INTERVIEW DE SEYYED HUSSEIN MOUSSAVI, CHEF D’AMAL-ISLAMIQUE ET MEMBRE DE LA CHOURA DU HIZBALLAH DU LIBAN
“La Voix des Opprimés”, radio du HizbAllah, 13 septembre 1991, 7h. 15.
 
Un document extraordinaire : à part quelques précautions de langage -des clins d’oeil plut»t, qui ne trompent personne- Hussein Moussavi dévoile à sa communauté toute la mécanique des prises et des libérations d’otages, la nature des rapports des kidnappeurs avec Téhéran, l’existence d’une coordination sur le dossier otages entre ceux-ci, l’Iran, la Syrie, le HizbAllah. Un témoignage brut, à lire avec la plus grande attention. traduction intégrale
“(Question, ci-après Q) : Le problème des otages (occidentaux au Liban, NDLR) a repris l’importance perdue lors des bouleversements en Union Soviétique. Ce retour au premier plan de l’actualité a fait évoluer l’affaire : certains de nos frères ont été libérés des ge»les des troupes d’occupation. Pour mieux comprendre ces évolutions, nous avons invité aujourd’hui celui que l’Occident considère comme le plus directement impliqué dans ce problème et, qui est le commentateur le plus autorisé sur ce sujet. Aujourd’hui, avec nous, l’un des hommes-clé du mouvement islamique au Liban; Frère Seyyed Hussein Moussavi, bienvenue parmi nous.
(Hussein Moussavi, ci-après HM) : Merci.

(Q) Une activité intense est perceptible aujourd’hui dans l’affaire des otages, ce qui fait dire a certains qu’elle touche à sa fin. Vous qui êtes particulièrement au fait de ce problème, vous pensez que c’est vrai ?

