Le dernier long communiqué politique publié par ETA
COMMUNIQUE D'ETA AU PEUPLE BASQUE
ETA, organisation Socialiste Révolutionnaire Basque de Libération
Nationale :
- vu la nouvelle phase dans laquelle entre l'inévitable processus
de libération nationale,
- afin d'assumer avec force et décision le défi que cela
représente,
- et pour couper court à l'offensive d'intoxication psychologique
déployée par l'Etat espagnol qui nous opprime :
veut faire connaître au Peuple Basque le contenu des rencontres
qui ont eu lieu entre des représentants d'ETA et de l'Etat espagnol
oppresseur.
Nous voulons éclairer toute interprétation suscitée par les démarches réalisées dans la présente conjoncture politique, ainsi que les manoeuvres d'intoxication que l'Etat oppresseur espagnol est susceptible d'élaborer à ce sujet. Nous précisons donc que l'unique accord qui puisse déboucher sur un armistice sera la signature de l'Alternative tactique de KAS, écartant ainsi toute fausse expectative ou analyse qui prétendrait ignorer ou amoindrir la réalité nationale basque et ses plus profondes aspirations fidèlement reprises dans l'Alternative.
Nous devons situer le début de ces conversations tout comme l'offensive généralisée contre le Mouvement de Libération Nationale Basque, dans un large contexte politique et économique international, dans lequel l'Etat oppresseur espagnol a trouvé la couverture adéquate pour conjuguer simultanément une agression sans précédent contre le Mouvement de Libération Nationale Basque, avec l'extension du cadre du conflit au terrain diplomatique, poussé en définitive par la propre ascension et le renforcement des positions du Mouvement de Libération Nationale. Ces conditions nouvelles ont donc donné lieu à un cadre de conversation qui vient ajouter un champ de lutte supplémentaire aux luttes armée, de masses et institutionnelle.
Nous ne devons pas oublier que derrière cette manoeuvre politique (où dans une première phase l'Etat oppresseur espagnol, par le PSOE son gestionnaire, a prétendu montrer pour la galerie une ouverture apparente au dialogue), se cachait une réelle absence de volonté de dialogue. Pour cette raison, nous devons rejeter toute tentation de triomphalisme qui n'engendrerait que d'illusoires espérances.
Il faut cependant affirmer, au delà de la violence que peut atteindre l'offensive du PSOE, la conséquence que nous constatons est la reconnaissance de fait par le Pouvoir de la légitimité de la lutte du Peuple travailleur Basque avec ETA à sa tête, et l'impossibilité dans laquelle il se trouve d'écraser le Mouvement de Libération Nationale au moyen de la répression. Voilà ce que signifie implicitement l'établissement de ces contacts.
D'autre part, l'évaluation politique que nous devons faire des relations historiques avec l'Algérie est sans aucun doute positive, en raison de la solidarité démontrée par ce pays maghrébin envers la cause du Peuple basque. En plusieurs occasions, l'Algérie a fait prévaloir la Solidarité internationaliste, solidarité qui se conjugue à tout moment avec la défense légitime et nécessaire de ses intérêts généraux; elle qui a su être une terre fraternelle pour le Peuple Basque et son Mouvement de Libération Nationale, en accueillant sur son territoire certains de nos compagnons et compagnes, et en consentant à être l'intermédiaire dans les contacts entre ETA et l'Etat espagnol.
Les raisons qui nous poussent donc au maintien de ces rencontres - comprises comme l'ouverture d'un front supplémentaire à l'intérieur de la stratégie indépendantiste et socialiste dans laquelle le Mouvement de Libération Nationale doit livrer bataille - sont la recherche des conditions nécessaires à un cadre de négociation, consécutif et supérieur au cadre actuel d'entretiens, qui puisse déboucher à son tour sur certains accords entre ETA et l'Etat espagnol englobant la souveraineté nationale et l'unité territoriale du Pays Basque telles qu'elles figurent dans l'Alternative tactique (KAS). Cela supposerait l'armistice et la paix et, si les accords n'étaient pas respectés, l'affrontement armé.
