Terrorisme noir en Italie: commentaire

DE BOLOGNE A BIRMINGHAM
ETAT DE DROIT CONTRE TERRORISME

François Haut

Aux actes terroristes, on a pu déjà l'écrire (1). les pays-cibles se doivent d'apporter une réponse sans faille. Ils doivent se doter de l'arsenal répressif qui oppose uneforce dissuasive à cette forme de criminalité. Mais lefait que nos démocraties soient résolues à se montrer fortes devant une menace si grave ne les dispense pas de se conformer au nécessaire respect des droits de l'homme.

Sur cette double obligation des Etats, le terrorisme noir en Italie fournit des éléments de nature à susciter la réflexion. La recherche des auteurs d'attentats, puis la répression qui s'en est suivie, présentent des traits instructifs, tant par le caractère particulièrement odieux de certains actes terroristes, que par la force des pressions s 'exerçant, de toutes parts, sur les autorités.

On relève pourtant que, dans plusieurs cas, notamment l'un des plus meurtriers (l 'affaire de la gare de Bologne, qui afait, en 1980, 85 morts et 200 blessés), la justice n'a pas su trouver les auteurs véritables desfaits commis, et que - chose pire - elle a proclamé coupables des individus et des groupes qui, dix ans après, se sont révélés ne l'être pas.

En effet, au terme d'une enquête promptement menée, s'ouvrait toute une théorie de procès émaillés d'incidents, riches en rebondissements, qui aboutirent dans un premier temps à des condamnations et des emprisonnements de longue durée.

Mais, dix ans plus tard, le 15 Mars 1991, M. Cossiga, président de la République italienne, en accord sur ce point avec M. Andreotti, Président du Conseil, a défaire son «autocritiques devant une commission parlementaire (2) .

Sur la question d'un député, il concéda que l'hypothèse "fasciste" dans l'attentat de la gare de Bologne était à présent abandonnée. Poursuivant l'aveu, il admit qu'à l'époque, le pouvoir avait été abusé par une "sous-culture", qui attribuait les attentats-massacres au terrorisme noir, tandis que, soutenait-on, le terrorisme révolutionnaire nepratiquait que le seul assassinat "individuel" (3). Le coupable était ainsi naturellement désigné..

Cette étonnante confession -et les excuses que le Président Cossigaprésenta au MSI- sont très méritoires; édifiantes pour un Etat de Droit. Mais il estparticulièrement décevant de constater que, dans un pays démocratique etpluraliste, l'écho que cela a suscité n'aitpas été plus important (4). La presse internationale elle, a purement et simplement ignoré ces excuses.
 
 Certes, on comprend que "l'Etat de Droit" ne puisse pas toujours éviter l'erreur. En l'espèce un zèle excessif, mâtiné de précipitation et de «préjugé», l'y a conduit; ce fut aussi le cas, semble-t-il, pour les "6 de Birmingham», au Royaume-Uni.

Il est vrai que, dans ces Etats, tenus (comme d'ailleurs l'État Français) par la Convention européenne des droits de l'homme, des garanties juridiques protè-gent les «faux-coupables-vraies-victimes».

Sur l"'Etat fautif', pèse l'obligation d'effacer les conséquences de la condamnation abusive. D'abord, en reconnaissant ses torts; surtout, en prenant des mesures plus concrètes, sous laforme de réparations adéquates. Elles sont déjà annoncées, dans l'affaire de Birmingham. Nul doute que dans l'affaire de Bologne, elles devront intervenir aussi.

Mais si le Droit finit à la longue par réparer les torts infligés, est-ce auprix de ces abus de droit qu'il convient de conduire la lutte contre le terrorisme ?

Plutôt que de céder à l'emportement idéologique, à la manipulation de la colère collective, il s'impose de chercher la parade au terrorisme dans l'établissement desfaits, la vérification des preuves, et, surtout, par la connaissance approfondie duphénomène. C'est elle seule qui permettra le mieux d'en prévenir à terme les manifestations, par une riposte aussi ferme qu'adaptée.

(1) Cf N&E n°10, p.43, "Terrorisme et guérillas, nouvelles approches juridiques" et Re-vue Internationale de Police Criminelle (Interpol), n°426, p.l8, «Pourquoi assassine-t-on les généraux» ?
(2) la commission de contrôle des services de sécurité.
(3) Les détails des propos du Président C066iga et les réactions des députés de la commision figurent aux archives de l'agence de presse officielle italienne, ANSA 80U8 la référence 18/3/ 91/17:06/ZCZC218/OA - R POL SOA QBHX - Cossiga - Comitato servizi secreti: MSI-DN (l à 3)
(4) Quelques articles dans les pages intérieures de quotidiens italiens...
 
 

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