SECTION II

Problème structurel et latent des centres off shore et autres paradis fiscaux

1. Remarques préliminaires

Depuis le début des années 70, il a été démontré que les groupes criminels organisés et les structures mafieuses utilisaient déjà de manière régulière certains Etats moins regardants que d’autres au point de vue fiscal et légal pour y investir leurs capitaux d’origine criminelle.

Ainsi, depuis plusieurs années, les places off shore et les paradis fiscaux ne semblent plus avoir de secrets pour eux. On assiste donc à un recours quasi systématique à des sociétés off shore dans le cadre et la réalisation de l’écrasante majorité de ce type de transactions volontairement occultes.

t 1.1 Evaluation des centres off shore sous l’angle économique et social: un lieu de rencontre

En effet, comme l’objectif du blanchiment de capitaux consiste à faire revenir les fonds d’origine illégale vers l’individu qui les a générés, les blanchisseurs préfèrent généralement faire transiter ces fonds par des zones dotées de systèmes financiers stables, se situant très souvent sur les routes réelles ou virtuelles du commerce mondial comme peuvent l’être les emplacements des centres financiers off shore.

Or, certaines places financières internationales disposent même d’héliports ou de postes de débarquement hors contrôle douanier, ce qui facilite amplement la tâche des passeurs, convoyeurs et gestionnaires de capitaux ou entrepreneurs en tout genre.

Ainsi, à côté des grandes familles richissimes ou de celles de tyrans prédateurs, en passant par les sportifs et le show business qui recherchent à cacher leurs revenus, sans oublier spéculateurs, fraudeurs du fisc, gestionnaire de multinationales ou de sociétés écrans, hommes politiques, commissionnaires de marchés publics et hommes de main de la criminalité organisée, tout le monde se retrouvent dans ces lieux pour gérer fortunes et capitaux sous diverses formes en utilisant les mêmes techniques et les mêmes circuits et services financiers.

D’ailleurs, si les dépôts véritablement anonymes dans une banque située en Europe ne sont plus possibles comme avant, il reste ainsi toujours un de ces multiples paradis bancaires pour répondre à une demande toujours très forte en ce domaine.

Certains de ces blanchisseurs cependant sont prêts à se désintéresser de ces lieux singuliers de la finance moderne et préfèrent payer leurs impôts de manière habituelle dans des pays plus ordinaires afin de se fondre plus efficacement dans la masse et s’intégrer encore mieux au tissu économiquelégal. Ceux là ne sont pourtant pas majoritaires.

Pour les autres, 70 paradis fiscaux et associés, qu’on appelle également des centres financiers extraterritoriaux, ont tout prévu: prête-nom, société- écran, sociétés de façade, sociétés prêtes à l’emploi, boîtes postales protégées par le secret bancaire, trusts[1], passeport de complaisance….on a même vu des Russes dotés d’un certificat de naissance des Seychelles!

Chaque grande zone géographique est ainsi touchée par le développement de ces places financières peu contrôlables:

vEn Europe, on trouve ainsi: l’île de Man, Dublin, Jersey, Guernesey, le Luxembourg, la Hongrie, la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Andorre, Gibraltar, Malte, Chypre, Madère, l’Autriche…

vEn Amérique, on y inclut certainement: Panama, les Bahamas, Bermuda, Curaçao, Aruba, les îles Caïmans et les îles Vierges, Antigua, Miami….

vEn Asie- Pacifique, se trouvent HongKong, Singapour, les îles Marshall, Nauru, Vanuatu et les Philippines….

vEn Afrique, il y a au moins le Liberia, Les Seychelles, les Maldives, l’Afrique du Sud….

Au final, si peu de places offrent toute la panoplie complète des services économiques et si le plus grand nombre se spécialise dans seulement quelques services financiers spécifiques, elles sont toutes liées entre elles par des jeux d’opérations garantissant à l’utilisateur un maximum d’efficacité dans la gestion des affaires criminelles et le freinage des enquêtes fiscales, policières et judiciaires.

D’ailleurs comme le rappelait Paolo Bernasconi, éminent spécialiste du blanchiment au cours de sa longue carrière de magistrat et d’avocat de plus de 25 années, « il n’a connu aucun cas de criminalité organisée, de criminalité financière ou de blanchiment d’argent de grande envergure dans lequel les auteurs n’aient pas utilisé une ou plusieurs sociétés commerciales ou financières ayant leur siège dans un paradis fiscal quelconque».

Aux délinquants donc ensuite de feuilleter, sur papier glacé ou par Internet, les catalogues et publicités sur ces paradis de la finance mondiale pour faire leur marché, assurés qu’ils sont de pouvoir bénéficier de conseils les plus avisés possible réservés à leur meilleurs clients par les représentants de toutes les plus respectables institutions bancaires internationales et les experts financiers locaux travaillant en free lance.

Comme pourraient l’énoncer certains encarts publicitaires, «venez profiter de l’affaire de la semaine: la gestion de votre portefeuille financier par une fiduciaire d’origine suisse ayant ses comptes ouverts dans une banque luxembourgeoise et installée par l’entremise d’une société financière localisée au Panama»!

Rien n’apparaît donc plus sûr qu’un canal d’écoulement d’argent ou de valeurs d’origine criminelle qui passent par ces régions et qui a été rodé pendant des décennies d’activité.

Avant d’aller plus loin dans l’analyse, revenons un instant sur les définitions:

Paradis fiscaux et centres off-shore se distinguent par quelques critères:

- les paradis fiscaux sont des pays indépendants ou des entités géographiques ne percevant pas d’impôt sur le revenu, sur les plus-values, sur les sociétés, sur le capital, sur la fortune ou sur les successions. Ils garantissent un secret bancaire absolu et une grande opacité juridique, administrative, préservent l’anonymat des propriétaires de sociétés et ne sont signataires d’aucune convention internationale d’ordre fiscal. Finalement, ils permettent à des non-résidents de se soustraire aux obligations fiscales qui s’imposeraient à eux dans leur pays de résidence.

- Les centres off shore représentent des places financières dont certaines sont organisées par des Etats souverains et qui établissent des règles similaires à celles des paradis fiscaux pour des opérations internationales n’ayant pas de lien avec une activité économique au sein de leur territoire. Ils s’accompagnent donc d’une grande opacité juridique et administrative et d’entraves à la circulation de l’information financière comme pour les paradis fiscaux. Ils assurent aussi la prestation de services financiers aux particuliers ou aux entreprises en faveur des non résidents.

Auparavant, le terme de «placesoff shore» semblait devoir provenir d’une analogie avec la situation que connaissait les bateaux qui, au temps de la prohibition, étaient installés hors des eaux territoriales américaines et permettaient de boire de l’alcool et de jouer en toute tranquillité.

