SECTION I

Du noyautage des sociétés et des multinationales

A la dérive criminelle de la Net-Economie

Remarque introductive: Topo sur le criminel d’affaire

Les connaissances relatives à l’économie de l’ombre ont beaucoup progressé depuis les 10 dernières annéeset ce, même si subsistent encore des lacunes et un flou artistique empêchant d’acquérir des données tout à fait précises et exactes sur le sommes en jeu.

Prenant ainsi comme réflexions préliminaires les écrits et recherches pluridisciplinaires réalisées antérieurement, les experts et organismes spécialisés en la matière connaissent bien la situation présente: celle d’un ordre économique fortement déstabilisé et d’institutions démocratiques mises en danger par l’afflux dans les circuits économiques et financiers légaux d’argent issu d’activités illégales.

Ils savent ainsi que le criminel économique spécialisé dans ce domaine a bien évolué depuis les premiers travaux réalisés par Edwin Sutherland en 1937/1939 sur cette criminalité des classes supérieures commise par des personnes respectables et de conditions sociales élevée.

Le «criminel d’affaires» doit être donc définitivement considéré comme un «hyper adapté social» à la différence du «criminel de rue». En effet, il serait prêt à faire corps avec les structures sociales environnantes pour lui faciliter la commission d’infractions et, en l’occurrence, rendre ses entreprises criminelles (et revenus y afférents) les plus légales possible. La criminalité organisée dans son ensemble ne cherche donc pas forcément à se substituer au pouvoir légal comme le ferait une mafia; elle ne veut simplement que cohabiter avec elle pour en retirer tout profit .

A côté de cela, le délinquant d’affaire qui se spécialise dans le blanchiment de capitaux à grande échelle se caractérise aujourd’hui par une plus haute qualification technique et intellectuelle de lui-même (des cadres de l’industrie ou de la finance) ou par le fait de s’entourer de professionnels très compétents issus de ces domaines. Le criminel économique mafieux aujourd’hui, c’est quelqu’un qui investit les conseils d’administration.

Flexibilité et mobilité maximale, retour rapide sur investissement, «nomadisme» économique et globalisation dictée par l’objectif de rentabilité supérieure, les «criminels de la mondialisation»80 ont parfaitement intégré les préceptes du libre marché pour se fondre plus facilement dans les rouages de l’économie licite.

D’ailleurs, le fait d’organiser et de créer dans nos pays des systèmes de prévention et de répression ne fait que reporter les problèmes sur d’autres pays ou précisément ces systèmes n’existent pas encore. Les criminels ont en effet une connaissance si parfaite de la situation de chaque pays que leurs choix vont porter inévitablement sur celui qui offrira les meilleurs possibilités d’implantation et le risque de répression le plus limité possible.

En outre, cette criminalité que nous qualifierons d’économique et d’organisée, a su se développer pour devenir un phénomène international auquel la justice, fondée essentiellement sur la juxtaposition d’ordres juridiques nationaux, a bien du mal à faire face. Les difficultés qui se présentent alors sont principalement liées au manque de moyens matériels et humains mis en œuvre par les autorités publiques ainsi que d’une véritable volonté politique coordonnée entre les différents intervenants.

De là, bien sûr, la difficulté de lutter efficacement contre cette criminalité économique prise comme une réalité quotidienne pour de nombreux praticiens et qui ne cessent de faire des victimes de manière sournoise parmi nos entreprises et sociétés de toutes tailles, de toutes nationalités et de tous secteurs d’activités.

On parle ainsi souvent à tort, pour caractériser ces activités délinquantes particulières, de «crimes sans victimes». Or, rien n’est plus inexact. Comme le rappelait Marie Christine Dupuis et Lucian Violante (dans des articles parus dans le Revue Panoramiques sur les Mafias en Mars 1999), «à partir du moment où le blanchiment de l’argent sale a un coût, ceux qui ont à le supporter sont ses victimes, directes ou indirectes».

Donc, si la criminalité ordinaire lèse directement et de manière visible les droits des simples citoyens, les formes modernes de criminalité organisée et de délinquance financière, vont léser au contraire seulement des entités morales comme les économies et les démocraties, ce qui à tendance à passer plus inaperçu dans l’esprit des gens. Cela doit être toutefois nuancé étant donné qu’au travers de l’Etat et du monde des affaires qui se trouvent «floué» par les agissements de la criminalité organisée, ce sont bien au final les entreprises et les individus qui se retrouveront victimes (victime par ricochet donc) des agissements déloyaux et de l’emprise de plus en plus contraignante de ces groupes organisés.

1. Menaces amplifiées dans les circuits économiques traditionnels

t 1.1 blanchiment d’argent en Bourse

a) Présentation

Dans la version classique du blanchiment, une valise d’argent (présumé sale) était introduite dans le circuit économique et en ressortait sous forme d’argent liquide, blanchi et honoré.

Dans la version sophistiquée, outre les filières bancaires traditionnelles, les marchés financiers (dont font partie le marché boursier et les marchés de changes) peuvent également permettre de blanchir des capitaux flottants en grand nombre et presque sans laisser de trace.Le blanchiment apparaît ici dans sa version de placement, la troisième étape du processus de retraitement de l’argent criminel.

En effet, si l’émission sur le marché boursier d’actions et obligations permet aux entreprises de se financer, la Bourse constitue véritablement un des circuits de financement de l’économie et ce, parallèlement au système bancaire.

D’ailleurs, il est notable de préciser de suite que les crédits fournis par les banques ne représentent plus que 20 % des sources de financement des entreprises industrielles, 80 % venant directement des marchés de capitaux et du marché boursier.

Cette constatation ne fait que renforcer l’importance de ces places boursières dans les économies occidentales et l’attrait que cela peut avoir pour des criminels en recherche de placements faciles pour leurs capitaux illicites.

b) Sur les marchés boursiers 81

Différentes méthodes de blanchiment mises en œuvre

Tout comme dans le domaine financier et bancaire, les trafiquants qui veulent recycler leurs revenus et bénéfices d’origine criminelle n’ont de cesse d’inventer toujours plus de techniques pour investir les circuits légaux de l’économie. La capacité d’adaptation des capitaux blanchis dans le système économique légal n’est donc limitée que par l’imagination des financiers criminels.

Il est, par conséquent, notoire que l’évolution des techniques financières et boursières qui vise à créer des produits de plus en plus élaborés, traités en temps réel et dans un cadre dématérialisé, puisse offrir des perspectives considérables de blanchiment dès lors que les mêmes parties se trouvent des deux côtés du contrat.

Ainsi, des capitaux criminels issus du marché de la drogue peuvent fort bien être apportés en Bourse, pas forcément pour gagner de la valeur d’ailleurs et parfois même volontairement à perte, le «bénéfice inversé» de la transaction allant à une société complice ayant pignon sur rue en Europe.

La plus-value n’est donc plus le seul moyen de gagner en Bourse. La moins-value peut aussi se révéler très rentable dans ce genre de mécanisme utilisé, la perte avérée et inéluctable de l’un représentant le bénéfice de l’autre, voir le coût déjà prévu pour une telle opération de recyclage.

En pratique, si le gain pour une partie à la transaction peut apparaître comme nul, le profit obtenu sur le compte gagnant servira pourtant à camoufler l’opération de blanchiment (procéder ainsi à une opération de blanchiment à perte mais en toute légalité).

Pour autant, face à ces opérations certes importantes en volume mais seulement ponctuelles et irrégulières (du moins pour celles avérées), peut-on émettre l’hypothèse de l’existence d’un lien entre les activités d’organisations criminelles, leur volonté d’utiliser les réseaux de l’économie légale pour effectuer leurs opérations de blanchiment et les crises financières qui se sont déroulées lors de la dernière décennie?

Certains exemples pourraient le faire croire même s’il est vrai que les revenus du crime, difficiles à mesurer, faussent les statistiques économiques disponibles et empêchent tout diagnostic précoce d’une crise économique et financière en germe.…

L’exemple de la crise boursière au Japon

Les malheurs connus par le système financier japonais dans les décennies 80 et 90 sont une démonstration parfaite des dysfonctionnements des mécanismes boursiers et financiers en place et la preuve des interférences importantes créées entre le monde des affaires et les groupes criminels organisés sous le regard complice du pouvoir politique.

Cet exemple illustre également la vulnérabilité de l’économie légale prise au piège de la tentation de l’argent sale.

En fait, depuis la fin des années 80, le système financier du Japon traîne comme un boulet dans son fonctionnement une masse colossale de créances douteuses, au final irrécupérables. Les analystes de la police estimaient que 10 % de ces créances étaient imputables aux yakusa et que 30 % supplémentaires avaient des liens probables avec le crime organisé, ce qui situait le montant des dettes non recouvrables orchestrées par les groupes criminels entre 75 à 300 milliards de dollars, soit 6,5 % du PIB en 1996 82.

Au Japon, depuis longtemps déjà, la criminalité locale est sous la coupe de multiples clans nationaux plus ou moins rattachés aux Yakusa. Ceux-là contrôlaient déjà le trafic de stupéfiants, la prostitution et ont ensuite investi les secteurs légaux de l’économie, tels l’embauche dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, une partie de l’industrie très lucrative des «Pachinkos» (ou jeux de billards électroniques) très prisés et rentables là-bas (C.A représentant 1 fois ½ celui de l’industrie automobile nationale) et même les coopératives immobilières, les «Jusen» (sorte de sociétés de crédit immobilier), sans oublier les grandes maisons de titres en bourse et les assemblées d’actionnaires de certaines grosses entreprises.

Ce qui s’est passé dans les faits est l’enchaînement de problèmes financiers dans différents secteurs générant des faillites à répétitionpar la suite : au début des années 90, ce fut d’abord la faillite des 8 grands «Jusen» face à une tourmente financière qui provoqua une grave crise immobilière. Cette première crise en entraîna une autre de type boursière. Ainsi, la crise immobilière engendra l’éclatement de la bulle spéculative qui se traduisit par

une chute des cours boursiers en général et des prix de l’immobilier en particulier: -chute réelle des prix immobiliers de 30% à 70% suivant les régions au début des années 90.

Cela provoqua bien entendu une envolée des créances douteuses des banques et des organismes de crédit, contribuant dès lors à l’énorme endettement des banques et des établissements financiers.

Pour exemple, à l’époque, les dirigeants de la première société de titres japonais (la «Nomura Securities») et de la deuxième banque nationale (la «Dai Ichi Kangyo») ont été arrêtés pour complicité et appartenance à un groupe mafieux.

Les autorités japonaises ont bien essayé de réagir face à cette conjoncture déplorable pour les affaires et le marché boursier nippon et ce avec de multiples plans de relance gouvernementaux engageant chaque fois plusieurs points du PIB national (on ne parle même plus en terme de milliards de yens!).

Mais l’évidence de la collusion malsaine, la réalité d’une corruption et de complicités ( voir des compromissions) à tous les niveaux de l’Etat, l’efficacité d’un clientélisme omniprésent tellement enraciné dans la société japonaise (représentant d’après certains le «secret de la réussite nippone») ne faisaient que de démontrer la dimension économiquement importante du blanchiment et l’effectivité des réseaux criminels parsemant les rouages financiers au Japon.

Après avoir tant spéculé à la hausse sur les différents marchés, les Yakusa eux-mêmes, volontairement ou seulement pour limiter leurs pertes, ont ensuite utilisé leur puissance pour spéculer à la baisse. Des groupes constitués sous la forme d’associations de spéculateurs (les «Kaishime») ont ainsi opéré sous des noms différents pour acheter des paquets importants d’actions et de titres en bourse afin de procéder à des chantages ou des manipulations de cours boursiers.

En fait, si de tels «pratiques hors la loi» provenant de groupes criminels plus ou moins structurés mais dans tous les cas non marginalisés, ont pu presque au grand jour se développer et pénétrer fortement les activités boursières, appuyés par des financiers et politiciens complaisants et peu scrupuleux, il serait néanmoins excessif de mettre sur le compte des Yakusa TOUTES les faillites et pertes colossales des grandes entreprises japonaises survenues sur le marché de titres en bourseà cette époque.

«Ces grosses multinationales japonaises n’ont pas toujours eu besoin de la mafia pour se livrer elles-mêmes à une multitude de malversations économiques et boursières» rappelait Jean de Maillard dans son ouvrage.

Dans le cas japonais, il semble être démontré comment un secteur financier dominant à l’échelle planétaire peut être investi et gangrené par le crime organisé. Le recyclage des produits mafieux peut ainsi faire dévier l’allocation des ressources et des capitaux investis par les citoyens et l’Etat au profit de la spéculation boursière et immobilière, au point de déstabiliser tout le système financier qui, entrant en crise, ne pourra qu’affecter ensuite durablement l’économie réelle.

Dans les autres cas de crises qui seront étudiés, il faudra être un peu plus nuancé sur les hypothèses de relations pouvant exister entre crises financières et économie criminelle, l’exemple nippon étant sans doute le plus parlant et le plus visible de tous.

Les autres crises boursières

Lors d’autres crises boursières (crises mexicaine, russe et celles des pays du Sud asiatique) les experts internationaux se sont inquiétés du rôle qu’ont pu jouer des organisations criminelles (cartels mexicains et colombiens, triades de Hongkong, groupes criminels russes…) dans la montée des «bulles spéculatives» boursières et parfois immobilières qui ont débouché sur des Krach sévères 83.

Sans prétendre que ces crises ont eu pour origine unique le recyclage d’argent sale, il n’est pas possible d’ignorer que ces pays constituent à la fois une place régional pivot dans le narco- trafic et jouent un rôle important dans le blanchiment de capitaux à l’échelle planétaire.

vA propos de la crise financière constante en Russie

Le cas de la Russie démontre bien à quel point les fuites de capitaux, les détournements de fonds, l’efficacité et le rentabilité du phénomène de racket et de celui du pillage des actifs de l’ Etat, combinés au processus de corruption, ont pu permettre le réinvestissement très important, aux yeux de tous, de sommes d’origine douteuse voire criminelle.

Dans ce cas précis, il apparaît évident que ces sommes investis ou exportés n’ont pu que contribuer largement à créer un financement spéculatif de la dette publique extérieure, obérant un peu plus une situation économique intérieure fragilisée.

Cette tendance «mafieuse», que certains ont appelé «une dérive prédatrice et kleptocratique» s’est d’ailleurs par la suite traduite par une augmentation du phénomène de blanchiment sur le marché international de titres (dont les bons du Trésor font partie) et semble directement à l’origine de la crise financière de 1998.

La multiplication des cas de détournement de crédits internationaux, notamment concernant la Russie, obligenécessairement à s’interroger sur les liens entre crise financière et conséquences du processus de blanchiment renforcé, ce qui sera fait au cours de ce mémoire.

vA propos de la crise mexicaine (décembre 1994-1995)

La crise de 1994/1995 survenue au Mexique ne prend toute sa profondeur et son entendement que si l’on intègre la dimension plus informelle du trafic de drogue et du volume des sommes à blanchir issues de ce trafic. En effet, les trafiquants nationaux sont réputés obtenir près de 50 % du C.A de la drogue colombienne exportée aux Etats Unis, soit 3 à 8 milliards de dollars par an (chiffre de 1990/1992), montant déjà à l’époque supérieur aux exportations pétrolières du pays.

En fait, une partie de ces fonds va servir à alimenter la consommation ostentatoire de biens de luxe américains importés dans le pays, le reste étant recyclé dans le petit commerce, l’immobilier et le marché gris des changes et des titres financiers (qui prélèverait 10 à 15% pour ses services aux blanchisseurs). Ce sont les privatisations entreprises sous le Président Salinas (1988-1994) qui auraient ainsi permis le recyclage des «narco-profits», essentiellement dans le secteur bancaire où l’Etat a semble t-il bradé pour 12 milliards de dollars les plus grandes entreprises nationales. Après la crise de 1994/1995, ces institutions financières se sont retrouvées avec des dettes de plus de 120 milliards de dollars qui ont du être comblées par les pouvoirs publics.

Les autorités américaines retiennent encore 5 autres facteurs qui ont pu ainsi contribuer à aggraver un blanchiment endémique au Mexique, si difficile à enrayer de nos jours.

On trouve ainsi:

-une corruption traditionnelle sévissant au cœur du pouvoir politique et judiciaire (voir l’affaire Salinas et la cascade de révélations et d’arrestations de lampistes qui s’en est suivi);

-des carences dans la formation des agents chargés de contrôler la bonne application des lois contre le blanchiment;

-une frontière étendue avec les Etats-Unis permettant le passage clandestin d’argent liquide;

-une législation fiscale laxiste et une résistance des banques et des bureaux de changes à toute modification réglementaire destinée à réguler les mouvements de capitaux;

-la propension chez les professionnels de l’économie et de la finance à accepter sans réticence aucune les dollars en cash massivement expédiés depuis les Etats Unis.

Ce qui s’est passé lors de cette crise, c’est que le processus de blanchiment a semblé se combiner ici avec des flux de capitaux internationaux trop importants pour créer un phénomène de «surliquidité» dans l’économie, ce qui a généré plutôt une bulle immobilière et boursière sans rapport avec l’état de l’économie nationale et la situation présente des sociétés nationales.

Les narco- dollars ont ainsi faussé le jeu de la concurrence ; les petits commerces et les institutions bancaires et financières qui ont pu bénéficier au départ de cette «prime au blanchiment» ont été favorisés dans leurs investissements spéculatifs à court terme sur le marché boursier, ce qui n’a fait qu’augmenter leur compétitivité et la possibilité d’absorber les sociétés légales concurrentes.

Ce nouvel accès au crédit, par l’obtention d’argent facile et avec une contre- partie ridicule, permettait également de recycler des capitaux d’origine douteuse et de multiplier leur intégration dans les circuits légaux de la finance.

Ensuite, l’injection de ces capitaux criminels sous la forme de fonds colossaux ne pouvait à terme que provoquer la détérioration des échanges avec l’extérieur, générer des défauts de paiements de plus en plus importants et contribuer à la dévaluation de la monnaie ce qui a précipité le pays dans une crise financière.

Néanmoins, avec l’exemple mexicain, si la dimension du blanchiment, qui a joué un rôle important dans la crise nationale, permet de rendre compte des travers de l’interconnexion financière mondiale, ce serait une erreur pourtant de surestimer son impact en en faisant l’élément déterminant des déséquilibres. Ces déséquilibres auraient pu en effet survenir en leur absence, mais à plus long terme et avec une gravité moindre sans doute.

vA propos de la crise en Thaïlande (été 1997)

La Thaïlande, d’où est partie la grande crise asiatique de 1997, a connu un scénario quasi identique dû, en partie, au rôle semblable joué par l’ampleur du phénomène de trafic de drogue généré dans la région.

Selon une étude nationale 84, environ 8 à 11% du PIB de ce pays était contrôlé la veille du séisme financier par les réseaux du crime organisé, tirant essentiellement leurs revenus du jeu illicite, de la prostitution et du trafic de stupéfiants provenant de la Birmanie proche. Ainsi, il a été possible d’évaluer sur la période 1993/1994, de manière grossière, les bénéfices bruts réalisés par certains secteurs d’activités criminelles nationaux, à savoir:

-entre 18 et 21,6 milliards de dollars pour la prostitution (soit entre 2/3 et ¾ des revenus illégaux globaux);

-4 milliards de dollars pour le trafic de stupéfiant;

-de 2,4 à 3,2 milliards de dollars concernant le trafic d’êtres humains;

-et 2,5 milliards de dollars pour le trafic d’armes.

«Tout cet argent criminel (au total 24 à 32 milliards de dollars sur la période constatée) aurait étéblanchi sur les marchés boursiers, mais aussi immobilier et via les banques de la place» affirmait le groupe d’experts. Il soulignait également les effets dévastateurs d’une telle invasion d’argent sale sur la société, l’économie et la politique au regard du montant du budget national de l’époque (25 milliards de dollars).

Comme au Mexique, ce serait ainsi l’afflux de capitaux investis à court terme, sans lien véritable avec le contexte économique de l’époque, la situation monétaire et sociale de la société et les perspectives d’avenir fragile des entreprises locales qui accéléra la dynamique spéculative en limitant les objectifs d’investissements à plus long terme et en freinant le financement et les placements dans les secteurs productifs et exportateurs qui en avaient besoin.

En privilégiant les investissements financiers et boursiers à court terme, cela contribua à détériorer les comptes extérieurs et le rétrécissement des débouchés économiques à l’exportation qui, aggravés par la hausse du dollar, entraîna la dévaluation de la monnaie nationale.

Le système politique et financier local joua également un rôle en favorisant de manière massive le blanchiment des profits illicites et mafieux.

Cette emprise importante des circuits de blanchiment qui générait une stabilité apparente mais incompréhensible aux vues des difficultés financières du tissu économique et social, ne pouvait que provoquer des retards dans l’adaptation et la remise à niveau de la situation bancaire et boursière véritable, en lieu et place d’un nécessaire assainissement du secteur financier.

Ainsi, concernant le cas de la crise en Thaïlande, dans lequel le trafic de stupéfiant a occupé une place limitée par rapport à l’ensemble de l’économie illicite et à la différence des trois exemples précédemment cités, cette récession financière a finalement eu pour conséquence habituelle une réduction du secteur financier formel au profit du secteur informel (par des investissements à court terme incohérents dans ces secteurs), renforçant ainsi une emprise plus grande encore du blanchiment qui avait atteint alors des niveaux considérables.

Au final, les liens entre le crime organisé, le blanchiment et les crises financières ne sont pas automatiques, même si d’autres exemples viennent encore consolider les cas déjà présentés et vont dans le sens d’une combinaison de ces facteurs (Venezuela, Turquie, Nigeria).

Pour autant, d’autres pays asiatiques sont passés de la corruption systémique à la criminalisation progressive de l’économie et de la politique sans qu’aucun lien véritable puisse être établi entre crise boursière et blanchiment.

Si édifiants qu’ils soient, les exemples du Japon, du Mexique, de la Thaïlande et de la Russie, ne signifient donc cependant pas qu’il existerait une relation mécanique entre blanchiment et crises financières, même si peuvent apparaître des connexions habituelles entre ces phénomènes.

Les profits du crime ne sont pas encore à la mesure de la puissance de l’économie formelle et c’est une chance!Néanmoins, il a été possible de remarquer au travers de ces différents exemples, que d’autres secteurs comme le secteur immobilier joue, à côté du marché boursier, un rôle, certes plus ou moins important suivant les pays évoqués, mais une fonction somme toute notable dans le déclenchement de ces crises financières.

c) Sur les autres marchés

A côté du marché boursier, l’utilisation des autres marchés financiers pour le blanchiment est devenue aujourd’hui une réalité, alors qu’il y a quelques années, c’était un phénomène considéré comme marginal par les experts.

Déjà en 1997, le GAFI se déclarait «préoccupé par la vulnérabilité du secteur des valeurs mobilières vis à vis du risque de blanchiment des capitaux 85.

Cette affirmation ne faisait que renforcer l’opinion des experts qui s’étaient rendu compte que l’argent sale présentait un risque important pour le fonctionnement efficient des marchés dans la mesure où les déplacements de capitaux se font hors de toute logique économique: les blanchisseurs recherchent en effet, non pas forcément le meilleur rendement, mais surtout le meilleur compromis entre sécurité du recyclage des fonds et rentabilité de l’opération. Comme ces capitaux sont peu stables et extrêmement volatils, ils seront les premiers à se reporter sur d’autres marchés en cas d’aggravation de situation économique et boursière 86.

tAinsi, les marchés dérivés 87 présentent un certain nombre de caractéristiques pouvant intéresser les blanchisseurs:

- ils brassent des sommes considérables (plusieurs milliers de milliards de dollars), avec des volumes très élevés de transactions journalières 88 ,

- ils utilisent des instruments complexes et dématérialisés,

- ces opérations réalisées connaissent le principe d’un fort «effet de levier», à savoir la possibilité de récupérer des gains très élevés avec une mise initiale financière réduite,

- une possibilité accrue de brouillage quant aux investigations menées et le fait que les intervenants professionnels sur ces marchés sont moins informés aux techniques de détection des circuits de blanchiment que le personnel des banques.

Ce type de marchés regroupe ainsi les marchés à terme, ceux des valeurs mobilières et celui des taux d’intérêt.

tConcernant le marché de changes (ou FOREX) qui a pour fonction principale de faciliter le règlement des échanges commerciaux, il correspond aujourd’hui au marché financier global qui a enregistré la plus forte croissance (multiplication par 10 dans les années 1980/1990).

Le marché des changes doit être distingué du marché des capitaux à long terme qu’est la Bourse, car il constitue plutôt le marché des capitaux à court et à moyen terme.

Il n’est pas localisé matériellement à un endroit précis; en effet, ce marché prend la forme d’un réseau électronique international fonctionnant continuellement 5 jours sur 7. C’est donc un lieu abstrait où se rencontre l’ensemble des offres et des demandes de devises, une sorte d’interconnexion électronique à travers le monde où seuls les affiliés ont accès.

Le marché des changes, sur lequel des sommes astronomiques sont quotidiennement échangées, comprend toutes les opérations d’emprunt et de crédit, de vente et d’achat faisant intervenir les devises. Il abrite, en fait, 3 grands types d’intervenants: les banques centrales, les banques et les multinationales.

Actuellement, le volume des opérations sur ce marché atteint entre 1 300 à 1 800 milliards de dollarspar jour (au total, 5 fois le budget annuel d’un Etat comme la France); c’est dire toute la difficulté qu’il y a, quand de l’argent sale a réussi à pénétrer le système financier mondial, à identifier ces flux qui correspondent à des transferts criminels et à étudier leur propagation dans les autres secteurs rentables légaux de l’économie.

Cette échelle de grandeur est en réalité complètement déconnectée de l’économie classique: les exportations de biens et services ne constituent que 18 milliards de dollars par jour, soit 75 fois moins que les flux financiers et monétaires virtuels proprement dits.

Plus de 90 % des opérations y sont purement spéculatives (c’est à dire non destinées à des investissements productifs) et, en outre, il est estimé que 80 % de ces opérations correspondent à des transactions d’une durée inférieure à 4 ou 5 jours.

L’interconnexion du marché des changes est assurée par SWIFT, société internationale établie à Bruxelles (dont nous avons déjà parlé) et qui permet à ces masses financières de se déplacer sans contrainte, simplement limitées en fait par le décalage horaire auquel la communication électronique supplée partiellement. Ces capitaux, en quête de la meilleur rentabilité possible, sont donc utilisés quasiment au jour le jour.

SWIFT ici ne s’occupe que de comptabiliser les comptes des banques impliquées et sa présence garantit, à un degré élevé, la solvabilité de l’institution financière opérant sur le marché. Il est le catalyseur de la confiance existante entre tous les intervenants.

Dans les faits, après analyse du volume des transactions, il est apparu qu’il existait un phénomène de grande ampleur réalisé par des chaînes d’opérations longues et imbriquées, notamment des opérations de couverture sur des marchés à terme 89 qui liaient les principaux opérateurs entre eux (banques, fonds de pension et d’investissement, sociétés de courtage spécialisées).

De cela, on peut légitimement tirer un intérêt immense pour les groupes criminels organisés voulant se fondre dans la masse des transactions réalisées quotidiennement par des réseaux de transferts électroniques monétaires du type de SWIFT, concernant essentiellement le transfert d’argent liquide dans le monde entier.

En effet, les fonds douteux qui auront réussi à entrer dans ces circuits se retrouveront non individualisables et non personnalisables. Ils pourront donc être comptabilisés par une chambre de compensation du marché financier en un solde de compte global établi quotidiennement. Cela déjà engendrera la perte de toute trace de son origine délinquante.

De plus, comme cette chambre de compensation constitue un organisme officiel, on ne pourra ainsi soupçonner de complicité dans des activités aussi illégales (du moins jusqu’à l’année dernière avec l’affaire de Clearstream).

En l’espèce, l’affaire Clearstream a désormais bouleversé tout mode d’analyse concernant le fonctionnement «clean» d’une chambre de compensation internationale. Cette société de clearing était chargée,comme son principal concurrent Euroclear, de permettre aux grandes banques d’échanger des actions et des obligations en complément de troc de devises juste par l’écriture de quelques lignes informatiques de données électroniques et d’enregistrer ces transactions.

Dans ce mécanisme, chaque client institutionnel ou privé disposait d’un compte qui était crédité ou débité en fonction de ses achats et de ses ventes de titres., mais le transport était en définitive fictif car il n’ y avait pas de déplacement réel des titres échangés.

Or, il a été révélé dans un ouvrage (Révélations de Denis Robert et Ernest Backes) et confirmé ensuite par les investigations judiciaires menées au Luxembourg, que de très nombreuses transactions réalisées par Clearstream avaient été passées par le biais de comptabilités occultes.

Ainsi, des centaines de sociétés, banques off shore, multinationales n’apparaissaient jamais au titre de clients quand bien même elles avaient réellement effectuéesces opérations : banques en faillite, institutions financières inscrites aux Caïmans, à Jersey, Vanuatu ou Turk et Caîcos; multinationales comme Siemens, Daewoo, Accor, Shell ou Unilever; la BCCI et d’autres banques «black-listées»; la banque noire du groupe Elf…).

A cette époque, Clearstream qui employait 2 300 salariés pour 2 500 clients officiels, gérait 16 000 comptes provenant de 105 pays, dont 43 de paradis fiscaux, bancaires et judiciaires. Sachant que cette supra-société, cette méga-structure bancaire avait passé un total de 50 000 milliards d’euros de transactions en l’an 2000 pour 153 millions de transactions (soit 250 fois le budget de la France) et plus de 65 000 milliards d’euros en 2001 (soit 180 milliards d’euros par jour!!!), l’examen des archives permettait de retenir au moins 15% des transactions passées sous silence, soit au bas mot 7 500 milliards d’euros ayant ainsi pu servir pour des réseaux de blanchiment, des circuits d’évasion fiscale ou de corruption.

Si seulement on retient la moitié de ces opérations douteuses concernant du blanchiment proprement dit, cela fait pratiquement 4 000 milliards d’euros d’argent sale ayant pu être intégré par ce biais dans les économies légales de très nombreux pays et investir ainsi les comptes de multitudes de sociétés par le biais des institutions bancaires.

De plus, à cette époque, Clearstream n’était contrôlée par aucun organisme extérieur, excepté des sociétés d’audit (comme KPMG et Arthur Andersen) qui avalisaient les comptes de ce genre de sociétés financières «protéiformes», contrôles qui ne représentent que des outils internes de régulation et n’offrent en aucun cas une garantie et une crédibilité externe (il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé ensuite lors de la découverte des comptes trafiqués concernant la faillite cachée d’ENRON).

Aussi, à partir de cette affaire, une grande incertitude est née des statistiques antérieurement apportées par les analystes de la criminalité organisée. On en revient ainsi au fameux «trou noir» de la finance mondiale et désormais, il faudrait prendre en compte cette masse financière énorme, qui peut paraître incroyable (mais ne vit-on pas à l’ère de la mondialisation de l’argent du crime!), afin de ne pas sous-évaluer le volume mondial des capitaux blanchis.

Les techniciens de la finance avait crée cet outil complexe, subtil et performant, dont l’existence et les règles de fonctionnement n’étaient connues que de quelques initiés, pour faciliter la réalisation d’opérations rapides et efficients entre entreprises et entre institutions bancaires.

Au final, cet outil subtil des banquiers pour la transformation et le transfert de fonds transnational s’est révélé constituer le «point aveugle de la finance mondiale», un véritable centre névralgique du crime de manière plus ou moins volontaire, et en tout cas une place idéale pour les nouveaux mafieux, spécialiste des réseaux performant de blanchiment.

En résumé, parce que des intermédiaires financiers jouaient sur la vitesse des échanges monétaires internationaux et sur l’ignorance de tout à chacun et des responsables politiques concernant de telles techniques bancaires perfectionnées, «des montagnes d’argent étaient à portée de vue mais on ne les voyait pas, car on ne savait pas les voir» expliquait ainsi Denis Robert, auteur de cette enquête sur Clearstream. De même rappelait-il également un des principes du blanchiment à propos des contrôles des autorités en charge de la lutte contre le blanchiment et qui disait:«s’ils cherchent un arbre, montre leur la forêt!» (ou comment noyer dans une multitude de transactions, des opérations contrefaites et douteuses).

Le problème particulier des fonds d’investissements spéculatifs

Dans cette partie, il ne sera fait mention que de ce qui concerne les «Hedge Funds» (fonds spéculatifs ou fonds de performances). Les fonds de pension et autres fonds communs de placement ne seront donc pas ici évoqués, même s’il est vrai qu’existent des possibilités de retraitement d’argent sale également en ces domaines, mais en quantité moindre car les dispositions légales et les contrôles afférent y sont plus rigoureux (voir tout de même sur ce sujet un document en annexe sur la puissance financière de ces fonds de pensions en France).

En matière de «Hedge Funds», le but unique de telles structures est le profit financier. La spécificité est que ces fonds sont financés par de l’argent emprunté et qu’il n’y a aucun garde fous en la matière; ainsi, en cas de banqueroute, c’est le risque de faillites en chaîne qui prévaut. Afin d’approfondir l’analyse, nous prendrons pour exemple les déboires de LTMC:

Au cours du seul mois de «septembre noir» de l’année 1998, la méga banque suisse UBS a perdu:

950 millions de francs suisses (au moins 580 millions d’euros) dans le fonds spéculatifs LTCM ,

plus de 630 millions de francs suisses (soit près de 380 millions d’euros) sur les marchés émergents d’Asie et de Russie,

plus de 600 millions de francs suisses (un peu plus de 370 millions d’euros) en raison de la chute de cotations boursières,

ce qui représente une perte totale de 2 milliards et 180 millions de francs suisses (soit plus de 1,33 MILLIARDS D’EUROS en 30 jours!

Les sphères dirigeantes de la méga banque ont analysé ces pertes fantastiques comme «de graves erreurs»; mais d’après elles, il n’y a pas eu de négligence coupable, ce flop monétaire et boursier monstrueux n’étant qu’une «aberration désorganisée, légale et inévitable».

Seuls, le président du Conseil d’administration et 3 directeurs généraux ont d’ailleurs été mis à la porte dans cette affaire !

La défaillance de LTCM à partir de septembre 1998 et sa quasi faillite par la suite, peut représenter à l’heure actuelle le symbole des dangers provenant des nouvelles techniques financières. En effet, partant d’un bilan au 31 août 1998 faisant apparaître un actif de plus de 125 milliards de dollars sur seulement 4,8 milliards de capitaux propres en début d’année (provenant d’une réputation acquise de technicité et de choix stratégiques audacieux mais payants au début), ce fonds d’investissement très spéculatif exprimait alors l’image de la rentabilité sans faille que pouvaient apporter les modèles de sophistication financière moderne.

La situation aggravée des marchés et l’accélération soudaine de la propagation de crises financières nationales successives engendra pourtant très rapidement un quasi effondrement de ce fond d’investissement, ce qui ne constitua qu’un vecteur supplémentaire d’instabilité économique à l’époque.

Une telle perturbation financière généralisée n’est que l’exemple à la fois de l’ampleur et de la portée des opérations d’investissement colossales menées par LTCM mais également du caractère complexe des interdépendances entre institutions et marchés d’aujourd’hui et du possible noyautage de l’économie transnationale par des capitaux d’origine criminelle.