(HM) Au nom de Dieu, le Bienveillant, le Miséricordieux, louanges à Dieu, paix et prières au Prophète Mahomet, sa famille bénie et ses valeureux compagnons. Je crois tout d’abord utile de rappeler à notre peuple qu’au Liban, la capture d’otages [étrangers, NDLR] a été initiée par des groupes à la solde des Etats-Unis et d’Israël. Les diaboliques médias occidentaux et leurs relais serviles dans notre région donnent aux victimes de cette affaire -les opprimés et notamment les musulmans- l’impression que ceux-ci sont des loups et eux-mêmes, des agneaux. En fait, nous savons que l’Amérique et Israël sont les loups. Nous ne sommes pas des agneaux, bien sûr, mais ils nous traitent comme tels. Ils nous considèrent avec la mentalité et la psychologie du loup -si tant-est qu’un loup dispose de ces fonctions. J’espère que notre peuple comprendra que tel est bien le cas : nous sommes les victimes de l’injustice, ces cibles des bombardements de leurs avions, chars et missiles; l’objet de leur haine. C’est cela la réalité, malgré les allégations de ces médias cruels et sataniques qui nous semblent aujourd’hui invincibles, mais finiront, t»t ou tard, par succomber devant les forces du bien. Mais revenons-en à l’affaire. Voici ce qu’une bonne part de notre communauté pense de tout cela : quelques groupes extrémistes nous posent de sérieux problèmes -et nous laissent nous débrouiller pour essayer de les résoudre- en choisissant comme cibles [de leurs prises d’otages, NDLR] rien moins que des américains, des anglais et des israéliens, alors que nous sommes loin de faire le poids devant ces puissances. Récemment, la presse a souligné le lien qui existait entre l’aide étrangère -d’Europe et d’ailleurs- accordée au Liban et l’affaire des otages. Ce sont là des pressions exercées sur les différents acteurs de la résistance islamique, sur le HizbAllah, sur la République islamique d’Iran (RII) et la Syrie. Nos frères syriens se voient demander de refermer le dossier des otages comme préalable à l’arrivée de l’aide [étrangère, NDLR] au Liban. C’est ce qui s’appelle pousser les gens à l’agression; et une totale distorsion de la réalité. Qui a commencé à prendre des otages [étrangers, NDLR] ? Quel groupe a été le premier à détenir des otages au Liban ? Nous n’avons pas oublié, en 1991. En 1982, il n’y avait pas d’otages. 4 de nos frères iraniens, des diplomates, rejoignaient, par la route, leur ambassade à Beyrouth. Empruntant la route de Tripoli, ils ont franchi le barrage [milicien, NDLR] de Barbarah et ont disparu. Nous avons demandé à Samir Geagea [actuel chef de la milice chrétienne, les Forces Libanaises, FL] : où sont-ils ? Il nous a répondu : demandez à Elie Hobeika [qui commandait les FL au moment du rapt]. Quand nous avons demandé à Hobeika, il nous a répondu : c’est Geagea qui les détient. Ces diplomates étaient des frères et partageaient notre foi. Ils étaient nos h»tes. Oublions qu’ils étaient iraniens et songeons à leur seule qualité de diplomates. Suivant la logique de la souveraineté nationale -si certains veulent nous voir suivre cette logique- ils étaient nos h»tes et de vrais diplomates, accrédités au Liban. Où sont-ils passés? Et maintenant le “diplomate” américain William Buckley. Pourquoi ce concert mondial de protestations à propos d’un espion ? Ce n’est pas moi qui ai dit que c’était un espion. A la fin, la presse a admis qu’il avait un matricule et avait été engagé à la CIA à telle et telle date. C’était un espion professionnel. Tout cela est mentionné dans nombre de reportages. Et voilà le monde bouleversé à propos d’un espion. Et des diplomates -qu’ils soient de la RII ou de tout autre pays- disparaissent au Liban. Où sont ils passés? On nous dit simplement de les oublier. Les autorités locales ou étrangères en charge des affaires de sécurité savent pertinemment que ni la direction, ni la base du HizbAllah, n’a quoi que ce soit à voir avec les affaires d’otages. Oui, au moment de la constitution du HizbAllah -ou même avant cela- nous avons capturé 27 personnes, en réaction à l’enlèvement des diplomates iraniens, mais nous en sommes restés là. Malgré cela, des prises d’otages croisées se sont multipliées entre l’est et l’ouest de Beyrouth. On prenait des otages à l’ouest pour faire libérer les personnes enlevées à l’est. Pour ce qui est des prises d’étrangers en otage, le HizbAllah n’est responsable d’aucune d’entre elles. ce sont des groupes islamiques indépendants qui se sont lancés dans cette voie. Il ne nous revient pas de les juger, mais, en toute objectivité, que pouvaient-ils faire d’autre pour affronter des puissances agressives comme l’Amérique, Israël, les pays d’Europe, qui foulent aux pieds toutes nos valeurs, nos croyances, nos biens, nos vies ? Que pouvaient-ils faire d’autre ? Si tu capture mon fils, que ferais-je ? Je songerai à capturer le tien. Ils ont ouvert un dossier qu’ils ne savent plus comment refermer. Certains pensent que nous violons les droits d’autres hommes. Par “nous” j’entends le courant islamiste en général, qui n’est pas impliqué dans les affaires d’enlèvements. Les responsables de la sécurité savent parfaitement qu’il y a des groupes islamistes, dont les membres sont connus, qui sont responsables des kidnappings. En d’autres termes, ils savent fort bien ce que sont le Jihad islamique et l’Organisation de la justice révolutionnaire. Ils savent que ces groupes sont indépendants et n’agissent pas en liaison avec le HizbAllah. Nous le répétons pour la millième fois : notre seul voeu est de vivre en paix. Mais enfin : nos ennemis nous frappent; nous ne ripostons pas personnellement; si de pieux et braves gens les combattent, pouvons-nous leur interdire de défendre leur cause, leur dignité et leur droit à l’existence ? En 1983, on m’a accusé d’être directement responsable de l’attaque sur les casernes des marines et des français. les médias en ont fait toute une histoire, racontant que c’était moi le coupable. J’ai alors donné une interview disant que je n’étais pas directement responsable de cet acte, mais que j’en éprouvais du chagrin car j’aurais aimé avoir eu cet honneur. Je n’ai pas honte de tuer l’américain qui me tue. Ceux qui ont fait sauter les marines ne l’ont pas fait à New-York ou en Californie. Ils les ont frappés à Beyrouth en tant qu’envahisseurs et occupants. Que faisaient-ils là ? Ils avaient volé au secours d'Israël et des politiciens maronites, eux-mêmes des valets des israéliens. Nous faisons bien sûr une distinction entre ces serviteurs de l’arrogance mondiale, du sionisme et des ennemis de notre communauté et le peuple chrétien, qui n’a rien à voir avec tout cela et est notre ami, notre frère même. Nous n’entrons jamais dans des querelles religieuses ou sectaires. Notre combat est politique, nous luttons contre les forces politiques, militaires et de sécurité de nos agresseurs.