Aujourd’hui, le terme d’« off shore» qualifierait plutôt un endroit pour faire des affaires et qui fournit un accès aux marchés étrangers libre de toute bureaucratie. Ce peut être aussi un endroit qui offre des avantages fiscaux, une bonne infrastructure financière et professionnelle et une législation bienveillante vis à vis du «commerce». En fait, ce peut être n’importe où, là où vous n’êtes pas domicilié.

A côté de ces deux définitions bien théoriques, on trouve tout un panel de situations aussi diverses les unes que les autres. Pour exemple, on pourra citer les territoires à«fiscalité privilégiée» (véritable paradis fiscaux) comme Andorre et le Iles Anglo-normandes, distincts des territoires à «fiscalité incitative», tels Monaco et le Luxembourg.

On parle souvent également de manière indifférencié de paradis bancaire et de paradis fiscal. Or, il faudrait éviter tout amalgame entre ces deux concepts. En effet:

-autant le terme de paradis bancaire garantit à ces utilisateurs une infrastructure déployant un respect du secret bancaire vis à vis de ses propres autorités mais également et surtout, vis à vis des autorités d’autres pays (dont le pays d’origine du voyageur fiscal);

-autant le second terme de paradis fiscal se réfère à un pays qui prélève peu ou pas d’impôts directs et très peu d’impôts indirects, sur les personnes physiques et/ou morales, résidentes ou non résidentes.

La difficulté pour appréhender ces deux concepts se résume à ce qu’un nombre important de pays ou de territoires répondent simultanément à ces deux caractéristiques d’où l’assimilation et l’abus de langage possible.

En fait, en règle générale, un paradis fiscal ou un centre off shore est:

1) un pays, qu’il soit sur un continent ou sur une île, voire sur une plate forme en mer;

2) un lieu où les impôts sont tenus au niveau zéro ou à un niveau très bas (un bon paradis fiscal n’impose pas de taxes ou très peu dans l’optique d’attirer à lui de nombreux investisseurs plus ou moins légaux);

3) un Etat doté de lois garantissant la confidentialité des transactions financières et des transferts de fonds. Il doit dans cette optique offrir une protection hermétique vis à vis de toutes poursuites judiciaires et policières d’ordre international. Souvent d’ailleurs, des lois très sévères (amendes substantielles et lourdes peines de prison) protègent cette confidentialité afin de limiter les fuites provenant du personnel employé dans les structures financières mises en place. Les lois en vigueur sur place ne doivent ainsi offrir aucune emprise aux ordres de cours et aux jugements des tribunaux étrangers.

4) un pays bénéficiant d’un environnement favorable au secret du négoce des affaires (stabilité politique, système bancaire à toute épreuve, support professionnel moderne et de qualité en ce domaine).

Les centres financiers off shore représentent donc des pays ou territoires dans lesquels coexistent une réglementation générale dite «on shore» (territoriale), pour les activités financières «nationales», et une réglementation d’exception dite «off shore» (extra- territoriales) pour les activités tournées à titre principal et souvent exclusivement vers l’international.

Dans ces territoires, qui ne sont pas nécessairement des Etats, les sociétés et institutions financières enregistrées sous ce régime sont dispensées de respecter un grand nombre de réglementations et d’obligations applicables aux autres structures d’entreprise nationales. D’ailleurs, parce que les centres off shore sont généralement recherchés par des clients non résidents, le volume d’affaires de ces derniers dépasse de beaucoup celui des résidents.

Ainsi, les centres off shore cumulent en principe à la fois:

-un régime fiscal des plus laxiste,

-un droit commercial très souple et adaptable à toute situation,

-une sous-réglementation financière,

-un arsenal juridique insuffisant en matière de prévention, détection et répression de la délinquance financière (capacités d’investigation des autorités de contrôle et autorités judiciaires directement entravées par des règles et pratiques dommageables),

-sans oublier bien entendu une législation déplorable voire inexistante en matière de coopération internationale financière et d’extradition ou d’entraide judiciaire entre nations.

Pour autant, il est important de préciser de suite que la délinquance économique et financière (ou DEF) que l’on retrouve dans ces endroits, ne se limite pas aux activités illicites des organisations de type «crime organisé», mais doit également être étendue à celles menées par les acteurs économiques légitimes.

A l’évidence, les particularismes politiques et juridiques de ces territoires offrent des ressources très importantes à ces deux types de clientèles pour l’accomplissement de comportements économiques déviants et parfois pénalisés .

L’existence des territoires off shore peut ainsi être considérée comme un facteur structurel de facilitation et de complicité pour la délinquance économique et financière.

Ces particularismes longtemps tolérés, constituent aujourd’hui des obstacles majeurs à la coopération policière et judiciaire en matière de contrôle de la DEF. C’est ce qu’indique sans ambiguïté les récents rapports du groupe de travail de l’ONU sur la prévention du crime et de la justice pénale:

«le dénominateur commun des opérations de blanchiment de l’argent sale et de divers délits financiers est l’appareil technique mis en place dans les paradis financiers et les centres off shore ».

De toutes les façons, les organisations criminelles organisées savent parfaitement faire usage actuellement de manière très professionnelle des technologies de la finance moderne:

-soit directement,

-soit par l’utilisation directe de ces «sanctuaires financiers»,

-soit par l’embauche d’intermédiaires apportant ainsi dans ces lieux leurs savoirs et compétences au crime organisé en contre- partie de larges rémunérations.

Ainsi, par tous les moyens, les criminels comme toute société et particuliers désireux de cacher ses revenus, tentent de passer au travers des administrations fiscales nationales et des services de lutte contre le blanchiment de capitaux. Et la voie royale est de mettre son pactole à l’abri, hors des frontières, dans un havre fiscal cumulant une taxation voisine de zéro et un secret bancaire à tout épreuve. Souvent d’ailleurs, une opération de blanchiment de capitaux fera appel à plusieurs de ces centres, ce qui accroîtra d’autant la complexité des poursuites et des recherches.

[1] procédé juridique anglo-saxon permettant de transférer des biens à une personne physique ou morale qui en a la garde et les gère au bénéfice d’une tierce personne. Ce système, longtemps utilisé pour l’évasion fiscale, devient désormais de plus en plus un moyen de blanchiment.

t 1.2 Evaluation des centres off shore et paradis fiscaux sous l’aspect statistique et financier

Il apparaît ainsi que près de la moitié de l’argent mondial résiderait ou passerait maintenant par des juridictions off shore.

Au total, ce serait des millions de comptes, des dizaines de milliers de sociétés- écrans qui gèreraient et recycleraient des centaines de milliards de dollars de la face cachée de l’économie mondiale.

Il a été estimé en outre qu’une grande part de ces centres off shore devrait ainsi permettre la dissimulation et la légalisation d’argent d’origine criminelle (escroquerie, détournement de fonds, corruption, commerce de la drogue, travail au noir, dons et contributions occultes à des partis politiques…) tout en permettant dans le même temps la dissimulation de capital vis à vis de créanciers et la fuite de capitaux de pays du tiers-monde et d’Europe de l’Est, pays plutôt instables tant sur le plan politique qu’économique.