Les bulles boursières et immobilières spéculatives qui sont alors apparues ne sont au final que l’indice visible de telles implications et interdépendances entre deux mondes économiques, l’un légal, l’autre criminel, mais en tout état de cause pas si éloignés l’un de l’autre du point de vue économique.

Cet exemple doit montrer aussi l’importance dans notre économie de ces supra-organismes bancaires et boursiers que peuvent constituer les fonds d’investissements et les erreurs, abus ou errements dont ils sont responsables…sans que personne ne soit véritablement reconnu coupable au final.

L’absence de réglementation appropriée de ces fameux fonds d’investissements qui a favorisé la récente quasi faillite de LTCM est aussi symptomatique des problèmes nouveaux, nés de la mondialisation financière et exacerbés par les centres off shore, car bien entendu, ces «Hedge Funds» sont majoritairement installés dans des centres off shore! (délocalisation intéressée oblige).

En revanche, l’influence de ces fonds sur les marchés financiers reste un sujet fort discuté:

En effet, il serait, même dans cet exemple précis, inexact d’affirmer qu’un fonds peut à lui seul mener à un krach boursier.

Le Quantum Funds (le plus connu de tous puisqu’appartenant à Georges Soros, grand argentier international) qui représente 15 % de l’industrie des Hedge Funds, est certes très actif sur le marché des changes en engageant une moyenne quotidienne de 500 millions de dollars, ce qui peut paraître énorme. Néanmoins, ce chiffre ne dépasse pas 0,25 % du volume de transactions quotidiennes totales sur le marché des changes.

Ce serait donc en fait, des effets psychologiques (effet moutonnier, effet de mimétisme), alliés au risque pris par les fonds qui pourraient entraîner des mouvements de capitaux tels qu’ils seraient susceptibles de mener à un krach.

Il arrive néanmoins que de tels fonds aient parfois un poids financier tel qu’ils présentent la possibilité d’influencer directement le cours d’une action, mais alors uniquement sur des marchés de taille réduite (comme la Bourse de Bruxelles par exemple…).

A travers ces exemples, on comprend mieux ce que recouvre le phénomène «d’internationalisation de l’économie» qui entraîne aujourd’hui une spéculation encore plus trans-nationale. En d’autres termes, globalement, on arrive à mieux appréhender et expliquer comment l’accroissement des échanges mondiaux a pu véritablement générer une aussi forte hausse des transactions monétaires, le montant des ECHANGES JOURNALIERS sur de tels marchés se chiffrant à UNE année de PIB comme la France, l’Italie et le Royaume Uni.

Il n’est dès lors pas étonnant que de tels marchés de changes puissent attirer des groupes criminels organisés au vue des sommes qui transitent quotidiennement par ces vecteurs, sachant qu’il serait de tout façon illusoire de vouloir contrôler chacune de ces transactions voire même seulement les plus importantes.

De plus, les fonds spéculatifs et ces organismes de placements privés, sont à la fois très opaques dans leur modes de constitution (très difficile d’appréhender tous les partenaires qui en sont les actionnaires) et, de toute façon, exemptés de la plupart des obligations de déclaration et de publicité imposées aux banques et aux fonds communs de placement, car n’ayant pas le statut d’établissement financier.

Pour exemple, les fonds de pensions étrangers ont fortement investi en Franceet ont eu tendance à s’enracinés par le capital dans les grandes entreprises nationales. L’internationalisation du capital que cela peut produire constitue certes une tendance normale de l’économie mondiale actuelle mais elle n’en cause pas moins des problèmes et inconvénients concernant la lisibilité de l’identité des propriétaires et des investisseurs.

Sachant que ce mouvement touche beaucoup les grands groupes français, cette difficulté de manque de clairvoyance se retrouve à tout niveau dans l’entreprise, aussi bien vis à vis des actionnaires que des conseils d’administration, des dirigeants, des collaborateurs, des clients…. Or le crime organisé privilégie toujours ce qui est obscur, occulte, caché pour mieux s’immiscer au cœur des sociétés légales…

Enfin, il n’existe ni définition précise, ni statistique fiable sur ces fonds spéculatifs (ou «Hedge funds»). Selon le Hennessee Hedge Fund Advisary Group, il existerait néanmoins environ 4 000 fonds, regroupant au minimum une capitalisation de 315 milliards de dollars fin 1999, en comparaison des 4 milliards de dollars à la fin 1993.

Cependant, ces chiffres ne sont utilisables au final que pour appréhender une échelle de valeurs en la matière, car ils ont été fortement contestés par d’autres études.

A la fois donc, les difficultés par rapport à de telles entités proviennent que ces sociétés ne sont soumises à aucune règle prudentielle (en matière de capitaux propres ou de diversification) ni à aucune autorité de tutelle, sauf un contrôle très minimaliste de la SEC (Securities and Exchange Commission, la COB américaine), ce qui leur permet le plus souvent d’investir et de faire transiter des capitaux sans rapport avec les fonds propres détenus.

En outre, le fait pour ces méga-sociétés qu’elles limitent leur clientèle à un petit nombre d’investisseurs fortunés qui veulent rester anonymes (et qui en ont les moyens) et opèrent souvent à partir de centres off shore, leur permet (ce qui est une difficulté supplémentaire pour l’analyse de ces transactions) d’obtenir des rendements élevés en plaçant des montants considérables de capitaux empruntés et ce, dans un large éventail de produits financiers disparates.

Le problème important des difficultés de contrôle tenant aux transactions

sur les marchés hautement spéculatifs (exemple des «Junks Bonds»)

Récemment en France, a été évoqué par les médias une affaire touchant le rachat des actifs de la compagnie d'assurances américaine «Executive Life» par une filiale du Crédit Lyonnais, «Altus». Cette dernière faisait déjà l’objet d’une précédente enquête pour le rachat de la «Société Immobilière de Port Royal», propriété de la MAAF du fait d’une surévaluation de près de 36 millions d’euros, causant ainsi un préjudice direct pour «Altus» de l’ordre de 43 à 59 millions d’euros minimum.

Dans l’affaire qui nous préoccupe ici, c’est l’acquisition de la compagnie «Executive Life» et surtout de son portefeuille d’obligations à haut risque (les fameux «Junk Bonds») faisant l’objet d’un marché très spéculatif et très risqué dans la pratique boursière, qui est ainsi mis en exergue.

Les autorités économiques et policières en charge du dossier ont en effet remarqué que la société «Altus», pourtant filiale d’un grand groupe bancaire français respectable et réputé, n’aurait procédé à aucun audit préalable approfondi et aurait conclu cette acquisition pour une somme très importante alors que la société rachetée ne comprenait en réalité pas de véritable actif net et donc pas grand chose à acheter.

Sur ce genre de marché très spéculatif, il est désormais évident qu’il est impossible de réaliser une surveillance valable de toutes les transactions, même seulement des plus importantes.

Comme sur les autres marchés constituant le marché des changes, mais peut être encore plus sur celui des «Junk bonds»90 fonctionnant de la même manière que celui des produits dérivés, les contrôles menés par les autorités boursières ou professionnelles sont, de toute façon, quasi inexistants car trop exceptionnels et perdus dans une foule de tractations journalières venant de partout.

Dans ce type de marché financier d’ailleurs, le système consiste en fait à provoquer des levées importantes de capitaux par l’émission d’obligations à haut risque. Celles-ci sont ensuite utilisées à des fins spéculatives ou pour acheter des valeurs plus classiques. La machine s’emballe quand les émissions d’obligations finissent par se faire, non en fonction des besoins financiers des entreprises émettrices, mais en vue des investissements projetés.

Des sociétés en perdition peuvent ainsi émettre de nouveaux titres uniquement sur la base de cours artificiellement soutenus, ces levées de capitaux permettant à leur tour d’acheter de nouveaux «Junk bonds» afin de réaliser des plus-values encore plus importantes.

La bulle financière ainsi créée ne permettra au final qu’aux seuls initiés de placer tous les fonds qu’ils souhaitent où ils veulent et de les retirer juste avant qu’elle n’éclate.

Ainsi, en l’espèce, sur une opération de près de 3,80 milliards d’euros, dans laquelle le Crédit Lyonnais est impliqué par le biais de sa filiale, il semblerait que cela ait permis à certains entrepreneurs français, et plus particulièrement François Pinault et sa holding patrimoniale «Artémis», repreneur final d’Executive Life et des «junk bonds», de réaliser des plus-values estimées à près de 10 milliards de dollars (voir édition du Monde du 12/10/2001).

tEnfin, à l’instar des marchés de matières premières à forte valeur, le rôle potentiel du marché de l’or suscite des inquiétudes quant à sa capacité à favoriser les opérations de blanchiment. Le GAFI a en effet reçu certaines déclarations de transactions suspectes concernant des transactions en or et quelques affaires ont pu, par la suite, être mises à jour:

- entre 1985 et 1989, plusieurs milliards de dollars ont ainsi été blanchis pour le compte du cartel de Medellin par le biais de ce marché. Des grossistes en bijouterie américains, achetaient des lingots d’or en Uruguay (lingots constitués en fait de 90% de plomb) avec de l’argent qui résidait dans des comptes ouverts dans de grandes institutions financières américaines respectables et semblait provenir de la vente fictive de ces lingots sur le marché américain. En réalité, ces sommes étaient constituées par la revente de drogue aux Etats Unis et qui remontaient jusqu’à eux et assuraient ainsi le paiement des importations d’or fictives.

- Le cartel de Cali, concurrent du précédent, utilisa le même stratagème en 1994. Des dollars en quantités importantes provenant de différents trafics, étaient déposées sur des comptes dans des sociétés italiennes spécialisées dans le commerce et les échanges d’or. Les lingots étaient ensuite revendus par des intermédiaires au Panama contre des dollars propres que le cartel pouvait ensuite utiliser à sa guise et de manière totalement transparente.

Le recours à l’or, comme moyen de blanchiment fait ainsi souvent partie intégrante des mouvements de fonds au travers des systèmes de banques parallèles, comme le système Hawala dont il a déjà été fait mention.

d) du problème de l’instabilité boursière mondiale

Il est vrai que le propre même d’un marché financier est d’être instable et les analystes compétents le savent bien et l’observent continuellement. Néanmoins, c’est la dérégulation engendrée par le processus d’abaissement et de suppressiondes barrières douanières qui aurait entraîné cette tendance actuelle à l’instabilité quasi permanente apparue sur les marchés, les rendant par ailleurs illisibles quant à leurs évolutions dans un proche avenir, même pour des analystes spécialisés.

Ce phénomène s’est naturellement amplifié avec les attentats du 11 septembre et le conflit militaire qui en a résulté.

Sur la nervosité des places boursières au regard des turbulences actuelles

(on a ainsi parlé d’une «humeur maniaco-dépressive» de la Bourse due à la conjoncture)

Bien avant les attentats de début septembre, les marchés financiers étaient, en règle générale, orientés à la baisse. Certains analystes parlaient d’une «époque où la spirale baissière était de mise», «d’un moral légèrement dépressif de la part des investisseurs». L’environnement était alors certes peu demandeur. A la déprime des valeurs technologiques et bancaires, s’ajoutait celle de secteurs plus traditionnels tels que le textile et l’acier, condamnés à un fléchissement général de la demande et à une chute des profits.

La déprime de la Bourse alimentait en fait un cercle vicieux face à des perspectives peu brillantes et au regard d’une «humeur maniaco-dépressive de la conjoncture»91. Malgré la perspective de l’avènement de la monnaie unique qui devait générer à nouveau une activité importante et croissante sur les différentes places financières, tout semblait alors morose.

Ces manifestations terroristes n’ont fait qu’accroître ce sentiment de trouble, rendant au final plus difficile encore l’intégration de sommes douteuses par les blanchisseurs dans les circuits de l’économie légale par le biais de la Bourse 92. Nous nous en expliquerons un peu plus loin dans les développements.

Pour les boursiers aussi, la ferveur des marchés de titres ne semble plus de mise et il apparaît clairement, à la suite des tensions observées depuis plusieurs mois sur la déconvenue des

E- entreprises que le monde n’est plus tout à fait le même depuis le 11 septembre.

Désormais, au ralentissement de l’économie mondiale (et surtout américaine et asiatique) se succédaient lors du 11 Septembre des séances fort mouvementées sur les places boursières européennes et internationales: alors que Wall Street suspendait ses cotations après 1 200 milliards de dollars de capitalisation boursière partis en fumée lors des premières heures, au Japon le Nikkei retrouvait son niveau de 1984 et les autres bourses européennes perdaient entre 5,60 % (pour Londres) et 9 % (pour Francfort) avec une moyenne autour des 7 % pour Paris, Zurich et Milan.

Cette chute impressionnante des marchés boursiers traduisait en fait le recul de très nombreux titres de grandes sociétéspour exemple à Paris:

-Air France perdait dans les jours qui suivirent 12,69 %,

-Lufthansa 9 %,

-Britsh Airways 7,81 %,

-Accor 12,26 %,

-le Club Med 9,82 %

-et LVMH 13,43 %.

Pendant que des images épouvantables étaient diffusées en boucle sur les écrans dans le monde entier, les marchés financiers, en manque de repères, retrouvaient leurs vieux réflexes acquis au fil des crises: dans l’attente des représailles américaines qui ne sont intervenues qu’un mois après, les bourses se sont effondrées, les cours des obligations ont décollés et le pétrole, l’or et le Franc Suisse se sont envolés (en tant que valeur refuge, c’était prévisible. Les Banques centrales ont bien tenté d’enclencher leur dispositif de sortie de crise pour enrayer les dysfonctionnements menaçant les différents institutions bancaires et économiques et pour stabiliser les marchés financiers 93, mais ces événements avaient semé la panique et apparaissaient désormais bien comme une véritable «attaque au cœur de la finance mondiale» 94

D’ailleurs, ces événements et les conséquences graves engendrées, non pas sur le potentiel de l’économie américaine qui reste considérable, mais sur les perspectives de profits pour les grands groupes commerciaux et financiers, ont failli faire basculer de nombreux pays dans la récession (la Turquie et l’ensemble des pays émergents).

On en vu d’ailleurs les effets pervers véritables avec la situation économique et sociale catastrophique qui a régné ensuite en Argentine. Si chaque Etat avait continué à avancer de manière disparate au niveau intervention économique, il semble que bien plus de pays auraient été ainsi touchés. Cela aurait alors contribué à provoquer une zone d’instabilité supplémentaire à provoquer une situation économique encore moins gérable.

En tout état de cause, les marchés d’actions américains et européens ont ainsi effacer en quelques semaines, 3 années d’activité boursière.

D’ailleurs, si les analystes sont désormais un peu plus optimistes pour l’avenir, (prévoyant une certaine reprise des transactions), les problèmes d’investissement ne sont pas encore solutionnés pour les investisseurs et les entreprises, ni d’ailleurs pour les blanchisseurs qui faisaient usage de ces marchés pour infiltrer l’économie légale avec leur capitaux criminels.

Concernant le contexte boursier à venir, les prévisions ne peuvent qu’être favorables vu l’ampleur du bouleversement économique provoqué et des pertes financières engendrées.

En fait, il a été déjà observé que pendant la période suivant immédiatement la crise, l’incertitude restait la plus totale et les mouvements sur les marchés d’actions opérés par les investisseurs continuaient à se manifester de façon irrationnelle.

De manière générale, ce n’est qu’au bout de 6 mois que les marchés ont tendance ensuite à se stabilisersous l’effet des mesures d’urgence prises et du changement de la psychologie d’austérité des intervenants.

Un an après, les marchés ont le plus souvent retrouvé les cours d’avant les incidents.

Ce cycle qui devrait ainsi s’opérer pose néanmoins la question de la situation actuelle des acteurs du jeu financier et boursier: actuellement soumis aux incertitudes comme tout investisseur en bourse, les trafiquants vont-ils également modifier leur stratégie de blanchiment quant à la réalité imprévisible des cours et des valeurs échangés sur les marchés? Vont-ils persister à avoir recours au milieu boursier pour recycler leur capitaux d’origine criminelle?

tAu vue des résultats obtenus par certaines bourses, on peut imaginer la poursuite de l’investissement criminel dans ce secteur financier. En effet, au Vietnam en 2001, c’est une sorte de «folie boursière», au bon sens du terme, qui a prospéré après la création l’année d’avant de la nouvelle Bourse nationale et ce, avec des profits en hausse estimés à plus de 300 %. En un temps où les investisseurs occidentaux subissent de graves pertes financières, il est curieux de voir un pays communiste pris par une fièvre boursière et se lancer ainsi dans l’économie de marché et l’investissement économique des actionnaires.

Toutefois, il serait bon de relativiser quelque peu, le volume d’échanges restant sous le niveau de 1,5 millions d’euros et la Bourse d’Ho chi Minh ville n’accueillant au final en Juin 2001 que cinq sociétés au total!

Néanmoins, selon les estimations des spécialistes, les Vietnamiens détiendraient encore près de deux milliards d’euros dans leur bas de lainece qui peut laisser présager la continuité d’une belle expérience capitalistique dans ce pays.

Dans les faits, cela n’est peut-être au final qu’un épi- phénomène qui n’échappera pas à un essoufflement de la spéculation au niveau local après les tentations de l’enrichissement économique rapide grâce à la Bourse et la course effrénée aux actions sur-valorisées.

tEn France, on assiste cependant dans ce domaine à un phénomène boursier identique en dépit des turbulences boursières actuelles. Malgré les dernières déconvenues boursières, le nombre de personnes détentrices d’actions en direct n’a pas cessé d’augmenter pour atteindre 6,1 millions soit 14 % de la population de plus de 15 ans. Ce serait ainsi les moins de 34 ans qui seraient les plus attirés par le jeu boursier, et les études récentes (juillet 2001) démontrent une tendance bien réelle au rajeunissement et à l’élargissement de l’actionnariat individuel, sans doute les effets de la plus grande utilisation en ce domaine des liaisons Internet de la bourse en ligne (dont il sera fait état par la suite).

A côté de ces phénomènes bien particuliers, il faut néanmoins mettre en lumière le processus originel et tellement présent aujourd’hui, de la volatilité des marchés financiers.

Ce processus peut en effet fortement contraindre à des incertitudes sur l’engagement possible ou non des investisseurs, et en particulier des groupes criminels organisés sur le marché boursier pour l’avenir.

De la volatilité des marchés financiers aujourd’hui

«Le problème avec les marchés financiers, expliquait Bernard Arnault, PDG de LVMH lors d’une interview au Monde le 8 octobre 2001, c’est qu’ils exagèrent très souvent les tendances et portent, en règle générale, des jugement trop hâtifs sur les valeurs».

Cela ne fait que renforcer l’idée générale, connue depuis longtemps, que les marchés sont plus tirés par les sentiments que par les variables économiques, les raisons psychologiques l’emportant alors facilement sur les observations pourtant réalistes des économies (on a ainsi parlé des effets de mimétisme et effet moutonnier déjà cités).

C’est sans doute ce que pensaient également les dirigeants du conglomérat trans-national Vivendi Universal lorsque le 14 septembre dernier, l’action chutait à la Bourse de Paris de 11,99 %, sans aucune raison valable (faisant perdre dans le même temps 6 milliards d’euros à la multinationale), alors qu’elle regagnait 11,37 % le lendemain.

Depuis, pourtant, la société a annoncé des pertes records de plus de 14 milliards d’euros (janvier 2002), vis à vis desquelles les actionnaires ne semblent pas avoir trop réagi, étant donné qu’il s’agissait sans doute plus de corrections économiques et d’appréhensions plus réalistes de la situation de l’entreprise que de véritables déficits enregistrées.

Les récents évènements viennent néanmoins démontrés la véritable «tornade boursière» que continue à subir ce titre sur le marché (vente de nombreux pans de l’entreprise-mère et de filiales pour obtenir des liquidités, moultes démissions dans le conseil d’administration et départ rendu inévitable de Jean marie Messier, ancien patron de ViVendi).

Concernant d’autres entreprises, une semaine avant les attentats du 11 septembre, les titres Hewlett-Packard et Compaq connaissaient la même mésaventure, cette fois sur le marché américain, en perdant respectivement 22 % et 14 % et ce, pour avoir annoncé de concert leur prochaine fusion- absorption. Cela a engendré une perte sèche de 5 milliards de dollars pour la nouvelle structure en devenir et le report sine die de la réalisation de celle ci.

Ces cas ne sont pas isolés et tendent à s’inscrire dans cette ambiance de baisse généralisée et de morosité économique actuelle en faisant ressortir la volatilité extrême des valeurs boursières, une «volatilité déstabilisatrice» selon certains qui serait en fait générée par la déréglementation des marchés et les soubresauts ressentis par les entreprises à fort potentiel technologique n’ayant plus la confiance aveugle des investisseurs 95.

La question de l’extrême volatilité des marchés qui permettrait donc toutes sortes de spéculations, doit être néanmoins appréhendée au travers de la réalité de certaines affaires. Cela permettrait de mieux comprendre l’importance des réseaux boursiers dans le retraitement des capitaux d’origine criminelle et la situation dans laquelle se retrouvent actuellement les trafiquants face à l’opportunité d’utiliser ou non ces circuits monétaires et financiers dans leurs stratégies de blanchiment.

-Le premier exemple de ce phénomène contemporain bien spécifique a été l’affaire Alcatel en septembre 1998. L’action de cette grande société française chutait de 38 % en une seule séance, tout cela car son président lors d’un discours avait fait état «d’une performance opérationnelle ralentie par un contexte défavorable». Au final, la société venait de perdre 6,55 milliards d’euros (un C.A passant de 17,2 milliards à 10,65 milliards) uniquement pour des perspectives de bénéfice opérationnel en baisse seulement de 910 millions d’euros à 610 millions!

-L’action France Télécom, plus récemment, a connu aussi cette fluctuation extrême des cours de la bourse, perdant 7 % le 5 /09, puis 9 % le lendemain, avant de regagner 7,53 % le 9/09 pour mieux replonger le 11/09 de près de 10 % .

De tels écarts sont aujourd’hui très fréquents:

- à la hausse d’abord, à la fin de la décennie 90, au regard des valeurs de hautes technologies, des médias et des télécommunications, qui enchaînaient des hausses quotidiennes à deux chiffres et des chutes préparant de nouvelles hausses;

- à la baisse, ensuite depuis le printemps 2000 pour ces mêmes valeurs (des baisses violentes qui seraient le fruit de fonds spéculatifs internationaux et fonds de pensions ou «hedge funds»).

On peut évidemment tenter d’expliquer ces mouvements inverses et saccadés des valeurs boursières de diverses manières:

-par une sanction très forte de la part des opérateurs lorsqu’une entreprise ne tient pas ses prévisions de bénéfices (voir l’exemple d’Alcatel),

-ou par les exigences des investisseurs d’une rentabilité élevée pour chaque action investie,

-ou bien encore du fait de l’erreur plus ou moins ponctuelle d’appréciation commise par les analystes financiers concernant les développements futurs du secteur des nouvelles technologies 96.

Qu’en est-il dès lors de l’implication des analystes des grandes banques d’affaire dans la survenance de cette dépression boursière

Il est certain que quand tout va pour le mieux (dans le meilleur des mondes), les E-analystes sont des stars de la finance. En revanche, dans le cas d’événements aussi traumatisants, la boussole des prévisionnistes s’affole et il y a de quoi.

Les E-analystes servent alors bien souvent de boucs émissaires, histoire de cacher à l’opinion publique et à la masse des petites actionnaires et boursicoteurs, les véritables responsables de ces bulles spéculatives boursières ou immobilières.

Certes, ils peuvent avoir une part de responsabilité dans certains marchés surestimés (l’E- commerce inter- entreprise, ce qu’on a appelé le«BtoB», l’E-book…) ou d’autres créneaux d’activité sous-estimés (le boom des SMS, les messages écrits par portable).

Il y eu ainsi des extrapolations hasardeuses de leur part et l’utilisation par eux d’informations périmées ou des prévisions qui ne se sont pas vérifiées.

Mais autant un Fond d’investissement spéculatif ne peut être à lui seul responsable d’un bouleversement total des transactions boursières, autant un analyste ou la banque d’affaire qui l’emploie, même l’expert financier le plus écouté des Etats Unis, ne peut être considéré comme responsable du krach des valeurs de la Nouvelle- économie.

Seule une combinaison de multiples facteurs pourrait en être le responsable.

Il n’empêche, cette «hyper- réactivité» du marché boursier en général, sous tendue à des considérations économiques à court terme qui ne sont pas raisonnables, engendre déjà des dysfonctionnements difficiles à prévoir pour une société cotée et pour ses investisseurs. Alors, que peut-on aller reprocher à des analystes financiers de ne pas avoir su, avant les autres, les changements de tendances et de perspectives boursières!

Qui plus est, sur des marchés boursiers dont tous les centres sont interconnectés, il existe bel et bien, un réel danger de désinformation. La manipulation d’informations et la propagation de rumeur, on l’a vu, peuvent faire la fortune de financiers initiés ayant intérêt à déstabiliser les marchés dont les cours se révèlent de plus en plus imprévisibles.

Il apparaît ainsi tout à fait probable dans l’avenir que de tels groupes criminels se spécialisent dans les opérations spéculatives de ce genre avec des moyens importants nécessaires pour accréditer les informations qu’ils veulent diffuser, augmentant par ce biais la volatilité des cours et réduisant la lisibilité de ces marchés par un manque de repères réalistes fiables.

Toute cette réflexion est ici développée pour en venir au fait que cette instabilité des marchés, en ce moment, n’est pas une bonne chose pour les investisseurs et les économies en général. Dénués de repères stables, les financiers hésitent à s’engager et un tel manque de repères peut également pousser les trafiquants, investisseurs importants en matière boursièrepour le recyclage de leur capitaux issus de l’argent sale, à commettre eux aussi des erreurs «payés cash» sur les différents marchés.

En effet, si les sociétés ont effectivement grand besoin de capitaux à l’heure actuelle et donc constituent des cibles de choix et à moindre prix en période de baisse pour des organisations criminelles, ces dernières doivent impérativement opérer des sélections dans leur investissement, voir réduire de manière pragmatique et notable leurs apports (et le débit de telles filières de blanchiment) pour ne pas être trop touchées par les revers de certains types de marchés et les chutes violentes de certaines valeurs trop sensibles.

Des pertes, des fléchissements sont acceptables pour des blanchisseurs, on l’a vu, au titre des frais de fonctionnement des filières de retraitement de l’argent sale. En revanche, des effondrements et des dépréciations à répétition ne sont pas viables et au contraire tout à fait préjudiciables pour eux, même si cela ne concerne que des capitaux d’origine criminelle.

Dès lors, si Alan Greenspan, patron de la FED, déclarait «qu’on ne pouvait avoir que des incertitudes quant à la situation économique actuelle aux Etats Unis et sur les autres places financières internationales», ces incertitudes devraient également être partagées par les trafiquants qui utilisent ces flux financiers de la Bourse pour leurs opérations personnelles de retraitement d’argent sale.

On peut donc aisément en conclure que pendant ces périodes de troubles sur les marchés financiers internationaux et encore maintenant, les blanchisseurs ont du restreindre leur injection de capitaux criminels ou, tout du moins, modifier leurs stratégies quant à l’emploi des circuits de la Bourse pour placer leurs avoirs économiques et monétaires.

En fait, dans ce climat particulier, les trafiquants ont du choisir ou combiner deux stratégies d’actionquant à leur intégration et utilisation des places boursières et marchés divers et ce, dans la réalisation de leur activités de blanchiment :

- écouler un maximum de leurs capitaux d’origine criminelle sans que cela soit remarqué par les autorités de surveillance financière (donc privilégier les circuits courts et les flux financiers rapides). Dans leur grande majorité, ils n’ont pas de temps à passer dans l’attente de toucher les rémunérations d’obligations en «bon père de famille prudent»;

- placer de l’argent sur des valeurs pouvant être risquées afin d’accélérer le rendement (placements à risque ou hedge funds), tout en ayant une marge de manœuvre limitée et calculée à l’avance quant aux pertes acceptables pouvant être réalisées.

Il leur faut donc en règle générale, soit maximiser leurs profits, soit réduire les incertitudes et minimiser les risques, soit combiner les deux objectifs, mais alors la difficulté apparaît de taille en période de récession latente.

En fin de compte, les blanchisseurs peuvent au choix privilégier un moindre risque pour une meilleure intégration ou bien plus de risques mais pour une intégration plus rapide (et pas forcément aussi profitable que la première option).

Ensuite, tout est affaire de contexte, de relations, de circonstances. En combinant les techniques financières de pointe, chacun peut jouer en Bourse et sur les marchés comme il l’entend, selon son goût plus ou moinsprononcé pour la spéculation, même si pour le trafiquant, le blanchiment par le biais des marchés n’est pas un jeu mais du business, ce qui fait toute le différence…

Au final, le blanchiment au travers des réseaux de financement boursier et sur d’autres marchés ne doit pas être pris à la légère.

C’est un domaine dans lequel les profits peuvent être mirobolants (ce qui, rappelons le, ne constitue pas la motivation première du blanchisseur) mais surtout qui bénéficie d’une honorabilité sur le plan des capitaux investis et d’une grande facilité ensuite dans l’intégration au système financier et économique légal et mondial (la Bourse prise comme une porte ouverte vers d’autres secteurs d’investissement).

Le grand argentier et financier Georges Soros déclarait ainsi que «la spéculation en bourse et sur les autres marchés est devenue une activité comme une autre actuellement, et même plus utile qu’une autre, puisque toutes les autres en dépendent». Il n’en fallait pas plus pour inciter les trafiquants à utiliser ce moyen afin d’y investir leurs économies douteuses.

e) à propos des derniers événements du mois de septembre:

Précédemment, on a pu s’interroger sur l’existence et la réalité d’une polémique sur le fonctionnement des marchés financiers. Dans un contexte de nervosité pareille (presque inédit), concernant en particulier les valeurs technologiques, les activités de médias et les télécommunications (dites «TMT»), où l’instabilité semblait désormais régner en maître, le marché des titres boursiers paraissait atteint d’«incertitudes paroxystiques».

Certes depuis peu ( vers la fin du mois de novembre, coïncidant ainsi avec la défaite attendue des talibans en Afghanistan), il est apparu qu’avec la reprise des volumes de transactions boursières, on soit sorti d’affaire, ce qui permettrait d’oublier toute cette période de troubles économiques, d’hyper- volatilité des cours, de perplexité et de stagnation des marchés.

Pour autant, il serait bon de s’interroger sur les raisons de l’avènement de tels soubresauts violents en matière de marché boursier, comme se demandait déjà, de manière prospective, un journaliste du monde, Adrien de Tricornot, le 2 mai 2001.

«Le marché boursier peut disjoncter»; voici la réponse qu’on peut obtenir d’analystes expérimentés face à ces situations cycliques. Lorsque l’on voit l’action de l’éditeur de logiciels «Siebel» bondir de 37 % en une seule séance uniquement parce que la société a annoncé des résultats conformes à ses prévisions, cela en dit long sur la nervosité réelle des marchés et places boursières. Idem lorsque l’équipementier de télécommunications «Motorola» perd 23 % en une séance ou que le lendemain, le distributeur en ligne «Amazon.com» reprend 30 % de sa valeur en quelques minutes.

Ainsi, pour résumer, beaucoup d’épargnants, déjà mal en point après le plongeon des bourses en l’an 2000, ont même perdu de l’argent en utilisant les Warrants97 alors que ces produits financiers sont en priorité destinés à des professionnels du secteur ou d’autres produits financiers bien particuliers (certificats 98; trackers 99; l’indice CAC 40 ou l’Euro Stoxx 50..) pour jouer le rebond des marchés d’actions au début de 2001.

Malheureusement pour eux, la chute s’est poursuivie au cours des six premiers mois de l’année et, après la période calme de juillet/ août, les évènements de septembre dernier n’ont rien fait pour calmer les incertitudes des marchés, ce qui n’a fait qu’accroître leur pertes.

Que ce soient ainsi des souscripteurs de certificats spécialisés sur les actions des jeunes sociétés de l’Internet, sur le secteur de la téléphonie mobile ou en matière de valeurs multimédias et médias, ils ont tous pour leur majorité vu encore fondre parfois de moitié la valeur de leurs investissements. Fin 2001, la désillusion était de mise.

La reprise devrait néanmoins s’amorcer en 2002, mais rien à ce jour (janvier 2002) n’empêcherait une nouvelle récession boursière vers juin/ juillet de la même année.

Afin d’expliciter au mieux cette situation de forte instabilité économique qui touche en ce moment tous les pays développés sans exception, et d’en montrer toute la gravité, il sera fait mention rapidement des rebondissements incroyables de l’affaire ENRON qui a provoqué en octobre dernier (octobre 2001) un véritable cataclysme aux Etats-Unis, suivant de peu celui qui venait de se produire avec la série d’attentats touchant New York et Washington.

f) Le scandale de l’Affaire ENRON

Tout comme le naufrage du TITANIC, il semblerait que l’affaire récente d’ENRON touchant l’une des sociétés américaines les plus en vues de ces dernières années (ascension économique et financière de 1985 à 2000) marque à la fois la fin pitoyable de l’aventure grandiose d’un géant financier désormais en perdition mais surtout représente l’exemple type de la criminalité nouvelle formule du XXIème siècle.

Ainsi, non seulement la banqueroute de ENRON 100, longtemps cachée au peuple américain aurait provoqué la faillite de nombreux de petits et moyens porteurs d’actions et investisseurs mais aussi le licenciement et la ruine financière pour plus de 10 000 employés (obligés qu’ils étaient par une direction manipulatrice et intimidante de conserver les stock-option de leur société jusqu’au dépôt de bilan de l’entreprise). Mais cette affaire serait également révélatrice d’une formidable opération de manipulation d’informations et des cours boursiers à travers toute une technique de sophistication financière faisant intervenir le rôle évident joué par de nombreuses filiales de l’entreprise dans différents paradis fiscaux et bancaires (exportation de toutes les dettes de la société dans certaines des 3 500 filiales de l’entreprise (dont 800 aux îles Caïmans)!!

-Dettes cachées, comptes truqués, malhonnêtetés économique et boursière,

-chantages, appât du gain et promesses non tenues (normal en matière économique),

-Abus de confiance, irrégularités comptables, obstructions à la Justice, fraude fiscale à grande échelle, malversations financières de grande envergure,

-mais aussi implication de banques d’affaire, d’analystes financiers réputés (dont Morgan Stanley, Merryl Lynch et Goldman Sachs) rétribués pour établir des articles sur commande,

-un cabinet d’audit estimé (Arthur Andersen pour ne pas le nommer) oubliant quelque peu la déontologie stricte de son métier (les enquêteurs ne savent d’ailleurs pas choisir entre le terme de complicité ou d’incompétence totale qui qualifierait le mieux le travail ainsi réalisé) en contre partie d’être grassement payé pour fermer les yeux sur des transactions financières douteuses (payé 1 millions de dollars par mois pour un contrôle des comptes et l’assurance de conseils avisés, soit 52 millions de dollars par an),

-un scandale touchant non seulement les réseaux économique de Houston et du Texas (dont Georges W. Bush était le sénateur) mais aussi les allées de Washington par un processus astucieux d’«arrosage» de personnalités politiques de tout bord (autant de républicains que de démocrates) afin de les soutenir au mieux dans la réalisation de leurs campagnes électives et d’obtenir en retour le vote de lois avantageuses au consortium,

-des suspicions de corruption politique allant bien au delà de simples relations lobbyistes avec les responsables politiques locaux et nationaux, même si de tels dons et contributions financières seraient tout à fait légale aux Etats-Unis (plus de 5,3 millions de dollars ainsi distribués depuis 15 ans!),

-une collusion donc avérée entre monde économique, marchés financier et boursier, banquiers et analystes réputés,

-une enquête confié à deux commissions du Congrès, histoire de nettoyer un peu les «bas fonds» du fonctionnement de cette entreprise (le problème est que les personnes qui auront à juger de ces tractations à grande échelle et des escroqueries ainsi opérés, auront, sans remettre en doute leur honnêteté, du mal à apprécier avec une juste et intime conviction l’affaire puisqu‘ayant, pour la plupart, touchés antérieurement des subsides et bénéficié des largesses financières de cette entreprise).