(Q) Evidemment, parmi ceux-ci, on ne compte pas que des maronites.

(HM) Bien sûr que non : certains musulmans qui ont noué des alliances inexcusables avec des politiciens maronites sont aussi nos ennemis. C’est là un combat fratricide à proscrire d’urgence. Nous sommes tous les fidèles du Prophète Hachémite que Dieu nous a envoyé, dans sa grande bonté. Un vrai musulman se doit d’être bienveillant, de traiter son prochain avec amitié, avec amour même. Cela dit, à l’école du Commandeur des Croyants, Ali bin Abi Talib -sur lui les prières de Dieu- nous avons appris à renvoyer la pierre qui nous est jetée car le mal se traite uniquement par le mal. Ce qui signifie que si l’on me jette une pierre, je ne renverrai pas une fleur. Faire ça, c’est encourager le mal. Celui qui vous attaque, attaquez-le de même. Nous n’avons aucune objection à refermer le dossier des otages, qu’ils soient innocents ou coupables. Je m’exprime bien sûr en tant que musulmans donnant son point de vue, car je ne suis pas directement concerné par l’affaire des otages. Tout le monde sait cela désormais, bien que de nombreux cénacles aient d’abord cru que j’étais le responsable direct des attentats de 1983 et aussi des prises d’otages. Après quoi, on a appris l’existence de groupes spéciaux, concernés, eux, par ces affaires. Nous appelons à ce qu’on referme le dossier des otages aujourd’hui même. Que l’ennemi relâche tous ses prisonniers musulmans et patriotes et je pense que nos frères du Jihad islamique et de l’OJR ne tarderont pas à faire de même. Je les appelle nos frères, bien que nous n’entretenions pas de relations directes avec eux. Ils n’en sont pas moins des jeunes gens honorables défendant à leur façon l’honneur de leur communauté. Les méthodes et les mentalités varient d’un groupe à l’autre, mais l’important n’est pas là : l’important est qu’ils libèrent nos frères -y compris, et surtout, les diplomates iraniens- des prisons israéliennes et européennes et je crois que tous les otages occidentaux quitteront notre pays. Le vrai problème est que certains considèrent nos mouvements islamiques libanais, comme durs, extrémistes, terroristes. Alors que nous traitons volontiers avec bonté, avec amour, tous ceux qui agissent de même avec nous. Parmi les prisonniers que nous réclamons, il y a des frères iraniens, libanais -des hommes et des femmes- des palestiniens qui sont aussi nos frères et des frères syriens qui ont été arrêtés sur le plateau du Golan. Tous doivent être libérés. Alors les parties prenante dans l’affaire sauront la mener à terme. Nous ne savons pas comment faire; eux, savent. C’est à ceux qui ont ouvert ce dossier de le refermer. Mon sentiment est que la république islamique, la Syrie et les groupes musulmans de ce pays souhaitent que le dossier soit refermé. Il le sera s’ils le décident -et si les Etats-Unis continuent leurs pressions.

(Q) Il faut noter, comme vous le faites, que la résolution du problème des otages passe par la libération de prisonniers non libanais; que le sort de ces personnes non-libanaises dépend étroitement de celui des otages.

(HM) Il paraît que c’est comme ça. je ne sais pas comment progresse le dialogue entre les frères islamistes concernés par l’affaire des otages et recherchant la libération de nos prisonniers, d’une part, et l’autre camp. Mais il est normal que les exigences des islamistes concernés incluent la libération des prisonniers iraniens, libanais, syriens et palestiniens. C’est même une obligation dans la mesure où l’on ne peut faire de distinction entre innocents et résistants sur la base de leur nationalité.

(Q) On constate à l’heure actuelle ce qui ressemble à une acceptation israélienne aux exigences des preneurs d’otages, comme le montre la libération de certains détenus. D’après vous cela provient-il de pressions américaines ? Ou du fait que certaines des demandes israéliennes ont été satisfaites ?