A l’échelle de la planète, cela engendre des flux colossaux: d’après certains analystes (Walter et Dorothy Diamond en 1998) près de 5 100 milliards d’euros constitueraient les avoirs en globalité situés dans les paradis fiscaux. De plus, on estime qu’environ 20% de la richesse privée totale et 22% des avoirs externes des banques sont ainsi investis off shore (même analyse datant de 1998).

Au regard de leur situation contemporaine, les paradis fiscaux sont souvent considérés comme les «nouveaux maîtres du monde» car les fonds comptabilisés dans ces places financières singulières sont investis massivement ensuite dans les principaux marchés financiers internationaux. C’est d’ailleurs la responsabilité des fonds d’investissements spéculatifs domiciliés dans ces territoires off shore qui se voit aujourd’hui mise en évidence.

Ces territoires paraissent désormais être véritablement devenus un des rouages essentiels du capitalisme.

Pourtant, de plus en plus pointés du doigt par la communauté internationale, celle-ci a tendance à multiplier les déclarations d’intentions contre le capitalisme mafieux et la criminalité financière internationale (blanchiment, évasion fiscale, corruption) institués dans ces lieux spécifiques.

Ainsi, à l’occasion de la réunion du G7 à Birmingham en 1997 et surtout lors de la réunion à Cologne en 1999, un consensus politique entre les participants avait débouché sur la limitation de principe des places off shore (y compris par le Grande-Bretagne). Précédemment, après un rapport alarmiste du FMI en avril 1998, l’OCDE avait également dénoncé «les concurrences fiscales dommageables», et en juillet 1998, l’OMC avait rendu un avis critiquant l’utilisation des paradis fiscaux par les sociétés multinationales.

Certains disent même que ces centres financiers extraterritoriaux ont des effets déstabilisateurs sur la croissance mondiale du fait de la volatilité grandissante de leurs marchés financiers.Sans aller jusqu’à de telles extrémités, il faut toutefois noter la part importante de tels lieux dans le transfert international de devises et de flux monétaires et financiers.

La réalité quotidienne montre que les paradis fiscaux et centres off shore accueillent désormais sur leur territoire, à côté des trafiquants de toutes sortes et des fraudeurs internationaux (ou bons gestionnaires de patrimoines au choix), plusieurs centaines de banques, de cabinets juridiques et d’expertise comptable, de sociétés spécialisées en matière de courtage financier international. Une telle offre de services de qualité ne peut pas passer inaperçue.

La libéralisation des mouvements de capitaux et la déréglementation financière qui s’en est suivi, ont donné au dépôt de fonds à l’étranger un champ d’action élargi en contribuant à la multiplication des succursales et des filiales bancaires à l’étranger.

En résumé, la présence de bureaux de représentation de banques étrangères dans ces pays est désormais chose naturelle et leur utilisation à des fins de blanchiment a pu être rapportée à de nombreuses reprises

Concernant, les sommes transitant par ces endroits, les données permettant de décomposer les masses financières entre les différents intervenants territoriaux sont rares et très complexes à obtenir, les paradis fiscaux œuvrant par définition dans la plus grande discrétion possible.

Néanmoins, dans le rapport parlementaire français de juin 2000, il est précisé que la Suisse représenterait 33% des avoirs totaux, devant le Luxembourg (10%), Jersey, Guernesey et l’île de Man (5%), soit des territoires exclusivement européens de manière géographique (tout comme le Liechtenstein, Monaco et Andorre, Malte et Chypre qui suivent ensuite).

Bien sûr, Aruba, les Bermudes, les îles Caymans (ou Caïmans), Turks et Caïcos, les îles Vierges, Montserrat, Saint-Kitts et Nevis, qui sont par ailleurs des dépendances de la Grande-Bretagne ou des Pays-Bas, tout comme Saint- Barthélémy et Saint-Martin qui font partie du département de la Guadeloupe donc rattachés à la France, sont également des zones fort actives et propices à l’arrivage de fonds criminels à blanchir.

Plus précisément, au regard des chiffres, les évaluations globales font état, de manière plus ou moins directe, de 5.000 milliards de dollars qui seraient ainsi gérés par ces places financières (au moins 30.000 milliards de francs), soit une somme de toute façon, hors de proportion avec la superficie et la population de ces micros- Etats (quelques centaines de milliers d’habitants).

D’autres sources faisaient déjà état de 1 000 milliards de dollars qui auraient transiter par ces places financières en 1994 pour être blanchies de manière annuelle (source Le Monde diplomatique) et l’augmentation des ressources financières de ces places financières spécifiques semblent croître en moyenne de 12 % par an (source Libération 8 mars 2000).

A titre de comparaison, le PIB annuel de la France n’est que de 1.500 milliards de dollars.

Selon le FMI, par rapport à cette somme globale, ce serait au moins 600 milliards de dollars qui proviendraient de divers trafics et qui seraient lessivés auprès de ces places financières bien spécifiques ( 3 à 5 % du PIB mondial ou 8 à 10 % du commerce extérieur mondial).

Cela ferait d’eux en tout cas les principaux «receleurs hors la loi de l’argent du crime».

En l’absence de définition précise (plus issue d’une combinaison de diverses caractéristiques), l’estimation du nombre de paradis fiscaux et centres off shore varie beaucoup d’une liste à l’autre:

-En mai 2000, la communauté internationale s’était efforcée de dresser l’inventaire des territoires ou pays pouvant relever de cette appellation par le biais du Forum de stabilité financière (ou FSF, une émanation du G7).

Une liste de 42 paradis fiscaux analysés sous l’angle de la régulation financière et bancaire était alors dressée (regroupant Andorre, les Bermudes, Gibraltar, Macao, Malte, Monaco, Chypre, le Liechtenstein, l’île Maurice, les Seychelles, les Bahamas, Vanuatu et d’autres). Le bénéfice du doute était accordé à certains pays (la Suisse, les îles Anglo-Normandes, le Luxembourg) considérés comme pouvant mieux faire.

-En juin 2000, les pays de l’OCDE ont publié ensuite une liste de 35 paradis fiscaux qui, selon eux, pratiquaient une concurrence essentiellement fiscale préjudiciable au reste du monde en cherchant à attirer les sociétés et les particuliers désirant biaiser le paiement d’impôt dans leur pays d’origine ou de résidence ( Monaco, Gibraltar, Andorre, les îles Vierges…).

-Toujours en juin 2000, une autre liste noire a été établie par le GAFI pour inventorier les pays qui directement seraient impliqués dans le blanchiment de l’argent de la drogue ou du terrorisme.