Toutes ces caractéristiques permettent de mieux comprendre l’ampleur du traumatise subi par les américains lorsque, après les attentats de septembre, il leur a été annoncé avec circonspection et flegme en octobre la liquidation d’une telle entreprise.

Ayant perdu en 2001 plus 50 % de sa valeur action et accusant une perte sèche de 615 millions de dollars, l’entreprise fut obligé de déposer son bilan, ses actions valant désormais peu de choses puisque considérées comme de simples «Junks Bonds» (voir développements antérieurs).

Deux remarques doivent néanmoins être apportées pour conclure sur un des plus grands désastres financiers de ces dernières années, qui pourrait d’ailleurs en annoncer d’autres…:

-Non seulement cette société lors de ses derniers jours de survie avait engrangé des pertes monumentales (tentatives de rachat de l’entreprise par une autre société américaine en novembre 2001, tractation qui s’était soldée par une avance de trésorerie de 1 milliard de dollars, finalement englouti pour compenser les pertes de la société en 10 jours de temps!!),

-mais il est avéré que les hauts dirigeant de la grande firme texane ont eux, à la différence de leurs employés, profité des derniers jours de survie de leur société pour sauvegarder leur patrimoine financier, voire continuer d’engranger des bénéfices colossaux…pour leur retraite sans doute (74 millions de dollars pour le PDG, 62 millions de dollars pour son vice DG et bras droit et plus de 30 millions de dollars mis de côté par le directeur financier!!).

Espérons que de tels scandales à aussi grande échelle fassent réfléchir un peu plus le personnel politique pour la mise en place d’entités opérationnelles de contrôle efficace de ces transactions économiques aux fins d’éviter de nouveau de telles gabegies financières provoqués au sein de ces grands groupes financiers mondiaux.

Enfin et pour clore sur le sujet, il apparaît clairement qu’il soit néanmoins difficile à l’heure actuelle d’avoir une vision sereine et exacte des perspectives sur un marché financier ou boursier et ce, même pour des spécialistes talentueux (sauf bien sûr à disposer d’informations privilégiées ce qui relèverait alors du délit d’initié).

Ce serait ainsi une culture boursière à court terme qui aurait pris le pas aujourd’hui dans le mode de raisonnement des investisseurs. Sans aucun recul pris sur les fluctuations des cours boursiers et économiques, cela engendrait inévitablement des réactions instinctives et souvent brutales, traduisant une véritable immaturité des acteurs et du marché lui même.

Le fait d’ailleurs que la tendance actuelle soit de privilégier les «Hedge funds» en jouant à court terme sur la volatilité de tels titres sans les posséder réellement, démontre une nouvelle fois la prise de risque maximale développé en général par certains (voir la plupart) des investisseurs en vue d’un gain hypothétique mais mirobolant en cas de réussite.

Cela ne peut générer à terme qu’une volatilité bien naturelle mais fort dangereuse des marchés.

Dans ce contexte trouble et fluctuant, il semble évident que les blanchisseurs ne soient plus forcément tentés d’investir leurs revenus en pure perte et préfèreraient attendre de meilleurs jours , en bon père de famille, sauf à vouloir une ascension sociale des plus rapides (ce qui est parfois recherché par eux pour se faire une place au soleil ou une réputation (voir les films «les Initiés» ou «le Roi de New York» d’Abel Ferrara).

t 1.2 évolution quant à la prise de participation criminelle dans des banques et des PME

De nouvelles astuces ou combines ont été imaginées par les groupes criminels pour continuer à intégrer leurs économies d’origine délinquantielle dans les circuits financiers légaux et optimiser le recyclage de leurs fonds criminels. Dans cette optique, tous les acteurs de la vie économique légale peuvent être touchés par ce fléau, aussi bien les institutions bancaires que les petites structures économiques rencontrées dans notre quotidien.

a) concernant les institutions financières et bancaires:

L’une des techniques actuellement très en vogue chez les trafiquants qui désirent retraiter leurs bénéfices réalisés en argent honorable sans sortir de chez eux et ce, à côté des techniques précédemment énoncées (voir la 2ème partie Section I 1.), consiste non plus à se servir simplement d’une banque complaisante, mais à acheter cette entreprise financière, de préférence de bonne renommée, en bref s’approprier un établissement bancaire ayant pignon sur rue.

Ils pourront ainsi l’utiliser ensuite à leur guise dans les voies détournées et dévoyées de la finance.

Les organisations criminelles d’envergure internationale ont désormais en effet suffisamment de moyens financiers pour s’offrir ces sociétés, surtout si, malgré leur réputation professionnelle de qualité, elles se trouvent dans une mauvaise passe économique.

En omettant, par exemple de manière involontaire de faire modifier l’enregistrement de la dite entreprise sur le Kbis (ou par l’emploi de subterfuges par les dits acheteurs pendant cet enregistrement), il n’est pas rare que les anciens dirigeants de la banque se retrouvent, bien souvent malgré eux, dans la position de garantir moralement la nouvelle situation de l’entreprise, qui, au vu et au su de tous, sera amenée à commettre des exactions diverses et variées. Dans ce cas précis, il n’y a pas seulement utilisation du réseau bancaire, mais bien accaparement de ces circuits par le groupe criminel puisque la structure en cause lui appartient désormais. Il n’est plus question de banques seulement complaisantes, mais bien d’institutions bancaires sous contrôle et emprise criminels.

On pourrait également citer comme autre exemple de noyautage des institutions bancaires, le blanchiment d’argent qui semble être devenu l’une des spécialités du jeune système bancaire russe aujourd’hui largement sous la coupe d’organisations criminelles disparates. Ces opérations d’absorptions en sous-main d’établissements bancaires par la criminalité russe, même si elles restent encore relativement exceptionnelles, ont quand même permis de faire usage de flots d’argent sale dans l’immobilier en quittant leurs fiefs de Little Odessa et de Brighton Beach pour investir particulièrement Manhattan, Los Angeles, Denver ou Miami.

Pour le FBI, cela constitue un phénomène actuel particulièrement préoccupant même si les exemples de prise de contrôle total d’une structure bancaire ne sont pas encore d’une gravité sans précédent.

Néanmoins, il a été établi à plusieurs reprises par des experts, que cette «mafia» russe brassait, à l’heure actuelle, des milliards de dollars et les blanchissait sous la bienveillance de compagnies off shore et avec la complaisance de nombreuses banques qu’elle possédait (exemple de la Banque of New York dans laquelle on a pu s’apercevoir des ramifications de la criminalité organisée russe jusqu’au plus haut sommet de la hiérarchie de l’entreprise).

Ainsi, les groupes mafieux font véritablement là bas partie intégrante du paysage politico-économique et financier. Les entreprises ou multinationales étrangères qui tentent de s’y implanter en sont évidemment conscientes et doivent bien souvent se soumettre à une telle emprise pour faire des affaires (harcèlement fiscal des agents de l’Etat, pressions et racket sécuritaire orchestrés par les groupes criminels locaux….).

A la suite de ces exemples concernant le noyautage du système bancaire international, il conviendra de noter que:

-l’absence d’une volonté politique ferme et désireuse de s’attaquer au blanchiment de l’argent sale,

-combiné à l’existence des paradis fiscaux,

-à l’opacité des transactions bancaires et financières,

-à la mondialisation et à la libéralisation des échanges,

ne peuvent que contribuer à l’essor d’une véritable situation de criminalisation de l’économie dans sa globalité.

vExemple n°1 en Russie

(exemple rapporté par François Patenaude, dans un article sur les banques et Paradis fiscaux)

Le cas suivant démontre comment la «mafia» russe a pu réussir à se servir du système bancaire américain pour convertir des fonds occultes en argent propre:

- la mafia russe détourne du pétrole sibérien et le vend sur le marché libre de Rotterdam pour 40 millions de $;

- l’argent est ensuite déposé par exemple sur un compte dans une grande banque londonienne;

- le groupe criminel russe se sert du réseau de banque qu’elle contrôle à Moscou pour passer une commande de billets neufs à une banque privée de New York;

- la banque de Londres vire les 40 millions de $ à la banque privée new yorkaise pour payer les billets;

- la banque de New York achète au Federal Reserve Board (la FED) pour 40 millions de $ de billets neufs;

- la FED livre au final les billets neufs qui sont acheminés vers des banques sous contrôle criminel à Moscou. Ces billets pourront servir ultérieurement pour des opérations illégales en liquide.

vExemple n°2 à propos de la fameuse Banque BCCI et d’autres …

Le cas de la «Bank of Credit and Commerce International», la célèbre BCCI, mais aussi d’autres banques américaines ou russes, peuvent être ici explicitées pour démontrer que ce n’est pas là un simple cas d’école.

Cette nouvelle tendance qui consiste à acquérir des banques ou leurs filiales locales, permet en effet aux trafiquants, certes après un montage complexe et une acquisition clandestine de l’intermédiaire financier, de ne plus se préoccuper des banquiers-commissionnaires rigoureux et moins complaisants auxquels ils pouvaient avoir à faire.

Surtout, cette infiltration du système bancaire légale permet au crime organisé d’acquérir un accès facile à la communauté bancaire internationale et de détenir désormais l’opportunité de blanchir les profits illégaux quand et où il le désire.

Posséder ainsi une banque peut leur procurer deux avantages décisifs:

-accueillir des fonds en numéraire sur des comptes bancaires sans avoir à justifier de leur provenance;

-avoir accès à terme aux réseaux électroniques de virements internationaux de fonds de banque à banques tel que peut l’être SWIFT.

Parmi les banques, dont le siège et les filiales ont fait l’objet de poursuites, on va trouver pour exemple la BCCI, la First Bank of Boston (service central des transactions en devises), la Chase Manhattan, la Irving Trust, la Bank of America, ainsi que la firme Hutton (une importante société de courtage de Wall Street), sans oublier la Bank of New York dont il a été fait mention dans les développements précédents.

Dans le cas de la BCCI, qui reste à ce jour l’un des plus grands scandales financiers de la période contemporaine, il a fallu une banqueroute frauduleuse pour que cette institution financière, dont de hauts dirigeants avaient été pourtant arrêtés et jugés pour activité de blanchiment en 1988, fasse l’objet de poursuites et d’une liquidation judiciaire en 1991.

Dans les faits, cet établissement modeste, d’origine pakistanaise, était structurée en deux holdings, l’une localisée officiellement au Luxembourg et l’autre aux îles Caïmans. Son siège effectif se trouvait pourtant à Londreslorsqu’il a commencé à s’occuper très largement du recyclage des fonds provenant de tout type de trafics ( drogue, armement, terrorisme).

Cette banque détenait aussi des succursales dans les places financières les plus importantes mais aussi dans de nombreux paradis fiscaux (Bahamas, Panama…).

Figurant à son apogée parmi les 200 premières banques mondiales, elle disposait de plus de 20 milliards de dollars de dépôts détenus dans 400 agences et filiales établies dans 73 pays dont la France (Nice, Paris) et Monaco.

Elle a connu néanmoins une fermeture définitive le 5 juillet 1991 à la demande des autorités anglaises pour la survenance d’un krach frauduleux s’élevant à près de 10 milliards de dollars, chiffre inconnu de manière précise étant donné le réseau planétaire BCCI.

En outre, les dépôts de cette banque internationale était constitué pour l’essentiel de fonds douteux dont les propriétaires n’ont pas voulu se faire connaître pour récupérer leurs capitaux.

Ce que l’on sait néanmoins est que la liste des clients de cette banque ressemble à un véritable générique de film d’espionnage où figurent de nombreuses «stars» de l’époque (1983-1991), à savoir Oliver North (homme de l’ombre américain, responsable de l’Irangate et de l’affaire des Contras au Nicaragua), Manuel Noriega (dictateur déchu du Panama), Abou Nidal (terroriste palestinien bien connu) et Gerardo Moncada («Don Chepe» pour les intimes, l’un des patrons du cartel colombien de Medellin).

Cette énumération ne reprend bien sûr que les rôles principaux; que les absents nous excusent par avance pour avoir oublié de tous les citer!

Dans les faits, il y avait une raison à ce que la BCCI attire ainsi autant d’argent sale dans sa caisse; elle était, en effet, l’une des rares banques à avoir les moyens de transférer d’importantes quantités de fonds du Panama vers la Suisse par exemple ou des Etats Unis vers le Pakistan. Les marchés monétaires classiques, dans lesquels les banques se prêtent de l’argent entre elles, lui étant fermés à cause de sa réputation douteuse depuis 1983, date à laquelle elle a subi des pertes astronomiques, la BCCI s’est tout naturellement spécialisée par la suite et presque exclusivement vers des opérations non traditionnelles avec des intermédiaires peu recommandables.

Grâce à un système de prêts adossés (placement d’argent dans une banque au nom d’une société écran car prêt réalisé à soi-même), impossible à déceler sans des investigations approfondies ou résultant de fuites venant de l’intérieur du réseau (logiquement impossible car les dirigeants et les cadres étaient issus d’une sélection à la fois géographique et ethnique très stricte: présence d’hindous, de pakistanais, de yéménites, de peuplades spécifiques d’Asie centrale), la BCCI ( ou «Banque des Crapules et de la Cocaïne Internationale»101) ne se bornait pas uniquement à blanchir l’argent: elle offrait un service complet de rinçage et d’essorage en faisant réapparaître de beaux dollars bien propres dans le pays choisi par le client.

Comme aimait à le rappeler A.H Abedi, dirigeant de la BCCI, «il n’y a pas d’inquiétudes à avoir, l’argent qui passe le seuil de cette institution devient l’argent de Dieu, intouchable pour quiconque s’y intéresse».

L’affaire de la BCCI illustre à merveille la technique de l’intégration, consistant à réintroduire les sommes blanchies dans l’économie en les mélangeant avec des fonds d’origine licite: double facturation ou surfacturation de certaines opérations de vente ou d’exportation, encaissement de bons anonymes souscrits par des prête-noms, par des sociétés respectables. Après blanchiment, l’argent était recyclé dans des affaires licites (placements immobiliers, investissements industriels, achat de valeurs mobilières…)

Dans sa quête insatiable d’argent frais sur les cinq continents, il était nécessaire à cette banque très spéciale de démarcher toujours plus de clients en marge des circuits classiques, car seuls les dépôts effectués constituaient son «oxygène» pour la faire vivre. C’est dans cette optique qu’elle pouvait prêter son concours aussi bien aux cartels de la drogue (Pablo Escobar par exemple dont elle gérait les comptes depuis un immeuble au cœur de la City à Londres), qu’aux groupes terroristes (Abou Nidal donc, mais récemment certaines filiales seraient toujours opérationnelles pour soutenir le réseau prénommé «Al Qeda» de Ben Laden), sans oublier toutefois les transferts de fonds effectués à l’intention d’agents de la CIA en mission. Cette banque a donc construit sa fortune, à la fois sur la fraude, le blanchiment de narcodollars, mais aussi sur des transactions avec des grands corps de l’Etat américain en passant par le biais de plusieurs grandes banques américaines.

Même si la CIA a beau nier catégoriquement toute relation avec des employés ou responsables de la BCCI, c’est vrai qu’on a du mal à s’expliquer (sauf par le jeu de soutiens et complicités importantes de certains gouvernements occidentaux, du Moyen Orient et d’Asie centrale) comment, pendant des années, cette institution financière a toujours réussi à se sortir d’enquêtes des autorités monétaires et des rapports provenant de cabinets privés d’audits et de consultings de renommée internationale (Ernst & Young, Price Waterhouse) et à poursuivre de tels financements pour des personnes non grata (ex: 23 millions de dollars en dépôt dans les bureaux de la banque à Londres appartenant à Manuel Noriega en février 1988; en septembre de la même année, des investigations policières ont été menées mais tout avait alors disparu).

Les voies de la finance internationale sont parfois impénétrables…..

b) concernant les PME

Les organisations criminelles brassent sans conteste des millions de dollars par jour, surtout lorsqu’elles sont internationalisées avec des activités aussi diversifiées.

Cela ne les empêche pas d’être susceptibles de s’intéresser aux «petites entreprises d’à côté», soit parce qu’elles sont sur leur territoire, soit parce qu’elles sont bien intégrées dans la vie sociale et économique du quartier ou de la région et qu’elles produisent des bénéfices certes modestes mais au dessus de tout soupçon.

En effet, rappelons que le blanchiment, en tant que concept de délinquance spécifique (une délinquance économique et financière) se caractérise par différents objectifsbien spécifiques:

- l’effacement de toute trace d’identification,

- la garantie de l’anonymat des «déposants»,

- l’intégration la plus «propre» possible au tissu économique environnemental,

- l’assurance de récupérer rapidement des fonds blanchis.

Pour se faire, les blanchisseurs vont privilégier divers critères d’organisation:

- la fiabilité du processus de réintégration;

- la rapidité en privilégiant les circuits les plus courts, même si c’est moins vrai aujourd’hui avec les nouvelles technologies au service du crime (possibilité de réseaux complexes avec de nombreux interfaces mais ultra rapides après que les ordres d’engagement aient été transmis),

- l’emploi de personnel agissant comme de simples exécutants mais intervenant de manière importante dans le processus économique car dotés de pouvoirs essentiels dans la prise de décisions de l’entreprise;

- enfin, la discrétion, la chose la plus précieuse à leurs yeux, s’ils disposent d’un peu de temps.

Alors bien sûr, glisser les revenus d’un trafic dans des opérations commerciales par les modifications apportées aux comptes d'une petite société, ça peut prendre un peu plus de temps que de faire usage d’un réseau de transfert de flux financiers mis au point par des spécialistes bancaires. Cela serait d’ailleurs considérer comme du «recyclage par petites touches». Mais, d’une part cela coûte moins, c’est généralement plus discret, surtout quand des autorités de contrôle surveillent plus attentivement les flux importants et transnationaux, et d’autre part, il suffit de renouveler le processus avec de nombreuses entreprises avoisinantes et le retraitement d’argent sale peut rapidement prendre de l’ampleur (voir le même système ô combien efficace du schtroumpfage).

Le procédé d’utiliser des petits commerces de proximité (laverie automatique, pizzeria de quartier, restaurants….) pour blanchir des capitaux d’origine criminelle se révèle d’un usage qui semble de plus en plus répandue.

D’autres techniques permettent également un «blanchiment de proximité»:

-Pour transférer l’argent, il peut également suffire de surfacturer des opérations avec une acheteur ou un vendeur complice.

-Autre exemple, la création d’entreprises d’import-export vers le Sud Est Asiatique peut fournir un paravent à des activités de blanchiment de l’argent de la drogue, en même temps qu’elle permettra de développer une logistique utile pour expédier l’héroïne en direction des zones de consommation.

Le problème que pose ces organisations criminelles est, qu’à la fois, elles investissent les marchés illicites les plus lucratifs (drogue, prostitution, déchets dangereux, trafics d’arme) puisque leur leitmotiv est d’abord l’argent, mais ne se cantonnent aucunement à ces seules activités. Elles participent tout aussi fréquemment à la distribution de produits licites dont elles savent tirer profitpour se donner une apparence plus légitime à leurs revenus. Elles peuvent ainsi racheter des sociétés entières qui étaient auparavant parfaitement licites (dans des secteurs variés tels que l’hôtellerie, le commerce du luxe et du prêt à porter, les transports, la fourniture de prestations de services, les réseaux locaux d’eau et d’électricité quand ce n’est pas le ramassage des ordures au niveau communal, les chaînes pharmaceutiques et les petits commerces de détails) et cela même si ces entreprises produisaient alors à perte102. Toutefois, il est de notoriété publique que les entreprises en difficulté constituent le principal point d’entrée de l’argent noir dans le système économique légal.

L’engrenage est en général sans retour pour ces sociétés qui se laissent approcher par de tels intermédiaires et acceptent de l'argent facile. Elles finissent souvent ensuite par dépendre entièrement des fonds du crime organisé.

Les criminels investissent donc leurs profits dans des entreprises qui, en apparence, sont légales; ce sont souvent d’ailleurs des sociétés de services (commerces liés à l’automobile, centres de conditionnement tels entrepôts, sociétés de gestion immobilière…)

Le problème que cela pose est que, n’ayant aucune difficulté de financement, ces petites et moyennes entreprises sous la main mise de la criminalité organisée, vont faire concurrence aux autres sociétés de façon déloyale et prendront progressivement le contrôle de certains secteurs de l’économie.

Les règles de la concurrence sont donc très vite faussées, les commerces dont l’activité est dopée par cette injection de capitaux sales ne tardant pas à se retrouver en position dominante sur leur marché. Ce processus permet ainsi aux cartels de racheter à moindre coût les sociétés concurrentes et d’étendre par là leur influence.

L’entreprise criminelle va créer de la richesse et va avoir tendance à rencontrer souvent l’approbation sociale de tous (plus ou moins volontairement). Elle parviendra également, grâce à son apparente légalité, à modifier profondément les règles du marché, voire à entrer en relation avec des représentants de la classe politique et, plus largement, des classes dirigeants103.

En principe, la répartition des tâches se fait toujours de manière très simple: les entrepreneurs blanchissent l’argent par l’intermédiaire de la comptabilité de leurs entreprises, les politiques et les juges formant un réseau destiné à assurer l’impunité aux différents acteurs.

En fait dans ce genre de compromission, de noyautage de l’appareil judiciaire et politique d’un Etat, le crime organisé ne cherche pas à gouverner, il veut seulement posséder: voilà simplement ce qui détermine ses rapports avec le monde qui l’entoure.

Bien sûr de tels groupes ont du pouvoir (ou plutôt de la puissance), mais rien ne permet pour autant d’affirmer qu’elles cherchent à prendre le pouvoir.

Une structure criminelle est par essence parasitaire et ne cherchera qu’à tirer profit des institutions. Pour parvenir à ses fins, la grande criminalité recherche ainsi à maîtriser le tissu économique, social et politique, là ou il évolue.

La puissance criminelle est pragmatique et va donc à l’essentiel:

En matière de corruption, elle se rapprochera donc du politique qui a dans la plupart des cas le pouvoir décisionnel. Pour se faire, elle investit les coulisses de la politique et des organes de décision et utilisera le processus de corruption qui est consubstantielle à la logique des structures criminelles.

C’est donc à la fois une autre logique de gestion, un autre monde que celui de la société de distribution légale qui est mise en place par le crime organisé et doit être ainsi appréhendé et ce, tout en réutilisant les structures et l’apparence de la vraie vie des affaires et du commerce licite pour passer inaperçu. Réussir une opération de blanchiment d’argent suppose toujours de faire en sorte qu’elle ressemble le plus possible à une opération légale. Par conséquent, les procédés utilisés ne sont eux-mêmes que de simples variantes des méthodes normalement employées par les entreprises licites.

Les réseaux utilisés par la criminalité organisée ne sont donc pas spécifiques. La criminalité organisée utilisera en effet les facilités de la finance internationale offertes aux particuliers et aux entreprises pour se déployer: restée en contact régulier avec ses structures opérationnelles afin de s’étendre au reste du monde.

Dans cette optique, à la fois le blanchiment n’a rien à voir avec la rationalité économique générale mais s’en inspire fortement également. La connaissance et l’utilisation des structures légales par ces entreprises criminelles est donc indispensable pour son extension et sa croissance.,

C’est ainsi autour de ce caractère mixte du licite et de l’illicite des activités du crime organisé que se jouent la complexité et les difficultés de dénouer précisément les implications des structures criminelles au sein de nos sociétés, certes peu égalitaires mais loyales.

Il est donc possible de faire ressortir 3 types de structures utilisées par ces organisations:

- des structures licites existantes ayant des activités commerciales licites, mais dont un ou plusieurs employés ou dirigeants collaborent avec le crime organisé;

- des structures licites existantes ayant à la fois des activités commerciales licites et illicites;

- des structures licites sans aucune activité commerciale, établies par ces groupes eux-mêmes.

Pour expliciter cette situation très préoccupante de la criminalisation rampante des PME, il sera rappelé qu’en Russie, lors de l’été 1993, le ministère de l’Intérieur annonçait déjà que «plus de 40 000 entreprises russes, publiques et privées, se trouvaient directement ou indirectement sous l’influencedu crime organisé, ce qui représentait à l’époque une masse de manœuvre financière dépassant les 5 milliards de francs» (soit 760 millions d’euros actuellement), somme au demeurant énorme dans un pays à peu près privé à l’époque de devises fortes.

De même, il a été évalué récemment par des économistes à plus de 40 milliards de dollars le montant des seuls investissements russes en France.

Le rachat massif depuis quelques années à l’aide de capitaux russes et via des holdings luxembourgeois ou belges, de PME françaises en difficultés, constitue, à cet égard, un signe inquiétant de cette infiltration criminelle dans notre économie et un symbole du «pouvoir corrosif» de l’argent sale.

En France, également, les entreprises nationales ont pu bénéficié d’investissements considérables venant d’un peu partout (d’ailleurs, pour la plupart on ne sait pas d’où exactement) et ce, même si elles n’avaient pas réellement besoin de ces financements extérieurs 104.

L’internationalisation du capital fait ainsi partie du mouvement global d’internationalisation…La difficulté est que l’on ne sait pas toujours qui se cache véritablement derrière ces capitaux apportés avec bienveillance par des entreprises étrangères ou des sociétés françaises mais rachetées en sous-main par des entités économiques extra- nationales.

Enfin, pour en finir avec la situation des PME et les tentations de blanchiment d’argent dont elles sont l’objet de manière plus ou moins régulière suivant les pays, il est important de reprendre ici la remarque très réaliste qu’avaient énoncé des experts financiers lors d’interviews déjà anciennes 105, à savoir:

«il faut y faire attention; l’argent noir pour l’économie, c’est comme les stupéfiants pour un individu: il y a addiction et rapide même. Désormais, il est tout à fait envisageable de parler pour certains pays, d’économies «toxicomanes» ou au moins des secteurs d’activités «sous forte influence».

Dans cette optique, le rachat massif de PME françaises ou d’autres nationalités, peut avoir pour but la création de sociétés-écrans françaises permettant de se livrer à des investissements et des prises de participation ensuite dans d’autres sociétés françaises et de gangrener ainsi tout un pan d’une économie avant de s’attaquer à un autre de ses secteurs d’activités.

t 1.3 multinationales et problèmes de blanchiment (grands groupes, holdings et sociétés cinématographiques)

Dans le contexte présent, on parle encore de «société criminelle» pour appréhender la main mise de certains groupes délinquants sur de vastes secteurs de l’économie légale. Mais c’est le terme de «Holdingdu crime» qui semble devoir qualifier le plus précisément ces véritables groupes économiques délinquants désormais constitués. Cette expression rend fidèlement compte de la diversification des activités et des produits ainsi que des circuits qui permettent l’existence de ces organisations criminelles spécialistes en filières de retraitement de l’argent sale. En outre, cette notion est la mieux appropriée pour définir et cerner les aspects financiers de cette criminalité organisée qui se fonde sur des structures flexibles et efficaces en employant dans cette phase de recyclage tout le personnel spécialisé, les managers et conseillers les plus compétents déjà insérés dans les strates de l’économie légale.

C’est ainsi par une connivence objective existant entre les groupes organisés de type mafieux et les grands cabinets juridiques et financiers qu’ont été créées des structures économiques parfaitement licites, identiques à celles utilisées par les firmes multinationales de renom, aux seules fins de contourner les règles et législations en vigueur en la matière.

Aujourd’hui, les organisations criminelles sont devenues de véritables holdings financiers. Le concept de «groupe délinquant» ou de «cartel» tend à s’estomper derrière celui de «trust financier», doté qu’ils sont désormais de tous les moyens nécessaires pour accéder aux techniques économiques et bancaires les plus avancées. Si les «truands à la petite semaine» subsisteront toujours car servant d’hommes de main aux grandes organisations transnationales, ils pèsent finalement peu dans cet univers du lavage de l’argent dévoyé et sont progressivement et inexorablement remplacés par des gestionnaires criminels (des cols blancs) bardés de diplômes.

Pour exemple, prenons deux entreprises d’origine russe:

- «Sistema Joint-stock Fiancial Corporation» est un groupe basé à Moscou, pesant près de 450 millions de dollars (et 70 millions de dollars de bénéfice). Il est présent aussi bien dans le pétrole, les télécommunications et le tourisme que dans l’assurance et la banque et ce, par l’intermédiaire de la «Moscow Bank for Reconstruction et Development» (MBRD) employant 30 000 personnes. Son patron âgé de 38 ans a été néanmoins appréhendé il y a peu comme un des responsables de la criminalité organisée sur le secteur de Moscou.

- Serguei Mikhailov dirige un autre empire du néo-capitalisme russe, implanté dans l’immobilier, l’agro-alimentaire et les supermarchés. Or, il est tout simplement soupçonné d’être l’un des plus fameux parrains de la «mafia russe» dirigeant la bande de Solntsevo, du nom de l’une des cités dortoirs au Sud de Moscou. Elle regrouperait 1 500 membres organisés en une demi-douzaine d’autres groupes criminels, aussi bien active dans le trafic de drogue, le racket, la prostitution, la corruption de fonctionnaires et d’hommes politiques et bien entendu dans le blanchiment d’argent. Même à la tête d’une multitude de sociétés plus respectables les unes que les autres, comme «IVK Systems», «RTI Telecom» ou «Angstrem», Serguei Mikhailov continue à se livrer, sans trop se cacher d’ailleurs, à la réalisation d’extorsion de fonds, d’enlèvements ou de trafic de stupéfiants.

Les groupes criminels organisés ne se transforment de cette manière pas uniquement, au cœur de leur structure patriarcale ou ethniquement constituée, mais ils entraînent dans leur transformation criminelle les entreprises et sociétés aux activités pourtant licites qui leur appartiennent. Ainsi, comme avait déclaré Christian De Brie dans un article du Monde Diplomatique (avril 2000), «l’explosion d’un marché de la finance hors la loi ne peut que servir de moteur à l’expansion capitalistique (par le biais des petites et moyennes entreprises sous leur contrôle) qui se retrouve continuellement lubrifiée par les profits de cette grande criminalité».

Ce qui est grave, c’est l’association sous forme de partenariat invisible qui se produit dans ces lieux dédiés à la rencontre de l’offre et la demande, entre gouvernements, entreprises transnationales et mafias. En fait, la structure économique que représente la criminalité financière constitue une sorte de marché prospère, ordonné et organisé, ouvert aux intervenants économiques à l’âme complaisante qui auraient un besoin urgent de capitaux conséquents pour rivaliser avec des concurrents, asseoir leur emprise sur un secteur en particulier ou simplement être soutenu lors de dysfonctionnements accidentels survenus dans leur comptabilité interne.

Dans cette alliance, plus ou moins tacite, peu importe la couleur et l’odeur de l’argent. Les affaires sont les affaires; business as usual…

Dans la réalité, les grandes organisations criminelles ne peuvent donc assurer le blanchiment et le recyclage des profits colossaux tirés de leurs activités qu’avec la complicité des milieux d’affaire et le «laisser faire» du pouvoir politique.

Chaque pays abrite ainsi ses milieux criminels.

Les entreprises transnationales de leur côté, ont besoin du soutien des gouvernements et de la neutralité des instances de régulation.

Le personnel politique quant à lui, ne peut garantir sa pérennité que grâce à des appuis et par des financements plus ou moins transparents. Si rien n’est jamais mené à bout en matière politique, sociale et économique, ou que des solutions ne sont jamais totalement réalisées dans les faits, ce pourrait être tout simplement le fruit de cette collusion d’intérêts.

Comment en effet penser autrement, si ce n’est sous la forme d’une mascarade, que la lutte permanente, continuellement renforcée et internationalement coordonnée (à la fois, gouvernementale, policière et judiciaire) contre la criminalité financière (la corruption, les trafics et le blanchiment) ne débouche jamais sur l’éradication de telles structures déviantes.

Tout changer pour que tout reste identique, voilà le maître mot en ce domaine. L’échec de plus de trente années de guerre internationale contre le trafic de drogue témoigne du succès de la formule. Doit-on prédire le même sort à la lutte contre le blanchiment d’argent?

a) à propos de l’existence de codes de bonne conduite ou des chartes éthiques dans les firmes nationales et multinationales?

Est-il encore possible d’obtenir aujourd’hui des grands contrats et de préserver sa compétitivité sans verser de commissions occultes106?

Il semble en fait que la morale soit le cadet des préoccupations des grandes firmes mondiales lorsqu’il s’agit de leur développement et de la présentation future de leur bilan aux réunions mensuelles ou annuelles d’actionnaires.

D’ailleurs, plus on observe les sociétés internationales, plus on s’aperçoit que quand on parle de guerre économique entre des sociétés, tous les coups sont bons, et de préférence les plus tordus:

Ententes et cartels, abus de position dominante, dumpings et ventes forcées, délits d’initiés et spéculations, faux bilans et manipulations comptables, fraudes et évasions fiscales par filiales off shore et sociétés écrans, détournements de crédits et marchés truqués, corruptions et commissions occultes, enrichissements sans cause et abus de biens sociaux, surveillance et espionnage, chantage et délation, violation des réglementations en matière de droit du travail, d’hygiène et de sécurité, de pollution et d’environnement…

le cas déjà développé de l’Affaire ENRON ne fait que traduire ces exemples de comportements dans la réalité économique contemporaine.

Au travers de ces diverses situations rencontrées, il apparaît que de plus en plus d’institutions bancaires laxistes et de grandes entreprises nationales ou internationales soient avides de capter, après les avoir blanchis, les profits des affaires du crime organisé.

Dans cette optique, ils vont faire appel le plus souvent à des sociétés off shore (sociétés économiquement fictives mais juridiquement reconnues par l’ordre international), sous le couvert desquelles va circuler de l’argent d’origine criminelle. Dès lors, de nombreux centres off shore (COS) et autres paradis fiscaux permettraient la création d’entités juridiques légales qui, détournées de leurs objectifs licites, génèreront la constitution de fonds destinés à la corruption ou créeront des «caisses noires» au sein des grandes entreprises multinationales.

Les codes de bonne conduite et les chartes éthiques semblent donc ne servir que de paravents et de façades pour les firmes nationales ou multinationales, sans plus d’application réaliste ensuite dans leur environnement quotidien face aux réalités économiques objectives. Dans un monde en perpétuel mouvement, il est ainsi des plus compliqué de trouver et de mettre en place une politique permettant l’équilibre entre la recherche de compétitivité d’une part et l’application de normes déontologiques strictes de l’autre.