(HM) Aucune des demandes israéliennes n’a été satisfaite. Comment auraient-elles pu l’être ?

(Q) Je veux dire que, suivant certaines informations...

(HM, l’interrompant) Ils n’ont rien obtenu. Comme ils devaient se mettre à genoux, ils ont dit l’avoir fait parce qu’ils avaient reçu des informations. Qu’ont-ils reçu ? Rien. L’ennemi a du se soumettre. Il s’est soumis. Je pense qu’ils n’ont rien reçu en échange. Enfin : dire que tel ou tel n’est plus qu’un cadavre, est-ce une assurance de quoi que ce soit ? Certains ne suivent pas attentivement les nouvelles et les évolutions en cours, car leurs propres affaires les occupent trop. Ils ne sont pas assez attentifs aux évolutions et aux déclarations. Un officiel sioniste dit : après que nous ayons reçu des assurances sur nos soldats, nous avons libéré quelques détenus. Quelles assurances ? C’est comme si j’allais voir quelqu’un pour lui dire que son frère ou son fils était mort. Lui présenter un cadavre, c’est ça, le rassurer ? Non : c’est comme dans une partie de bras de fer : c’est celui qui tiens le plus longtemps qui gagne. Si les arabes et les musulmans en général et si les dirigeants et les gouvernements réactionnaires arabes voulaient bien -même brièvement- se mettre à l’écoute des combattants et des moujahidines islamiques du sud du Liban, de Palestine ou d’ailleurs dans le monde, s’ils s’inspiraient un peu de leur exemple, s’ils lisaient quelques rapports sur eux ou regardaient quelques unes de leurs vidéos, alors ils apprendraient à ne pas craquer en hurlant de douleur dès que l’adversaire commence sa pression. Je vous le dis : c’est comme au bras de fer : si vous tenez trois secondes de plus que l’adversaire, c’est lui qui craque et crie de douleur. Il faut juste un peu de patience. Certes, par le biais de certains libanais et arabes, américains et israéliens ont fait toutes les pressions possibles, économiques, médiatiques, guerre psychologique, sans oublier les raids et opérations terrestres : tout cela pour faire libérer leurs otages sans en payer le prix. Ils voulaient que les leurs soient libres et que les musulmans et les patriotes restent en prison. C’était ça leur plan : clore le dossier sans en payer le prix. Mais la position forte et juste adoptée par tous ceux qui sont intéressés par cette affaire, la RII, la Syrie, les groupes islamistes, vrais croyants en général et toutes les honnêtes gens a contraint les Etats-Unis à réaliser que les otages ne seraient pas libérés pour rien. Ils ont réalisé qu’ils devaient faire pression sur les israéliens pour qu’ils libèrent les prisonniers et c’est ce qui a été fait. Hier, j’ai été lire des versets du Coran dans la demeure d’un de nos martyrs, dont le corps venait de nous être restitué. J’ai offert mes condoléances au père du martyr, qui m’a répondu par un vrai sourire. Il m’a demandé de le féliciter pour avoir pu contraindre l’Amérique et Israël à accepter nos conditions et à nous rendre les corps de nos martyrs. Il m’a demandé de le féliciter car c’était son fils qui avait créé ce rapport de forces, qui nous avait rendu notre vaillance et notre fierté. J’ai retenu sa leçon. Je pourrais discourir la-dessus pendant trois heures, mais en vain : la simple phrase du père de ce martyr avait tout dit; il semblait me parler depuis le paradis. Il était conscient que l’Amérique et Israël avaient du céder. Les forces du mensonge en feront autant quand nous aurons bien appris à nous défendre : sans pleurnicher ni capituler dès le début de l’épreuve.

(Q) Revenons-en aux familles des prisonniers (libanais) qui attendent le retour de leurs fils. Pouvez-vous les rassurer sur leur sort ? Selon vos informations, vont-ils être libérés bientôt ?