Cette liste encore plus spécifique comprenait 15 noms, dont le Liechtenstein, Israël, le Liban, les Philippines, la Russie et de multiples territoires du Pacifique et des Caraïbes: les Bahamas, les îles Caïmans, les îles Cook, la Dominique, les îles Marshall, Nuie, Nauru, Panama, St Kitts et Nevis, St Vincent et les Grenadines.

Ni les îles Anglo-Normandes, ni Gibraltar, ni Monaco n’y figurent et ce, malgré que ce dernier vient d’être qualifié par une enquête parlementaire française récente, comme un «paradis fiscal, bancaire, fiduciaire et judiciaire des plus préoccupants».

Au final, pour mieux appréhender les différents pays concernés, il suffira de s’en tenir et de se reporter aux deux listes mises en annexe, l’une réalisée par le député français M. Brard dans le rapport parlementaire sur la lutte contre la fraude fiscale (liste des paradis fiscaux notoires et liste des centres off shore) et l’autre issue de l’analyse effectuée par le GAFI en juin 2000 et juin 2001.

t 1.3 tentatives d’explication de cette situation particulière

L’utilité en fait d’un paradis fiscal ou d’un centre off shore s’explique aisément.

Quelles que soient les modalités de transit de l’argent frauduleux, sa réintroduction dans le circuit économique passe par une banque ou un organisme financier pour être transformé en fonds utilisables, on l’a déjà vu précédemment .

Or, ces endroits offrent une panoplie de structures fictives, dont le seul objet est de masquer l’identité des déposants. En d’autres termes, toute recherche à l’encontre de fraudeurs (et de trafiquants en ce qui nous concerne), passe forcément, à un moment ou un autre, par ces territoires mais s’arrêtent à leurs frontières.

Certes, de nombreux pays offrent des facilités fiscales aux personnes qui ne résident pas directement sur leur territoire, mais quelques-uns (comme les paradis fiscaux et centres off shore en question) poussent cette logique plus loin que d’autres en proposant non seulement:

-une fiscalité réduite,

-mais aussi un secret bancaire plus ou moins absolu (respect de la confidentialité et du droit au domaine privé permettant d’être protégé à la fois des enquêtes fiscales et de bénéficier d’une immunité quant à sa comptabilité vis à vis de créanciers potentiels, soit personnels, soit d’affaires),

-une bureaucratie réduite au minimum,

-la préservation de l’anonymat des propriétaires de sociétés,

-une coopération fiscale et judiciaire réduite, voire inexistante avec certains pays,

-des revenus sur investissements plus élevés qu’ailleurs (en principe, il n’est procuré des retours sur investissement que de l’ordre de 5 à 8 %. Or, les juridictions off shore travaillent avec des réglementations moins restrictives et plus lucratives, soit en moyenne plus de 17 % en 1996 ).

En fait, pour créer une société internationale domiciliée dans un pays à faible pression fiscale, une société de gérance ou une holding, il est relativement simple d’y parvenir et ce, même si parfois cela n’est pas donné en terme de coût financier.

Il peut s’agir également de fournir à une entreprise ordinaire et honnête la possibilité de consolider ses revenus dans un lieu sans imposition, évitant ainsi le poids de l’impôt imposé par les majorité des autres nations. Ainsi, plus une société on shore pourra faire passer des fonds vers sa filiale off shore, plus sa situation fiscale sera satisfaisante dans son pays d’origine; cela est malheureusement des plus légals.

Concernant des structures off shore plus complexes, il n’en va pas de même et l’on quittera alors le domaine de la légalité pour se consacrer aux professionnels de l’économie et des finances occultes qui ont des objectifs bien précis mais de natures diverses dans l’emploi de ces endroits spécifiques.

Ainsi, par exemple, l’utilisation d’une «compagnie d’assurance captive» assurera alors sa propre société- mère et lui confèrera des économies substantielles à la clé. Les primes payées par une telle compagnie sont ainsi déductibles de l’impôt. Par conséquent, une société va pouvoir déduire les fonds qu’elle aura versé à sa propre filiale (les gains revenus à la compagnie d’assurance restant au final acquis à la compagnie captive). D’ailleurs, plus les primes payées seront fortes, plus cela conduira à d’importantes déductions d’impôt, ce qui aura pour résultat de réduire d’autant les profits imposables.

En fin de compte, la protection d’une législation et d’une fiscalité nationales spécifiques et particulières par rapport aux standards internationaux, sans qu’il soit nécessaire de s’installer dans le pays d’accueil pour en bénéficier (ainsi offre de simples résidences ou domiciliations juridiques fictives), semble le principal attrait des paradis fiscaux et la cause première de leur succès spectaculaire.

En résumé, voici donc ce qui différencie, en règle générale, ces places financières singulières des autres métropoles étrangères plus traditionnelles, leur permettant ainsi d’attirer un nombre impressionnant de capitaux de toute origine.

2. Etat des lieux des centres off shore et autre paradis fiscaux favorable aux réseaux de blanchiment d’argent

t 2.1 Historique

A l’origine les paradis fiscaux tiraient leur fortune de la fraude et de la dissimulation fiscale (imposition à taux réduit des centres financiers, zones franches). Les grandes fortunes voulaient ainsi éviter de payer trop d’impôts ou de droits successoraux astronomiques en répartissant et gérant leurs héritages en toute liberté. Ces territoires constituaient également ponctuellement des «soupapes» pour la politique, l’économie et la finance à la manière de «caisses noires».

Aujourd’hui, ces lieux décrits par certains comme des «citadelles financières de la mondialisation» ont connu un développement sans précédent. La libéralisation des marchés, la mondialisation des échanges et l’amélioration de la circulation des informations n’ont fait qu’accentuer l’ampleur de ces paradis fiscaux et bancaires en les transformant en passage obligé pour les capitaux, peu importe leur origine.

L’inconvénient qui en résulte, est que bien souvent ces places plus ou moins exotiques servent aux réseaux du crime en constituant de véritables marche- pieds à l’entrée dans l’économie dite légale.

Néanmoins, ce ne serait que récemment qu’ils ont été utilisés, à leur insu ou de manière volontaire et éclairée, comme zone de transit ou de stockage pour des fonds douteux ou d'origine criminelle, sans en constituer toutefois la quasi exclusivité de leur activité.

Qui dit paradis fiscaux ou centres off shore ne fait pour autant pas forcément référence au blanchiment de capitaux.L’amalgame ne doit pas être fait, même si ces lieux se trouvent être également une plaque tournante de ces flux criminels.

Certes, les frontières entre:

-zone blanche de l’économie légale,

-zone grise de la fraude fiscale et de l’évasion fiscale,

-zone noire de l’économie criminelle et de la corruption,

ont tendance à s’estomper dans ces lieux de convergences d’intérêts entre groupes mafieux, milieux financiers et certains hommes politiques. Cela ne doit pas nécessairement conduire à dénoncer avec fracas un «complot mondial de la haute sphère économico et politico-financière» que certains prendraient pour une réalité établie.