Donc, notre ouverture doit demeurer claire, ainsi que notre volonté de trouver une solution négociée, malgré l'intransigeance et l'étroitesse d'esprit des Pouvoirs de fait et de leurs gestionnaires.
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Après cet exposé général, nous rendons compte
de la suite des rencontres qui ont eu lieu postérieurement à
la dernière déclaration d'ETA sur ce thème :
Le 18 septembre 1987 a eu lieu une nouvelle rencontre entre BALLESTEROS
et Antxon ETXEBESTE représentant respectivement l'Etat espagnol
et ETA. Dans les points abordés, ETA exprime son appréciation
sur les fuites suscitées à des fins d'intoxications, et souligne
ensuite l'inconvénient du fait que les représentants de l'Etat
soient des membres du Ministère de l'Intérieur ou des agents
politiques qui en dépendent, faits indiquant le manque d'une volonté
authentique de dialogue de la part de l'Etat. Ensuite, et en réponse
aux demandes formulées par le représentant de l'Etat au sujet
des interlocuteurs potentiels, le niveau des contacts et la date de la
prochaine rencontre, ETA signale qu'il est indispensable que participe
à ces conversations un représentant de l'Etat du plus haut
niveau dans le but d'amorcer une phase de conversations de caractère
politique visant à préparer un futur cadre d'accords possible,
la prochaine date restant à déterminer en fonction de la
réponse de Madrid.
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La rencontre suivante a lieu les 15 et 16 octobre 1987. Y participent ANTXON pour le Mouvement de Libération Nationale et Julian ELGORRIAGA pour le gouvernement espagnol, comme représentant de Felipe GONZALEZ et avec les plus grands pouvoirs. Comme bilan de ces journées, il faut constater que les thèses gouvernementales n'ont pas évolué, se limitant à la défense de la légitimité de la Réforme, et insistant sur le fait que le cadre d'un dialogue politique doit être celui des institutions, soulignant sa volonté d'appliquer à la lettre le Statut des Vascongadas, de réduire les contingents policiers, affirmant à propos de la Navarre qu'il existe dans l'actuel statut des Vascongadas des possibilités conduisant à l'intégration de cette province et que c'est elle qui doit se déterminer en dernier ressort.
ETA rétorque une fois de plus que la Réforme est un diktat
de Madrid et un héritage du franquisme qui rencontre un important
niveau de rejet au Pays Basque, comme le mettent en évidence :
- le rejet amplement majoritaire que récolta en Euskadi le référendum
de la Réforme sur la Constitution espagnole,
- le NON catégorique et unanime prononcé par le Peuple
Basque au référendum scandaleux et manipulateur sur l'appartenance
à l'OTAN, dont les résultats et la signification politique
sont antidémocratiquement ignorés,
- l'ascension constante et ininterrompue d'HERRI BATASUNA, tout comme
l'existence de ces mêmes contacts, en tant que preuve de la force
des thèses du Mouvement de Libération Nationale Basque, contrastant
avec la division, le recul et la faiblesse politique des forces réformistes,
celles-ci se trouvant complètement hypothéquées par
les impératifs de Madrid. Et donc, si malgré tout cela elles
maintiennent dans l'ensemble leur implantation au même niveau, cela
est dû au fait qu'il n'a pas été possible de défendre
à égalité l'alternative KAS et celle en vigueur.
Tout au long de ces réunions, Julian ELGORRIAGA affirme offrir
"une issue digne, l'incorporation à la vie politique et sociale
avec la tête haute, ainsi que la libération progressive des
prisonniers.", éludant toujours le problème de fond, démontrant
une attitude intransigeante et un profond aveuglement quant aux racines
de l'affrontement. ETA insiste à nouveau sur l'appui dont bénéficie
la lutte de Libération Nationale et sur la conviction que l'Alternative
KAS est le fidèle reflet d'aspirations majoritairement ressenties
par le Peuple Basque et qu'il plébisciterait si on lui en donnait
la possibilité.