Les organisations criminelles multinationales apparaissent elles comme des adeptes du marché et de la mondialisation dont elles maîtrisent parfaitement les logiques.

Elles se sont servies de ces transformations universelles pour mieux intégrer les secteurs porteurs de chaque économie et c’est par cette connaissance du monde économique qu’elles comprennent aussi bien aujourd’hui les besoins des entreprises, même sous leurs formes multinationales.

Elles développent ainsi les mêmes intérêts que les entreprises légales puisqu’elles recherchent les taux de profits les plus élevés (nouvelles technologies, immobilier) tout en s’assurant des rentes confortables dans des secteurs plus sereins tels l’industrie et le commerce. De plus, ces groupes criminels offrent une dimension internationale aux activités qu’elles détiennent, qu’elles soient licites ou illégales, et peuvent dès lors réinvestir comme à l’échelle d’une multinationale.

Les organisations criminelles n’ont, bien sûr en réalité pour objectif, que de maintenir de manière durable ce partenariat permanent avec les sociétés transnationales dans lesquelles elles ont investi et avec les banques qui gèrent leurs placements et ce, dans le seul but de servir leurs uniques intérêts.

b) Sur le cas spécifique des «Méga- fusions»

de firmes internationales

A la fin des années 90, le monde des affaires a vécu au rythme des Fusions et Acquisitions régulières (F&A). Or, dans le même temps, le montant total de ces opérations a rapidement augmenté, cette inflation étant due pour la plupart à des acquisitions géantes de plusieurs dizaines de milliards de dollars. En fait, pour expliquer ce phénomène récent, on nous présente souvent cela comme le résultat de la croissance économique de la fin des années 90 qui, par le biais de «trésor de guerre» et de liquidités considérables en caisse, aurait ainsi suscité autant de projets d’investissements pharaoniques.

Mais une autre vision et explication du financement de ces opérations peut être toutefois envisagée. L’internationalisation et la mondialisation ont engendré de nombreuses opérations de F&A. Souvent spectaculaires et médiatisées, elles symbolisaient la progression de la mondialisation ainsi que la prise de pouvoir du secteur de la finance mondiale sur le déroulement de la vie économique des nations.

C’est dans les industries de pointe d’ailleurs, et notamment les secteurs de l’information et des télécommunication, qu’il y eut de multiples F&A. Les entreprises ont du ainsi réajuster rapidement leur actifs pour générer ou bloquer de telles tractations. Si elles ne le pouvaient pas au niveau des circuits bancaires traditionnels, pour leur survie, elles étaient contraintes de trouver ces financements ou investissements externes auprès d’autres intermédiaires financiers. Les groupes criminels ont alors pu pallier la complexité et la lenteur des administrations bancaires en apportant avec célérité leurs économies criminelles aux entreprises qui étaient, à cette époque, en demande constante.

Cela expliquerait le rachat de très nombreuses petites entreprises qui possédaient des compétences de pointe comme dans le domaine de l’Internet ou du multimédia. Certes, de tels opérations pouvaient, même à cette époque, être risquées (opérations complexes sous-estimant souvent les difficultés d’intégration des nouvelles structures dans un environnement économique en mouvement). D’ailleurs de nombreuses études ont souligné le taux d’échec élevé de ces F&A (de 40 à 60 % environ).

Néanmoins, cela n’a nullement empêché la réalisation d’opérations de recentrages stratégiques de grande ampleur (au niveau matériel, personnel et monétaire) impliquant des holdings financiers, des sociétés premières dans leur secteur d’activité ainsi que des multinationales de tout horizon (en matière de presse et d’édition (voir les affaires et les affres de News Corp., l’entreprise de Rupert Murdoch), du secteur agro-alimentaire (BSN et Unilever), des technologies informatiques et des cables réseaux (Wanadoo interactive, Hachette Multimédia, Alcatel…).

Bien entendu, il n’est pas question de poser de faux problèmes ou de voir le mal partout (en l’occurrence de l’argent sale), dans chaque transaction réalisée par une multinationale.

Il ne s’agit évidemment pas de dire non plus que toutes les multinationales, comme tous les politiciens, à leur niveau, verseraient dans l’illégalité.

Néanmoins lorsque ces opérations se chiffrent en milliards de dollars, qui plus est, très souvent payées en monnaie électronique et donc immatérielle, il est possible de s’interroger sur la virginité et l’origine de toutes ces masses monétaires virtuelles apportées sur la table des négociations.

Prenons deux exemples pour expliciter cette interrogation:

v«HEWLETT-PACKARD rachète COMPAQ pour 25 milliards de dollars», voici ce que titrait le Monde le 4 septembre 2001. Ce regroupement devait permettre ainsi aux deux géants de l’informatique de mieux faire face à la concurrence dans un contexte de guerre des prix et de morosité du marché des ventes de PC.

La nouvelle entreprise mondiale (premier fabricant mondial d’ordinateurs personnels (PC), de serveurs et d’imprimantes) représenterait désormais un C.A annuel combiné de 87 milliards de dollars et emploierait 145 000 personnes dans 160 pays, bref l’exemple type de la multinationale qui a réussi dans le domaine des nouvelles technologies de l’informatique.

Cette fusion a pour objectif affiché de créer une des grandes et plus puissantes entreprises en matière de services informatiques pour lutter ensemble sur le marché des PC, frappé de plein fouet par le ralentissement économique mondial et les difficultés en particulier dans ce secteur.

En des temps particulièrement difficiles pour l’industrie des technologies de l’information, cette fusion colossale apparaît comme un miracle (car qui dit fusion, dit malgré tout coûts économiques et sociaux à supporter pour les deux entités afin de réaliser la synergie tant attendue et espérée) et, comme dans tout miracle, il est bon de s’interroger sur les conditions qui ont permis son avènement. Ainsi, sur ces 25 milliards de dollars mis sur la table, qui pourrait s’imaginer un instant qu’il y ait quelques millions de dollars, appartenant à des sous-filiales opaques, installées dans des paradis fiscaux, ne faisant jamais de vagues et d’esbroufes économiques au sein du groupe et s’occupant simplement de gérer des affaires illégales sous couvert et avec minutie….

vAOL/TIME WARNER et VIVENDI-UNIVERSAL

A l’aube de l’an 2000, les conquérants du «cybermonde» ont voulu réaliser une convergence multimédia afin de posséder à la fois le contenu et les canaux de diffusions.

Il a en résulté des business colossaux, des unions monumentales.

-AOL /TIME WARNER avec 130 millions d’abonnés, 85 000 salariés et une méga-fusion de 183 milliards de dollars(comprenant le 3e studio d’Hollywood, la 4e major musicale mondiale avec 1 million de titres en catalogue, le numéro 1 mondial de l’accès à Internet, des chaînes à profusion…);

-VIVENDI-UNIVERSAL avec 30 millions d’abonnés, 290 000 salariés et une fusion de 40 milliards de dollars (intégrant le 2e studio d’Hollywood, la 1e major musicale mondiale, le numéro

1 de la télévision à péage en Europe, le 1e éditeur français de presse, le 2e opérateur français de Télécom….).

Cette «parenthèse enchantée» qui a été rendu possible par l’embellie de la nouvelle Economie a ainsi crée «deux gigantesques laboratoires de la mondialisation» comme les qualifiaient les journalistes Jean Christophe Féraud et Frédéric Roy le 31 octobre 2001. Là aussi, malheureusement, la bulle spéculative d’Internet passa par là et avec l’E- krach, les ambitions mégalomanes se sont quelque peu dégonflées, laissant des centaines de milliards de dollars virtuels partis en fumée.

Cette expérience d’invention de deux géants de la communication a nécessairement bouleversé la donne, et comme l’analyse Philippe Altuzarra, consultant chez Goldman Sachs, «dans de telles affaires, le marché boursier a jeté la convergence et la raison avec l’eau du bain et les start- up avec».

Il apparaît dès lors que ce ne devrait pas être seulement des actionnaires et boursicoteurs honnêtes qui ont dû perdre leur misedans ces affaires, les blanchisseurs ayant pu connaître aussi ces mêmes revers économiques.

En effet, comme tout bon gestionnaire, le trafiquant peut préférer parfois privilégier les grands structures d’entreprise pour investir ses fondslorsque l’atmosphère est morose.

Non seulement c’est un comportement de prudence de mettre ainsi ses capitaux dans des grands groupes, qui à priori ne risquent pas grand chose en période trouble, mais en plus cela passe généralement plus inaperçu étant donné que dans ces multinationales, on ne fera pas attention à des sommes intégrant le capital si elles sont fractionnées (arrivant de différents petits actionnaires) et si elles sont de faible montant à chaque fois (quelques centaines de milliers de dollars).

Aussi, toutes les conditions semblaient réalisées pour permettre lors de ces transactions l’injection de capitaux douteux dans l’économie boursière. Cependant à ce jour, ce ne sont encore que de pures déductions de ma part, puisque les preuves de telles allégations ne sont pas encore apparues (de toute façon, les trafiquants ne vont pas se faire connaître pour récupérer leur mise!). Alors certes, les blanchisseurs ne veulent prendre en général que des risques mesurés dans l’investissement de leurs revenus. Mais qui pouvait à l’époque prévoir de tels bouleversements, entraînant le secteur des nouvelles technologies, qui était alors en plein essor et dans une croissance qui semblait durable, vers une phase de récession et l’accumulation de tant de pertes.

De tout façon, l’absence de plaintes en la matière n’implique pas l’absence de dérives, donc tout reste envisageable….

Au regard de ces exemples, considérant la possibilité de la collusion pouvant s’opérer entre multinationales légales et organisations criminelles transnationales sous l’œil clément de certains responsables politiques, certains dirigeants n’hésitent pas aujourd’hui à s’indigner de cet état de fait et à affirmerclairement : «il faut une éthique de fer, une tolérance zéro à l’égard du népotisme et des fraudes de toutes sortes» 107.

Faisant écho à cette prise de position forte d’un responsable politique, Jean Marie Messier, président de Vivendi-Universal, ne craignait pas d’affirmer lui aussi 108 qu’«entre un acte illégal et la perte d’un marché, le choix d’un groupe économique responsable était de toujours perdre le marché».

Tout ceci pour démontrer que la délinquance économique et financière semble se porter en premier lieu sur le système économique et financier d’un pays avant de toucher directement le fonctionnement politique d’un système occidental, libéral et de marché.

De toute façon, il n’est pas question ici de faire référence gratuitement à tous les fantasmes qu’on peut mettre en scène concernant l’implication des grandes sociétés dans le blanchiment qui se développerait à un niveau international. Le problème est de faire prévaloir le rationnel dans un contexte où il n’y a pas de séparation claire entre les us et coutumes commerciales licites et les pratiques économiques anormales.

Certes, les entreprises peuvent utiliser des capitaux blanchis volontairement ou non dans les opérations qu’elles réalisent; mais cela n’est fait en général qu’incidemment et sans véritable volonté de transgresser les lois (à la différence de l’évasion et de la fraude fiscale). Le blanchiment, comme la corruption n’est pas toutefois, pour chaque entreprise ou sociétés à la différence des trafiquants professionnels, une stratégie de développement appliquée, réfléchie et mise en œuvre de manière systématique pour conquérir des marchés ou stabiliser un horizon commercial incertain et menaçant.

Parfois seulement, ces phénomènes constituent des facteurs plus ou moins importants dans l’accentuation de la lutte pour l’obtention de débouchés ou de nouveaux contrats.

Le blanchiment peut ainsi engendrer une augmentation des opportunités de corruption (les deux phénomènes étant fortement liés), mais toute modernisation recherchée pour les sociétés en vue de leur rentabilité et efficacité finales ne se fait pas encore et ne se produit pas automatiquement qu’avec des capitaux blanchis.

c)Le cas particulier des sociétés cinématographiques

et entreprises organisatrices de spectacles

Ces sociétés, au même titre que les autres, peuvent être utilisées par les trafiquants pour réinvestir les capitaux criminels dans l’économie licite. Néanmoins, si elles peuvent être souvent utilisées comme couverture à des opérations de blanchiment, c’est bien parce que, dans ce milieu, il est difficile de contrôler les recettes engrangées par ces entreprises.

Lors de tournées dans plusieurs pays et villes, étalées sur une période assez longue, il ne peut être que complexe de retracer l’origine des bénéfices affichés par les gestionnaires et organisateurs. Rien ne peut empêcher alors l’injection de certaines sommes douteuses surtout quand les concerts ou la post production et le merchandising connaissent un succès national, voir international ( par exemple méga show de Mylène Farmer, de Madonna, des Rollings Stone..). Après les exemples réalistes de prise de contrôle de banques par la criminalité organisée, il n’est plus temps de se leurrer sur la virginité du milieu du show bizz, surtout quand celui ci rapporte autant de recettes (cela se chiffre effectivement en millions de dollars de bénéfices pour des films ou des tournées de concerts).

Lors de reportages ou d’interviews, les enquêteurs spécialisés dans la traque de l’argent noir disent également qu’ils se méfient beaucoup du succès apparent de certaines vedettes sur le déclin, surtout quand elles font des tournées dites «triomphales» à l’autre bout du monde. Bien entendu, les personnes visées par ces investigations pourront toujours objecter que les preuves de tels faits reprochés ne sont souvent nullement apportées et que les rumeurs restent des allégations sans fondement.

Néanmoins, même dans ce cas précis, le doute ne subsiste pas forcément au monde de paillettes du show bizz, tellement ce secteur semble vulnérable à l’argent facile et prône souvent l’opacité de son fonctionnement.

Le monde sportif ne semble pas devoir être épargné par ces tractations occultes. En effet, les contrats de transfert dans le milieu du football par exemple, offrent également la possibilité d’injection de capitaux douteux dans les rouages du sport mondial (voir document en annexe au sein de la Revue de presse récente).

Ainsi, les transactions financières relatifs au rattachement de champions à des équipes et à la réputation de clubs vont être l’occasion de profits et de commissions dont le caractère licite peut être tout autant soupçonnable que sont importants les gains récupérés et disputés les droits de retransmissions dans tous les pays de certaines manifestations sportives.

Là aussi, on parle de centaines de millions de dollars dont on ne connaît absolument rien de leur origine et où, la plupart du temps, il s’agira de monnaie virtuelle et immatérielle lorsqu’il ne prend pas la forme de valises de billets (comme dans les films).

Pour approfondir le sujet, on peut aussi évoquer l’exemple des liens mafieux pouvant exister en Asie du Sud Est entre groupe criminel organisé et entreprise de cinéma. Ainsi, il n’y a qu’à prendre le cas de l’immixtion de certaine triades de Chine ou de HongKong dans l’industrie cinématographique. Là bas en effet, il apparaît comme naturel que le monde du spectacle entretienne des liens étroits et obligés avec le monde des triades, ce qui ne fait que renforcer l’utilisation de ces structures comme de «vaste machine à lessiver l’argent sale».

Selon les services de police hongkongais et occidentaux, deux demi-frères sont ainsi, à la fois, des producteurs de cinéma très connus et les chefs de la Sun Yee On (voir l’article sur «les frères Heung qui font leur cinéma» dans le dernier ouvrage de Roger Faligot).

D’ailleurs, différents acteurs (voire des chanteurs et chanteuses) se sont laissés embrigader dans cette mouvance et ont travaillé pour de tels investisseurs ( Bruce Lee qui a connu une fin tragique…Jet Li au début de sa carrière, Chow Yun Fat…), alors que d’autres se sont rebellés et ont dénoncé cet état de fait publiquement, bien sûr au risque de leur vie(Jacky Chan, Tony Leung…).

Cet investissement massif réalisé dans l’industrie cinématographique de manière visible et se déroulant apparemment de façon quotidienne dans ce pays alors qu’il constitue le 3ème producteur mondial de cinéma après Hollywood et Bombay et le 2ème exportateur, démontre avec évidence l’intérêt d’un tel secteur pour la grande criminalité organisée.

En conclusion, il apparaît comme évident qu’il est nécessaire de requérir une attention particulière sur de telles opérations économiques et financières ici décrites, des opérations plus ou moins importantes au niveau de professions non financières pouvant intégrer un processus à plus ou moins grande échelle de blanchiment de capitaux.

2. Nouveaux secteurs de développement du blanchiment d’argent

A l’heure actuelle, les motivations des blanchisseurs n’ont pas changé puisqu’il s’agit toujours de donner une existence légale à des biens acquis illégalement, en camouflant des profits et en dissimulant leur origine criminelle. Avec l’avènement des nouvelles technologies pourtant, les moyens diffèrent (monnaie électronique, banques sur Internet…).

Casinos en ligne, enchères fictives sur le web ou banque au Vanuatu accessible grâce au Net: les mafieux et terroristes semblent apprécier les nouvelles technologies leur permettant ainsi un blanchiment encore plus important et plus rapide d’argent sale.

Désormais, depuis bien longtemps en fait, les grandes organisations criminelles internationales ont recherché à développer le panel de leurs sources de revenus afin d’augmenter leur puissance économique et la main mise sur d’autres secteurs d’investissements prolifiques ou qui promettaient beaucoup.

Ayant délaissé quelque peu les boîtes de nuit et la prostitution (quoiqu’il semble existé actuellement un regain d’intérêt pour ces activités plus traditionnelles), ces nouveaux «parrains» se sont intéressés en masse à l’informatique et aux industries de pointe.

Le Cyber - blanchiment semble ainsi avoir de l’avenir avec le développement criminel (2.1), alors qu’auparavant, la microélectronique, les télécommunications, l’informatique et les secteurs de pointe ne servaient guère à recycler des fonds d’origine douteuse (et ce à la différence de l’industrie, des hydrocarbures et du commerce).

D’autres évolutions en la matière sont également visibles au regard des difficultés qui pourraient surgir pour les autorités publiques avec le passage à l’Euro (2.2), avec l’évolution régulière de l’utilisation déviante du marché de l’Art comme source de retraitement et d’investissement des sommes à blanchir (2.3), ainsi que par l’utilisation des zones et ports francs pour faire transiter les capitaux d’origine douteuse (2.4).

t 2.1 Nouvelle Economie et accès à un monde financier immatériel et virtuel

(bourse, jeux et casinos on line, monnaie électronique)

La mondialisation financière a autorisé une exploitation maximale des possibilités offertes par les avancées technologiques et le phénomène de concentrations, par exemple, en matière de télécommunications.

Les transferts par téléphone, puis ceux électroniques ont ainsi rendu la circulation internationale de fonds plus facile, la déréglementation et la libéralisation financière permettant d’en démultiplier les effets.

Les groupes organisés criminels n’ont, bien entendu, pas laissé passer l’occasion de tirer parti de ces modifications dans le transport et de ces flux de capitaux à l’échelle planétaire et en temps réel.

Pour autant, s’il paraît plus que vraisemblable que les grandes mafias utilisent effectivement le Web pour monter de nouvelles opérations profitables et blanchir leurs économies comme nous le verrons, les avis restent néanmoins partagés sur les effets de l’ E-krach de l’an 2000 qui n’aurait pas fait que des malheureux chez les honnêtes particuliers et boursicoteurs. Les groupes criminels semblent, en effet, avoir dû pâtir également de l’effondrement peu attendu (sauf des spécialistes) du secteurs des nouvelles technologies.

Roger Faligot, dans son dernier ouvrage (la Mafia chinoise en Europe) vient apporter néanmoins une atténuation à cette affirmation en rapportant ainsi l’avis d’un policier de HongKong qui évoquait que «les gens des triades chinoises préféreraient souvent avoir des liasses de billets sur eux , car ils ne faisaient aucune confiance à Internet et à la Net-économie. Ils devaient penser en effet que s’ils pouvaient par ces technologies arnaquer les individus, les sociétés et l’Administration, on pouvait aussi en retour les escroquer, geler leurs avoirs ou vider leurs comptes en banque presque sans qu’ils le sachentet de toutes les façons, sans qu’ils puissent réagir face à cela».

Une telle réflexion provenant d’un spécialiste de terrain du monde des triades ne peut que tempérer les remarques qui seront développés ici, les triades n’étant pas n’importe quel groupe organisé dans le petit monde de la criminalité internationale.

a) La Net- Economie

Avec les nouvelles technologies, on découvre le monde des start- up (et des start- down après la récession des sociétés de la nouvelle vague technologique). On trouve aussi tout un monde virtuel sur Internet, rempli de publicités et d’annonces pour des casinos immatériels établis dans les Caraïbes, de services boursiers virtuels mais non fictifs par l’intermédiaire de sociétés de courtage installées à Chypre (ou ailleurs…), des services financiers off shore en tout genre et des possibilités d’acquisition de biens immatériels ou matériels, sans taxe et réglés par carte bancaire internationale grâce à des procédures de paiements censées être sécurisées.

Si l’on ajoute aux cyber-paiements quasi anonyme en monnaie électronique par des cartes prépayées (ou autres cartes à puces éventuellement rechargeables) la floraison des activités de Cyber- Cash concernant la circulation de monnaie sur Internet, on peut ainsi établir qu’il suffit d’un simple ordinateur pour créer des services de ce typeet faire transiter rapidement et sans obstacle aucun des sommes suffisamment importantes pour constituer une «dérive interplanétaire» des capitaux.

Il est maintenant venu l’âge d’or de la Nouvelle E- économie, ce qui nous permettra d’évoquer et d’aborder les risques réels de développement incontrôlé des systèmes électroniques dans les réseaux de l’économie mondiale.

L’E- économie et le foisonnement des Start- up

La Net- Economie ou économie virtuelle repose sur la maîtrise technique de mécanismes complexes et de flux d’informations relative à l’exécution électronique des transactions qui s’effectuent par compensation d’écritures en comptes.

En fait, la sophistication des mécanismes de communication, le caractère aléatoire des droits échangés et la nature fictive des transferts de capitaux ont amené les agents à inventer des procédures spéculatives nouvelles leur permettant de tirer profit, non seulement du différentiel de valeurs de devises comme auparavant mais aussi du risque lié à l’aléa de cette différence de valeur à terme et ce, en temps réel.

Quelques chiffres tout d’abord pour situer le cadre économique et les masses financières en jeu circulant dans le secteur des nouvelle technologies:

-un réseau planétaire Internet permettant de relier entre eux quelques 150 millions d’ordinateurs dans le monde;

-plus de 200 milliards de dollars dépensés en 1998 dans la confection et le développement de sites web;

-pour la même année, un chiffre d’affaire du commerce sur Internet s’élevant à quelque

30 milliards de dollars;

-la capitalisation boursière de Yahoo, un des plus importants portails d’accès au monde du Web, atteignant quelques 250 milliards de francs en l’an 2000.

C’est en fait au temps de la «Net-Euphorie» vers la fin des années 90 que les entreprises informatiques des nouvelles technologies ont bénéficié d’une expansion incroyable au sein de l’économie américaine puis mondiale, créant ainsi, en peu de temps, un secteur attractif bien spécifique et différencié des autres plus traditionnels.

Il n’y a qu’à se rappeler, le 10 Janvier 2000, le fabuleux exemple de AOL, «petit Poucet» né de la«nouvelle économie» (fournisseur d’accèsà Internet avec 12 000 salariés et 4,8 milliards d’euros de C.A) avalant le grand Time Warner (avec 70 000 salariés et 26,8 milliards d’euros de C.A) avec son catalogue de 5 700 films et sa chaîne d’information continue. Tout un symbole!C’était presque le monde à l’envers même si la Bourse, juge suprême en la matière, avait décidé que AOL valait en terme de capitalisation 164 milliards d’euros et TIME WARNER seulement à peine 100 milliards d’euros.

La France non plus n’était pas en reste et des entrepreneurs, jeunes cadres peu ou pas expérimentés, lançaient eux aussi à cette époque leur start –up et faisaient ainsi irruption dans le palmarès des français les plus riches.

Il y a deux ans donc, la Bourse était alors portée par l’explosion des nouveaux marchés, comme le Nasdaq aux Etats Unis, le Neuer Markt en Allemagne ou le Nouveau Marché en France. Ce phénomène s’accompagnait alors de l’émergence d’une nouvelle industrie financière autour des courtiers de l’Internet, qui ont, de manière frénétique, souvent attiré dans leurs mondes des investisseurs pas toujours qualifiés.

Les cours des actions et obligations se formaient à l’époque de façon simpliste, il fallait acheter par ce que cela monte. En outre, les investisseurs n’hésitaient plus à utiliser des secteurs à risque, auparavant délaissés, pour placer leurs capitaux (ex: les fonds d’investissement spéculatifs, les marchés dérivés…) voire à manier des produits financiers plus complexes (comme les warrants) pour bénéficier de leur effet de levier amplifiant encore plus les hausses déjà importantes. Depuis, les Bourses ont fortement chuté et tous ces épargnants se sont retrouvés à contre courant.

L’E- krach du Printemps 2000 a, en effet, remis à jour les données en matière boursière et financière et les nombreuses faillites retentissantes survenues par la suite comme celle de Boo.com - entreprise spécialisée dans la vente de vêtement, articles de sport par Internet- 109

n’ont pas laissé croire qu’il ne s’agissait que d’un simple feu de paille. De différents cas isolés, on est ainsi passé à un véritable retournement de situation dans le monde d’Internet.

Depuis, la «nouvelle économie» n’a plus vraiment la côte comme auparavant.

2001 aura été d’ailleurs l’«année du grand nettoyage» et de la crise persistante des Dot.com. Financé en effet à prix d’or, en pariant sur de royales hausses et bénéfices en Bourse, les valorisations exorbitantes de ces sociétés ont toutefois fait la fortune de quelques entrepreneurs pionniers et de leurs financiers. Dans un retour de balancier excessif, tous les acteurs ont dû par la suite refreiné leur espérance de croissance à long terme et repositionné leurs investissements face à des objectifs plus réalistes.

Dans un contexte aussi difficile désormais, le cyber-entrepreneur devrait s’inquiéter de la situation à venir et ne plus se fier aveuglément aux dogmes dictés par les E-analystes.

La poursuite du déclin boursier des valeurs high-tech a d’ailleurs poussé aux Etats Unis certains particuliers à leur demander des comptes, accusés qu’ils ont été, d’avoir à tort ou à raison, privilégié dans leurs commentaires et rapports les entreprises dont ils assuraient eux-mêmes la gestion aux yeux des petits actionnaires 110.

Ainsi, on ne compte plus aujourd’hui le nombre d’entreprises qui s’étaient lancées dans l’aventure de l’Internet et des nouvelles technologies avec leur seule bonne volonté comme capital et qui, après une période riche d’investissements de tout bord et de fortunes rapidement constituées, ont dilapidé jusqu’à leur moindre économie les apports financiers qu’on leur avait bien naïvement avancés.

L’importance que peut avoir ce développement sur les Start-up dans ce mémoire sur le blanchiment d’argent sale, est l’interrogation possible qui peut être développée concernant les fameuses levées de capitaux dont ces jeunes et minuscules entreprises ont ainsi bénéficié en l’espace de quelques mois.

Dans la frénésie des investissements qui ont eu lieu à la fin des années 90, ne peut-on pas y voir l’insertion de capitaux d’origine douteuse aux vues des sommes qui étaient réclamées et qui ont été récoltées? Certes l’état économique du monde était des plus radieux à l’époque et l’euphorie pouvait gagner sans aucun doute possible le secteur des nouvelles technologies comme tant d’autres alors.

La différence pourtant avec des domaines d’activités plus traditionnels (l’automobile, les énergies, la finance, le secteur commercial….) est que ce secteur a pu amasser des sommes faramineuses venant d’un peu partout et directement injectables dans l’univers financier et boursier mondial avec peu de contrôle à la clé. De plus, ces capitaux mis à la disposition des jeunes entrepreneurs de la high-tech étaient, pour la plupart, destinés à l’obtention de plus-values très importantes, qu’on ne pouvait retrouver ailleurs en ce temps et ce, avec une vision à court terme du retour sur investissement.

Or, connaissant mieux aujourd’hui le raisonnement de membres de groupes criminels organisés, à savoir la stratégie d’intégrer un secteur d’activité en pleine effervescence avec des capitaux à blanchir pour en retirer rapidement et de manière cachée leurs économies retraitées et vierges de toute trace d’argent sale (avec possibilité mais ce n’est pas une obligation, de rendement et de plus-values confortables), on peut tout naturellement s’interroger sur ces faits particuliers et avoir au final une image quelque peu méfiante de l’utilisation de tant de capitaux dans un secteur qui a connu une évolution aussi fulgurante et massive.

Evidement, dans ce cas précis, le doute doit également profiter aux entreprises sur lesquelles il pourrait y avoir suspicion. Il paraît néanmoins manifestement indéniable que, dans la chute brutale de ces nombreuses start –up issues des nouvelles technologies, qui ont connu de nombreuses faillites en chaîne par la suite, il n’y ait pas eu que des entrepreneurs honnêtes et au dessus de tout soupçons à perdre ainsi autant d’argent en si peu de temps.

Ainsi, l’interrogation concernant l’implication de capitaux à blanchir aussi bien dans l’avènement furtif des jeunes sociétés du secteur des nouvelles technologies que dans son déclin rapide, peut tout à fait nous interpeller, avec le recul nécessaire toutefois qu’on peut connaître aujourd’hui en la matière.

Certes les preuves permettant d’affirmer cela ne peuvent en tout état de cause être à ce jour rapportées. Il n’y a pas à ma connaissance de cas avérés de blanchiment au travers de ces start- up qui aient été actuellement établis de manière significative et définitive en justice par la poursuite devant les tribunaux d’entrepreneurs ou d’investisseurs pour faits de blanchiment.

Toutefois, il est bien avéré que des sociétés off shore, en grand nombre, ont pu acquérir au rabais depuis l’E- krach, des participations dans des petites sociétés cotées au Nasdaq, marché boursier new-yorkais des valeurs de croissance et de la Net- économie. Ces sociétés auraient été par la suite utilisées pour faire remonter artificiellement les cours de certaines actions, à travers plusieurs ventes croisées, et revendre ensuite ces actions de la Net- économie à des investisseurs qui en ignoraient l’origine.

On retrouve depuis le même processus avec d’autres sociétés off shore dans les privatisations intervenues au Mexique et dans de nombreux autres pays d’Afrique. Or quand on sait qui se cache derrière les investissements pharaoniques envoyés dans les C.O.S, on ne peut qu’être méfiant quant à l’identité de ces investisseurs contemporains dans le secteur des nouvelles technologies.

Les réflexions dont je fais ainsi part dans ce paragraphe sont, en grande partie, purement déduites du comportement objectif d’un trafiquant qui disposerait de fortes sommes à blanchir dans un plus ou moins court laps de temps. Mais quelques indices probants peuvent venir conforter ces interrogations:

lIl a été ainsi évoqué par l’économiste du PNUCID Ricardo Rocha, que des actifs auraient été placé hors de Colombie par les nouveaux micro- cartels (cartel de Cali assurément mais d’autres également…), à hauteur de 10 milliards de dollars, principalement dans les bourses de valeurs, la haute technologie et la cyber- économie.

Ces placements qui auraient contribués, à leur manière, à l’avènement d’un éphémère boom de la nouvelle économie, semblent avoir été réinvestie ensuite ailleurs dès que le vent a commencé à tourner.

Dans l’ambiance enchantée et prospère de la Net- économie- 1ère génération, il paraît ainsi tout à fait vraisemblable que les services de répression n’aient pu remarquer les infiltrations, mêmes massives d’argent sale, lors de ces multiples investissements réalisés

(voire la volatilité des investissements apportés et les dérives qui ont pu être engendrées par le fait que ces sommes soient de manière immatérielle et virtuelle inscrites et comptabilisées).

lEn outre, quand on a commencé à parler des problèmes financiers de la filière des nouvelles technologies, on a tout de suite fait référence à la notion d’«éclatement d’une bulle spéculative technologique». Or, comme on a pu le constater précédemment, au travers de l’exemple de la crise japonaise, le processus de «bulle spéculative» en matière boursière ou immobilière peut souvent provenir des intérêts financiers réalisés par des groupes criminels organisés (yakusas ou autres) au sein des entreprises licites qui utilisent ce type de marché pour intégrer leurs bénéfices illicites.

En matière de nouvelles technologies, le fait même d’utiliser ce terme pour des analystes- experts, tend à connoter la situation sous un jour défavorable, faisant ainsi ressortir une situation si brusque et massive qu’elle ne peut en être que suspecte (même si les comportements et réactions induits dans ce secteur d’activité ne sont pas forcément les mêmes que ceux observés dans d’autres plus traditionnels).

Ainsi, au delà des inévitables aléas du marché et des effets d’une spéculation trop active de nombreux petits porteurs amateurs agissant dans le même temps, on peut penser que cet état de fait, connu de tous les investisseurs du moment et acteurs de ce secteur des nouvelles technologies, ait pu être la résultante d’un financement mafieux ou tout du moins d’origine douteuse pour un bon nombre de jeunes entreprises, voire pour la réalisation des opérations de plus grandes multinationales.

Comme le noyautage par des sectes vis à vis de ces grandes firmes est une réalitéaujourd’hui bien connue et désormais combattue, on peut tout à fait envisager le même raisonnement et déduire la même réalité avec l’infiltration de groupes criminels organisés dans le financement de ces grands groupes et au sein du personnel ou des conseils d’administrations des nouvelles technologies.

Au final, je pense sincèrement que certains groupes criminels organisés ont dû se laisser appâter par les forts profits promis dans ce secteur et la facilité (et la moindre surveillance) dont pouvait bénéficier l’introduction de sommes énormes à cette époque. Certains analystes ont d’ailleurs parlé à l’époque de véritables «gabegies financières et d’investissements effectués à tort et à travers et sans aucun raisonnement économique logique». Pris dans une spirale déclinante ensuite, après avoir engrangé, retraité et fait fructifié leur argent sale, ces mêmes blanchisseurs ont du subir aussi le E- krach de plein fouet (sauf les criminels surdoués ou extrêmement bien conseillés qui ont pu éviter la déroute financière de la E- économie).

Quelle est la situation véritable dans ce secteur aujourd’hui?

Selon le cabinet d'études PriceWaterhouse Coopers, «près d'une start-up britannique sur quatre a manqué de liquidités courant fin 2000. Pire encore, la plupart des «jeunes pousses» d'outre-Manche ont été en panne de trésorerie de cette période à août 2001».

Il s’en ait suivi la réalisation d'une importante vague de rachat et de consolidations dans les mois qui ont suivi, seule manière d'éviter le dépôt de bilan pour bon nombre d'entreprises Dot.com.

Cette étude spécifique de la situation en Grande Bretagne peut fort bien être adaptée aux autres nations européennes et pays occidentaux. Cet état de fait exprime ainsi une situation économique préoccupante avec des chiffres sans conteste effrayants pour un nouveau secteur d’activité en plein réaménagement.

Il faut toutefois bien se rendre compte que les problèmes de trésorerie sont à l'origine de la plupart des faillites dans tout secteur d’activité, y compris hors Internet.

Pour autant, les spécificités du secteur des nouvelles technologies et plus particulièrement des entreprises liées à l’Internet sont nombreuses. Toutes rassemblées, elles permettent de mieux comprendre les particularités importantes qui ont déclenché ce sentiment de crise, d’agitation et de panique qui continuent de toucher encore ce secteur.