En fait, il semble avéré que ce soit les transformations récentes de l’économie mondiale, en particulier le processus de globalisation financière (c’est à dire la libéralisation croissante des mouvements de capitaux associée au développement des marchés financiers) qui auraient grandement permis l’ouverture à l’internationale de ces micro-places financières, qui parfois peuvent être amener à blanchir des fonds criminels.

La question de l’origine exacte des paradis fiscaux fait toutefois encore débat à l’heure actuelle. Certains commentateurs en effet considéraient que ces Etats avaient fait initialement un mauvais usage de leur souveraineté en la commercialisant de telle sorte. D’autres soutenaient que c’était là une stratégie parfaitement légitime mais pouvant amener à des abus, car elle encourageait ainsi l’évasion fiscale et la blanchiment d’argent.

Dans ces deux théories, étaient ainsi établie que cela constituait en conséquence une stratégie rationnelle de ces Etats et des firmes qui recherchaient par ce moyen à maximiser leurs avantages. Néanmoins, la conception dominante actuellement retenue est celle qui retient que l’adaptation de ces places financières serait plutôt le fait de tâtonnements successifs, suivant une évolution aléatoire et très lente.

Toutefois, le consensus est rétablie pour venir affirmé que la multiplication des paradis fiscaux est le fruit de l’accroissement de la réglementation et de la fiscalité pratiquées par les pays industriels avancés.

A côté de ces développements, la mondialisation financière aurait, de surcroît, non seulement multiplié les possibilités de placement et d’investissement des capitaux devenus propres, soit dans le pays d’origine, soit ailleurs, mais elle a permis également l’expansion de nouvelles combinaisons de techniques économiques, par l’utilisation d’un droit raffiné des sociétés anonymes, désormais détournées au seul profit des trafiquant et autres blanchisseurs de métier (constitution de sociétés- écran, utilisation aux mêmes fins de sociétés déjà déclarées mais dont le nom et le cadre juridique restent à offrir au plus offrant).

Faire subir un essorage à l’argent blanchi par le biais de ces places financières spécifiques est donc devenu un jeu d’enfant pour les spécialistes actuels de la finance.

D’ailleurs, ces places financières, appelés encore «pays ou territoires permissifs»ou du moins «insuffisamment contraignants» (PTNC), en permettant le détournement d’argent sale et son blanchiment,vont assurer la porosité entre le marché légal et ceux du crime et du terrorisme. Aussi, il apparaît clairement que la raison d’être de ces territoires consiste désormais à détourner les réglementations nationales en créant un système global juridique et fiscal différent dans le but de devenir un passage obligé pour les échanges financiers internationaux.

t 2.2 Caractéristiques et traits communs de ces places financières particulières

La question de savoir si un pays ou un territoire remplit les conditions requises pour être qualifié de paradis bancaire ou fiscal dépend d’un ensemble de faits et de circonstances.

On peut ainsi retenir différents critères de détermination qui devront être cumulatifs pour aboutir à la plus juste des qualifications. Il faut ainsi:

-une stabilité politique et monétaire;

-l’existence de moyens de communication modernes (équipement et logistique performant, accès libre et en temps réel à tous les marchés mondiaux);

-une situation géographique bien centrée par rapport aux grands mouvements d’affaires (les Caraïbes entre Amérique et Europe) ou complètement excentrée au contraire ( les Iles Cooks et Rarotonga par exemple);

-le défaut d’incrimination du blanchiment des produits d’infractions graves dans leur législation;

-une faible imposition (ou imposition nulle) des revenus tirés des activités industrielles et commerciales ou des investissements (impôt sur le bénéfice et/ou impôt sur le revenu);

-un secret bancaire très large, excessif et souvent opposable aux autorités de contrôle ou aux autorités judiciaires (interdiction pour le banquier de dévoiler aux autorités judiciaires ou fiscales du bénéficiaire une transaction financière ou le nom du titulaire d’un compte; mise en place d’impénétrables lois sur la discrétion);

-la quasi-inexistence de taxe sur les donations et les successions;

-l’inadéquation de règles standard internationales concernant la délivrance d’agrément, d’autorisation et d’enregistrement d’une société avec la possibilité de la gestion de fait d’une institution financière comprenant seulement des obligations rudimentaires à la charge du gérant;

-l’insuffisance des obligations d’identification des clients imposées aux institutions financières (ex: existence de comptes anonymes et numérotés ou de comptes avec des noms manifestement fictifs, aucune obligation de vérifier l’identité du client, aucune obligation pour les institutions financières de mettre en place des programmes continus de formation au problème de blanchiment de capitaux…);

-des règles de droit commercial qui rendent possible la constitution de sociétés- écrans ou de structures juridiques à vocation économique ou patrimoniale permettant de masquer l’identité du bénéficiaire d’une opération financière (IBC, Trusts, Anstallt…) ou facilitant la représentation du bénéficiaire par un prête-nom;

-une réglementation inadaptée et un contrôle insuffisant des activités financières, très éloignées des standards recommandés par les normes internationales (Comité de Bâle, 40 recommandations du GAFI…);

-une prépondérance des services financiers dans l’économie locale;

-la présence de sociétés fiduciaires et «blind trusts»;

-l’absence d’obligation pour le banquier de tenir un livre financier;

-l’existence et l’utilisation d’instruments monétaires «au porteur»;

-la présence possible de zones franches dans ces mêmes lieux;

-l’existence de comptes bancaires en dollars;

-l’absence ou l’inefficacité d’unités de renseignement centralisées (les unités de renseignements financiers) ou d’un mécanisme équivalent pour la collecte, l’analyse et la diffusion d’informations sur des transactions suspectes aux autorités compétentes;

-l’absence d’obligation pour le banquier d’informer les autorités sur des transactions douteuses; absence également de suivi et de sanctions pénales ou administratives concernant l’obligation de déclaration de transactions suspectes ou inhabituelles;

-la dissimulation d’informations et de statistiques aux institutions financières nationales

et internationales;

-l’absence ou la faiblesse de moyens d’investigation sur les activités criminelles ou de corruption généralisée;

-la présence intensive d’opérations financières étrangères;

-l’absence de loi sur la saisie d’actifs;

-une assistance, expertise, arbitrage ou gestion locale juridique et comptable performante et de qualité;

-un gouvernement peu sensible aux pressions extérieures;

-l’absence de contrôles effectifs des filiales appartenant à des groupes multinationaux;

-des pratiques dilatoires ou des règles très restrictives en matière de coopération internationale, ne l’autorisant que dans certains cas précis (ex: trafic de stupéfiant) selon des procédures complexes (multiplication des voies de recours…), parfois arbitraires (voir décision ad hoc nécessaire d’une instance politique ou provenant d’un ordre professionnel), voire même la prohibant expressément.

