Observatoire du journalisme

Tordre en tous sens les mots et concepts c’est, à terme, l’assurance que nul ne s’entendra sur rien. Or, quoiqu’à l’origine in-former signifie donner une forme, des médias « d’information » massacrent allègrement, par sensationnalisme ou ignorance, des termes importants – certes, en criminologie ; mais aussi, en philosophie et pour les sciences humaines au sens large. À titre d’alerte, voici deux de ces termes utilisés à tort et à travers, générant de ce fait de pénibles confusions : « mafia » et « déconstruction ». Pour « mafia », la critique sera factuelle, donc brève ; mais « déconstruction » nécessitera d’avancer un peu dans le conceptuel.

MÉDIAS D’INFORMATION ET « MAFIA » – ce mot, au sens criminologique précis, désigne une redoutable « aristocratie » criminelle apparue dans moins de dix pays au monde ; or des médias mettent, par ivresse spectaculaire, le mot « mafia » à toutes les sauces : « la mafia des ordures », lit-on ainsi récemment. Or ce cafouillis sémantique provoque confusions et erreurs de diagnostic. Que dirait- on d’un médecin nommant « cancer » un « panaris » ou l’inverse ? Le mésusage du mot mafia est aussi dangereux ; en premier lieu, pour les populations subissant ce gravissime fardeau criminel.
Qu’est-ce alors qu’une vraie mafia ? Une entité séculaire accessible par initiation, fondée sur le triptyque intimidation-omerta-soumission. En février 2012, la Revue d’Histoire des Religions définit justement Cosa nostra de Sicile : « Société secrète dépourvue de statuts et de listes d’appartenance, disciplinée par des règles transmises oralement. Au sein de Cosa nostra, seule la ‘parole d’honneur’ engage à vie ». Et quelle pérennité ! Le 2e repenti de l’histoire de Cosa nostra se présente ainsi au juge Giovanni Falcone : « Je suis Salvatore Contorno, Homme d’Honneur de la 7e génération, de la famille de Santa Maria di Gesù » (Palerme). Hors de rares mafias, qui a jamais vu des criminels de père en fils, en ligne directe sur deux siècles ?
Enfin, les vraies mafias sont quasi-indéracinables : Cosa nostra traversa vingt ans de fascisme ; les grandes Triades chinoises, soixante-dix ans de communisme, dont dix d’une “Révolution culturelle” aux dizaines de millions de victimes ; toutes ont survécu. Le reste, y compris la fictive « mafia russe », ne sont que bandes n’ayant jamais dépassé la première génération.

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