Pour exemple, la déconnexion générale qui a pu être observée à tout époque entre une capitalisation boursière élevée de ces entreprises (estimées à partir uniquement des bénéfices espérés et des cash-flow prévus et réalisés sur des actifs essentiellement immatériels donc peu concrètement analysables- ex: savoir faire, marques, clientèles partenariats…) et les pertes qu’elles continuaient malgré tout d’engranger, constitue l’une des principales caractéristiques des soubresauts qui ont pu agiter ce domaine d’activité. On ne retrouve pas ainsi une situation comparable avec une telle ampleur dans un autre domaine d’activités. Le problème est ainsi que des valorisations boursières inexactes et médiatisées à l’excès ne doivent en aucun cas, en principe, prévaloir et faire oublier la réalité économique des entreprises concernées.

L’inadéquation de ces critères avec ceux plus traditionnels d’évaluation, se focalisant essentiellement et à juste titre sur la rentabilité réelle de la société, permet de mieux entrevoir le caractère très spéculatif du marché des valeurs Internet au quotidien.

Ajouté à cela la tendance à l’irrationalité des investisseurs dans ce domaine, plus attirés par des spéculations et une vision à très court terme, et l’on peut comprendre la situation dramatique qui a pu proliférer dans un secteur aussi réactif aux bonnes et mauvaises nouvelles boursières et même aux rumeurs de stagnation d’une entreprise.

Les développements économiques qui se sont déroulés ensuite dans ce domaine particulier de l’économie mondiale n'ont donc rien d'exceptionnel en soi lorsque l’on voit de tels facteurs associés à un climat de morosité et de récession latente qui se déroulait à l’époque.

Aujourd’hui, face à un tel choc boursier et économique survenu, il serait normal de s'attendre à plus d'attentisme de la part des investisseurs et plus de sélectivité dans les dépenses marketing des start- up.

Désormais, plus personne ne se risquerait de toute façon à investir sur la seule base d’un projet, ces entreprise nouvelles devant avant tout prendre des engagements de qualité et de transparence extrêmes. En somme, une correction salutaire a été effectué mais dont les effets se feront encore sentir à long terme.....On assiste ainsi à la dure sélection des start- up de demain 111.

Comme l’année précédente, 2001 a donc été véritablement une année difficile à marquer d’une pierre noire pour les fonds investis en valeur TMT (pour Technologies, Médias, Télécoms), même si certains investisseurs n’ont pas hésité alors à procurer massivement leur capitaux mais seulement dans des structures qui avaient fait leurs preuves (des «E- empires») et disposaient de soutiens bancaires et économiques forts et durables.

Seuls les très gros projets assurés par des soutiens bancaires réfléchis semblent donc avoir encore à l’heure actuelle la possibilité d’attirer des capitaux en nombre:

-à partir de 7,5 à 15 millions d’euros outre Atlantique;

-1,5 à 4,5 millions d’euros en France pour espérer un retour sur investissement réel.

Face à cette nouvelle révolution (les nouvelles technologies- seconde génération-), des fonds colossaux ont été de nouveau apportés, cette fois-ci par les grands institutionnels internationaux après des études de risques menées avec minutie. On peut néanmoins s’interroger sur la possible survenance de nouvelles crises de croissance dans ce secteur.

Pour l’instant, l’informatique mondiale est, malgré un certain redémarrage, toujours en crise, continuant à subir de plein fouet le retournement de la conjoncture américaine, asiatique et européenne.

D’ailleurs, des signes avant coureur bien antérieurs aux événement du 11 septembre dernier, continuaient à montrer la poursuite du fléchissement du secteur des nouvelles technologies.

La morosité du marché se traduisait ainsi à la fois sur les résultats de grands groupes mondiauxet sur ceux des plus petites structures :

-l’américain Compaq avait enregistré un recul de plus de 20 % de son résultat pour les 6 premiers mois de 2001 et devait ensuite supprimer 7 000 emplois, soit 10 % de ses effectifs;

-Hewlett Packard a vu, quant à lui, son bénéfice net reculer de 66 % à 319 millions de dollars fin avril 2001 et il a annoncé pour sa part la suppression de 4 700 emplois, soit 5 % des salariés de son groupe;

-le serveur d’accès à Internet américain excite@home a fermé ses nombreux sites français, allemand et espagnol pour seulement conserver ceux de Grande Bretagne et d’Italie;

-s’il demeure encore le pionnier du commerce grand public sur Internet et leader mondial aujourd’hui de la librairie virtuelle, le supermarché en ligne Amazon.com a vu son titre boursier chuté depuis fin 2000, pour atteindre seulement 15 % par rapport à sa côte la plus haute;

-l’éditeur français de jeux vidéo, Cryo, annonçait pour le premier semestre 2001 une perte nette de 12,2 millions d’euros. Aujourd’hui le résultat boursier est relativement catastrophique puisqu’ apparemment identique alors que sur la même période en 2000, cette société très innovante dans son domaine enregistrait un bénéfice net de 5,6 millions d’euros.

En règle générale, il faut bien faire remarquer que les pures valeurs Internet ne permettent plus désormais (sauf cas exceptionnels et de toute manière sans commune mesure avec la situation passée) de rentabiliser les lourds investissements qu’elles ont demandé pendant plusieurs mois. Les investisseurs ne s’y sont pas trompés et les jeunes entrepreneurs de la E-économie ont beau faire du porte à porte, les créanciers sont loin de leur apporter de nouveau les maigres économies qui leurs restent.

Désormais, l’investissement dans une valeur considérée comme «technologique» ne s’assimile plus comme un pari aujourd’hui, mais plutôt comme un risque, surtout face à des marchés toujours bien immatures et connaissant à la fois des anticipations irrationnelles de la part des agents (manque cruel de repères dans un monde virtuel et hyper actif) et une amplification irraisonnée des fluctuations de liquidités.

Seule solution à court terme est la méthode «Coué» mise en lumière par les sociétés d’études dans leur manière de pronostiquer un retournement du marché mondial….pour mi-2002! D’ici là, le «cimetière des Net- entreprises» se sera encore agrandit de manière démesurée.

A côté de ces constatations et après avoir relevé la situation catastrophique de certaines de ces sociétés pourtant promues à un avenir radieux il y a encore plusieurs mois, le secteur des nouvelles technologies et des E- entreprises qui les constituent, peut néanmoins se révéler encore aujourd’hui source de profits pour des investisseurs talentueux ou des criminels bien conseillés.

Toutes les start- up ne sont pas devenues en effet des start –down. Dans le nombre qui subsistent ainsi, quelques îlots de stabilité, voire de prospérité continuent à attirer des capitaux, pourquoi pas d’origine douteuse ou criminelle, en vue de leur intégration dans les rouages de l’économie licite.

t Certains sites voguent d’ailleurs sur la tendance de déprime ou d’incertitude des high- technologies liées à l’Internet. Le site américain «Startupfailure.com», un des préférés du moment par les investisseurs, se spécialise ainsi dans le réconfort des cyber -entrepreneurs déchus. Le site qui fait figure de leader dans ce nouveau marché, impressionne car il annonce la couleur d'entrée de jeu: 60% des entreprises qui lèvent des fonds actuellement n'échapperont pas au spectre de la faillite, les investisseurs se révélant pour la plupart tous désorientés en ce moment.

Au final, «Startupfailure» se profile comme le point de rencontre de la communauté virtuelle des entrepreneurs ayant connu des déboires ou en passe de les affronter. Le fondateur du site fait lui-même partie du «club» puisqu'il a renouvelé la mauvaise expérience à trois reprises et ce, dans trois secteurs différents de la Net –économie.

Il sait par conséquent ce que signifie la réussite et l’obtention si difficile de fonds aujourd’hui pour mettre en place une structure viable dans ce secteur bien spécifique (par rapport aux dérives constatées auparavant dans ce domaine lors de levées de fonds d’investisseurs).

t En outre, la menace terroriste à partir du 11 septembre 2001 a généré une prise de conscience de nombreuses sociétés pour se prémunir de telles menaces bien particulières, aussi bien dans le monde réel que dans celui des réseaux. Cela a eu pour conséquence de dynamiser l’activité de certains services du secteur High-Tech comme la téléconférence par réseaux, la sauvegarde et la sécurité des infos sur le Web, sans oublier l’infogérance ou la tierce maintenance par ordinateur.

Les nouveaux clients intéressés au plus haut point par ces services de haute technologie n’ont pas acquis forcément tous un intérêt soudain pour la sécurisation de leurs secteurs informatiques à la suite des attentats terroristes. Néanmoins, les lacunes qui ont été révélées à cette occasion ont largement contribué à la croissance effective de ces sociétés spécialisées dans le secours, la continuité et la veille des services informatiques112.

Les professionnels du secteur ont donc appris à rester prudent et préfèrent, dans ce domaine bien spécifique, tabler sur des retombées commerciales vers fin 2002, voire en 2003.

Ces quelques exemples démontrent que des investissements importants sont encore réalisés dans le monde virtuel de la Net – économie et même s’ils ne concernent qu’un nombre peu important d’entreprises spécialisées dans ce domaine, il est clair que le monde immatériel de l’Internet n’est pas entièrement au creux de la vague comme certains le supposaient ou le laissaient croire. L’accroissement d’activités de ce genre constitue d’ailleurs un véritable appel d’air à l’ensemble du secteur informatique auparavant moribond et qui peu à peu se redresse et draine, de nouveau, des profits intéressants… pour ceux qui sont bien renseignés.

t Des petites entreprises continuent également d’exister et font parfois mieux que simplement survivre. Pour durer ainsi dans le monde virtuel des nouvelles technologies, il faut préférer l’ascèse à la flambe et faire usage des bonnes vielles recettes de la gestion traditionnelle: privilégier la diversité d’activité (sans trop s’éparpiller non plus), mettre ainsi en place une logique de multi- accès et ne pas avoir la folie des grandeurs donc prendre son temps et rester prudent, même si l’ouverture à l’international semble indispensable à terme comme outil de croissance.

Juste pour exemple de petites sociétés de ce secteur qui fonctionnent bien, grâce au respect de ces principes traditionnels de gestion, l’entreprise «Nomatica», start-up toulousaine de vente en ligne de matériel de photos numérique à prix cassés, lancée en Janvier 2000:

Réalisant 25 % de ses ventes à l’étranger, après un premier exercice avec un C.A de 3,23 millions d’euros, le second exercice (se terminant en mars 2002) devrait atteindre 9,45 millions d’euros avec un bénéfice de 380 000 euros.

t Enfin, d’autres entreprises de service qui ne sont pas pour autant des stars d’Internet ayant dépensé plusieurs centaines de millions de francs en publicité, continuent à prospérer malgré tout dans ce secteur des nouvelles technologies liées aux activités sur le Web.

Comme l’a relevé le cabinet d’audit ActivMedia Research, ces«oiseaux rares» se nomment «Ebay» (racheté il y a peu) et spécialisé dans les enchères en lignes, d’autres s’occupant plus de cours de Bourse (comme on le verra ensuite), de voyages, de ventes à distance de livres rares et chers («Chapitre.com»), de loterie («lotree.com» qui, avec seulement 25 salariés prévoit en 2002 des profits de plus de 760 000 euros et outre ses activités principales de loto, s’occupe également de vendre, avec autorisation (ce qu’on appelle la permission marketing) sa banque de données comprenant 325 000 E- mails aux autres commerçants en ligne, avec pour cela des estimations de ventes multipliées par 5 pour 2002).

Dans ce tableau des belles réussites d’Internet, il est à noter que ceux qui dépassent bien sûr, au niveau chiffre d’affaire et nombres de clients, tous les autres domaines d’activité, sont les sites porno, grand agitateur de bénéfices et au sein duquel la concurrence fait rage, comme aux belles heures de la Prohibition aux Etats Unis.

Ces exemples peuvent certes faire espérer une remise en marche du secteur sur de meilleurs voies que celles établies à la va –vite à la fin des années 90.

Mais cela pose néanmoins toujours la question de l’origine douteuse de l’argent qui peut servir d’investissement pour relancer ou maintenir ces entreprises en bonne marche. Ainsi, au vu des augmentations importantes de capital, des apports de fonds financiers qui sont encore aujourd’hui réalisés et des gains et profits engendrés, rien ne permet à ce jour de ne pas croire que quelques unes de ces sociétés puissent faire l’objet de financement criminel et être utilisées dans le but de recyclage d’argent sale, voire même de rachats en sous main de leurs structures par des organisations criminelles.

Le paradoxe pour des organisations de ce type serait d’investir dans des entreprises travaillant par exemple dans le domaine du secours informatique, de la protection de données (plus ou moins secrètes et vitales). Cela ne les empêchera nullement de faire ainsi privilégier la recherche du profit et de la meilleur couverture qui soit pour recycler leur argent sale au détriment d’une Ethique criminelle d’un autre âge (cantonner les activités criminelles dans les secteurs de trafics). Business is Business…même et surtout dans le secteur des «nouvelles technologies».

Pour montrer l’importance et l’actualité de cette interrogation, il n’y a qu’à observer les chiffres portés à la connaissance du public par les instituts d’études spécialisés (comme Digital Business…) en juin / juillet 2001:

-A cette période, et depuis janvier 2001 en fait, ce serait près de 350 millions d’euros qui auraient été investis dans les start-up françaises.

Même si les fonds versés privilégient amplement les entreprises expérimentées du secteur qui présentent des apports technologiques forts et fonctionnent selon un modèle de rentabilité simple (mise en œuvre d’un investissement massif mais plus concentré), les chiffres de ces investissements restent quand même éloquents.

Cela n’empêche pas qu’après l’euphorie de 1999 puis la dégringolade boursière de mars et septembre 2000, actuellement, c’est encore 1,2 milliards d’euros qui sont recherchés par de jeunes entreprises en sursis pour leur développement.

Le problème qui se pose est alors le suivant:

Si les institutionnels ou les boursicoteurs ne répondent pas à l’offre de ces entrepreneurs pour cause de mauvaise conjoncture ou manque d’intuition et de confiance dans les projets présentés, il est à craindre que cela puisse être des groupes organisés ou de gros trafiquants qui prennent le relais, même si eux aussi feront désormais attention à ne pas apporter de manière imprudente leurs économies illégalement obtenues dans des entreprises en pure perte.

Ainsi, comme en matière d’investissement dans les multinationales traditionnelles, pouvant inclure même sans le vouloir distinctement des capitaux douteux, les principales fusions de l’univers récent d’Internet dont il sera dressé ci-après une liste non exhaustive peuvent également avoir caché des financements occultes voir criminels:

- 24 novembre 1998: le leader mondial des services en ligne AOL rachète Netscape, éditeur de navigation sur Internet, pour 4,2 milliards de dollars;

- 18 Janvier 1999: @home, fournisseur d’accès à Internet via le câble, rachète le portail Excite pour 6,7 milliards de dollars;

- fin avril 1999: l’opérateur téléphonique AT&T proposait 62 milliards de dollars pour absorber l’opérateur américain de télévision par câble MédiaOne;

- 1er juin 1999: la société de courtage en ligne E-trade rachète la banque sur Internet Telebanc Financial Corporation pour 1,8 milliard de dollars;

- 29 juin 1999: CMGI (fond d’investissement américain) rachète le portail web AltaVista pour près de 2,3 milliards de dollars.

Evidement, quand on parle de sommes aussi astronomiques, de conglomérats aussi gigantesques et variés, on n’est jamais certain que tout l’argent ainsi transféré à l’occasion de ces fusion-échanges-absorptions soit tout à fait «clean». Aussi, il est bon de s’interroger afin de percevoir peut être les dérives que tant de richesses peuvent engendrer et l’immixtion probable de capitaux criminels que cela peut provoquer.

Aujourd’hui, il faut donc de l’audace pour investir de nouveau, créer et développer ces nouvelles technologies. A défaut d’être des bâtisseurs d’Empire, les trafiquants et ceux qui se destinent à blanchir des capitaux n’en manquent pas et peuvent donc se transformer en investisseurs-visionnaires rendant possible les innovations de demain dans ces domaines…, ce qui n’est certes pas de bonne augure si l’on n’y prend ni conscience, ni les mesures de veille qui s’imposent.

b) La Bourse sur le Net ( ou comment devenir son propre Trader )

Offrir à sa clientèle la souplesse des passages d’ordres en ligne tout en l’aidant à décider par des conseils avisés et licites où il faudra investir, voilà l’objectif que s’était fixé et qu’a réussi en l’espace de 2 ans «SCHWAB», désormais numéro un de la Bourse électronique, avec 4,1 millions de comptes en ligne et plus de 20% des opérations effectuées via le Web.

Le rêve serait devenu ainsi réalité autant pour les boursicoteurs occasionnels que pour les as des internautes et experts en matière financière. Désormais, ils peuvent obtenir des renseignements fiables en temps réel sur l’évolution des marchés et une répartition de leurs placements boursiers en quelques clics. Leurs Banques en ligne, mais aussi des sociétés de Bourse et des courtiers en ligne sont là pour répondre à toutes leurs attentes.

Les sites financiers sont donc pléthores sur le Web. Concernant la Bourse on line, on comptait il y a un an plus de 40 sites, attirant près de 341 000 clients contre 63 000 en Janvier 1999, alors qu’il n’en existait aucun il y a encore 4 ans.

L’avènement d’Internet aurait donc permis de mettre à disposition désormais un outil privilégié pour jouer en Bourse. Le Net serait devenu ainsi un canal d’information et de distribution de produits financiers au même titre que le conseiller en agence, le téléphone ou le minitel, ses caractéristiques propres et la volonté de ses promoteurs en faisant désormais un support privilégié pour de très nombreuses opérations financières.

Quelques avantages de la Bourse en ligne peuvent être brièvement cités pour mieux comprendre l’attrait que cela a pu engendrer:

-un accès à ses comptes 24h/24 et la possibilité de passer des ordres sur les marchés étrangers ouverts quand la place de Paris est close (exemple avec «Web Bond»).

Cette disponibilité sans pareille permet de s’affranchir du temps, aucun autre canal ne présentant cet avantage!

-une révolution dans les pratiques et les tarifs proposés par les courtiers en ligne, jusqu’à 2 voir 5 fois moins élevés que ceux pratiqués au guichet des banques traditionnelles; des frais de courtage ainsi réduits jusqu’à plus de 40 %;

-la disposition à domicile d’informations dignes de celles des professionnels des salles de marchés, à savoir graphiques, historiques, indices, palmarès de hausses et de baisses, tendance du marché…;

-des systèmes d’alerte pertinents permettant à l’investisseur de se tenir constamment en éveil. Si par exemple, le cours de l’action qui l’intéresse dépasse un certain montant préalablement défini, il sera averti par fax, mail ou téléphone;

-une ouverture de compte très simple puisqu’elle est gratuite et qu’il suffit d’un équipement minimum se composant d’un ordinateur et d’une connexion à Internet.

Il faut néanmoins envoyer un courrier de confirmation ensuite avec quelques papiers administratifs (justificatif de domicile, photocopie de carte d’identité) mais en général, pas d’obligation de dépôt minimum.

Si le courtage en ligne a pu engendrer de bonnes choses en démocratisant ainsi la spéculation chez des actionnaires peu avertis, il a néanmoins également encouragé la volatilité des cours et des titres en transformant quelque peu la Bourse en casino. En effet, le «trading on line» tel qu’il est vécu aujourd’hui concerne au premier plan des «day traders», donc des jeunes actionnaires qui ont été nourris au high-tech et aux stocks options, ce qui leur permet de spéculer sur Internet en prenant de gros risques pour s’enrichir très vite.

Le nouveau mythe consiste ainsi actuellement en une combinaison détonante Internet-technologie-spéculation-Nasdaq. A 5 dollars la transaction sur «E Trade», «Ameritrade» ou «Charles Schwab», ce qui importe est de réaliser de juteuses plus-values en quelques heures seulement. Certains pensent d’ailleurs que ces spéculateurs, plus ou moins amateurs, devraient être jugés responsables de l’augmentation de la volatilité du marché et des effets pervers de tel bourse en ligne.

La question importante dès lors à se poser est de savoir si les trafiquants qui nous intéressent (ceux qui sont enclins à recycler leurs capitaux d’origine criminelle), peuvent être intéressés à devenir des «investisseurs on line» au même titre que ces «day traders»?

Dans le «Far West boursier» qu’on nous présente dans les revues économiques spécialisées (comme l’Expansion, Valeurs Actuelles ou Capital), il ne semble pas que le crime organisé soit véritablement prêt à devenir des boursicoteurs acharnés, même s’ils deviennent volontiers des investisseurs avisés et plus posés du fait de l’entourage de conseillers et analystes de valeur. Les blanchisseurs ne sont, en effet, pas prêt à tout pour recycler leur argent sale; s’ils peuvent se permettent de perdre quelques % dans le recyclage de leurs fonds criminels, ils ne tiennent pas du tout à risquer ainsi leur mise sur les aléas de l’Internet, qui plus est lorsque l’on sait que sur Internet le marché boursier est encore plus réactif à toutes sortes de nouvelles pour acheter et pour vendre.

Toutefois, il est possible que des trafiquants aient envisagé et réalisé quelques belles affaires sur le Net, du fait des retours sur investissements pouvant se chiffrer en moyenne à 31% par an. En effet, la souplesse d’utilisation, le gain d’argent et de temps sont réels en matière de «bourse on line» et de prestations financières et bancaires par Internet ce qui peut se révéler décisif dans la stratégie d’un blanchisseur. Désormais, la passation et l’exécution d’ordres de Bourse sont très rapides et ce, afin de réagir sur le champ aux fluctuations du marché.

Pour autant, comme en matière boursière sur les salles de marchés, gérer un porte feuille d’actions n’a rien de simple, même avec l’usage simplifié de l’Internet. Cela requiert en effet un minimum d’apprentissage car on ne gagne pas à tous les coups. Il faut donc que les trafiquants, la plupart du temps non spécialistes, fassent appel à des professionnels de la «finance on line».

De toute façon, de tels investisseurs d’origine criminelle n’ont pas trop de difficulté à trouver des assistants et autres spécialistes pour les conseiller tellement le réseau des «brokers on line» fut en plein essor et l’est toujours d’ailleurs et ce, malgré le contre coup et le repli des cours du fait des valeurs Internet.

On assiste alors, malgré un marché boursier défavorable, à une croissance régulière de création de comptes on-line et à l’augmentation de leur taux de fréquentation.

La France, suivie de près par d’autres nations européennes s’est par conséquent lancée dans la bataille de la Bourse en ligne et de nombreuse grandes banques et un nombre croissant de compagnies d’assurance ont ainsi investi pour créer leurs propres filiales dans ce secteur d’activité 113 et attirer de nouveaux clients à eux.

Juste pour information, voici les sites parmi les européensles plus importants en juin 2001:

- 4 français: Self Trade, Consors, CPR online, Comdirect;

- 3 allemands: Comdirect, Direkanlage Bank et Consors;

- 5 britanniques: Barclays, Charles Schwab, TD Waterhouse, Self Trade et Comdirect.

Cependant, dans notre pays, on reste encore loin du phénomène américain, même si la COB commence néanmoins à se préoccuper des dérives occasionnées par le développement de cette nouvelle manière de jouer en Bourse.

Aux Etats Unis en effet, les effets pervers du «trading on line» (volatilité brusque des cours, possibilité de jouer en Bourse à crédit, fausses informations et arnaques on line), préoccupent depuis longtemps les autorités de marché. Il faut rappeler toutefois pour re-situer le décalage, qu’un tiers des transactions boursières américaines passait déjà par Internet en 1999 et que sur le seul site Web d’«E Trade» transitaient alors quotidiennement plus d’ordres que sur l’ensemble de la Bourse de Paris, même si cela correspondait à un montant 4 fois moins important.

Finalement, si l’on peut affirmer que la facilité d’emploi de la Bourse par l’Internet est incontestable et que ce moyen représente un outil fabuleux pour les personnes souhaitant investir directement sur les marchés d’actions, ne suffisant que de quelques clics de souris pour passer un ordre aussitôt exécuté par un opérateur (que cela soit des achats- ventes d’obligations, d’actions, de Sicav, de fonds communs de placement…), il n’en demeure pas moins qu’y gagner de l’argent n’est pas chose facile.

En effet, même si on peut ainsi «jouer en Bourse pour vraiment pas cher» (comme l’énonçait une publicité pour la banque Cortal), faire usage de la Bourse en ligne ne permet pas pour autant de faire des miracles!

Ainsi, sur le Net, s’il y a des opérateurs pour prendre les ordres d’achat ou de vente, en général il n’y a pas de conseiller pour guider le candidat dans sa transaction (on est seul face à son écran pour prendre les décisions). Les nombreuses et intéressantes informations offertes ne peuvent en effet pas remplacer les conseils d’un spécialiste en vis à vis.

De plus, sur les 50 sites sérieux de «trader on line» qui existent à peu près aujourd’hui, l’internaute se retrouve très souvent noyé sous un flot d’informations perpétuelles car affichables en temps réel, et il ne pourra pas forcément distinguer les opportunités de faire de bonnes affaires des autres informations pouvant être alarmantes pour des spécialistes.

La simplicité d’emploi de la Bourse sur Internet ne doit ainsi jamais être assimilée à une facilité d’« investissement on line». La Bourse reste et demeure par définition volatile et risquée.

ATTENTION toutefois dans le cas d’affaires fructueuses réalisées en Bourse sur Internet par des groupes organisés en vue de blanchiment et qui viendraient à être mis en lumière par la presse ou la Justice.

Il faudrait alors y voir plutôt un heureux hasard ou les résultats de conseils avérés d’experts boursiers et financiers engagés à l’occasion, ou bien encore le résultat de l’utilisation d’informations privilégiées, ce qui ne constitue plus le fait de blanchiment mais au contraire celui de délit d’initié.

Dernière remarque à ce sujet:

-comme on a pu le voir dans la seconde partie du mémoire, ce n’est pas l’instabilité des marchés qui génère le plus de problèmes mais plutôt l’aggravation de l’instabilité des titres des secteurs technologiques par rapport à ceux d’autres secteurs plus traditionnels (comme l’agroalimentaire ou le bâtiment).

c)Les casinos on line

Concernant les casinos en ligne, il suffit de taper ce mot sur votre moteur de recherche et là, une kyrielle de sites y faisant référence sur le Net s’ouvre à vous (plusieurs centaines de pages répertoriés par Google- méta moteur de référence) 114 .

Plus besoin donc de sortir de chez vous pour vous adonner aux plaisirs du jeu comme dans un vrai casino; ce sont les tables de jeux et les joueurs en ligne qui viennent s’installer dans votre salon! Ainsi, avec seulement vos doigts et une certaine dextérité, vous pourrez aussi bien effectuer des parties de craps que de poker, black jack, slots, baccarat et autres jeux de roulette….

Pour illustrer la manière de fonctionner d’un site axé sur le jeu de «casino on line», j’ai étudié le cas de «casino-on.net» dont j’avais récemment reçu la publicité par Email.

Tout a l’apparence ici du véritable casino: des décors bien imaginés, une ambiance agréable, une lisibilité du jeu très fonctionnelle, des liens interactifs pendant le jeu pour dialoguer avec d’autres partenaires; une banque bien sûr toujours présente pour accepter votre «credit-card». Tout semble en effet très bien orchestré car tout a été pensé: le client, surtout sur le Net, est des plus volatiles car, d’un simple clic, il peut quitter la table (de jeu) et aller voir ailleurs.

Les sites de casinos on line ont été institués pour rapporter de l’argent à leurs concepteurs, tout comme le démontre la croissance et l’expansion de tels sites, (à associer à ce qui se passe pour les sites pornographiques et autres sites de loteries gratuites).

Apparemment donc, les capitaux récupérés ne manquent pas pour faire tourner le «business» puisque continue toujours à se créer de nouveaux sites dans ces domaines porteurs. On comptait ainsi plus de 200 sites de casinos virtuels en 1998, dont certains autorisant des mises de plus de 150 000 dollars 115. Il arrive toutefois très souvent que des sites de ce genre ne durent que l’espace d’un instant (quelques jours, quelques semaines seulement), juste le temps nécessaire pour vous soutirer quelques informations substantielles et confidentielles (numéro de carte bancaire utilisable, identité et renseignements personnels revendables) aux personnes naïves qui les auraient laissées traîner sur de tels sites.

Le site que j’ai pris comme exemple a néanmoins retenu mon attention car il expose quelques points de fonctionnement très intéressants:

-Concernant les pourcentages d’espérance de gains (information importante pour des joueurs en ligne), des tableaux récapitulatifs mensuels (donc remis à jour) sont effectués à la fois par un cabinet d’expert comptable réputé (Ernst et Young) et par une société d’audit très cotée (Price Waterhouse et Coopers) 116. La réputation apportée par ces cautions, spécialistes en leurs domaines, ne peut être que bénéfique à l’image de sérieux des dirigeants de ce site.

-Il est prévu également une possibilité d’affecter un pourcentage des gains obtenus par la société de jeux à des associations caritatives diverses (Netaid, Free the Children et Earthaction) voir à d’autres structures qui laisseraient leur adresse en marge du site.

Cela semble aussi faire partie du projet de médiatisation et de communication externe de l’entreprise pour obtenir une audience «politically correct» auprès de ses clients.

-Enfin, il est notable de remarquer, dans les renseignements que l’on peut obtenir sur la société propriétaire de ce site Internet, que la loi applicable en cas de litige se trouve être celle d’Aruba et Barbuda (nationalité de la loi faisant référence au pays d’origine de la société gestionnaire du site). Or ce pays fait partie des Micro-Etats qui sont considérés comme plaques tournantes de l’argent issu de l’évasion fiscale (ce qui n’a rien de répréhensible en soi) mais aussi des circuits internationauxde blanchiment. Alors doit-on penser que c’est uniquement le fruit du hasard ou par simple souci économique et fiscal qu’une telle société de casino virtuel (Cassava Entreprise Limited) se soit installée spécifiquement dans cet endroit?

Dans la réalité, si le Black Jack peut être risqué et la roulette hasardeuse, avec les casinos de l’Internet les hommes d’affaire, techniciens des nouvelles technologies, trafiquants peu scrupuleux et autres candidats au blanchiment d’argent, gagnent à tous les coups.

Comme il vient d’être rappelé, des centaines de casinos se disputent les faveurs des joueurs sur une multitude de sites de jeux, notamment ceux originaires des paradis fiscaux des Caraïbes. Or, il s’avère évident que de plus en plus de flux d’argent sale transitent par ces même sites.

En effet, ce nouveau moyen va permettre à des auteurs de blanchiment de servir de justificatifs face aux autorités publiques en apportant des preuves de licéité de l’obtention de tels capitaux «gagnés».

Ce phénomène qui est relativement nouveau inquiète beaucoup les acteurs engagés dans la lutte contre le blanchiment d’argent d’origine criminelle car cela peut ainsi constituer une pratique et un vecteur générateur de blanchiment de capitaux à plus ou moins long terme. En fait, le principe est très simple: le candidat au blanchiment d’argent ouvre un compte «joueur» sur un site Web et y verse un montant important en argent sale. La plupart de ces casinos du Net sont peu surveillés dans les faits, surtout si leur siège social est situé dans un paradis fiscal où la législation n’est pas conforme aux réglementations internationales (voir Aruba et l’exemple précédemment cité de «Casino-on.net»).

Le casino, en règle générale, va poser peu de questions sur l’origine de l’argent déposé sur un tel compte (ce n’est pas son intérêt d’ailleurs). Certains acceptent même de l’argent liquide. Par la suite, il suffit au«soi-disant joueur» d’annoncer qu’il décide de ne plus jouer et qu’il désire être remboursé de son dépôt par un chèque pouvant être utilisé après dans le réseau de la finance mondiale.

Ainsi, hormis l’anonymat que peut offrir Internet, l’instantanéité des transactions et la possibilité d’en faire un monde virtuel du jeu, contribue à faire de cet outil un instrument très prisée pour les individus en charge des opérations de recyclage d’argent sale.

Voilà les différents avantages des casinos virtuels du web, grand pourvoyeur de capitaux blanchis.

En complément d’information, on peut rapporter ce que déclarait de hauts responsables britanniques à propos d’Antigua, à savoir qu’elle abrite encore à ce jour une dizaine de casinos sur Internet dont le système de protection contre le blanchiment de capitaux n’est pas aux normes et apparaîtcomme «très déficient», donc pouvant représenter une faille dans le système financier globalisé.

Les sites de casinos se sont également multipliés depuis octobre 2000 au Costa Rica et sur plusieurs îles des Caraïbes qui figurent encore sur la liste des pays qualifiés de «non-coopératifs» par le GAFI. «Là bas explique un spécialiste du blanchiment, c’est la Mecque des cyber- casinos. Les formalités y sont minimales, la fiscalité réduite à zéro et il n’y a pas de crainte d’enquête judiciaire».

d)Les banques en ligne et autres établissements bancaires virtuels offshore

( le E –banking )

La prolifération des banques directes issues d’entreprises officielles et réputées, peut constituer un des nouveaux sujets d’inquiétude pour les spécialistes de la lutte anti-blanchiment. En effet, tout comme le développement de la banque directe par téléphone, cette nouvelle méthode de relations avec son banquier par Internet pose le problème de l’identification du client puisque le principe même de ce type de banque est l’absence de contact physique entre les deux parties.

S’il est par conséquent évident que ces systèmes présentent des avantages pratiques pour les clients en terme de flexibilité, ils rendent néanmoins plus difficile la détection des activités de blanchiment en l’absence de méthodes de contrôle traditionnel.

Cette nouvelle tendance s’était développée avec la création de Banque Directe en 1995, véritable pionnière de la banque à distance en France. Aujourd’hui, de nouveaux établissements bancaires virtuels, comme le ferait un supermarché financier (sans agences, ni guichets), peuvent vous proposer à partir d’un simple site Web d’ouvrir un compte, de recevoir son chéquier, sa Carte Bleue, de souscrire une assurance automobile ou un prêt à la consommation. Vous pourrez y trouver également un panel important d’OPCVM ou de PEL laissé au choix du client mais avec la caractéristique commune de proposer toute une garantie de rentabilité excellente, voire plus intéressante qu’avec des agences traditionnelles. Pour exemple, Zebank, dont Bernard Arnault, patron de LVMH, est le principal bailleur de fonds, se positionne actuellement comme un portail proposant ses propres produits mais pouvant accueillir ceux d’autres établissements (voir www.zebank.com).

A côté de cela, depuis plusieurs mois, certains sites Internet vous proposent mieux que les services offerts par votre banque officielle ou des mixtes entre établissements bancaires et compagnies d’assurance agissant en ligne. En fait, pour 10 000 dollars vous pouvez créer véritablement votre propre banque virtuelle, par exemple installée au Monténégro.

Finie donc la délicate étape de la valise de billets; avec des virements dans un établissement que l’on peut diriger soi-même, il n’y a plus de crainte de se faire dénoncer par un banquier peu complaisant. Comme le faisait justement récemment remarquer le juge madrilène Balthazar Garzon, « ce qui apparaît comme une évidence aujourd’hui est qu’il vaut mieux acheter une banque que de la cambrioler».