(HM) Le calendrier de cette opération -un jour, une semaine, un mois- ne dépend pas que d’un seul camp. Cela dépend des américains, des juifs des groupes islamiques détenant les otages. Eux décident des échéances. Je tiens a souligner, cependant, que le Front islamique fera tout son possible pour hâter la libération de nos frères et de nos fils des prisons de l’ennemi. Quiconque ne mettrait pas tout en jeu pour faire libérer ceux qui ont tout sacrifié pour notre dignité, notre foi, notre terre, notre eau, notre honneur, tout de qui nous est cher, serait un malhonnête, un mécréant. La fidélité et la religion nous commandent de tout faire pour ceux qui se sont sacrifiés pour nous. Je crois que les groupes détenteurs d’otages et qui sont en contact avec la RII font tout pour la libération de tous les moujahidines et des valeureux résistants. je souligne une fois encore que nous ne parlons pas uniquement des libanais et des chi’ites, parce que la Résistance est à la fois humanitaire, islamique et patriotique. Nous savons que certains des détenus sont des nationalistes, mais leurs motivations sont au fond religieuses. Ils savent que l’ennemi est celui de Dieu et des prophètes mais après cela, peuvent combattre sous la bannière de tel parti ou de tel groupe. Comme je l’ai dit hier à des journalistes, notre frère-combattant, son éminence le cheikh Abdelkarim Obeid -Que Dieu le bénisse, lui et tous les moujahidines- est sans aucun doute l’un des tous premiers de ceux que nous voulons voir revenir. Mais jusqu’au plus jeune des moujahidines et des résistants, nous nous battrons pour leur libération à tous. Plus d’une fois j’ai mentionné le nom de Soha Bishara, [proche du PC libanais, NDLR] qui a tenté d’assassiner Antoine Lahad, le commandant de l’ALS. Nous avons le devoir de la faire libérer aussi, parce qu’elle a livré le bon combat, celui du bien contre le mal.

(Q) Les médias parlent de la libération imminente de plusieurs otages occidentaux, d’ici un à deux jours, dans ce qui est considéré comme une réponse à la démarche israélienne. Que savez-vous à ce propos ?

(HM) Comme je vous l’ai déjà dit, savoir s’il s’agit de deux jours ou d’une semaine, comme des journaux me l’ont fait dire... Naguère, Reuters m’a fait dire qu’un pilote israélien était toujours en vie. Le correspondant de Reuters m’a posé la question et j’ai répondu que je n’avais pas entendu dire que ce pilote soit mort. Nous savions seulement que cet homme était entre les mains d’un certain groupe, d’abord, puis qu’il avait été transféré à un autre groupe. Des mouvements islamistes, et cela est regrettable, se sont querellées à propos de ce pilote. Mais je n’ai pas dit qu’il était vivant. Je peux dire cela s’il est devant moi, ou dans un endroit de ma connaissance. J’ai juste dit qu’il n’était pas détenu par des iraniens et qu’il devait être au Liban -Où pourrait-il être a part au Liban?- entre les mains d’un groupe islamiste, ou autre. Les otages : la presse d’hier (12 septembre) a dit dans la semaine. Je n’ai pas dit ça. Parfois les médias écrivent ce qu’ils veulent; pas ce que vous avez dit. Cela dit, peut-être qu’un otage américain, britannique ou autre -ça n’est pas encore sûr- va être libéré dans la semaine ou un peu après. Je pense que la soumission américaine -qu’il soit bien clair qu’il s’agit de soumission et que l’Amérique et Israël ont été contraints de suivre la juste voie, celle de ces opprimés qui ont décidé de se défendre- va permettre à cette affaire de progresser. Qui plus est, le Jihad islamique et l’Organisation de la justice révolutionnaire ont déclaré que leurs exigences se résument à la libération des prisonniers. Ils ne demandent que cela : récupérer les détenus -de toutes les nationalités sans discrimination entre les origines, les identités ou autres- dans les prisons de l’ennemi et dans celles de l’Europe. Tous les résistants et les moujahidines doivent être libérés. A cet instant, 51 détenus ont été libérés, et les corps de neuf de nos martyrs nous ont été rendus. Nous nous attendons à un geste de la part des groupes islamiques, au cas où les américains -c’est en tout cas ce que nous avons déduit des déclarations de l’une des parties concernées- réussissent, comme ils l’ont dit, à faire libérer un nouveau groupe de détenus, au nombre desquels, croyons nous comprendre, figurerait notre frère, Son excellence le moujahid cheikh Abdelkarim Obeid. Si les groupes islamiques ont le sentiment que l’Amérique n’arrive pas à honorer cet engagement, ce qui est assez dans le genre de l’Amérique, un pays sans éthique ni valeurs, alors la libération [d’un otage occidental, NDLR] pourrait être retardée, dans le cas, j’insiste, ou des promesses ne seraient pas tenues.. Nous ne connaissons pas le détail des arrangements et du dialogue mais un nouveau groupe comprenant cheikh Obeid devrait être libéré, si l’Amérique tenait sa promesse. Si tout va bien , un Américain ou un britannique devrait, croyons nous, être libéré prochainement. Quand précisément ? Certains médias ont dit un jour ou deux. Mais seuls ceux qui ont les otages entre leurs mains peuvent vous dire cela avec précision.