Pour terminer, ETA demande que ces contacts se maintiennent dans un
cadre réservé et qu'il soit mis un terme aux fuites tendancieuses,
les deux délégations devant se réunir dans les trois
semaines.
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Le 21 novembre 1987 a lieu un nouveau contact au cours duquel ETA dénonce
à nouveau le manque de sérieux de l'attitude l'Etat qui multiplie
les fuites, ce qui enlève toute crédibilité par sa
façon d'agir. Malgré cela, ETA montre sa volonté de
poursuivre les contacts.
Une fois abordées les questions restées en suspens lors de la dernière rencontre, il faut noter la manière catégorique dont Julian ELGORRIAGA affirme que le gouvernement de l'Etat est disposé à aborder les questions politiques avec ETA, la condition de la poursuite des conversations étant l'arrêt des exécutions. En réponse, le représentant d'ETA souligne que poser des questions de principe avant celles qui permettent d'ouvrir la voie à un accord possible dénote un grand aveuglement, ce qui sous-entend le côté vacillant de la volonté du PSOE à régler le conflit. Tant les fuites répétées d'informations que les principes invoqués permettent au PSOE de provoquer la rupture des conversations. Ceci est l'indice qu'arrivés à ce point les Pouvoirs de fait (armée, oligarchie) sont confrontés à de graves contradictions et ont pour objectif de faire échouer les entretiens par des arguties, ce qui leur servira d'auto-justification devant l'opinion internationale, tout en accusant ETA d'avoir rompu les conversations.
***
Le 18 décembre dernier, l'Etat oppresseur espagnol communique
par l'intermédiaire des autorités algériennes sa décision
de suspendre les contacts jusqu'à nouvel ordre et de demander à
ETA une trêve, avec l'engagement formel de l'Organisation de ne faire
aucun attentat durant cette période. Si cette proposition est acceptée,
le gouvernement espagnol s'engage à renouer les contacts durant
cette période, afin de préparer parallèlement une
plateforme de négociations. Il s'établirait des contacts
officiels PSOE-HERRI BATASUNA, sans conditions ; contacts qui seraient
ouverts plus tard aux autres partis basques. Ces contacts pourraient avoir
lieu en Euskadi, à Madrid ou en Algérie. Le gouvernement
espagnol pourrait étudier un référendum sur des sujets
de compétence autonomique : affaire à mettre au clair avec
HERRI BATASUNA.
Si cette proposition est refusée, l'Etat oppresseur espagnol
menace ETA d'une série de représailles, ce qui représente
un chantage inacceptable.
***
Le moment est donc important dans le processus de Libération
Nationale, mais il est patent que les dernières actions d'ETA ont
bouleversé certaines analyses superficielles ou excessivement policières
qui existaient sur l'état du Mouvement de Libération Nationale
Basque et de ETA.
Le PSOE lui-même a compris la futilité de vouloir vendre
au reste des partis politiques, à l'opinion publique de l'Etat et
à l'opinion internationale, l'image d'une victoire imminente sur
ETA.
Ceci affaiblit totalement un Pacte Anti-abertzale, construit essentiellement sur la supputation d'une faiblesse supposée d'ETA, et ce avec la collaboration honteuse des directions du PNV et d'ETA, dont le caractère capitulard, la faiblesse politique et l'absence totale de marge de manoeuvre aboutissent inévitablement à se plier aux ordres du pouvoir central et à d'obscurs intérêts économiques, étrangers à l'intérêt collectif du Peuple Basque. Il est indubitable que ce manque de réalisme sur la capacité de contre-offensive de notre Organisation a fait naître des contradictions importantes entre les secteurs qui réduisent la solution du conflit à une simple affaire policière et ceux qui veulent combiner dans leur stratégie la répression et les moyens politiques. Toute la manoeuvre réalisée pour créer d'abord et détruire ensuite l'illusion d'une solution négociée au contentieux existant entre le Peuple Basque et l'Etat oppresseur espagnol a été dévoilée, et il a été démontré qu'en fait tout continue comme avant.