Cela est bien évidemment l’indice d’une mauvaise volonté politique pour répondre de manière constructive à des demandes entre autorités administratives (défaut de prise de mesures appropriées en temps voulu, longs délais de réponse…).

t 2.3 Outils mis à disposition par ces places financières

Dans d’autres études intéressantes[1], il a déjà été possible de mettre en lumière l’éventail des diverses stratégies utilisées par les trafiquants pour blanchir leurs revenus criminels.Il est vrai qu’en la matière l’imagination de la criminalité organisée qui gère les réseaux de blanchiment de capitaux a ététrès fertile dans l’élaboration et la réalisation de structures bien particulières permettant, au travers de ces places financières spécifiques, de faire usage de nombreuses techniques économiques et financières singulières pour intégrer des capitaux d’origine douteuse (pour exemple, création de plus de 140 000 sociétés diverses dans ces centres financiers off shore). La multiplication des virements bancaires d’un compte vers un autre, qui peuvent eux-mêmes se décomposer en plusieurs sous-comptes avec la participation de plusieurs sociétés holdings, semble bien avoir pour finalité officieuse de rendre la plupart de ces transferts de fonds totalement opaques; d’autant que ces transferts peuvent être considérablement accélérés par l’utilisation des réseaux de télécommunications financières interbancaires existant entre ces différentes places économiques.

a) Quelles classifications…

Les entités juridiques utilisées dans ces lieux off shore peuvent d’ailleurs être de différentes sortes et spécialisées dans un domaine spécifique plutôt que d’autres. Il est important de préciser de suite que la classification qui va suivre (avant de voir l’énumération des différents types de sociétés présentes là-bas) est sans doute bien arbitraire et trop rigoriste, car les situations ne sont pas aussi tranchées en réalité (le petit monde des paradis fiscaux est continuellement en pleine évolution et aussi en pleine expansion).

On peut néanmoins évoquer :

-les paradis fiscaux essentiellement vis à vis des personnes physiques, donc plus spécialisés dans les services offerts aux particuliers (comme l’Andorre, certains cantons suisse comme le Canton de Vaud, l’Irlande, Monaco, Sark...),

-les paradis fiscaux essentiellement pour personnes morales (Aruba, Bahreïn, Gibraltar, Guernesey, HongKong, les îles Vierges Britanniques, Jersey, le Liechtenstein, l’île de Man, Nauru, Panama….).

En fait, ces paradis fiscaux sont beaucoup plus nombreux que les précédents. Cela peut tenir au fait que certains d’entre eux cherchent à augmenter leur revenus en attirant un nouveau type de clientèle. Il est possible également que d’autres paradis fiscaux, hormis ceux déjà énoncés, disposent aussi de lois favorables aux personnes morales étrangères, mais que leur économie comprendra alors certaines formes d’imposition pour leurs résidents.

-les paradis fiscaux mixtes qui sont ceux utilisés soit par des personnes physiques, soit par des personnes morale (tel Antigua, les Bahamas, les Bermudes, les îles Caïmans, Chypre, le Costa Rica, Turks et Caïcos.....).

Ce sont en fait les places financières les plus complètes.

-les paradis fiscaux des Holdings (telle Luxembourg, le Danemark, la Grande-Bretagne, la Hongrie, l’Autriche, les Pays-Bas et les Antilles Néerlandaises, Chypre….).

Il faut ici comprendre cette catégorie comme celle constituée non pas de pays qui seraient toujours des paradis fiscaux mais comme regroupant des Etats développant de manière volontaire et concertée, un «système de holding pouvant également offrir des avantages fiscaux importants».

-les paradis fiscaux des personnes morales masquées (comme l’Irlande, Israël, les Etats-Unis, le Canton de Vaud, Monaco…).

Il s’agirait en l’espèce de la création de sociétés de type de celles visibles dans des paradis fiscaux mais constituées dans des pays ne formant pas des paradis fiscaux en tant que tel.

Au contraire, ces territoires sont réputés être des pays non seulement de haute imposition, mais encore faisant usage de contrôles et de réglementations sévères en la matière.

Le principal avantage de tel Etat est de «noyer» certaines de ces sociétés bien spécifiques dans un grand nombre de sociétés locales ordinaires lourdement taxées, sans pouvoir les y différenciées et afin de ne surtout pas donner l’image de «paradis fiscal» qui n’est pas souhaitée.

D’autres classifications peuvent être énumérées à ce stade de l’analyse afin d’être complet sur le sujet. On peut ainsi signaler l’existence de catégories transversales de paradis fiscaux tenant à l’origine de leur espèces. On trouverait donc :

-les paradis fiscaux de type anglo-saxon où le secret bancaire est garanti mais dans lesquels l’identité des opérateurs peut apparaître (soit au niveau de contrôle de changes , soit au niveau des conventions de trusts);

-les paradis fiscaux de droit helvétique, ne prévoyant pas de contrôles de changes mais dans lesquels l’identité du véritable propriétaire apparaîtra au niveau de la convention de fiducie;

-les paradis fiscaux offrant des structures garantissant l’anonymat plein et entier (pas de contrôle de changes et utilisation souvent d’actions émises au porteur).

b)…pour quel type de structures économiques instituées ?

A présent seront développées les différents types de structures et de techniques qui, utilisés dans ces lieux off shore, rendent possible un retraitement d’argent sale et l’intégration de capitaux criminels dans la sphère financière locale. Il doit être ainsi évident qu’à l’instar de certains groupes multinationaux, le trafiquant ou le blanchisseur pourra cacher la réalité de ses opérations sous le couvert de sociétés- écran et autres holdings qu’il mettra en place à cette seule fin.

*Les IBC (ou International Business Corporation - les sociétés d’affaires internationales)

Une compagnie privée peut ainsi être formée par une seule personne qui pourra être à la fois l’actionnaire et le seul administrateur. Cet administrateur unique peut ainsi la fonder, la transférer, la transformer et la fermer car il constituera le quorum nécessaire pour une telle prise de décision importante à lui tout seul.

Ce ne sont pas des compagnies coquilles (ou «shelf compagnies»)car elles sont très actives. Soumises à aucune vérification particulière et ne payant peu ou pas d’impôts, elles constituent un parfait écran opaque pour cacher l’identité des directeurs, actionnaires ou véritables propriétaires de l’entreprise. Elles demeurent d’ailleurs à ce jour très prisées (car efficaces).

D’après différentes statistiques provenant de divers services de lutte contre le blanchiment de capitaux au Canada et ailleurs, on évalue très mal le nombre exact de telle sociétés constituées. Ainsi les chiffres officiels font état d’une estimation approximative entre 400 000 et 4 000 000 de compagnies de ce genre recensées !

*Les LLC ( ou Limited Liability Compagnies - les compagnies à responsabilité limitée)

Ce type de société, à la différence de la précédente, n’a aucune existence dans la réalité économique. En effet, aucune activité ne doit être ici réalisée. Elle ne sert qu’à démontrer qu’un investisseur dispose d’une compagnie dans un certain pays.