(Q) LeJihad islamique a publié un communique selon lequel ces libération et le retour des corps des martyrs n’était pas suffisant. Pensez-vous que ces déclarations vont avoir un impact négatif sur la suite des événements ?

(HM) C’est ce que je disais. Les Américains avaient promis quelque chose et n’on pas abouti. La libération de Son éminence cheikh Abdelkarim Obeid, ou autre chose. Cela pourrait compliquer les choses et les détenteurs des otages pourraient bien ne plus en libérer avant qu’une nouvelle promesse ne soit faite et que quelqu’un, Perez De Cuellar peut-être, entre dans le jeu, déclare qu’auparavant des promesses fallacieuses ont été faites mais que c’est lui qui s’engage à ce qu’elles soient désormais honorées. Peut-être qu’après de telles changements, les choses évolueraient plus favorablement.

(Q) Voyez-vous un lien entre la visite de Perez De Cuellar à Téhéran et les otages ? Quel est, d’après vous, le r»le de la RII dans cette affaire ?

(HM) Perez De Cuellar est latino-américain; pas américain et il est impuissant. Nous l’avons vu à l’oeuvre durant la guerre du Golfe et il n’a fait qu’appliquer des ordres et des instructions américaines. La mission des nations Unies est de mettre en oeuvre les désirs des américains. Cela dit, il a quand même un statut de neutre, en tant qu’officiel de l’ONU choisi par l’Amérique pour tenter de règler cette affaire [des otages occidentaux au Liban, NDLR]. Les groupes islamiques ont accepté qu’il intervienne et l’Iran, de le recevoir; mais dans ce dernier cas, pas uniquement pour parler du dossier des otages; celui-ci est peut-être à l’ordre du jour, mais il y a aussi la résolution 598 du Conseil de Sécurité sur la guerre Irak-Iran, l’affaire Afghane et le r»le de la RII dans ce dossier et la sécurité dans le Golfe; l’affaire des otages est peut être le quatrième point discuté lors de la visite de De Cuellar à Téhéran, rien de plus. Là se pose une question préalable : pourquoi impliquer la RII [dans l’affaire des otages, NDLR] ?. Avec les autres musulmans du monde, la RII a des liens fondés sur des valeurs, une éthique, une religion communes. A l’époque où l’Imam Khomeini était le guide et juris-consulte suprème (Vali-ye faqih), les musulmans les plus avisés, vraiment dignes du nom de monothéistes, ont noué des liens avec la RII, car il y avait à Téhéran un guide digne d’être le Gardien de la cause musulmane, en raison des positions qu’il avait prises, de sa vie et de son honnêteté. Son successeur est son éminence l’ayatollah Khamene’i -que dieu tout-puissant le préserve ! - dont l’autorité est identique. Les groupes islamiques libanais concernés par l’affaire des otages ont des liens de ce type avec la RII, et non de nature opérationnelle. En termes clairs, les décisions ne sont pas prises et planifiées à Téhéran et exécutées au Liban. Le lien est religieux et éthique; et peut être plus fort, de ce fait, que s’il était simplement organisationnel. Quand la direction islamique exprime un point de vue ou un souhait, les groupes islamiques du Liban obéissent en général. Si l’un de ces groupes est en difficulté, il peut ne pas répondre à cette attente. L’enlèvement du Français est un exemple d’une telle situation. Il a été capturé après la libération d’un otage. il semble qu’un certain groupe [Le clan Hamadé, NDLR] a pensé que les prisonniers des israéliens devaient être libérés avant les otages. Un autre groupe a suivi l’avis de la RII et a donné son accord [pour la libération d’un otage] et sur la mise en place au Liban d’une coordination entre eux-mêmes, la RII, la Syrie et les autres islamistes. Tous les groupes ne sont pas concernés dans l’affaire des otages, mais ses retombées les concernent tous. Là, s’échangent des remarques, des points de vue et des conseils sur ce qu’il est approprié de faire, ou non. Tous les groupes étaient d’avis qu’il fallait faire un pas en avant et donc un otage a été libéré. Ca a été un britannique d’abord; l’américain devait être relâché deux ou trois jours plus tard. Après la première libération, quelques jeunes se sont mis en colère et ont enlevé le premier occidental venu; il s’est trouvé que c’était un français. cela montre bien que, dans l’affaire des otages, la RII se borne a exprimer des avis et des souhaits, auxquels les groupes libanais obéissent ou non. Voila le rapport qui existe entre la RII et l’affaire des otages. La visite de Perez de Cuellar à Téhéran est normale, à ce titre. Nous entendons dire maintenant qu’il est mandaté par les américains pour négocier cette affaire. S’ils sont sérieux dans leur désir de la régler qu’ils reconnaissent que l’autre camp est composé d’êtres humains ayant leur dignité et que ces fameux droits de l’Homme qu’ils brandissent à tout propos, s’appliquent aussi à eux. Ils ne devraient pas considérer l’autre camp comme les juifs le font. L’amérique devrait considérer que le camp des opprimés, des victimes, a sa dignité et ses droits. Si l’administration américaine saisit cela, elle comprendra notre point de vue et dira aux israéliens que rien n’est possible tant que les prisonniers n’ont pas été relâchés. Voici le processus pour mener l’affaire des prisonniers et des otages à une issue satisfaisante.