La revue Future(s) n°9 d’octobre 2001 relate en outre, concernant ce domaine précis, l’enquête suivante qui vient d’être menée à ce sujet:

-contactés par E-mail, les dirigeants d’«Unitrust capital», enregistré à Toronto, qui proposaient cette offre pour le Monténégro vous expliqueront que le petit état balkanique vient de changer les règles du jeu en 2001. Désormais le capital de départ s’élève nécessairement à …2 millions de dollars! Heureusement, cette «fabuleuse société» peut vous trouver une solution de rechange tout aussi intéressante et de vous proposer un placement identique, moyennant 100 000 dollars pour fonder votre établissement bancaire, plus 7 000 dollars de frais de dossier, dans l’archipel de Vanuatu 117dans le Pacifique Sud;

-d’autres possibilités peuvent être également proposées: les banques des Pays Baltes permettent ainsi des transactions du même genre avec des établissements de bonne réputation;

-sur le site de «CSI-offshore», ce même type de services ouvert dans une respectable banque européenne est facturé 6 000 dollars pièce;

-sur celui d’une société installée au Panama, «Finor», de très nombreux services sont offerts en plus de la simple ouverture d’un compte sans trop de formalités, à savoir: cartes de crédit internationale, passeports (et donc citoyenneté du lieu), immatriculation de navires….;

-le summum est atteint avec le site de «Petro Funds» qui, renvoyant à une adresse aux îles Caïmans, consiste en un véritable supermarché de la finance et des services bancaires transnationaux(a «Global Financial Power-House» comme il est rappelé sur leur site!). On peut ainsi y acheter ou vendre une banque off-shore, mais aussi investir dans le cinéma grâce à une filiale nommé «Rothschild Group», se procurer des diamants par l’intermédiaire de «British Capital Group» ou encore négocier un emprunt avec le «Lloyd’s Funds International» (voir listing des diverses activités recensées en annexe).

Autant de noms prestigieux utilisés qui n’ont évidemment rien à voir avec les établissements respectables et réputés dont ils en usurpent l’identité.

D’ailleurs, entre le blanchiment caractérisé et les escroqueries, la frontière peut être rapidement franchie entre les deux infractions lorsque ce sont les mêmes organisations qui régentent de telles activités. Ce qui est certain en la matière est que peu de personnes viennent se plaindre des dérapages qui ont pu aboutir à dépouiller des déposants souvent trop naïfs.

Parler de cyber-Paradis fiscaux ne doit donc plus faire sourire ou penser à de la pure science-fiction. Avec l’essor d’Internet et son expansion sur toute la surface terrestre, il est à craindre l’augmentation d’établissements virtuels de type «off shore».

L’affaire concernant l’«European Union Bank», créée en 1994 et domiciliée à Antigua, paradis fiscal des Antilles par excellence, avait déjà permis d’en prendre conscience. S’étant développée sur le Net au travers de nombreuses opérations bancaires d’envergureet apparemment en toute légalité au regard des dispositions juridiques et législatives de cette contrée, cette banque cessa malheureusement ses activités en 1997 lorsque ses dirigeants russes se sont enfuis avec l’argent des déposants. Outre la perte sèche enregistrée pour ces clients bien naïfs, cela pose le problème du risque de prise de contrôle d’une partie de l’économie sur Internet par des groupes criminels organisés, déjà bien implantés sur les sites pornographiques et ceux de loteries gratuites mais pouvant désormais s’étendre à des activités plus légales et moins équivoques, mais tout autant efficaces pour ce qui est du blanchiment d’argent.

Qui plus est, désormais avec Internet, ouvrir un compte exotique, offrir des prestations même financières contre paiement avec utilisation d’un code secret d’accès ou créer une holding en vue de recycler son argent sale, est quelque chose de simple et d’habituel.

Cela ne nécessite au final que la connaissance de l’adresse de sites spécialisés, quelques coups de téléphone ou d’envois d’Email pour finaliser la transaction et un ultime «clic » pour faire transiter n’importe quel virement bancaire dans n’importe quelle institution financière sur Terre (même les plus éloignées géographiquement ou celles créées dans un univers totalement virtuel) .

Les circuits de la finance internationale sont ainsi à la portée de toutes les bourses, même les plus criminelles qui soient. Les techniques proposées par les établissements bancaires et financières se retrouvent ainsi offertes à qui en a besoin, les moyens de communication par lesquels ils passent étant accessibles à n’importe qui.

Pour obtenir la liste complaisante des formalités à accomplir pour acheter ou constituer des sociétés off shore dans les paradis fiscaux et bancaires les plus discrets (qui ne sont pas d’ailleurs toujours très éloignés de nous), rien de plus simple: le Net est là pour vous répondre et il ne vous en coûtera que quelques milliers de dollars seulement ….

D’ailleurs, rien n’empêche aujourd’hui quelqu’un d’exploiter une société par Internet, de la localiser techniquement et juridiquement dans un micro-paradis fiscal en dictant ses conditions en ligne et en attendant patiemment les clients désireux de faire affaire, clients qui, en règle générale, ne tarderont pas à se manifester car toujours à l’affût d’une belle opportunité financière

Comme le faisait remarquer Jean de Maillard dans son ouvrage sur la criminalité financière, «savoir trafiquer, blanchir et réinvestir n’est plus la marque distinctive des grandes organisations criminelles, mais le moyen seulement de pouvoir le devenir».

En réalité, le problème des paradis fiscaux et autres centres off shore associés à la mondialisation et aux nouvelles technologies de l’information, se pose surtout en terme de temps. En effet, en quelques impulsions électroniques désormais, des sociétés sont créées, des opérations portant sur des sommes considérables sont effectuées. Ce pouvoir de création d’entités juridiques par le biais de réseaux remet donc en question certains principes géostratégiques fondamentaux, en particulier la souveraineté des Etats.

En résumé, en l’absence de normes cohérentes et de surveillance effective de la part des gouvernements qui ont entrepris la lutte contre la délinquance financière économique et internationale (et le blanchiment de capitaux en particulier), ces nouvelles incursions dans un monde économique virtuel restent très vulnérables, la criminalité ayant au cours de l’histoire toujours su adapter l’évolution des moyens de communication à son profit.

L’exemple des vrais paradis fiscaux montre bien d’ailleurs que l’opposition des Etats n’est pas toujours efficace et suffisant en la matière et que les choses peuvent aller parfois très vite en matière d’implantation criminelle dans une économie quelconque.

e)Les établissement de crédits par Internet

Le secteur bancaire ou le marché boursier n’ont pas été les seuls à redéfinir une application modernisée de leurs secteurs d’activités pour les rendre plus opérationnels en accord avec le développement des nouvelles technologies. Désormais, l’E- assurance et les sites de crédits ont proliféré sur Internet pour toucher une nombre toujours plus important de clients potentiels. Cela a bien entendu permis également au crime organisé, par le biais de modes opératoires plus ou moins complexes, de réaliser du blanchiment de capitaux de manière importante en utilisant ces secteurs particuliers de la finance (exemple avec la nouvelle banque «Agf» disponible sur le Net ).

l Concernant l’assurance sur le Net,

de tels sites, surtout consacrés à l’assurance vie, se sont multipliés de manière importante depuis 1999, pour le meilleur et…. pour le pire.

En effet, comme pour d’autres services financiers, des arnaques ont été inventées en la matière pour récupérer des fonds sans apporter de contrepartie en retour. Mis à part cela, l’engouement pour l’assurance vie ne s’est pas fait attendre, même s’il faudrait encore quelques années pour espérer réaliser 25 % des parts de marché par le biais de l’Internet (voir les propos de Daniel Collignon, DG de la Fédération Continentale dans la Vie Financière du 10 octobre 2001). Sur «Altaprofits», un des sites les mieux conçus en la matière, il est enregistré 2 à 3 souscriptions par jour, avec en moyenne 200 000 Francs par contrats.

Il est fait ici référence aux contrats d’assurance vie puisqu’il a été observé, de la part des trafiquants et blanchisseurs avertis, une nette tendance à privilégier ce type de produit pour retraiter leur argent sale du moment.

Les sites qui se trouvent ainsi à la disposition des internautes, criminels ou non sont de trois sortes:

-les premiers sont des sites- vitrines de grandes institutions bancaires et financières qui dirigent le client vers une plate-forme téléphonique ou l’agence générale la plus proche.

Ces sites présentent surtout des chiffres clés, des organigrammes et rapports annuels et descriptifs (comme Agf.fr ou Axa.fr);

-deuxième catégorie, les sites marchands purs (comme «placement-direct.fr», «guidinvest.com» ou encore «assurancevie-online.fr»), avec leur catalogue de contrats existants déjà dans le monde du réel (sur la base de modèles venant de Générali, de l’Afer ou de Axa Courtage), mais nécessitant alors un certain délais de traitement du dossier ;

-une troisième catégorie de site Altaprofits», «CPRonline», «Novacy», «Fiatex» ou «Direct Finance») qu’il est possible de qualifier de transactionnel.Il est ainsi possible de se faire concevoir sur mesure des contrats de ce type par de grandes compagnies en la matière (La Mondiale, Allianz ou Générali).

l Concernant les sites de crédits par Internet,

Dépenses imprévues ou financement mûrement réfléchi, Internet est encore là pour répondre à nos interrogations et faciliter l’emprunt de capitaux sans démarches complexes ni délais trop longs. Dans ce cas précis, ce ne sont certes pas les groupes criminels organisés qui vont constituer les clients potentielsde tel service; ce serait plutôt l’inverse d’ailleurs, l’intérêt pour eux pouvant provenir de la demande importante établie par de nombreux individus et sociétés ayant un besoin rapide de capitaux disponibles pour réaliser des investissement ou effectuer des achats.

Dès cet instant, il peut être habile de la part du crime organisé de prendre pied dans les réseaux de crédit par Internet. En effet, à la différence des structures réelles constituées dans la vie quotidienne (avec dépôt de statuts, inscription très formalisée aux organismes de contrôle des professionnels du crédit), on ne sait pas grand chose de ces entreprises de crédit installée sur le Web, et on ne connaît, la plupart du temps, jamais l’origine du financement de la création de telle société de «crédit on line».

Alors, à côté des grandes sociétés qui disposeraient ainsi de filiales sur Internet pour proposer du crédit aux internautes118 et qui constitueraient la partie honnête de la profession, il est probable qu’on puisse s’apercevoir de l’existence d’autres sites utilisés de manière plus douteuse.

Le secteur du crédit pourrait être ainsi utilisé non seulement, pour camoufler des capitaux criminels servant ainsi à du crédit qui sera directement injecté dans l’économie légale à différents niveaux des secteurs d’activités (réalisant ainsi le processus de blanchiment d’argents sale), mais aussi pour accroître une main mise du crime organisé sur les particuliers ou sur les entreprises licites qui n’auront d’autres choix pour régler leurs dettes que d’accepter de devenir dès lors serviles et corvéables à loisir.

L’usure est en effet une profession que la criminalité a su utiliser et faire proliférer dans son unique intérêt et ce, de tout temps; elle n’a pas attendu le développement des nouvelles technologies pour cela. Mais de nouveaux modus opérandi sont crées, lui permettant de continuer sous de nouvelles formes à recycler et faire usage de ses revenus criminels dans les économies légales.

l Concernant les fonctionnalités de prêts par l’Internet

Les entreprises comme les particuliers sont souvent directement démarchés par téléphone ou par fax par des sociétés de prêts qui proposent ainsi des contrats d’emprunts personnalisés. En octobre, j’ai reçu au bureau dans lequel je travaillais alors, un fax permettant d’obtenir des prêts à court ou moyen terme à hauteur de 50 000 ou 200 000 francs. Tout était ainsi présenté de manière clair, avec tableau récapitulatif des taux et sommes à rembourser et montant du prêt avec le nombre d’années de remboursement. Il était précisé en outre que des problèmes bancaires précédents ne gênaient en aucun cas l’obtention d’un prêt.

La société qui démarchait ainsi se situait à Bruxelles (la «Starfield Finance Limited») mais faisait référence à des prêts personnalisés provenant de banques américaines. Apparemment, c’est un moyen courant de démarchage d’utiliser ainsi le fax.

J’ai alors recherché sur Internet les entreprises, plutôt peu connues, qui pouvaient se ranger dans le même secteur d’activités, et là, j’en ai trouvé une nombre incalculable se situant presque exclusivement aux Etats-Unis, presque autant d’ailleurs que ceux qui proposent des sites de casinos sur le Net.

Il est évident aux vues des résultats collectés que ce secteur doit être très porteur pour permettre à autant d’entreprises de prospérer sur l’Internet.

On peut ici rejoindre les précédents développements, à savoir que les trafiquants, dans la recherche de nouvelles stratégies de blanchiment de capitaux, peuvent fort bien également mettre en ligne un organisme de crédit fictif ou plutôt bien implanté dans ce secteur d’activité afin d’écouler leurs stocks d’argent sale tout en faisant du business le plus légalement du monde. De telles structures ne reviennent pas trop cher à mettre en place et se révèleront au final très peu contrôlées par les gendarmes du Net, trop occupés à traquer les pirates et autres réseaux de pédophiles internationaux plutôt que de s’occuper à contrôler des officines de prêts on- line.

Le fait est que, en utilisant la technique du schtroumfage dans ce domaine précis du crédit (avec soit- disant des sociétés bien différentes avec des noms les plus divers et variés), et en multipliant les sites proposant ainsi des emprunts à qui en a besoin (clients toutefois sélectionnés après un minimum de recherches effectuées sur eux), des structures délinquantes pourraient arriver par ce moyen à blanchir une masse financière énorme avant de faire l’objet d’enquêtes judiciaires approfondies.

f)Les secteurs de hautes technologies
(on prendra pour exemple le cas du secteurs des télécommunications)

Comme dans le secteur des nouvelles technologies informatiques, les TMT (Technologies, Médias, et Télécommunications) ont connu un retournement de tendance important en 1999, pouvant s’apparenter à un E-Krach. Dans ce secteur précisément, si les croissances ont pu être fortes et volatiles, les décrus apparaissent comme persistantes. Ainsi, autant l’envolée de valeurs de ce domaine a pu être spectaculaire en 1999, autant le retournement de ces valeurs a été tout aussi soudain. Malgré un récent rebond de ce domaine d’activité et une embellie conjoncturelle limitée en 2000, la volatilité de ces valeurs est demeurée élevée en 2001: Valses des indices, nervosité exacerbée voire panique des opérateurs, volatilité extrême des actions de ces technologies, inquiétudes des investisseurs sur des mauvaises perspectives à venir, séances mouvementées de cours boursiers …

En fait, outre les aléas économiques qui pèsent sur tout placement en actions, ces valeurs supportent en plus un risque technologique important. Dans le cas d’une possible obtention d’un fort potentiel de croissance pour les investisseurs, on peut ainsi aboutir dans le même temps à l’effet inverse, tellement ces évolutions sont totalement imprévisibles dans leur ampleur à l’heure actuelle.

Investir dès lors dans une valeur de la nouvelle économie aujourd’hui est en quelque sorte détenir une option sur un marché potentiel, d’où les nombreux risques encourus.

Les jeunes sociétés qui se sont lancées dans ce domaine d’activité, avaient tenté à l’époque de profiter du mouvement de déréglementation des télécommunications. Les marchés financiers avaient d’abord encouragé une fuite en avant dans l’investissement; les cours de Bourse grimpaient au rythme des ambitions déclarées et l’argent coulait à flot, alimentant sans compter tous les projets liés aux télécommunications et brassant allègrement sans distinction argent licité et capitaux douteux. Il semblait qu’à l’époque toute somme d’argent était ainsi bonne à prendre. Les trafiquants-blanchisseurs ont ainsi par nature toujours réagi comme tout bon commerçant, en investissant là où la demande de capitaux était très forte.

Or l’inquiétude s’est bientôt développée quant à l’endettement massif des entrepreneurs et l’engagement surfait des banques qui sont devenues des phénomènes visibles. Cela a contribué à mettre en exergue la bulle spéculative technologique qui avait été créée (les 500 premières sociétés américaines valant, avant le début de l’E- krach, de manière surévaluée plus de 23 fois leurs prévisions de bénéfices) et l’éclatement de la bulle Internet aux Etats-Unis fit le reste. Les opérateurs qui se trouvaient en «apnée financière», ont rapidement connu une véritable asphyxie économique du fait de l’absence d’engagement de capitaux neufs dans les rouages des TMT.

Les entreprises sont donc mortes les unes après les autres, les investissements tous azimuts ayant provoqué une explosion des dépenses et donc de l’endettement des sociétés 119.

De nombreux exemples permettent d’ailleurs de comprendre l’état d’esprit qui régnait et règne encore aujourd’hui dans ce secteur des TMTet au final la dépréciation importante des valeurs technologiques de ce secteur 120 :

-dégringolade de «RSL.COM», compagnie américaine, dont non seulement l’action avait chuté en un an de 30 dollars à 0,14 dollar, mais qui fut aussi retirée de la côte du Nasdaq pour cause de faillite avérée, ce qui a précipité ses filiales européennes dans l’impasse et l’incertitude;

-l’action France Télécom , en recul de 55 % depuis le début de 2001, a perdu 23,5 % en 12 jours au mois d’août 2001. Cette valeur vedette de la Bourse de Paris ne représentait plus que 5 % de l’indice CAC 40 au lieu des 17 % auparavant (la valeur a culminé à 219 euros pièce au lieu de 40,5 le 20 août 2001);

-le capital de Deutsche Telekom a connu également des soubresauts inquiétants; ainsi en 15 jours au mois d’août 2001, plus de 30 % de sa capitalisation boursière s’est envolée en pure perte, ce qui ne fit qu’accroître le poids énorme de sa dette interne (56,4 milliards d’euros fin 2000);

-croulant pour sa part sous le poids d’une dette de près de 50 milliards d’euros 121, British Telecom n’a pas attendu une hypothétique remontée des cours des marchés financiers pour se désendetter. Entre fin mars et fin juin, ce sont plus de 10 milliards d’euros d’actifs qui ont été cédés (moindre participation dans Japan Telecom, dans l’espagnol Aitel ou encore British Interactive Broadcasting);

-révision à la baisse des prévisions de résultats pour l’équipementier de télécommunications finlandais «Nokia», le fabricant franco-italien de semi-conducteurs «STMicroelectronics», le spécialiste américain de fibres optiques «JDS Uniphase», le groupe électronique néerlandais «Philips» et l’équipementier canadien «Nortel Networks»;

-du fait de la crise survenue dès 2001 en Argentine, même l’action Telefonica, ancienne valeur favorite des investisseurs en matière de TMT, s’affichait l’année dernière en recul de plus de 25 %;

-malgré une restructuration massive opérée dès 1995 (le groupe perdait alors 3,9 milliards d’euros), l’équipementier français de télécommunications Alcatel, a annoncé en juin dernier une perte nette de 3 milliards d’euros, ne pouvant s’expliquer au final que «par des dépréciations exceptionnelles dues à un environnement contrasté dans le secteur des TMT»;

-ventes massives sur les actions de la société informatique «Cap Gemini» (- 14 % en juin 2001), sur celles du groupe d’électronique Thomson Multimédia (- 12,93 %), de l’équipementier Alcatel (-11,83 %)de Havas Advertising (- 14,1 %);

-enfin, pour clore cette observation européenne et mondiale du secteur des télécommunications, on notera le parcours boursier de Telecom Italia un peu meilleur que la moyenne, l’action n’ ayant seulement abandonné que 19 % de sa valeur en 2001.

Aujourd’hui la situation semble un peu plus clémente dans le secteur des TMT et les investisseurs reviennent petit à petit, même face à un marché toujours immatureet susceptible de réactions spéculatives ultra rapide. Cependant, si ces valeurs possèdent un potentiel économique important, des phases de corrections sont encore prévisibles dans les prochains mois. Les crises peuvent donc revenir….et la criminalité organisée risque d’y laisser encore une partie de ses revenus retraités si elle n’a pas cessé d’investir en la matière après de nombreuses désillusions.

Elle peut néanmoins patienter avant d’investir de nouveau dans ce secteur particulier, mais doit par conséquent trouver de nouveaux débouchés pour l’instant….le business du blanchiment n’attend pas!

g)La monnaie électronique et les transferts ultra rapides d’informations financières

L’argent n’a plus de frontières; on connaissait déjà ce fait depuis la libre circulation édictée dans les textes européens de 1993. Désormais pourtant, les banques, les établissements financiers s’échangent encore plus rapidement les devises et les valeurs mobilières par simples virements électroniques, sans pour cela que la circulation réelle des actifs soit nécessaire.

Ainsi, le transfert s’effectue par simple transmission informatique. En effet, en fin de journée, une chambre de compensation fait les comptes de ce que chaque banque a reçu et versé; puis elle transfère simplement le solde aux créanciers et aux débiteurs. Déjà là, à ce stade, le système pouvait facilement être utilisé pour des opérations de blanchiment.

A côté de la simplicité de faire usage de ces techniques économiques classiques (virements internationaux par chambre de compensation) voire rudimentaires (système Hawala qui a, en réalité, anticipé les systèmes très modernes de transfert interbancaire) pour rapatrier des capitaux d’un pays quelconque, l’intégration des nouvelles technologies de paiements (cartes pré-chargées, banque sur Internet et monnaie électronique) a pu théoriquement augmenter les possibilités de blanchiment:

- premièrement, si l’établissement financier en ligne, en tant que récipiendaire d’un secret bancaire rigoureux, n’exige pas ou peu de preuve de l’identité d’une personne pour l’ouverture d’un compte, cela suffit au blanchisseur pour transférer des capitaux à partir de son ordinateur;

- de même, certains systèmes de cartes prépayées ou porte-monnaie électronique (qui se présente ainsi sous la forme d’une carte créditée d’un certain montant et qui peut être utilisée pour régler partout des dépenses), peuvent présenter un risque dans la mesure ou aucune limite maximale de montant n’est fixée à leurs opérations;

- de plus, si la plupart de ces systèmes ne permettent pas encore de transactions de carte à carte, d’autres systèmes actuellement en cours (système de cartes pré-chargées) auront sans doute la possibilité de transmettre des fonds sans même avoir recours à un intermédiaire financier. En conséquence, le développement de nouveaux instruments financiers offre de nouvelles autres opportunités aux opérations de blanchiment.

Si le transfert électronique de fonds reste donc la méthode privilégiée d’empilement de revenus criminels, la monnaie électronique permettrait de dissimuler la source du produit de leur activité et de transférer plus facilement ce produit sans que l’ opération puisse être détectée.

Ces nouvelles techniques présentent ainsi des avantages particulièrement attirants pour les trafiquants: l’anonymat et la vitesse des transferts en font partie. En effet, l’argent sale par ces nouveaux moyens, devient encore plus mobile, caché, insaisissable.

Le développement de la monnaie électronique sur Internet par exemple, n’en est actuellement qu’à ses débuts. Néanmoins, même si l’on a affaire à des organismes présentant des garanties, les opérations d’identification des clients, et de vérification des transferts sont difficiles. Comme le précise le GAFI, «impossibilité de distinguer si le client est un conglomérat international ou un petit garagiste; dans les deux cas, rien ne transparaît sur des lignes de compte et de calcul lors du transfert sur les activités effectives de l’entreprise donneuse d’ordre».

Comment les prestataires de monnaie électronique pourront-ils dès lors connaître véritablement leurs clients et déceler des activités suspectes parmi le très grand nombre d’opérations traitées journellement?

«Ils ne le pourront pas et nous non plus» répond un des experts en cyber-blanchiment dans la Revue Future(s) d’octobre 2001.

Ainsi, le ton est donné: ces volumes d’opérations, la rapidité de circulation de la monnaie 122, la possibilité de fractionner les transferts ne pourront que rendre plus complexe le dépistage des opérations douteuses. Il est aussi à craindre dans ce même domaine que les systèmes de cryptage informatique récemment disponibles sur le Web, puissent servir, si ce n’est déjà le cas, à dissimuler les transactions électroniques.

On ne peut qu’imaginer les intérêts pour un blanchisseur éventuel de transférer des sommes illimitées à partir de son «computer» en utilisant un cryptage personnalisé par exemple.

En effet, il est certain que ces transferts électroniques de fonds, constituant des émissions d’informations devant aboutir à créditer ou débiter des comptes sans intermédiaires bancaires et avec un chiffrement ou cryptage des données informatisés par «tatouage» électronique, ne pourraient qu’augmenter les conduites déviantes visant à affaiblir d’autant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure d’un Etat.

A travers les «Smart cards» aussi (qui représentent des porte-monnaie électroniques distribués par des sociétés en échange d’un dépôt sur leur compte), il est impossible de déterminer précisément l’origine des fonds déposés en contrepartie et les dépenses restent le plus souvent difficilement contrôlables. Le montant des transactions est cependant pour l’instant encore plafonné et le fait d’être adossé à un groupe bancaire limite les risques étant donné que l’utilisateur est quand même enregistré dans les fichiers, ce qui permet de le retrouver en cas de besoin.

Par contre, les modes de paiement électronique offrent plus de liberté, chaque site spécialisé pouvant émettre sa propre devise (ex: «Digicash»….).

Pour exemple, avec «eGold», site installé dans l’île de Nevis aux Caraïbes, l’internaute peut acheter en ligne de l’or virtuel 123. Ces transactions et achats sont en principe garanties par de l’or en barre détenu dans les coffres de la société, attestation de Ernst & Young daté du 22 Février 2001 à la clef!

Les nouvelles techniques tenant à la monnaie électronique, même si elles apportent anonymat et discrétion des transactions, nécessitent toutefois une connaissance et un maniement professionnel de ces technologies, pas toujours directement accessibles aux criminels (d’où la nécessité de passer par des blanchisseurs professionnels qu’il faudra rétribuer largement).

L’amateurisme en la matière n’est plus la situation quotidienne. Les multinationales et grandes institutions financières, tout comme les délinquants financiers d’importance, ont désormais des bataillons d’experts à leur disposition, qui travaillent à adapter les structures existantes aux réglementations existantes et évolutives.

Ces nouvelles techniques ne feront pas oublier malgré tout les attraits et l’efficacité des transferts certes modernes dans leur appréhension mais précurseurs dans l’histoire et qui drainent encore aujourd’hui des sommes faramineuses en lien avec l’ampleur du commerce internationalcomme ceux qui suivent:

tLe système SWIFT (pour «Society for Worlwide Interbank Financial Telecommunication») représente en fait un réseau mondial efficient et totalement opérationnel pour la commutation des messages bancaires. Mis en service en 1977, cette coopérative de droit privépermet aujourd’hui des transferts de fonds en quelques minutes, voir en dizaine de secondes, entre banques et ce, dans plus de 90 pays différents. Son but est donc de fournir à ces institutions et à certaines sociétés financières le support d’un réseau informatique sécurisé pour réaliser leurs transactions. Ce système fonctionne ainsi 24h/24 et 7 jours /7.

En 1991, déjà plus de 2 000 banques dans le monde y étaient connectées; actuellement, il faut compter le double de banques affiliées à ce système (soit plus de 4 000) représentant près de 95 pays avec des sommes re-transférées de l’ordre de plus de 1 000 milliards de dollars (pour 1 600 000 transferts de fonds et de crédit par jour).

Malgré la complexité et la rapidité de ces systèmes, les virements de fonds peuvent être analysés et ce, même si la récurrence des transferts cumulés peut constituer des montants colossaux. En fait, ces mouvements de capitaux portent tous l’identité du donneur d’ordre en théorie. Pour autant en pratique, il apparaît plus souvent que les parties soient définies par une formule banale (mention «un de nos clients»), un numéro de compte parfaitement anonyme voire des hypothèses de dissimulation active de l’identité du donneur d’ordre pour l’usage d’un prête nom.

Ainsi, grâce au système SWIFT qui apparaît comme au dessus de tout soupçon (comme Clearstream auparavant!), même si rien n’est secret, la difficulté primordiale est d’identifier le récipiendaire et les comptes d’origine d’une transaction laissant peu de traces comptables et face à un argent qui circule extrêmement vite.

tLe système CHIPS (pour «Clearing House Interbank System») constitue une chambre de compensation des systèmes de paiement interbancaires traitant plus ou moins 950 milliards de dollars de mouvements de fonds par jour pour le compte de 122 banques. CHIPS est très utilisé aux Etats-Unis où il représente le principal opérateur et on estime ainsi à 95 % des transferts interbancaires en dollars la part de transactions passant par CHIPS.

tLe système de CLEARING qui permet la compensation de mouvements sur des valeurs mobilières à laquelle procèdent des organismes spécialisés dans le rapprochement des instructions de vente et d’achat des intermédiaires pour déterminer les soldes nets en titres et global en espèces.

tLe système des SWAPS (plus rudimentaire, à mettre en corrélation avec le système Hawala) qui représente un produit financier dérivé très répandu pouvant servir à des opérations de couverture ou de spéculation. Il constitue en réalité un sorte d’échange de dettes ou de créances libellées en monnaies différentes entre deux partenaires qui se remettent des sommes équivalentes mais prévoient de se les restituer à date convenue.

Ce système peut être utilisé à des fins de blanchiment étant donné que, comme il a été convenu dans le contrat, l’entreprise transfèrera à l’étranger de l’argent propre et recevra en contre partie de l’argent sale occulte.

h)Qu’en est-il du transferts de données informatiques concernant les réseaux financiers

Les EDI ou «Echanges de Données Informatisés» 124 ont subi depuis quelques temps de profondes mutations liées à l’utilisation plus importante des réseaux informatiques en matière économique et financière (on a vu ce phénomène ainsi s’accentuer avec les chambres de compensation et le système SWIFT).

Ces EDI constituent en fait la forme élaborée grâce à laquelle des flux d’informations et de capitaux circulent d’un bout à l’autre de la planète. L’élaboration récente de l’IMI (ou «Infrastructure Mondiale de l’Information») a modifié déjà grandement l’équilibre et l’environnement des relations commerciales transnationales. Ainsi, de systèmes d’échanges inter-entreprises, on est passé à un vaste et important maillage informatique non hiérarchisé, chacun pouvant accéder à des produits et services disponibles dans le monde entier. Non seulement ces bouleversements peuvent générer une acclimatation des structures criminelles à ces nouvelles tendances dans l’échanges d’informations et l’interconnexion des réseaux monétaires et financiers par l’embauche de cadres compétents désormais au service du crime. Mais les risques d’intrusion, d’altérations ou de dévoiements du système mis en place dans l’économie légale par ces structures délinquantes modernes augmentent.

La question de la sécurité du commerce mondial électronique se trouve par exemple ainsi posée.

La complexité et la technicité requise par de tels systèmes, le caractère désormais décentralisé de l’infrastructure soustraite à toute autorité institutionnelle vont rendre ainsi les circuits d’information transnationaux de plus en plus altérables et leurs utilisateurs vulnérables. Cela peut également engendrer, et c’est ce qui nous préoccupe le plus dans ce mémoire, une clandestinité plus importante de certains virements transnationaux entre groupes criminels, permettant de réaliser par ce biais, du blanchiment interplanétaire et de l’infiltration de capitaux douteux dans l’économie légale et ce, en temps réel (on parlera ainsi de «vif-argent» ou de «capitaux ultra rapides») .

Les échanges de données informatisés se sont en effet accélérés, ce qui a d’ailleurs facilité les liaisons internationales et offert aux entreprises et à leurs filiales de la souplesse dans la gestion de leur transaction. Par leur caractère transfrontalier et abstrait, ces transferts électroniques de données et de fonds sont devenus en même temps un facteur de délocalisation pour les opérations économiques réalisées et les structures de commande et de surveillance.

A côté de cela, la constitution d’un méga- marché unique de capitaux qu’on a pu appelé «processus de globalisation financière» (voir introduction de ce mémoire) peut générer la réalisation d’opérations illicites sous la forme de flux électroniques transfrontaliers incontrôlables.

Entièrement libéralisé depuis l’abolition des dispositifs nationaux de contrôle des changes, le système financier international réunit ainsi actuellement les conditions techniques propices à l’accueil, sans que personne ne s’en aperçoivent ou ne s’en offusquent,(surtout pas les Etats d’ailleurs), de commissions, de rémunérations occultes et à l’absorption de monnaie fiduciaire d’origine criminelle. Ainsi, on obtient aujourd’hui:

-d’une part, une structure en réseau de flux à l’échelle planétaire,

-d’autre part, la nature dématérialisée et abstraite de transferts de monnaie scripturale

Face à cette situation préoccupante de développement anarchique de ces réseaux fondés sur les nouvelles technologies, le circuit financier mondial présente, en outre, d’innombrables points d’infiltration, de sorte qu’il est possible, par exemple, en démultipliant les dépôts, d’occulter irrémédiablement leur provenance géographique.

De plus, l’absence de cause apparente à une opération d’apports de liquidités et l’anonymat de plus en plus quotidien recherché par le plupart des déposants, sont en général couverts et validés désormais par un secret bancaire dont disposent encore ces territoires financiers bien spécifiques.

En définitive, les transferts de fonds, les opérations de change et les transactions boursières véhiculées par ces EDI apparaissent comme autant d’occasions de comportements occultes pouvant consister à réintégrer des sommes d’origine inconnue dans les flux financiers licites.

L’« Internet Money» va donc permettre d’offrir véritablement une panoplie aux blanchisseurs pour facilement introduire des fonds, les faire circuler et les mettre en place dans des centres de compensation…..Toutes ces possibilités techniques ouvrent ainsi la voie à un niveau supérieur de dématérialisation et donc de discrétion dans le blanchiment.

En alliant de plus, une certaine fluidité de l’information et la fongibilité de ces capitaux, les transferts électroniques de fonds vont accroître la possibilité, à la fois pour des gens honnêtes mais aussi pour des criminels, de choisir plus efficacement l’investissement le plus rentable et source de meilleure intégration dans les réseaux de l’économie légale pour leurs capitaux, revenus ou bénéfices imposables à placer (pourquoi pas dans des lieux de la finance mondiale se prêtant à ce jeu).

Certes, de telles opérations réalisées par ces vecteurs pourront encore être appréhendées et repérées car les transferts de capitaux laissent toujours une possibilité de traçabilité.

Mais perdue au milieu de centaines de millions de transactions toutes plus importantes les unes que les autres, il devrait s’avérer très délicat de découvrir LA transaction opérant un blanchiment d’argent sale dans la multitude des interconnexions réalisées à l’échelle d’une journée.

Cela devrait se révéler même ingérable et inutile si les moyens ne sont pas octroyés aux services d’enquêtes spécialisés en charge de la lutte contre le recyclage de capitaux criminels et ce, à la hauteur du défi à réaliser (lutter efficacement contre la criminalité financière moderne pour éviter la gangrène des économies licites).

En outre, le commerce électronique peut être considéré comme l’outil parfait pour les domiciliations off shore puisque les sociétés n’ont plus besoin d’être ainsi domiciliées à un endroit précis. Leur marché s’étend désormais globalement partout. De façon générale, leurs marchandises peuvent aussi être expédiées depuis et vers n’importe où.

Tout se «virtualise» dans le même temps que les repères géographiques et fiscaux disparaissent peu à peu. Pour opérer au final de telles transactions, tout ce qui est demandé est un accès à des infrastructures de communication et de traitement des flux financiers modernes, celles vis à vis desquelles les lieux off shore se livrent à l’heure actuelle une forte compétition sur un marché international toujours en plein essor.