Là est la vraie entreprise- coquille vide, technique très astucieuse pour accompagner une lettre de crédit, une lettre d’intention ou pour servir de caution à un prêt bancaire.

*Les LDC (ou Limited Duration Compagny )

Elle représente une société qui a une durée de vie limitée et qui est établie pour une raison fiscale ou économique bien spécifique.

*Les Fiducies ou Trusts

D’origine britannique, il en existe plusieurs modèles à travers le monde sur le «marché des off shore». Le principal avantage en la matière est de dissocier la propriété légale de la propriété apparente, ce qui n’existe pas en droit français. Il peut également permettre de préserver l’anonymat des véritables propriétaires de fonds.

Dans une telle structure, le Fondateur (celui qui crée la Fiducie) y place ses avoirs qui vont ensuite être gérés par le Fiduciaire. Ce dernier devient le propriétaire légal des avoirs alors que le Bénéficiaire (qui peut être aussi le Fondateur) n’est que le propriétaire bénéficiaire (occulte mais véritable) de la Fiducie. Bien qu’il en perde la propriété légale, le Fondateur conserve toujours le contrôle et l’accès à sa propriété. Seule l’identité des administrateurs reste publique par le biais d’un registre de commerce ou des sociétés, afin de satisfaire aux publication légales.

On comprend dès lors tout l’intérêt de ce genre de structures pour la criminalité organisée ou pour un simple trafiquant qui cherche à bénéficier de ces centres financiers particuliers de façon non apparente.

*Les Corporations à actions au porteur

Celui qui possède le certificat possède la compagnie, d’où la nécessité de ne pas perdre le titre de propriété. Dans ce cas de figure, la propriété est en règle générale très difficile à déterminer puisqu’elle ne repose que sur la détention matérielle d’un titre (volatil et interchangeable à loisir). Ce procédé permet également de préserver l’anonymat du propriétaire du fonds.

*Les banques virtuelles (ou Brass Plate Banks)

Cette technique, dont nous reparlerons dans la dernière partie du mémoire avec les nouvelles technologies de l’informatique investies par les groupes criminels organisés, consiste à créer des banques sur Internet pour amasser et faire transiter des fonds.

Ces «banques à charte» ne réalisent aussi pas toujours de véritables opérations bancaires, car simplement créées virtuellement pour les besoins d’une cause illicite.

Le problème qui subsiste dans l’utilisation de ce procédé très «tendance», à côté de celui de la localisation géographique de telles structures (la banque et la monnaie se trouvent là où est l’ordinateur!) est qu’elles ne sont pas, à ce jour, réglementées. D’où la possibilité, comme à St-Kitts et Nevis, d’offrir à des non-résidents de posséder et de faire usage d’une banque que l’on vient de créer sans exiger de connaître l’identité de l’acquéreur.

Elles peuvent (et c’est leur avantage essentiel) établir des partenariats et des liens de correspondance avec de vraies grandes banques dans des métropoles étrangères.

On voit bien les dérives que cela peut générer si une surveillance et une vigilance accrue ne sont pas opérées sur place, directement dans ces lieux «exotiques».

*Les différentes sortes de sociétés holding

Une société holding peut être implantée dans quasiment n’importe quel pays selon les besoins et les moyens disposés par ses dirigeants. Néanmoins, dans ces places financières spécifiques, il en sera fait usage pour assurer lors d’importants transferts de fonds, l’anonymat des comptes bancaires ainsi détenus.

En réalité, les sociétés holding apparaissent comme une forme sophistiquée d’entreprise- refuge non seulement en ce qu’elles renforcent sérieusement le secret et l’anonymat propice à des activités illicites. Mais encore, elles ont aussi l’avantage d’être transférables et dégagées de toute emprise territoriale et des questions liées à la nationalité de ces dirigeants.

Il arrive souvent d’ailleurs qu’une structure de holding soit couplée à une convention de prête-noms, du type convention de fiducie, ce qui permettra d’assurer dans le même temps l’anonymat complet de l’identité des opérateurs et la véritable nature des transferts de fonds et des investissement réalisés de manière cachée.

Il peut aussi être fait usage de comptes à numéros vis à vis de telles structures. Les opérations courantes d’un compte se font alors sous un code, en l’espèce un numéro, et non sous le nom de la société cliente. Les employés ignorent ainsi l’identité du titulaire du compte. Celui-ci n’est pas toutefois totalement anonyme, mais simplement connu du directeur de la banque et en général d’un fondé de pouvoir, gestionnaire d’un certain nombre de comptes numérotés.

Il peut être très facile également d’ouvrir un compte à l’étranger pour ces sociétés ou de réaliser pour elles des transactions par téléphone avec un banquier en utilisant des comptes à pseudonymes ou de faire usage de nom d’emprunt.

*les différentes autres sortes de sociétés

Des institutions récentes ont été adoptées dans ces territoires comme la «société en cellules isolées». Des «sociétés de location de compagnie captive» en matière bancaire ou d’assurance (dans lesquelles une société loue l’utilisation de sa compagnie captive à d’autres entreprises) autorise aussi désormais l’isolation entre elles de différentes composantes d’affaire au sein d’une même composante. Tandis que l’une des composantes devient insolvable, la société dans son ensemble pourra néanmoins perdurer et les créanciers ne pourraient pas poursuivre pour les capitaux détenus par la composante individuelle en difficulté.

D’autres sociétés peuvent aussi être présentes dans ces places financières (société- écran, sociétés fantômes, société de domiciliation…). Il en sera fait mention dans le glossaire réalisé en annexe à la fin du mémoire.

Au final, on retiendra la liste suivante, qui n’est pas exhaustive, mais qui fait un rapide rappel de toutes les dénominations utilisées dans le jargon de la finance internationale. Ainsi, les formes juridiques considérées comme «fonds fiduciaires» ou «instrument de gestion de patrimoine d’affectation» et qui posent tellement de problèmes aux enquêteurs en matière d’investigations concernant le blanchiment d’argent, peuvent être définies comme :

-l’Exempt Company (plus à Jersey, Guernesey, Ile de Man, Gibraltar),

-l’International Business Company ou IBC (idem plus les Bahamas, la Barbade, Les Iles Vierges Britanniques),

-la Qualifying Company (présentes aux Bermudes, Aux Iles Caïmans),

-et les autres formes de holding anonyme comme l’Anstalt (ou établissement) du Liechtenstein, la Soparfi luxembourgeoise, la Société Civile monégasque, la Stiftung (ou fondation) au Liechtenstein….

Même si ce genre de structures peuvent générer des actes dévoyés de la finance mondiale, il semble totalement illusoire de déclarer la guerre, comme le souhaiteraient certains Etats, à toutes formes juridiques et institutions étrangères.

