RUSSIE, LE RÈGNE DES MAFIAS “ETHNIQUES”

En Russie il s’agit plus un prolongement direct que d’une jonction. Les Mafias “ethniques” de la zone grise d’Asie centrale et du Caucase s’entre-tuent   dans les rues de Moscou et des plus grandes villes  .
Elles dominent des quartiers troubles, mais aussi des secteurs économiques, comme beaucoup de banques  , tout en affaiblissant le pays : on parlait, il y a peu, de 25 milliards de dollars d’argent mafieux investi à l’étranger, blanchi, entre autres, dans les nombreux casinos. Mais elles spéculent aussi contre le rouble et sont une des causes de l’inflation. La fausse monnaie dont elles sont souvent à l’origine représente 6,4 % de l’ensemble des délits à caractère économique en 1993  ; 9,5 milliards de faux roubles ont été saisis, 2,5 millions de faux dollars et pour 20 millions de roubles de fausses devises étrangères. Plus de 35 000 structures commerciales se trouvent sous leur contrôle.

La Direction de la lutte contre la criminalité organisée du Ministère de l’Intérieur (MVD) mentionne l’existence de 5 700 bandes se livrant à des activités criminelles en 1993, une hausse de 30% par rapport à 1992. Les actions menées auraient coûté la vie à 185 agents en 1993   au cours de quelque 3 000 opérations violentes. 291 “criminels” auraient été tués.
Mais la drogue est, en Russie également, au centre des problèmes criminels. En 1993, les autorités ont saisi plus de 54 tonnes de stupéfiants sur le territoire russe et procédé à la fermeture de 300 laboratoires clandestins. En dépit de cela, les crimes liés à la drogue ne cessent d’augmenter (+ 295 % en quatre ans). Ce trafic, largement dominé par les mafias Azéries  , dépasserait déjà les 100 milliards de roubles. Aux frontières, les fonctionnaires des douanes en ont saisi près de 2,5 tonnes, soit un doublement en quatre ans et trois fois et demi plus qu’en 1992. Selon le chef du Comité des douanes, Anatolii Krouglov, le transit de l’héroïne ne cesse de croître, notamment du Kzakhstan et de la Géorgie vers la frontière avec les pays Baltes, en direction de l’Europe occidentale.

Moscou est devenu un véritable laboratoire de transformation de l’opium en provenance d’Ukraine   et un centre de transit pour l’exportation des produits d’Asie centrale, principalement l’héroïne. Les meurtres liés au narco-trafic ont plus que doublé depuis 1992 et l’on dénombre aujourd’hui plus de 150 bandes qui le pratiquent. Le haschich qu’on y trouve provient également d’Asie centrale, mais aussi d’Ukraine, de Sibérie et d’Azerbaïdjan. On rencontre aussi de la cocaïne en provenance d’Amérique latine. Mais ce trafic des stupéfiants est présent dans toutes les grandes villes du pays, entre les mains de cette criminalité mafieuse reliant directement des zones de production très peu contrôlées à des lieux de consommation ou de réexpédition.
 
 

La réponse de l’Etat

Au mois de juin 1994, Boris Eltsine, dans une conférence de presse évoquait la “dimension catastrophique” du problème et divulguait un plan de 2 milliards et demi de dollars pour lutter contre les mafias. Il annonçait en même temps la mise en place d’une unité spécialisée de 7 à 800 hommes, dans le cadre du Service Fédéral de Contre-espionnage (FSK)  . Deux oukases présidentiels des 11 et 14 juin corroboraient ces propos et élargissant les prérogatives de tous les organes chargés de la sécurité (MVD et FSK) et en leur allouant les moyens annoncés. Le deuxième oukase dispose en outre que les secrets bancaire et commercial “ne constituaient pas un obstacle” pour l’obtention d’informations dans les hypothèses de blanchiment d’argent et prévoit un mécanisme permettant d’obtenir des informations sur l’origine des capitaux placés dans les banques russes.

Un système centralisant les activités des services de lutte contre la criminalité organisée a été prévu ainsi que des mesures visant à prévenir son infiltration dans l’appareil d’Etat. Des départements spéciaux du FSK et du MVD seront chargés de déceler les faits de corruption parmi les fonctionnaires des organes de maintien de l’ordre, de contrôler les investissements russes à l’étranger et de créer un service de sécurité interbancaire.

Ces nouvelles dispositions auraient permis l’arrestation de 164 membres de bandes mafieuses en un mois, entre leur parution et le 15 juillet 1994, “dont 41 chefs” ; à Moscou, “29 membres de 6 bandes criminelles spécialisées dans le trafic d’armes ont été appréhendés et un groupe de 6 criminels qui avait commis quatre meurtres a été arrêté. Dans la banlieue de Moscou, des dizaines de membres actifs de bandes criminelles ont été interpellés et deux tueurs à gages, auteurs de cinq assassinats ont été arrêtés”.  .
C’est la réponse de l’Etat à cette menace de plus en plus redoutable qui par tous ses aspects, mais principalement l’argent du narco-trafic, menace de le déstabiliser.

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