Les problèmes qui vont se poser en l’espèce dans ces secteurs récents et nouvelles branches de l’économie, sont tout d’abord:

- qu’en l’absence de normes cohérentes et de surveillance appropriées de la part des autorités de tutelle et de l’ Etat, ces nouvelles technologies de paiement pourraient se révéler très vulnérables aux opérations de blanchiment si une vigilance rigoureuse et spécifique n’étaient pas appliquée. Les techniques récentes permettent en effet le franchissement des frontières dans des conditions pratiquement incontrôlables par les Etats par l’utilisation quotidienne des liaisons électroniques. Il semble par conséquent que celles-ci deviennent rapidement un instrument de commerce illicite et de recyclage des profits de l’économie souterraine.

- Que ces nouveaux services immatériels engendrent l’effacement de contact direct entre le banquier et son client. Cette «désintermédiation des flux financiers» enlèvera ainsi un moyen de contrôle au dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent sale.

Comme le rappelait Daniel Martin, «ces technologies récentes sont un vecteur qui peuvent favoriser ce genre de pratiques déviantes, en faisant disparaître l’élément territorial et en développant la virtualité et une certaine forme d’anonymat».

i)Le problème croissant des sites pornographiques sur Internet

On ne pouvait bien entendu terminer cet exposé sur les possibilités de blanchiment par l’usage des nouvelles technologies sans parler brièvement de l’exploitation du X sur le Net.

La difficulté première est de savoir si on peut parler de blanchiment lorsque des capitaux servent à financer des sites de ce style sur le Web. En effet, le blanchiment est l’utilisation de capitaux d’origine criminelle en vue de leur retraitement et recyclage dans des activités licites.

Apparemment, en France, ce type de commerce est reconnu néanmoins licite. Il est ainsi légal de posséder un site pouvant utiliser des photos ou même des caméras permettant de visionner sur le Net un show hard en direct live, puisque ce genre de commerce est visible aux yeux de tous sur l’Internetet ce, même si la majeure partie des sites dédiés à ce genre d’activité se trouve situé en dehors de l’hexagone. Les quelques restrictions apportées à un tel métier sont uniquement pour réserver l’accès à ces sites à une certaine population de personnes en évitant que des jeunes puissent y avoir accès. On préserve ainsi les plus jeunes tout en laissant aux adultes la possibilité d’assouvir tous leurs fantasmes, sans aucune restriction. Sans tomber dans une vision moralisatrice, quelle belle mentalité que celle développée par législateur en cette matière!

Ce qui pose problème en fait en l’espèce et sans pour cela tomber dans la censure, est que ce marché du X est l’un des plus prospères de l’Internet. Certains mots scato sont en effet ceux qui seraient parmi les plus utilisés sur les moteurs de recherche yahoo, altavista ou google. Or, c’est un véritable marché qui s’est orchestré maintenant autour de la création de sites de ce type; et actuellement le marché se chiffre en plusieurs centaines de millions de francs de C.A annuel .

Récemment, il a été fait allusion, selon les dernières analyses répertoriés, que l‘exploitation de sites porno sur le web avait même dépassé le chiffre d’affaire de la vidéo Hard (évalué par le magazine Capital à quand même, pour la seule vidéo X, 18,3 milliards d’euros en 1999) alors qu’en cette même année, la vidéo X représentait à elle seule 13 fois plus que les sites spécialisés de l’Internet.

D’ailleurs, juste pour exemple, le site de Marc Dorcel, producteur très connu en la matière, a fait état de 76 000 euros de bénéfices pour 20 000 abonnés (sachant qu’il propose des abonnements de 13 euros pour deux mois). En outre, il va mettre en place, aux dires des Cahiers de l’Express du 13 Septembre 2001, des diffusions de films entiers sur l’Internet haut débit qu’il facturera de 4,5 à 13 euros, ce qui aura pour effet de multiplier son chiffre d’affaire par au moins 4 (soit 300 000 euros de bénéfices par an, juste pour son site multimédia !).

Ce profit important généré par l’industrie du X sur le Net n’a rien d’étonnant au final puisqu’il utilise les recettes testées et apportées par l’industrie des cassettes porno en utilisant les nouvelle technologies de circulation de l’information et de la communication. En effet, de chez soi, on peut désormais avoir accès à un programme privilégié sur ce sujet, sans besoin de sortir de son appartement et ce qui évite, en plus, d’être vu dans des endroits encore peu fréquentables de nos jours.

En fait, l’offre de X n’a jamais été aussi abondante et variée qu’aujourd’hui, ce qui ne peut qu’expliquer la croissance exponentielle de ce genre d’activités et l’engouement du public par le simple fait d’un clic de souris.

La difficulté qui subsiste en la matière est que, mis à part quelques grands noms de la production X en France qui disposent désormais tous de leur vitrine sur le Web (Marc Dorcel, Concorde, JTC...) et qui ont pu financer leurs modernisation et l’accès aux nouvelles technologies par les profits importants engrangés par la vente mondiale de leur production de cassettes. Pour tous les autres sites (la grande majorité), on ne connaît rien du mode de financement de leurs sites web, surtout lorsque l’on peut voir que chaque jour sont créées de nouvelles pages et espaces dédiés à ce commerce, soit en remplacement d’autres adresses, soit venant s’ajouter aux autres.

D’autres études d’ailleurs rapportent le fait, pour confirmer cet état de chose, que les sites qui rapporteraient le plus d’argent sur Internet sont d’abord les sites pornographiques où il faut «payer pour entrer» avec l’inconvénient additionnel (mais la facilité d’accès ensuite) que l’on donne le numéro de sa carte de crédit, puis ensuite les casinos virtuels (que nous avons étudiés précédemment) et les jeux de mah-jong (!).

En tout cas, concernant ces premiers, le doute est donc permis pour la majorité d’entre eux quant à une possible origine douteuse voir criminelle de leurs fonds d’investissement .

Conclusion de ces développements

Comme pour étayer ces différents développements sur le secteur des nouvelles technologies, le dernier rapport du GAFI pour 2001 énonce que, comme les financiers, les truands intègrent très vite les changements technologiques, le Web se révélant ainsi un fabuleux outil de retraitement de l’argent sale.

Déjà en 1996, un autre rapport de ce même organisme mettait déjà en garde contre les possibilités offertes par les nouveaux services de la technologie aux financiers du crime, notamment avec le développement des banques en lignes et de la monnaie électronique.

Depuis, il semble bien que la situation n’ait fait qu’empirer…

«Comme en matière d’opérations financières à décrypter, les juges se retrouvent très souvent seuls face à des réseaux organisés dans ce domaine» avait rappelé le juge de Créteil, Eric Halphen, lors d’un colloque récent sur la criminalité économique à Monaco. «L’argent sale peut être ainsi blanchi en quelques jours, voire en quelques heures par le biais des nouvelles technologies et ce, face à un magistrat qui mettra environ quatre ans pour y voir clair, c’est à dire effectuer toutes les demandes d’information aux autorités des différents pays concernés et en attendre ensuite les réponses très souvent hypothétiques» avait-il encore précisé.

EUROPOL, pour sa part précisait que «désormais, avec les nouvelles technologies de l’information et de l’Internet, on peut envoyer de l’argent d’un bout à l’autre de la planète de la manière la plus rapide et la plus anonyme possible».

Les autorités sont donc aujourd’hui parfaitement conscientes des réalités et du décalage entre les moyens qui leur sont donnés et ceux mis en avant par les trafiquants et blanchisseurs de tout horizon pour assouvir leur business.

«Dans le domaine des nouvelles technologies, précisait un expert suisse, thésard en matière de cyber- blanchiment, les organisations criminelles peuvent travailler en interne, avec moins de nécessité de couvertures et donc moins de risques d'infiltration par les forces de l'ordre».

…Autant de déclarations de personnalités bien diverses qui expriment toutes l’inquiétude, face à ces nouvelles menaces d’utilisation par le crime organisé des structures issues de la nouvelle technologie et pouvant leur permettre, sans trop de difficultés et de contraintes encore, de poursuivre tranquillement leur recyclage d’argent sale.

t 2.2 passage à l’ Euro et troubles à venir

La révolution monétaire tant attendue en ce début d’année 2002 fut bien entendu le passage pour 11 pays de l’Union européenne à la monnaie unique: l’Euro. Cet événement a été annoncé à juste titre comme une étape majeure de l’existence de l’Union, mais a t-elle été affectée par les conséquences économiques et financières des attentats du 11 septembre, on peut en être certain (affaiblissement du dollar, inquiétude des consommateurs). Néanmoins, d’autres interrogations concernant des possibilités de blanchiment de capitaux ou de malversations criminelles (autres que la contrefaçon qui n’est pas en rapport avec notre sujet traité) ont été envisagées et ont pu poser problèmes lors de l’introduction de l’Euro. Certains pays membres du GAFI ont d’ailleurs décidé de prendre des mesures supplémentaires pour réactiver ou renforcer leur dispositif de lutte contre le blanchiment.

Face à cette échéance, il est nécessaire de s’interroger sur le bien fondé de ces difficultés à venir, pour appréhender la véritable réalité des scénarii proposés, entre vision apocalyptique, fausses rumeurs et vrais problèmes…..

En fait, ce qui apparaît clairement en premier lieu face à ces bouleversements, ce sont ces constats quelque peu alarmistes qui ont été avancés concernant l’introduction de l’Euro.

On a parlé ainsi d’«opérations à grande échelle de blanchiment» et de réintroduction de masses d’argent sale à l’occasion de ces activités de change qui se sont déroulées.

Or, la réalité paraît quelque peu différente de ce qui a été rapporté; c’est ce que nous observerons dans un premier temps.

Dans un second temps, seront analysés plus distinctement les véritables problèmes qui se sont posés, plus liés à des difficultés de transport et de stockage pouvant générer certains faits de délinquances bien limités qui auraient dû faire l’objet d’une réflexion pro- active préventive de la part des différents acteurs de ce marché.

a) Les questions habituelles

L’importance du remplacement des billets des monnaies nationales en Euro en 2002, a suscité des craintes en matière de lutte contre le blanchiment par exemple. Il semblerait

néanmoins que cela soit exagéré et peu fondé

De nombreux articles dans la presse générale et spécialisée ont en effet rapporté les inquiétudes concernant les possibilités importantes de risques de blanchiment qui auraient eu lieu lors de l’introduction de la nouvelle monnaie européenne dans les circuits financiers internationaux.

Ainsi, il a été fait référence à 4 difficultés possibles ou supposées réalistes:

La mise en circulation des grosses coupures européennes est un risque [T1]

Selon certains analystes, les grosses coupures en billets pourraient être recherchées par les trafiquants. L’impression des billets de 200 et 500 euros aurait été une erreur dit-on, car constituant une aubaine pour la grande criminalité, puisque «un million de dollars en billets de 100 $ tiendraient dans une valise et un million de dollars en billets de 500 euros tiendraient dans un porte-monnaie».

Cela n’est déjà pas tout à fait exacte (et très tendancieux d’ailleurs) car un millions de dollars en euros comprendrait quand même 1818 billets de 500 euros, soir un poids de 2 kg dans un

porte-monnaie, cela fait beaucoup!! 125.

Mais surtout ces analyses concernant les coupures de 500 et 200 euros (respectivement 3280Frs et 1312Frs) ne semblent pas fondées. Il faudrait bien distinguer les coupures de forte valeur faciale (celle de 200 et 500 euros) qui sont en principe des coupures servant à la thésaurisation et les plus petites coupures (de 100, 50, 20 et 10 euros) représentant des coupures de transactions fortement utilisées lors de trafic et de blanchiment.

On pourrait ainsi se méprendre et penser que les trafiquants ont une préférence pour les grosses coupures, afin que cela prenne moins de volume. Or, d’après des études conjointes menées par les banques centrales, ces billets là servent essentiellement à être thésaurisés, les billets remplaçant l’or dans sa fonction de réserve de valeur. Ainsi, la proportion de ces billets mis de côté et non échangés dans la vie économique ordinaire, a correspondu à 80% pour les billets de 500Frs et à 20% pour ceux de 200Frs (pour les billets de 100 USD, cela dépasserait 90%). Pour ce qui est du reste, les autres billets à forte valeur faciale non thésaurisés, ils serviraient essentiellement aux transactions de montant important nécessitant l’anonymat et la sécurité. D’ailleurs, l’analyse et les faits viennent confirmer que les opérations de blanchiment d’argent s’effectuent plus avec les petites coupures de transactions récupérées par les trafiquants lors des activités économiques criminelles (trafics en tout genre, prostitution, racket…).

Etant donné que l’objectif premier du blanchiment est l’infiltration discrète de la masse fiduciaire dans les circuits économiques licites, cela aura tendance à se faire avec les petites coupures obtenues au fur et à mesure. Comme on a vu que très souvent les groupes criminels ont recours à des entreprises légales pour couvrir des opérations de blanchiment, cela pourrait paraître suspect pour un petit commerce de connaître un excès de grosses coupures de thésaurisation.

De plus, si le gain de place était véritablement la préoccupation première des organisations criminelles, il y aurait utilisation des grosses coupures. Or, dans les opérations menées par les services de répression spécialisés en la matière, ce sont presque essentiellement des coupures de faible dénomination qui ont été retrouvées dans ces opérations clandestines de retraitement d’argent sale.

Comme le suppose la Banque de France dans un récent rapport, ces prophéties alarmistes ont été avant tout et à la fois la résultante d’une tentative de dénigrement par les gouvernements des pays les plus opposés à l’avènement d’une monnaie européenne (les Etats-Unis en premier lieu), d’une analyse erronée de la réalité par des experts qui se seraient laissés aller au fatalisme et l’expression des incertitudes liées au passage de la monnaie unique.

Pour exemple, il est en effet à remarquer que la concurrence de l’euro risque de se traduire pour les autorités américaines, par un manque à gagner de plusieurs milliards de dollars par an du fait de la part de marché acquise par la nouvelle monnaie concernant les gros transferts qui vont s’opérer (possible concurrence avec le dollar comme monnaie d’investissement des profits blanchis).

l’avènement de l’ Euro entraînera la fuite des capitaux

La presse, les médias et les banques ont craint également que pendant quelques mois, les autorités financières institutionnelles ont été enclin à l’instauration d’un contrôle rigide ou tout au moins surveillé des échanges entre monnaies pour éviter tout désordre monétaire. Cela a pu amener les épargnants, les fraudeurs fiscaux et les investisseurs à se montrer défiants par rapport à l’euro en privilégiant ainsi un report sur d’autres «monnaies refuge» (telles le franc suisse, la livre sterling ou le dollar américain).

Cette hypothèse de durcissement des règles entraînant un délaissement de l’euro dans un nombre important de transactions, par l’échange en monnaies nationales, non vers des euros mais vers d’autres monnaies étrangères, ne semblent pas évidente.

En effet, si les activités criminelles engendrent des revenus en espèces qui doivent être réinjectées dans l’économie légale, ces sommes en monnaie fiduciaire ne constituent pas un capital qui ferait l’objet d’un placement au meilleur rendement et dans la monnaie la plus rentable. La fonction de réserve de valeur n’est pas recherchée par les blanchisseurs ; c’est la fonction de moyen de paiement la plus anonyme qui sera ainsi privilégiée. En conséquence, à choisir entre 5 millions en euros et 5 millions en livre sterling, c’est sans doute la transaction en monnaie anglaise qui serait la plus suspecte.

Les autorités anti-blanchiment s’inquiètent du passage à l’ Euro

Les autorités anti-blanchiment se sont interrogées en effet sur les risques liés au passage à la monnaie unique. Le GAFI avait d’ailleurs évoqué cette difficulté dans son dernier rapport (1997/1998). La Commission européenne a bien sûr, pour sa part, recommandé fortement aux intervenants financiers de «montrer une vigilance toute particulière pour les opérations relative à la monnaie fiduciaire pendant cette courte période de conversion».

Néanmoins, dans les hypothèses émises, il était fait état de près d’un million de déclarations de soupçon qui pourraient être adressées aux services spécialisés de traitement de l’information financière (du style TRACFIN) dans les 6 premiers mois de l’échange opéré (monnaie nationale contre euro). Toute action efficace et rapide aurait été finalement condamnée par avance, car il est vraisemblable que ces autorités n’auraient pu alors répondre à un tel accroissement de leur charge de travail (activité multipliée par un facteur 50 voir 100).

Ces hypothèses, en fait, n’ont pas été prises à la légère, le gonflement des activités de change dans cette période ayant risqué de déborder le personnel des institutions financières et de les rendre moins attentives et plus négligentes aux indices de blanchiment. Les difficultés ont été donc bien réelles.

l’échange francs contre euros fournira forcément une couverture aux blanchisseurs

On a souvent présenté dans la presse le passage à l’euro comme une «alternative apocalyptique irréversible», devant s’avérer comme «la plus grosse opération de blanchiment d’argent jamais réalisée en toute légalité»parallèlement à la transformation des francs en euros.

Ainsi, pour exemple, il y aurait 22,9 milliards d’euros en liquide chez les particuliers. Sur ces 22,9 milliards d’euros, 7,63 milliards circulent, 7,63 milliards sont thésaurisés pour les évènements de la vie et 7,63 milliards sont effectivement cachés on ne sait où, mais la plupart pour des raisons fiscales et non d’argent sale.

Or, à la date du 17 février, on ne pouvait plus payer en monnaie nationale, d’où la nécessité d’échanger tous ses francs jusqu’à cette date (sauf pour les collectionneurs et ceux qui ne feraient qu’une simple opération de change rendue possible dans les agences de la Banque de France par la suite).

Malgré tout, s’il doit y avoir une augmentation sensible des transactions due à l’arrivée de la nouvelle monnaie, il ne faudrait pas y voir, dans le même temps, une conversion massive d’argent sale en euros. De toute façon, l’argent des «lessiveuses» estimé donc selon certains à 7,63 milliards d’euros, ne pèse que 1% de la consommation annuelle des Français et la dépense d’une telle somme n’aurait en réalité qu’un effet marginal sur la croissance. Si phénomène particulier il y a, ce ne doit être finalement qu’un phénomène de substitution, sans effet ou très peu sur une possible augmentation de la consommation et de l’intégration de sommes blanchies dans l’économie légale .

Les blanchisseurs, certes, feront usage de la nouvelle monnaie européenne. Cela d’ailleurs ne devrait pas poser de difficultés de conversion ou de changes pour eux. Mais il apparaît également clairement, qu’ils disposeront au final de ces flux en euros et des coupures de transactions sur une longue période et au fur et à mesure que la nouvelle monnaie sera injectée dans l’économie. A condition de s’organiser un peu, d’être patient et de ne pas afficher un train de vie trop flamboyant, un gros fraudeur pourra donc passer à travers les mailles du filet.

De l’avis de tous les experts, le passage à l’euro fiduciaire a exercé néanmoins sur les blanchisseurs, une contrainte supplémentaire qu’ils tenteront d’alléger par des stratégies d’anticipation et/ou de contournement.

Afin de perturber l’action préventive des professionnels et celle répressive des autorités, certains par exemple, ont ainsi pu délocaliser leurs manœuvres financières clandestines dans d’autres Etats membres moins regardant ou vers les pays et territoires non coopératifs au sens du GAFI; d’autres encore vers des pays tiers aux devises plus attractives (échange argent sale contre devises étrangères, puis conversion en euros, cela ne fait qu’une étape supplémentaire!). (voir à cette occasion les développements antérieurs concernant Chypre).

En tout état de cause, il semble bien que se soit mise en place bien avant déjà parallèlement aux opérations de préparations des administrations et organismes financiers, une stratégie simultanée des blanchisseurs alliant anticipation, délocalisation et diversification du traitement des trésoreries occultes des organisations criminelles.

De telles stratégies ont dû ou continueront encore à utiliser probablement, par anticipation et à titre provisoire, tous les procédés classiques de placements des liquidités:

-Conversion d’espèces en devises tierces (dollars américains ou francs suisses), achat de valeur au porteur, bons anonymes, transferts électroniques…

Il paraît évident et ce, même si TRACFIN et ses homologues européens ont déjà détecté, avant octobre 2001, des manœuvres d’écoulement de stocks de monnaie fiduciaire d’origine criminelle (avoirs en pesetas des cartels colombiens en Espagne, avoirs en lires des mafias italiennes…) que la reconversion en euro de ces capitaux douteux se sera réalisé à moyen terme pendant la période de double imposition des prix (monnaie nationale et euros) et sans doute plus par la suite, après le mois de juin 2002.

Au final, il y a eu assurément un échange important de devises nationales sur une courte période, un volume inhabituel des échanges de monnaies pouvant permettre l’introduction de fonds d’origine illégale. Mais les autorités financières ont pensé et aspiré plutôt à une«graduelle transformation des flux d’argent criminel» en 2002.

Elles ont ainsi jugé (alors est-ce des spéculations de leur part?) que les blanchisseurs ne seront que marginalement concernés par l’échange des billets nationaux contre les euros et que la mise en place de mesures spécifiques, à ce niveau, aurait eu au demeurant peu d’effet sur le blanchiment.

b) ce que l’ Euro va apporter

Du point de vue des entreprises, l’avènement de cette nouvelle monnaie serait à première vue bénéfique même si cela va leur demander des efforts dans la gestion et l’organisation de la centralisation et l’optimisation de leurs flux financiers. En effet, dans le cadre d’un processus de mondialisation économique et de trésorerie tourné vers l’international, une monnaie unique va engendrer beaucoup moins de problèmes de conversion de devises, de divergences entre les réglementations et les fiscalités locales auparavant contraignantes, bref un gain d’argent et de temps véritable.

Gérer la zone euro comme s’il s’agissait d’un seul pays ne pourra en conséquence qu’abaisser les coûts directs et indirects de cette gestion pour les sociétés avec des possibilités d’automatisation de ce processus prenant en compte un volume d’affaires désormais global.

Le danger réel néanmoins qui en ressort et qui n’a été que peu soulevé (tellement les entreprises ont une volonté farouche de défendre le phénomène de mondialisation) est que, si l’euro supprime le risque de change, cela va générer l’émergence d’un vrai marché interbancaire européen intégré (avec grands renforts de systèmes simplifiés de paiement interbancaire pour des montants plus ou moins importants ex: systèmes Target, ABE ou IPI ).

Ces nouveaux systèmes qui doivent profiter à la fois aux grandes entreprises et aux PME en leur procurant une réduction de leurs coûts, ne faciliteront pas une sécurisation optimale de tels flux financiers internationaux. On a déjà pu appréhender les problèmes de sécurité et de transparence que posaient les réseaux SWIFT et autres circuits électroniques dans les enquêtes de traçabilité des transferts importants de capitaux vis à vis des réseaux financiers de blanchiment d’argent. Et le fait de savoir que de nombreux transferts de fonds pourront demain s’effectuer en «valeur jour» dans toute l’Europe avec, dans le meilleur des cas, des contrôles restreints, n’est pas fait pour rassurer les acteurs de la lutte contre le blanchiment international de capitaux.

c) les vrais difficultés

Différents problèmes préoccupants se posent ainsi dans la perspective de l’échange de la nouvelle et unique monnaie européenne.

Bien avant d’évoquer les problèmes de transport et de stockage qui n’ont pas été toujours résolus correctement, il est important de continuer la réflexion par rapport à ce qui vient d’être souligné. En effet, la question de l’augmentation des transactions de transferts et de la conversion massive des monnaies sur une courte durée, a pu générer des difficultés si les secteurs concernés n’avaient pas augmenté pas leur vigilance pendant cette période.

vLe change manuel, lorsqu’existait encore les opérations de changes, permettait de conserver un contrôle sur ce type d’opération. Avec l’euro, ce contrôle au sein du système financier aura disparu et l’euro pourrait devenir une monnaie très convoitée par les groupes «mafieux», la rapidité désormais accrue des transactions en euro dans un seul espace pouvant faire

craindre une fusion plus rapide de ces capitaux dans le tissu économique et financier européen. C’est donc un moyen de contrôle et de détection de capitaux blanchis au premier stade du change des monnaies qui s’estompera.

vLes risques auxquels les institutions européennes devront faire face seront ainsi nombreuxet graves : en plus de la pluralité des lieux de production des billets et des pièces à surveiller et à contrôler, il faudra de fait assurer une sauvegarde équivalente de l’euro sur tout le territoire de la communauté, nécessitant ainsi une collaboration entre pays voisins en matière de répression du faux monnayage et de surveillance des professionnels financiers à risque. Cela ne pourra se mettre en place sans heurter forcément des systèmes cloisonnées et le sacro-saint principe de territorialité.

De plus, et c’est là sans doute ce qui est le plus important, l’euro peut permettre de faire passer les bénéfices du crime organisé par les routes banalisées des Etats européens sans que ceux-ci ne s’en aperçoivent.

Prenons pour exemple l’entrée de la monnaie grecque dans l’euro. Cela a eu pour conséquence d’ouvrir la porte de l’Europe à tout l’argent provenant de ce pays, (ce qui est des plus naturelles certes) mais aussi de ceux qui commerçaient avec une telle monnaie; ainsi, l’argent sale en provenance de Chypre (du fait prostitution, trafic venant du Moyen Orient, des capitaux secret du KGB mis en dépôt sur place…) qui étaient recyclé par le système bancaire grec.

Comme l’explique très bien Jean François Bayard, directeur de la revue Critique internationale, dans une interview récente, «la question annexe de l’accession de Chypre comme membre à part entière à l’Union européenne, constituera alors l’aboutissement de l’une des plus belles opérations de blanchiment», cet argent déposé localement et aux origines plus que douteuses, fera partie alors désormais des flux de capitaux légaux de l’Europe.

vConcernant maintenant le transport et le stockage de cette nouvelle monnaie, les gouvernements des Etats membres de l’Union alliés aux intermédiaires nécessaires à la réalisation de cet événement (banquiers et institutions assimilées, convoyeurs de fonds et représentant des commerçants) ont, dans la majorité des cas, pu réfléchir ensemble aux stratégies à adopter pour rendre le processus d’intégration de l’Euro le plus efficace possible en évitant au maximum les fraudes, les vols et des situations extrêmes de panique de ces intervenants face à l’arrivée de l’euro.

La France, par son gouvernement , a élaboré un plan de sécurité appelé «Vigi-euro», classé secret défense et fondé sur le principe de discrétion. Cela a été mis en place afin d’appréhender les différents problèmes que pouvait engendrer l’instauration de la monnaie européenne, surtout pendant la période charnière septembre / octobre 2001 jusqu’à fin février2002.

A ce jour, la nouvelle monnaie est sortie de sa cachette et a été désormais distribuée…tant bien que mal.

lConcernant les pièces en euro, elles ont été fabriquées à Pessac (en Gironde) et sont restées sous l’étroite surveillance de la police, de l’armée et de la gendarmerie jusqu’à être transportées vers des centres de stockage nationaux à bord de trains blindés, escortés de gardes mobiles et surveillés par satellites.

Elles ont été ensuite transférés vers les 81 centres départementaux, souvent des établissements militaires utilisés comme zones de transit, là aussi avec un système de sécurité renforcé.

A partir du 22 août 2001, conditionnées dans des boîtes en carton renforcé, les quelques 32 000 tonnes d’euros (soit environ 7.6 milliards d’euros) sont passées aux convoyeurs, chargés de les acheminer vers les centres de stockage des sociétés de transferts de fondsou dans les grandes agences bancaires. Ceux-ci ont été alors alimentés par de simples fourgons blindés ou par des convois de semi-remorques, encadrés par la police.

«Cette première phase derépartition capillaire» comportait peu de risque et ne devait pas en tout cas attirer les bandes organisées» faisait remarquer alors Patrick Lagarde, responsable du projet euro à la Brink’s. Selon lui, le fait que les palettes de pièces à embarquer soient toutes d’un poids très important (1 tonne chacune) et que le transport ne se fasse que par faible montant (moins d’1 million d’euros en pièces par camion) incitait à être rassuré face au processus qui restait alors à réaliser.

l Concernant les billets en euro, c’est là que s’annonçait la phase critique du processus d’intégration de la nouvelle monnaie. Déjà, pour les 42 tonnes de billets de 200 euros, fabriqués en Allemagne à Leipzig, à la différence de petites coupures d’euros dont s’est chargé l’usine de Chamalières, le rapatriement en France a été plus que délicat (faire transporter le 24 juillet 2001, 1,3 milliard de francs destinés à la Banque de France dans un avion escorté par 4 Mirages, ce n’était pas une petite opération ordinaire) 125.

Mais le transport progressif vers les banques et les commerces des 15 milliards de billets, d’une valeur de 642 milliards d’euros, ajoutés aux 50 milliards de pièces 126, fut encore une autre épreuve 127.

A partir du 1er septembre 2001, c’est le centre opérationnel Beauvau (COB) qui constitua le centre névralgique du dispositif de sécurité et qui a prévu toutes les possibilités d’attaques menées par des gangs du grand banditisme ou de la criminalité organisée, seuls capables d’obtenir de telles informations confidentielles. Ces dispositions faisant référence à d’autres activités criminelles que le blanchiment de capitaux, nous ne nous y attarderons pas.

Néanmoins, si les banques ont pu craindre un temps la rupture de stocks (par exemple des pièces de 50 cents; possibilité néanmoins de pallier ce risque par l’emploi d’autres pièces européennes mais non françaises –exemple avec les pièces espagnols visibles à l’époque en grand nombre en France) et si il y eu pas mal de turbulences lors des mois suivants concernant la Brink’s qui a du transporter ces trésors monétaires, après avoir signalé à l’époque la pénurie de policiers pour les escorter et de gilets pare-balles pour protéger les convoyeurs (ex: grève de quelques transporteurs et des convoyeurs pour apporter les euros et remporter les Francs), tout se passa pratiquement pour le mieux.

Il reste toutefois à signaler en la matière que deux cas de vol et d’utilisation d’euros avant la mise en service officielle avaient été rapportés par la presse française, ce qui démontrait déjà des dysfonctionnements dans l’avènement de la nouvelle monnaie et l’acquisition qu’en ont faite des groupes délinquants, voir mafieux sur le nouveau marché de l’Euro (possibilité de contrefaçon et de fausse monnaie, tentatives et attaques pour tester l’efficacité des circuits de protection et de transferts de fonds en euros).

Ainsi, malgré le dispositif de sécurité déployé en France et dans tous les pays de la zone euro, une dizaine d’hommes ont attaqué le 23 septembre 2001 un dépôt de la poste à Bari en Italie du sud avec un tracto- pelle afin de défoncer le mur du bâtiment. Ils ont emporté seulement 5 000 euros en pièces avant d’être dérangés dans leurs méfaits, mais le butin aurait pu être beaucoup plus important (600 caisses de monnaie acheminées dans ce bureau et destinées à la région).

Ce premier exemple démontrait ainsi la capacité de bandes organisées à détecter les failles dans un dispositif sécuritaire. Rien ne permettait alors de penser qu’ils ne pourraient de la même manière reproduire cette attaque dans un autre coin de l’Europe qui ne soit pas protégé correctement, voire même réaliser des tentatives d’infiltration d’argent sale en échange d’euros et ce, après l’ouverture du marché, dans des endroits peu sûrs de la planète et éloignés des zones occidentales et des salles de marchés surprotégés et très contrôlés.

Le second incident avait eu lieu le 6 septembre 2001, peu après le début du transport de l’euros vers les banques et institutions financières. Un fourgon de transport de fonds avait été attaqué en Allemagne. Résultat de l’attaque fomentée: 1,2 million d’euros en billets et 300 000 marks dérobés. Or, 3 semaines plus tard, un mystérieux individu avait payé un achat avec un billet de 5 euros, ce qui normalement était encore impossible puisque les transports d’euros ont été hyper protégés et qu’il était alors illégal de mettre en circulation de tels billets avant le 1er janvier, date officielle du passage à la monnaie unique (poursuites judiciaires et forte amende à la clé).

Il est des plus vraisemblables qu’à cette époque on ait pu croire encore qu’on allait assister à une recrudescence de ces actes malveillants car tellement lucratifs de la part du grand banditisme (attaques de fourgons, cambriolage de banques ou d’institutions financières spécialisées (exemple: aucune protection n’était prévue vis à vis des bureaux de changes qui drainaient pourtant des sommes considérables!). Les autorités ont pu s’en inquiéter et les faits l’ont démontré, mais c’était sans parler des problèmes de blanchiment international vis à vis de gros montants orchestrés par des groupes criminels organisés qui ont pu se dérouler après l’entrée en vigueur de l’utilisation de l’euro 128.

A travers ces exemples, deux délinquances différentes ont pu ainsi être constatées pour deux stades distincts dans le processus d’acheminement de la nouvelle monnaie européenne et de l’utilisation monétaire qui en sera fait par la suite. Deux types de criminels qui ne sont pas sans liens et possibilités de coordinations entre eux.

En résumé, les autorités en charge de l’aménagement de l’avènement de l’euro, ont semblé avoir eu pour objectif de privilégier la conservation du dispositif qui avait initialement établi par le politique, sans tenir trop compte des concertations faites avec les autres professionnels intervenant dans le processus monétaire (ex: 10 000 escortes policières prévues comme effet dissuasif….). Ils ont seulement vis à vis de ces partenaires privés déclaré que ceux-ci devaient avoir une vigilance particulière sur les mouvements en espèce quelle que soit leur nature (monnaies nationales, euros, devises étrangères, chèque de voyage, travellers…).

t 2.3 Gangrène criminelle et détournements crapuleux du marché de l’Art

et de ses bénéfices

Très peu de rapports sérieux font référence au monde de l’art et à des collusions possibles avec les réseaux mafieux pour une exploitation de ce secteur économique (voir excellent ouvrage de Mme Guillotreau Art et crime chez PUF).

Or, si l’on dispose de peu d’informations fiables et statistiquement vérifiées sur le sujet, cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas. Les placements de la criminalité organisée dans l’économie légale, on l’a vu, sont conditionnés par des objectifs de rentabilité et de rapidité, faisant appel à des circuits et transactions utilisant d’importants mouvements d’argent liquide, comme peut l’être le commerce de l’art.

Les œuvres d’art serviraient ainsi dans le processus du blanchiment aussi bien au stade du placement (ou étape de la conversion) qu’au niveau final de l’intégration, lorsqu’il est fait état d’investissement dans des affaires tout àfait licites.

Pour exemple, la pratique de la fausse spéculation sur un bien immobilier ou une œuvre d’art est fréquemment utilisée 129.

Par ailleurs, le programme «Octopus» mis en place par le Conseil de l’Europe et la Commission européenne depuis 1996, a permis de constater que l’œuvre d’art présente véritablement un intérêt évident pour les organisations criminelles 130, d’une part car il y a un contrôle plus restreint (ou moins approfondi) des transactions qu’en matière bancaire, d’autre part du fait des liquidités importantes qui sont drainées dans ce domaine en particulier.

Dans le cadre d’une seule enquête sur l’utilisation d’œuvres d’art comme soutien à des trafics divers en lien avec des circuits de blanchiment, il a été fait mention par exemple récemment d’un réseau mis en place et coordonné sur 16 pays distincts d’Europe centrale et orientale: Albanie, Bulgarie, Croatie, République Tchèque, Estonie, Macédoine, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Moldavie, Pologne, Roumanie, Russie, Slovaquie, Slovénie et Ukraine.

