Moktaria et d'éviscérer Marie-Hélène comme on vide un animal. C'est donc un individu qui a de l'expérience dans ce domaine, qui connaît bien l'anatomie humaine. Mais il n'est pas nécessairement un médecin car il aurait vraisemblablement été aussi précis avec sa dernière victime. Il s'agit donc plutôt d'un homme plus âgé qui aurait aimé être médecin, et dont le dernier passage à l'acte révèle ses affinités campagnardes etc...

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