(Q) Vous revenez de la RII, quelles sont vos impressions, après cette visite ?

(HM) Notre guide, son éminence l’ayatollah Khamene’i a assuré les n»tres de son amour et prodigué ses voeux de succès dans la résistance que nous menons contre nos ennemis. Nos liens avec la RII sont spirituels. En rencontrant la direction de la RII, notre direction légitime, nous exprimons nos points de vue et écoutons leurs avis et leurs instructions. Notre espoir est que tous les peuples musulmans aient bient»t les mêmes liens avec la RII et qu’ainsi les musulmans -la communauté dans la juste voie- soient unis et forts pour affronter la coalition de l’injustice et du mensonge. Nous espérons que les récentes visites de Khonsari [Mohamed Qasim Khonsari, directeur du département Moyen-orient/Afrique au Ministère iranien des affaires étrangères] au Liban, sa rencontre avec nos officiels; ainsi que celle du ministre libanais des affaires étrangères en Iran amélioreront les relations bilatérales et aideront la résistance, les opprimés et les pauvres.

(Q) Si une conférence de paix pour le Moyen orient se réunit et que les arabes acceptent de s’y rendre, il y sera peut-être question de mettre fin à la résistance islamique. Quelle serait l’attitude du HizbAllah en pareil cas ?

(HM) Le danger pour la résistance islamique existe avant même qu’une telle conférence se réunisse. Les Etats-Unis et autres ont leurs loyaux serviteurs au Liban, infidèles à leur communauté et voulant mettre fin à la résistance. La conférence augmentera peut-être les pressions dans ce sens. Les participants à la conférence peuvent demander un arrêt des opérations de la résistance pour qu’un dialogue s’établisse. Ils peuvent s’interroger sur la possibilité de discuter autour de la table de négociation alors que des actions sont montées contre Israël. Ils peuvent demander la fin de ces opérations. Mais ceux des négociateurs qui ont une influence sérieuse au Liban [en termes clairs, la Syrie, NDLR] sont conscients qu’il n’est pas dans l’intérêt du Liban, ni dans celui de la communauté musulmane, que les opérations s’arrêtent, alors que l’ennemi occupe encore notre terre. Je ne vois pas ce qui pourrait faire cesser les opérations de la résistance. Notre situation est loin d’être aussi mauvaise que celle de nos frères en Palestine occupée...”
 

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