En conséquence, on ne peut appréhender le problème du blanchiment dans le marché de l’Art sans faire référence au rôle important (car de tout temps essentiel) joué par les professionnels de ce secteur tels les galeries, les maisons de ventes aux enchères et les antiquaires.

Non seulement, ils devraient faire l’objet d’une surveillance encore plus renforcée à l’heure actuelle, mais ce ne serait que justice et égalité de rendre obligatoire à tous ces professionnels de l’art les déclarations de soupçons mises en place pour d’autres acteurs du jeu de la finance mondiale, lorsque ceux-ci s’aperçoivent de la singularité d’une opération ou de l’irrégularité d’une transaction dont ils ont la charge de mener à bien.

lConcernant les galeries

Il est déjà difficile de les dénombrer en France (1 300 galeries en 1995 d’après l’organisme de gestion de la Sécurité sociale des artistes et entre 350 et 400 à la même époque pour le Comité des galeries d’art). Alors savoir précisément quelles furent les dernières opérations ou tractations enregistrées, quel en sont les bénéficiaires ou quels investisseurs se cachent derrière le fonctionnement de telle ou telle structure d’art, voilà des questions qui devraient, la plupart du temps, rester bien insolubles.

Il faut dire que le milieu de l’art comme celui de la Haute Finance est très restreint, tous les acteurs (galiéristes et antiquaires de renommées diverses) préférant travailler main dans la main, afin de ne pas faire intervenir les auxiliaires de justice et régler au final leurs problèmes entre eux.

Ainsi, «tout le monde sait, mais personne ne parle», telle est la devise du milieu….

lConcernant les maisons de ventes aux enchères

Il avait été constaté à plusieurs reprises par l’International Council of Museum (ICOM) que même les plus grandes salles des ventes, comme Drouot, Sotheby’s et Christie’s, ont quelques fois été mêlées, volontairement ou en toute innocence (à ce niveau appelons cela de la négligence coupable), à des scandales financiers les impliquant dans l’«écoulement d’objet d’origine illicite ou des transactions intégrant de véritables objets d’art qui faisaient alors apparaître des réseaux ou combines pour blanchir de l’argent peu honorable».

Ces maisons de ventes aux enchères très connues au demeurant, fonctionnent d’ailleurs comme de vrais multinationales spécialisées dans le créneau des œuvres d’art131. A ce titre, elles sont, malgré tout, continuellement vulnérables, leurs personnels pouvant faire l’objet, comme toute autre entreprise de stature internationale, d’opérations de séductions ou de pressions diverses les obligeant par ruse ou par force à céder à la corruption:

-concernant Sotheby’s, un reportage journalistique en 1997 132 mit en lumière des pratiques peu licites au sein de la multinationale et le rôle joué par des experts salariés et réputés, se révélant dans les faits peu scrupuleux (avec leur assentiment coupable ou une négligence incroyable) dans la réalisation de transactions à des fins de détournement de capitaux et de blanchiment.

-concernant Christie’s, les preuves d’un quelconque blanchiment lors d’opérations sur des œuvres d’art n’ont jamais été apportées à ce jour. Néanmoins, la société aujourd’hui détenue majoritairement par Artémis (29 %), holding personnelle de François Pinault, se targue quand même de détenir le record du prix le plus élevé jamais atteint pour un tableau (en l’occurrence le Portrait du Dr Gachet peint par Vincent Van Gogh adjugé à 69,8 millions d’euros, soit 458 millions de francs déboursés en 1990). Il pourrait évidemment paraître incroyable qu’une telle somme (dont l’origine n’est connue que par les parties à la vente) ait pu être investie par un collectionneur, même pour un objet d’art de qualité et aussi remarquable, sauf à considérer l’hypothèse possible d’un investissement par des capitaux d’origine plus ou moins illicite ou illégale dont une part relative ou importante peut avoir été blanchie à cette occasion.

Ainsi, étant donné que le commerce des objets d’art est l’un des moins contrôlables (l’identification des œuvres pouvant se révéler particulièrement difficile, voire impossible) et que la valeur de tels objets est toujours très subjective et peu vérifiable (tenant plus à l’affection affichée d’un individu pour un bien plutôt qu’à un chiffrement établi, vérifié et rigoureusement authentique), il apparaît comme très réaliste que de nombreuses opérations de blanchiment puissent avoir emprunté le chemin de salles de ventes ou le milieu des marchés de l’art.

Cela a pu provoquer ensuite la flambée de certains objets (69,8 millions d’euros pour un tableau!) avec pour finalité le recyclage d’argent sale en intégrant les structures légales des marchés économiques et financiers internationaux.

«Dans les salles de ventes, note une habituée interrogée par un journaliste du Point (mai 2001), on voit en ce moment des objets peu attrayants partir à des prix étonnants, y compris dans les petites salles de province».

«Dans les galeries de peinture parisiennes, raconte une autre personne, les propositions d’achats, dont une bonne partie en liquide, se multiplient depuis quelques mois.

La côte de certains artistes, notamment des contemporains, se trouve ainsi actuellement étrangement relevée».

A ce sujet, Jean de Maillard expose avec rigueur dans son ouvrage l’exemple simple et souvent visible dans la pratique des «fausses ventes aux enchères»:

-un trafiquant met aux enchères des œuvres d’art contemporain ou des statuettes d’art précolombien ou africain…ces objets sont naturellement difficilement identifiables;

-avant la vente, il remet une somme d’argent en liquide à un complice;

-le trafiquant vend ses œuvres d’art aux enchères et son complice les achète, même à un prix exorbitant au vue des estimations et des cours du marché. Le premier reçoit en paiement de ses objets d’art, le montant de la somme qu’il voulait blanchir. Cette somme lui est remise par le commissaire priseur;

-après la vente aux enchères, le complice restitue les œuvres d’art à son ancien propriétaire et perçoit le prix de sa commission.

Cette technique habituelle consiste ainsi en une «opération fermée», c’est à dire que c’est une méthode permettant en réalité une vente fictive à soi même par l’intervention d’une fausse contrepartie. Elle peut être adaptée au marché boursier également et ne constitue que l’une de celles utilisées par les organisations criminelles et les groupes délinquants organisés pour retraiter leurs économies illicites par le biais d’un marché porteur aux profits importants et à la réputation d’honnêteté presque sans tâches.

Le commerce des œuvres d’art peut donc être une passion pour le trafiquant collectionneur ou bien un business, lui permettant ainsi d’investir ses économies d’origines douteuses dans des biens valorisants et facilement transportables. Au final, cela constitue toujours actuellement une possibilité de «sage filière» de retraitement de l’argent sale, très souvent opaque et pouvant se révéler parfois très spéculative (voir exemple du niveau des prix atteint sur le marché de l’art actuel par des œuvres contemporaines).

A côté du marché de l’Art proprement dit, se trouve le secteur du luxe qui a pu également servir au recyclage de capitaux d’origine criminelle pendant de longues années par la méthode du schtroumphage 133.

En effet, il est arrivé souvent que l’une des méthodes privilégiées par les blanchisseurs fut d’acquérir contre espèces des bijoux, métaux précieux et produits de luxe, revendu ensuite à des amateurs contre des chèques en bonne et due forme. Le Sénateur John Kerry dans un de ses ouvrages 134souligne ainsi le rôle des pierres précieuses dans le recyclage pour les Yakusa, mais également pour les mafieux russes et les Colombiens.

A côté de cette stratégie rudimentaire mais bien efficace, l’industrie du luxe a connu d’autres travers permettant à certaines époques (des périodes euphoriques (année 99 et 2000) comme pour la Net- économie) l’intégration importante de sommes d’argents sale.

Depuis plusieurs mois néanmoins, ce secteur, doit affronter des perspectives de décroissance ou de croissance au ralenti. Dans les faits, depuis 1985, les produits de luxe surfaient sur une vague porteuse et presque ininterrompue de fortes hausses.

Désormais, de nouveaux groupes mondiaux prenaient ainsi la place des vieilles maisons prestigieuses en imposant à la fois des nouvelles techniques de marketing et des stratégies spécifiques tournées vers l’internationalisation (LVMH, PPR, Vendôme 135). Comme tout secteur en pleine expansion, ce sont des sommes incroyables qui ont été ainsi versées à cette occasion dans des campagnes boursières médiatiques et ruées tonitruantes à coup d’OPA plus ou moins hostiles entre sociétés du secteur ( voir l’épopée épique du rachat puis du désengagement de Gucci entre les deux frères ennemis de l’économie du luxe français).

A ce sujet, le journal «The Economist» avait publié l’année dernière, un article sur François Pinault, intitulé «Enquête sur un entrepreneur trop habile». Il y était précisé que face aux très nombreuses entreprises acquises depuis un moment par le PDG français (FNAC, Printemps, Gucci, Christie’s…), ces triomphes économiques et boursiers recelaient certainement leur face d’ombre…

Aussi, en rapport à ce phénomène de possible intégration de capitaux douteux dans ce type de secteur, les analystes spécialisés pensent en majorité, laissant de côté la réalité pessimiste due aux attentats arrivés aux Etats-Unis, que de nouvelles opportunités bénéfiques pour des investisseurs chevronnés pourraient se faire ressentir dans le commerce du luxe et ce, même si des pronostics en nombre subsistent également sur une longue récession dans ce domaine d’activités plus que sur une crise de courte durée.

En ce moment donc, il serait préférable pour les trafiquants, comme à leur habitude d’ailleurs:

-soit de délaisser ce secteur fluctuant, sauf à privilégier la stabilité de leurs investissements dans les multinationales du secteur, des groupes tellement gigantesques qu’on ne prend plus attention aux petits et moyens porteurs d’actions,

-soit de continuer à faire prévaloir la «couverture dorée» de ces capitaux investis dans ce secteur peu contrôlé et permettant néanmoins une meilleur introduction d’argent sale au sein de l’économie mondiale.

t 2.4 blanchiment de capitaux dans les circonscriptions de zones franches

(voir article du Pofesseur Lalive et de M. Renold, enseignant à l’université de Genève sur le commerce international de l’Art)

généralités

A la suite de nos interrogations sur le financement du marché de l’Art et du secteur des nouvelles technologies par des transactions monétaires intégrant des possibilités de blanchiment (sans oublier les développements concernant les centres financiers off shore), se pose tout naturellement la question de l’existence de zones franches, de ports francet de leur implication dans ces circuits financiers de transferts internationaux :

L’idée de faire bénéficier ainsi certains lieux d’une franchise douanière, d’une sorte d’extra- territorialité dans l’intérêt du commerce international, est déjà fort ancienne.

Au temps du Moyen-Age existaient ces villes franches et ports francs. Même bien longtemps après et à la suite de l’intégration douanière achevée avec le Marché Unique, il a été remis au goût du jour de créer de nouvelles zones de développement attractives, dont les privilèges ne seraient plus cette fois-ci de nature douanière mais plutôt fiscal.

Définitions des termes

-les «zones franches» sont instituées dans le cadre de l’aménagement du territoire pour aider des régions économiquement défavorisées, avec par exemple, des exonérations de taxes professionnelles. La franchise douanière qui peut être également instituée va s’étendre alors à toute une ville, à un entrepôt ou à un port, d’où la notion de «port franc».

Il ne faut d’ailleurs pas confondre avec les «zones franches», les institutions relativement établies que sont les boutiques hors taxes. Celles-ci ne sont pas pour autant des zones franches, car les exonérations ne sont pas tellement de nature douanière mais plutôt relatives à l’impôt sur le luxe ou sur la TVA.

-les «ports francs» sont quant à eux des endroits où des marchandises (n’importe quel type de marchandises, cela a son importance puisqu’il peut s’agir d’œuvres d’art ou de valises de billets!) peuvent être entreposées et peuvent transiter sans payer de droits de douane, avec une plus ou moins grande opacité suivant les pays.

Difficultés entraînées par l’existence de ces lieux

Concernant les zones franches, elles semblent constituer les paradis fiscaux des pauvres. Inspirées par le souci de sortir les zones défavorisées d’un marasme économique et social vécu au quotidien, elles ont ainsi offert certains privilèges aux entreprises situées dans de tels périmètres sensibles. Or, il est à craindre, après un certain nombre d’études en la matière, qu’elles n’abritent au final, parmi un nombre croissant d’activités économiques viables, un certain nombre de sociétés dépendant en grande partie de ressources d’origine illégale mais couvertes par «l’immunité fiscale».

Il apparaît ainsi que de telles entreprises seraient, en réalité, un excellent moyen pour blanchir de multiples trafics se déroulant dans ces quartiers. Ces domaines économiques bien spécifiques favoriseraient, en outre, l’émergence de groupes de délinquance de plus en plus organisés, bénéficiant d’une tranquillité d’action et d’un enrichissement d’autant plus rapide qu’il serait exonéré de taxes, de charges sociales et d’impôts.

Concernant la situation des ports francs, les opérations qui se déroulent dans ces endroits particuliers, sont soumises à des conditions proches de celles des entrepôts pour le stockage de biens et produits.

La douane peut ainsi procéder à certains contrôles à l’intérieur de ces zones et ce, pour s’assurer de la régularité des opérations qui y sont effectuées.

Cependant, cela n’empêche nullement de tels endroits d’avoir acquis la réputation sise à l’étranger de voir transiter bon nombre de marchandises et pas des plus légales. En effet, on a pu voir dans ce mémoire de très nombreuses stratégies de la part des blanchisseurs pour réaliser et mener à bien leurs opérations de subversion. Or, les possibilités pour blanchir des capitaux sont innombrables et le fait d’utiliser des objets de luxe ou de collections (objet d’art, voiture de collections) comme catalyseur de leurs revenus financiers illicites, est un moyen très actuel pour transformer des fonds criminels en argent licite.

Le fonctionnement de ces endroits spéciaux qui peuvent servir de remise au commerce international peut en effet prêter l’opportunité à des groupes criminels organisés pour entreposer de tels marchandises leur appartenant et qui ont servi de monnaie d’échange et de produis d’investissements à des transactions d’argent sale contre d’autres produits, fruits du commerce mondial et légal.

La réputation de ces lieux comme plaque tournante du marché noir de l’art n’est donc plus à faire, au vue de la forte suspiçion pesant sur ce secteur en particulier comme il a été vu précédemment. Ainsi, comme l’on sait maintenant que le marché de l’art peut abriter des opérations de blanchiment également, on ne sera pas étonné de voir ici aborder cette question. Il doit donc être évident que, dans ce cadre précis, les zones franches puissent particulièrement attirer l’argent sale.

Mode de fonctionnement de ces lieux bien spécifiques du commerce mondial

Il est de suite important de préciser que si les marchandises se trouvent être sous la surveillance des douanes de chacun des pays dans lequel se situe la dite zone franche pendant leur temps de stockage, elles le sont pour une durée illimitée et ne sont en aucun cas administrées par les douanes. D’ailleurs, les ordonnances concernant l’organisation de ces endroits sont en général prises directement par chaque port franc et viennent préciser à chaque fois la loi applicable, ce qui ne milite pas d’ailleurs en faveur d’une unité de réglementation en la matière.

En principe, les activités du port franc peuvent être multiples et faire intervenir des régimes divers bien spécifiques (régime de l’admission temporaire, les carnets A.T.A…).

Dans le cadre de l’approche réalisée vis à vis des problèmes de blanchiment, seront uniquement observées les particularités de la zone et du port franc en tant que vecteur d’entreposage d’objets.

Aussi, ces lieux constituent à la fois:

-un lieu de stockage de marchandises épargnant ainsi, aussi longtemps que possible, le paiement de droits à l’importation,

-un endroit approprié pour des objets dont la valeur est souvent très élevée,

-et un lieu duquel l’expédition des objets vers d’autres pays est facilitée.

En effet, si les différents grands ports francs internationaux ( Le Havre, Barcelone, Rotterdam, Hambourg…) offrent des services relativement semblables, ce n’est donc pas pour des raisons propres aux services offerts que les propriétaires utiliseront plus un port franc qu’un autre, mais plus pour des raisons tenant à leur localisation.

Pour exemple, le port franc de Bâle, comme celui de Hambourg, sont plus tournés vers le commerce avec les pays du nord de l’Europe, alors que les ports francs de Genève et Zurich sont eux très internationaux, les marchandises entreposées pouvant être reçues et envoyées aux quatre coins du monde.

Il est ainsi permis d’apprécier tout l’intérêt que ces zones de «fret protégé» peuvent avoir pour des trafiquants à un stade où le blanchiment d’argent sale est certes déjà bien avancé, mais leur permettant tout de même d’être à l’abri d’enquêtes judiciaires et d’investigations policières trop entreprenantes. Gibraltar et Monte-Carlo, deux zones franches importantes ont d’ailleurs fait l’objet d’enquêtes administratives récentes (1995 / 1997) qui ont permis de découvrir l’implantation d’entreprises russes développant un commerce marchand d’import-export douteux mais en tout cas très prolifique.

Pour exemple, le port franc de Genève est très réputé pour être utilisé comme plate-forme de distribution d’objets d’art pour l’Europe et le Moyen-Orient, car à faible distance et permettant de nombreuses commodités nécessaires à cela: un aéroport international, des banques plus que discrètes, des grands hôtels, des cabinets d’experts d’art, des experts juridiques et fiscaux, une clientèle internationale et riche, des budgets ridicules alloués aux forces de police et aux magistrats des parquets financiers…

Ainsi, ces zones et ports francs pourraient être utilisés par les blanchisseurs sous deux aspects:

-ils permettent d’abord par le biais de sous-locations de ne pas avoir connaissance de ce qui se trouve en réalité dans les locaux surveillés,

-et non seulement, ils permettent de faire bénéficier les propriétaires des marchandises entreposées de l’exemption de droits à l’importation et ce, ad libitum,

-mais ils assurent également la surveillance de ces marchandises stockées en leur garantissant la sécurité des locaux offerts par ces «structures de droit off shore».

Ainsi, plus le système de sécurité est performant, plus les marchandises susceptibles d’y être stockées, seront de grande valeur. A cet effet, le port franc pourrait être assimilé à une «véritable banque de marchandises», puisqu’ apparaissant comme un lieu très sûr disposant de nombreux coffres et locaux surveillés.

L’accès à un port franc est ainsi très réglementéet rigoureux : sont permis d’entrer dans ces endroits uniquement les personnes qui ont des raisons professionnelles pour, et celles disposant d’autorisation expresse de l’office des douanes ou de la direction du port franc, sachant que cette administration ne délivre que très rarement ces sauf-conduits en pratique

(en principe toutefois, les fonctionnaires des douanes ont le droit d’accès à n’importe quel moment dans les locaux de ces ports francs et autres magasins privés);

-enfin

En fait, et c’est là tout le paradoxe de tels lieux en théorie, le statut juridique de ces entités franches n’établit seulement la qualité d’extranéité uniquement que sur le plan douanier, ce qui revient à dire qu’en principe, le droit pénal, fiscal, civil ou la loi de droit international privé peuvent s’y appliquer pleinement.

Il serait ainsi possible d’assister à des descentes de polices et d’enquêteurs spécialisés dans ces «endroits opaques du commerce mondial» pour effecteur des fouilles dans les chambre fortes du port franc et ce dans les règles du droit(idem pour des procédures de séquestre).

Pour autant, dans la pratique, c’est comme si il y avait un consensus de la part des autorités qui recueillent ces ports francs pour laisser ces endroits en dehors de toutes investigations nationales et requêtes internationales.

Hormis quelques procédures relatives à des séquestre en rapport avec la loi sur les poursuites et qui permettent de geler les déplacements de marchandises appartenant à des propriétaires poursuivis pour dettes, rien d’autre n’a jamais été entamé ou abouti à des résultats probants par une confiscation massive d’objets ou d’argent dans ces endroits spéciaux.

Ce qui se déroule ainsi aux yeux de tous est le laxisme (pour ne pas dire la complaisance) qui s’est installée dans la mentalité des administrateurs de tels lieux qui devraient, non pas contrôler ou enquêter sur tous les objets pouvant se trouver dans ces entrepôts, mais au moins, en cas de doute, prévenir les autorités douanières ou de police qui prendraient elles-mêmes les mesures adéquates.

Aussi, quand on parle de la nécessaire collaboration des professionnels dans les secteurs vulnérables de l’économie mondiale face aux filières de blanchiment, il devrait être réalisé une interprétation large de cette notion, quitte à empiéter sur le domaine des administrateurs des zones et ports francs pour les inclure dans cette coopération demandée à ces professionnels.

Sur ce plan également, l’Union européenne a une part de responsabilitésdans le développement de ces endroits pouvant être détournés de leurs objectifs premiers par le crime organisé. En effet, au nom d’un libre échangisme et d’une libre concurrence entre les pays, il est préconisé de laisser aux Etats membres de la Communauté la faculté de constituer librement certaines parties de leur territoire en zones ou en entrepôts francs, ce qui fut le cas en France avec le Plan Juppé en 1996. Par la réalisation d’une telle politique originale avec des ambitions affichées valables et claires, on devait aboutir à la fois à:

-favoriser l’emploi,

-éviter la paupérisation des villageois,

-revitaliser des zones rurales ou semi-urbanisées sur le déclin,

-permettre le désenclavement de zones urbaines sinistrées et peu attrayantes pour les entreprise et les nouveaux secteurs d’activités qui drainent des capitaux,

-redynamiser le rôle économique et social de l’entreprise!

Au final, cela a généréplutôt :

-un bilan sur l’emploi plus que décevant (10 000 personnes embauchées) par rapport au coût annuel de telles mesures mises en place (2 milliards de francs par an!),

-l’apparition d’effets pervers à cette politique, entraînant une concurrence déloyale (du dumping social) entre communes mitoyennes,

-des abus de toutes sortes, les mesures générant plus une simple délocalisation des sociétés sans création d’emploi à la clef.

Ce qui a manqué dans les faits, ce sont donc les moyens, les règles pour moraliser ce plan de réhabilitation d'ensemble qui préfiguraient , à juste titre, des améliorations à venir.

C’est le même problème qui se pose en matière de ports francs. En effet, cette technique est certainement très utile et constitue un moyen important pour dynamiser le commerce dans la région où il s’implante. Mais si le plus souvent les marchandises ne sont soumises ni à une présentation à leur entrée dans les locaux, ni à une déclaration précise en douane lors de leur sortie, il ne faut pas s’étonner que les groupes criminels organisés se précipitent massivement dans ces endroits opaques du commerce international, permettant le stockage de toutes sortes de marchandises diverses et variées.

Ainsi, et c’est la règle générale, TOUS les objets peuvent être placés en zone ou en entrepôt franc et ce, quel que soit leur nature, leur quantité ou leur origine (sauf heureusement, les «trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique»! ) .

Certains ports francs néanmoins, doivent tenir une certaine comptabilité des matières qui sont ainsi entreposées, permettant ainsi à l’autorité douanière d’identifier au moins les marchandises, de faire apparaître leurs mouvements et de permettre de temps en temps des contrôles impromptus.

Il n’empêche, cela n’est pas monnaie courante dans ce secteur d’activités et c’est ce qui fait d’ailleurs tout l’attrait des autres ports francs qui ne pratiquent pas ces aménagements pourtant souhaitables (comme en Suisse 136, avec les ports francs de Genève, Chiasso, Bâle et Zurich).

Ainsi, il est possible d’effectuer un parallèle somme tout naturel:

Au même titre que les centres off shore créées initialement pour des soucis de dumping fiscal, désormais ces endroits constituent véritablement des «sanctuaires» pour les capitaux criminels et les objets produits des grands trafics et du marché noir international.

Conclusion

La diversification et l’accroissement actuels des méthodes de blanchiment au travers de nouveaux secteurs d’activités gangrenés par l’argent criminel (observés précédemment) finissent par engendrer d’une part une économie mondiale virtuelle où règnent l’illusion et le trompe l’œil et, d’autre part, une finance et d’un macrocosme bancaire et financier où tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ainsi, l’utilisation de myriades de sociétés-écran toutes plus douteuses les unes que les autres, de professionnels complaisants impliqués toujours plus dans les réseaux de blanchiment, de banques infiltrées par des organisations criminelles, passent pour le moins presque toujours inaperçus à l’opinion publique et à la plupart des dirigeants nationaux, ce qui permet, comme le disait Jean de Maillard dans son ouvrage, «de croire à la réalité d’une fallacieuse impression de rationalité économique harmonieuse».

Comment imaginer alors qu’au cœur du capitalisme financier moderne, qu’au sein de nos économies occidentales, soit tapi un mal aussi apocalyptique et occulte que les réseaux de blanchiment de capitaux, «sorte de cancer, rongeant sans fin nos sociétés à leur insu».

Quelques affaires et des cas retentissants de corruption ont néanmoins commencé à montrer l’ampleur du noyautage du système financier mondial. Certains de ces phénomènes ont même de surcroît fortement perturbé le fonctionnement des relations économiques entre les Etats, causant des dérèglements persistants ou ponctuels au gré des crises immobilières à répétition, des bulles spéculatives sur le marché boursier et, par exemple, des investissements irrationnels et hors de proportion sur le marché de l’art.

Il est donc urgent aujourd’hui de prendre conscience de l’ampleur du blanchiment dans nos sociétés avant que n’ait été atteint un point de non retour, les uns et les autres se rejetant presque toujours les fautes et leurs errements commis sans mettre en place des collaborations efficaces et sans obtenir de leurs autorités publiques et autres partenaires des moyens effectifs et conséquents pour changer la donne.

Le constat est donc là et les analyses sont édifiantes. Il ne reste plus qu’à observer les mesures déjà mises en place et les solutions qui pourraient permettre à ces acteurs de la lutte contre le blanchiment d’argent sale de reprendre le dessus dans la véritable course contre la montre engagée vis à vis du crime organisé et trans-national.

80 (dixit Serge Marti, journaliste du Monde le 17 septembre 2001)

81 (voir le livre de M. Guilhem Fabre les prospérités du crime 1999)

82 (chiffres donnés dans l’ouvrage de Guilhem Fabre les prospérités du crime 1999)

83 (voir l’ouvrage de Guillem Fabre les prospérités du crime –1999)

84 (travaux d’un groupe de chercheurs de l’université de Bangkok Chulalongkorn)

85 (voir rapport GAFI de 1996 sur les typologies du blanchiment de capitaux)

86 (voir analyse de Marie Christine Dupuis dans la revue Panoramiques sur l’enfer des mafias –mars 1999).

87 au début des années 80, on a assisté au développement de nouveaux marchés appelés «dérivés» car les produits financiers proposés étaient liés aux évolutions de prix d’actifs financiers comme les taux d’intérêt, les devises et les indices boursiers.

88 à Chicago où existent deux marchés de produits dérivés, s’échange par jour l’équivalent de 45,75 milliards d’euros.

89 (c’est à dire achat ou vente de marchandises ou de valeurs qui se dénoue à une date fixée mais à un prix actuellement convenu)

90 (marché des obligations pourries, celles dont personne ne veut plus mais qui constituent des «marchés à options», justement plus rémunérateurs car très complexes et plus risqués)

91 (Martine Jacot, journaliste au Monde)

92 En effet, la morosité des marchés, la tendance à la baisse et la prudence des investisseurs ne constituent pas un climat serein et porteur pour les blanchisseurs qui font usage du milieu boursier en vue de cacher leur recyclage d’argent sale.

93 injection par la FED de liquidités dans le système financier, à hauteur de 350 milliards de dollars et de 15 milliards de dollars pour les compagnies aériennes américaines au bord de la faillite; 650 millions de dollars apportés par la Banque du Canada; prêt exceptionnel de 24h de 70 milliards d’euros fourni par la BCE; 9 milliards d’euros mis sur le marché japonais par l’organisme régulateur gouvernemental.

94 (titre du Figaro le 12 septembre 2001).

95 voir le Rapport parlementaire Fuchs et Feurtet de l’Assemblée Nationale du 14 juin 2000

sur la régularisation de la mondialisation financière.

96 (Certains journalistes, pas des plus spécialisés d’ailleurs, ont ainsi largement rejeté la faute du

E- krach de certaines valeurs sur ces analystes- experts, invoquant leur manque d’indépendance d’esprit par rapport à leur hiérarchie et les pressions qu’ils ont pu connaître pour privilégier telle entreprise plutôt qu’une autre).

97 warrant: produit financier donnant droit au porteur d’acheter ou de vendre un actif financier donné (action ou obligation ou autres…) à un prix fixé à l’avance pendant un temps donné. Ils permettent ainsi de réaliser des gains importants, pour une mise de fonds plus faible que celle nécessaire à l’achat de cet actif; de plus, si les marchés montent, ils amplifient les hausses; à l’inverse, les warrants limitent les effets de baisse.

98 représentant soit de simples paniers d’actions, soit des produits mélangeant actions et obligations

99 des fonds répercutant l’évolution à l’identique d’un indice boursier

100 entreprise spécialisée dans la commercialisation de grande envergure de gaz naturel et ayant développé récemment un vaste secteur de spéculation boursière de haute volée.

101 jeu de mot provenant du journaliste David Lascelles , article du Financial Times, décembre 1991

102 toutefois, le crime organisé ne fait pas dans le capital-risque; il a horreur de perdre son argent «lessivé» et ne supporte pas la concurrence.

103 (exemple du fonctionnement d’une structure criminelle dans ses rapports avec le pouvoir et la société avec le scandale de l’ Etat de l’Acre au Brésil en Septembre 1999: trafic de cocaïne et blanchiment corrélatif impliquant 2 ex-gouverneurs, 2 secrétaires d’ Etat, 3 juges, 5 des plus importants entrepreneurs de l’Etat, des maires et une centaine de policiers).

104 la contrepartie a été souvent l’achat de titres publics américains par exemple par des épargnants français

105 voir études pour l’Institut de Criminologie de Paris la marée noire de l’argent du crime Xavier Raufer et Marie-Christine Dupuis - juillet 1994

106 les commissions occultes représenteraient en fait le premier stade de l’engrenage d’un comportement économique dévoyé, pouvant générer ensuite d’autres attitudes plus délinquantes

107 (déclaration du Président du Parlement européen, José Maria Gil-Robles, après la démission collective de la Commission européenne publiée dans Libération du 18 mars 1999)

108 dans les colonnes du Journal La Croix du 26 Janvier 1999

109 (modèle de la start-up multimédia interactif de l'Internet. Beaucoup d’argent a été investi dans cette dot . com avant de connaître une faillite retentissante en mai 2000. Pour l’histoire, boo.com a réussi à jeter par les fenêtres plus de 100 millions de livres, soit un peu moins de 1 milliards de francs en moins de 18 mois! ) –voir annexe.

110 (voir divers articles dans la presse économique relatant les critiques planant sur l’indépendance des grands cabinets d’analystes américains tels Merryl Lynch, Morgan Stanley ou Salomon Smith Barney)

111 La rigueur apparaît désormais comme la seule valeur récompensée par le marché boursier et financier.

112 («à la suite des évènements aux Etats Unis, disait un des responsables d’un cabinet de conseil en sécurité des systèmes d’information, on ne comprendrait plus qu’une entreprise n’ait pas pris toutes les mesures de sécurité nécessairespour se protéger contre de tels risques »).

113 (voir listing en annexes)

114 (pour exemple: casino.com, casinobar.com, casinocity.com, aonlinecasino.com, prestigecasino.com, casinocenter.com, miamibeachcasino.com, jackpotpalace.com, riverboatcasino.com, foxwoods.com …..pour les plus usuels)

115 (le Monde du 22 juin 1998).

116 (voir tableau en annexe).

117 ( micro –Etat répertorié par le GAFI en 1998 comme «disposant d’une législation off-shore créant un climat favorable au blanchiment d’argent»).

118 ( 123credit.com filiale du CCF; Cofidis.fr filiale de Cofidis avec 3,8 milliards d’euros d’encours et 7 millions de comptes clients; Finaref.com représentant Finaref, cœur du pôle Crédit et service Financier du groupe Pinault-Printemps-Redoute ou Cetelem.fr )

119 (la notion de retour sur investissement n’existait plus en elle même; les plans sociaux se multipliaient, sans trop de logique, juste du fait d’une tendance pessimiste de l’avenir affichée).

120 (sources Valeurs Actuelles août 2001 et octobre 2001 et le Monde du 18 juin 2001)

121 (il faut dire qu’en matière de Télécommunications, les repères financiers n’ont plus rien à voir avec les masses de capitaux traditionnels car des investissement, même très lourds, doivent nécessairement et rapidement être réalisés afin de rester concurrentiel à un niveau acceptable dans ce secteur)

122 («il suffirait de 20 minutes pour qu’un paiement électronique fasse le tour de la terre», titrait le Monde le 17 septembre 2001)

123 (créé en 1996, «eGold» revendique 200 000 utilisateurs et gère 14 millions de dollars au dire de USA Today)

124(cela consiste en un échange automatisé de messages normalisés entre applications informatiques à l’aide d’un moyen téléinformatique).

125 (d’après les recherches du Point du 8 Juin 2001, un million de francs font 2000 billets de 500 Frs alors que 1 million de francs ne représente que 305 billets de 500 euros).

125 (article de l’Express du 13/09/01)

126 chiffres tirés de Libération du 24/09/01

127(l’analyse de la Banque de France fait ressortir 9 milliards de billets mis en circulation les premiers mois correspondant à 400 milliards d’euros).

128(fortes inquiétudes d’ailleurs à ce sujet sur les possibles écoulement de faux euros - problèmes de contre façon- et de vrais euros ayant déjà passés un stade dans le retraitement d’argent sale, lors de la Coupe du Monde de football au japon et en Corée).

129 (voir l’exemple donné par Jean de Maillard dans son ouvrage et repris plus loin dans le développement ainsi que l’Argent illicite et les affaires de Sylvie Rouquié 1997)

130 (voir Art et Crime de Ghislaine Guillotreau coll. Criminalité Internationale 1999)

131 (Pour Sotheby’s, présence dans 14 pays avec un produit mondial de 1, 62 milliard d’euros en 1995 avec un bénéfice net en augmentation de 17%, soit 264 millions de francs;

Pour Christie’s, présence dans 37 pays et 900 ventes aux enchères par an pour un produit mondial des ventes évalué à plus de 1, 83 milliard d’euros)

132 ( l’affaire Sotheby’s, enquête sur un scandale de Peter Watson -septembre 1997)

133 (voir l’affaire de la «Vuitton Connection» avec des chinois ou Vietnamiens du 13e arrondissement de Paris ou les exemples avec des cars entiers de touristes russes ou japonais payés gracieusement par des organisations délinquantes pour aller effectuer leurs «emplettes» dans les magasins très chics de Paris afin de dépenser un capital douteux et de le transformer en produits de luxe tout à fait commercialisables et revendables de manière licite à leur retour au pays).

134 (the Next War, the Web of Crime that threatens America’s Security –1997)

135 le moins médiatique des trois détenant quand même Cartier, Van Cleef & Arpels, Montblanc… lui permettant ainsi de se hisser à la 2e place mondiale du luxe.

136 (Là bas, les autorités douanières n’exigent pas la tenue d’une telle comptabilité, puisque le port franc est considéré comme sis à l’étranger et les contrôles douaniers sont relativement faibles et peu scrupuleux, ce qui peut être fort agréable et attractif pour certains individus).


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