La fermeté et la progression continue des positions d'un Mouvement de Libération Nationale, porte-drapeau d'une solution négociée, construite sur la reconnaissance pratique de la Souveraineté Nationale basque, unique alternative pour la paix, ainsi que le malaise d'un ample secteur de la population en désaccord avec le contexte politique et avec la situation économique, et la progressive augmentation du mécontentement social sont quelques-uns des facteurs qui définissent le grave panorama auquel se trouve confronté le PSOE en tant que gestionnaire actuel des Pouvoirs de Fait.
***
Les conversations, nous insistons sur ce point, doivent constituer un front supplémentaire de lutte, prenant en compte la lutte armée, la lutte des masses et le combat institutionnel. Tous quatre au service de la même stratégie et conçus comme un moyen d'atteindre nos objectifs. La vigueur de la ligne du Mouvement de Libération Nationale Basque et nos convictions sont la garantie du développement correct de ce nouveau front de lutte, où l'honnêteté révolutionnaire doit nous permettre d'en relever le défi.
Compte-tenu de ces paramètres, et afin de démontrer à
l'opinion publique basque et de l'Etat, comme au niveau international,
notre authentique volonté de dialogue (élément dont
jusqu'à présent l'Etat oppresseur espagnol a su tirer profit),
et dans la perspective de créer un climat propice au dialogue, ETA
a jugé indispensable de faire une contre-proposition à l'Etat
oppresseur espagnol(
)
La proposition d'ETA a été la suivante :
Invitation est faite aux représentants de l'Etat pour une nouvelle
rencontre entre délégations de l'Etat et du Mouvement de
Libération Nationale Basque, en faisant préciser à
cette délégation s'il existe une authentique volonté
de dialogue.
En fonction de cela, ETA exprime sa volonté de contribuer à
créer un climat propice au dialogue susceptible de favoriser l'institutionnalisation
d'un cadre de Négociations dans lequel sera recherché une
solution politique négociée pouvant constituer une base solide
dans la résolution du contentieux qui oppose le Peuple Basque à
l'Etat oppresseur espagnol.
Pour construire la paix et en opposition avec l'attitude répressive
du gouvernement espagnol(
)EUSKADI TA ASKATASUNA estimerait convenable
de formuler une autre proposition qui serve de point de départ à
une plateforme de Conversations conditionnant ladite proposition au résultat
de cette réunion préliminaire.
Au cas où la réponse de l'Etat espagnol serait positive et comme preuve de la volonté de trouver une solution au contentieux, (avec la conviction qu'au delà des vicissitudes, le processus des conversations serait irréversible et, tôt ou tard - en dépit même de la répression intérieure et internationale que serait capable de déchaîner le gouvernement espagnol - déboucherait sur une Négociation ( ) impliquant la Normalisation politique et la construction nationale d'Euskal Herria), EUSKADI TA ASKATASUNA veut communiquer au Peuple Basque le contenu de la proposition faite à l'Etat oppresseur espagnol, sous réserve de la réunion citée plus haut :
a) ETA observerait durant une période de convenue entre les deux
parties, et non supérieure à 60 jours, une trêve partielle
de caractère officiel qui supposerait la cessation provisoire des
exécutions, (sauf en cas d'affrontements fortuits), comme preuve
de sa volonté de dialogue.
b) Les Conversations devraient recommencer dans la période suivant
immédiatement la conclusion de de la trêve, (
) chacune des
parties devant en étudier la composition avec un ordre du jour à
établir par les deux délégations, avec la volonté
expresse de constituer un cadre de Négociations conduisant à
une Solution Politique Négociée du conflit.
c) Acceptation par le Gouvernement Algérien d'un rôle
de Médiateur dans les conversations, pour en effectuer le contrôle
politique et avec la promesse de faire respecter les accords rédigés.
Gora Euskadi Askatuta !
Gora Euskadi Sozialista !
ETA
EUSKADI TA ASKATASUNA
Euskadi, 28 janvier 1988.
(Les quelques coupures mineures marquées par des (
) n'affectent
que des redites et des lourdeurs rendant illisible un texte déjà
peu allègre
)
Traduit de l'espagnol par nos soins.