Les Trusts, en particulier, constituent une institution depuis longtemps connue dans les pays anglo-saxons et qui n’est pas, à la base, conçue pour blanchir de l’argent.

Toutefois, il est évident qu’elles se retrouvent souvent détournés de leur but premier et qu’il est utile d’être méfiant envers de telles structures économiques, juridiques et financières permettant parfois d’organiser une opacité recherchée mais au final illégale lors de ces transactions.

t 2.4 Fonctionnement des centres off shore

Phénomène considéré comme marginal il y a quelques années encore (et cantonné dans l’offre de voies et moyens de contournement des règles de contrôle des changes ou d’optimisation fiscale pour les plus riches clients), certains centres financiers off shore se sont transformés en véritables places- fortes financières, parfaitement intégrées au système financier international.

En effet, ils sont désormais capables d’offrir, sous un régime réglementaire allégé, la plupart des services et produits disponibles sur les grandes places traditionnelles de la finance internationale.

L’accès à ces prestations off shore est donc devenu très simple et tout un chacun peut en profiter, sans distinction aucune d’honorabilité. Ce phénomène représentant sans conteste le mauvais côté de la mondialisation ambiante, a ainsi rendu possible l’accroissement du rôle de ces places financières singulières dans les processus d’intermédiation bancaire, monétaire et boursière.

Il est devenu d’ailleurs tellement usuel pour certains pays, qui pratiquent ainsi le dumping financier, que de nombreux territoires l’ont intégré dans leurs stratégies de développement (au même titre que le secteur du tourisme pour d’autres Etats) et ce, afin d’attirer rapidement de grandes masses de capitaux qui ne font généralement que passer mais génèrent malgré tout des revenus confortables.

L’univers des centres financiers off shore et territoires à secret bancaire fort, constitue à l’heure actuelle un élément- clef de l’infrastructure financière mondiale.

L’ensemble des outils économiquement légaux dont il a été fait référence ci-dessus démontre que leur utilisation peut être détournée à d’autres fins que celles qui leur avaient été attribuées initialement, comme par exemple, le blanchiment du produit d’activités criminelles.

La globalisation des services financiers et la progression massive des paiements électroniques a favorisé d’ailleurs ces activités de blanchiment. Désormais, ces systèmes financiers offrent la possibilité d’imiter et d’emprunter les caractéristiques et le comportement des transactions légitimes. Il n’y aurait donc plus de séparation véritablement institutionnelle ou fonctionnelle apparente entre des transferts d’argent illicite et licite.

Cela pose naturellement des problèmes de repères et d’échelles statistiques!

t 2.5 Les places financières et territoires touchés

Il serait bien naïf de n’envisager cette question que sous deux angles: celui des Etats «honnêtes» d’une part et celui des Etats criminels d’autre part.

Sans prétendre à l’infaillibilité pourtant, différentes classifications ont été mises en place pour appréhender les divers lieux de la finance non traditionnelle mondiale. Chacune d’entre elles apportent un regard spécifique sur le phénomène de «trou noir» de l’économie internationale au travers de distinctions suivant la localisation, les objectifs particuliers et les moyens mis à disposition des clients, la plus ou moins grande opacité dans les transactions fournies, la rapidité des opérations réalisées par le biais d’un serveur Internet ou non….

Pour une plus grande clarté, il sera retenu trois classifications: les deux premières seront simplement énoncées et la dernière, plus personnelle, fera l’objet d’une analyse détaillée.

Au terme de la première classification, on trouve:

-les paradis fiscaux qui sont spécialisés dans les IBC et les Trusts, qui vendent leur nationalité, mais n’ont pas forcément les capacités bancaires recherchées (les îles Vierges britanniques ou BVI, les îles du Pacifique, Turks et Caïcos, Sark, île de Man);

-les pays qui ont passé des accords d’acceptation et de services à propos d’outisl comparables à ceux des paradis fiscaux via leurs grandes capacités bancaires (la Suisse, Dubaï, Monaco, le Luxembourg);

-les pays qui offrent des outils de lessivage en plus de grandes capacités bancaires (les Bahamas, le Liechtenstein, les îles Caïmans, Panama).

La deuxième classification reprend en substance les distinctions évoquées dans un des derniers rapports du GAFI en 2000, lors de l’analyse de 29 pays ou territoires sur la base de 25 critères. Il en est résulté que:

*15 Etats devaient être considérés à cette époque comme non coopératifs dans la lutte contre le blanchiment des capitaux, à savoir, les Bahamas, la Dominique, les îles Caïmans, les îles Cook, les îles Marshall, le Liban, le Liechtenstein, Nauru, Niue, Panama, les Philippines, la Russie, Saint-Kitts et Nevis, St Vincent et les Grenadines.

*14 autres pays et territoires connaissaient encore certaines pratiques et règles nuisibles à des actions de lutte contre le blanchiment de capitaux, mais ne pouvaient être appréhendés pour autant comme des Etats non coopératifs; tel est le cas pour:

-Antigua et Barbuda, Belize, les Bermudes, les îles Vierges britanniques (ou BIV), Chypre, Gibraltar, Guernesey, l’île de Man, Jersey, Malte, l’île Maurice, Monaco, les Samoa, Ste Lucie.

La troisième classification qui nous retiendra plus longtemps est le fruit d’une réflexion plus personnelle. J’ai ainsi préféré, de manière totalement subjective, retenir une autre catégorie issue de mes lectures, à savoir, une différenciation à la fois suivant la taille du centre financier (les Micros – Etats et les autres) et suivant la plus ou moins grande dépendance, supposée ou avérée, de la place financière face aux réseaux de blanchiment de fonds.

Cette classification arbitraire mais personnelle doit également tenir compte bien entendu des pays qui tentent actuellement d’enrayer le processus de criminalisation de leur économie par l’acceptation, sous la pression d’autres Etats et d’organismes trans-frontière, de procédés rendant plus transparent leur fonctionnement ou en vue d’être moins réticents vis à vis d’investigations de rang international.

Sera ainsi établi ci-dessous un listing des principales places financières exotiques, centres off shore et paradis fiscaux, avec leurs principales caractéristiques (sans entrée plus en détail dans leurs législations). Ces territoires interviendront plus ou moins de manière importante dans les relations transnationales monétaires et les flux financiers quotidiens entre pays, pouvant générer par là une circulation de capitaux blanchis.

Cette partie n’aurait pu être aussi approfondie sans le très intéressant ouvrage «Guide Chambost des Paradis fiscaux 1996» qui a amené autant une vision géographique, géostratégique que fiscale et réglementaire nécessaire à la meilleure compréhension de l’importance de ces places financières dans les réseaux existants de blanchiment de capitaux à un niveau international.

ATTENTION, l’étude attentive des différents régimes fiscaux et bancaires de ces Etats peut aboutir parfois à des situations paradoxales, contredisant les réputations surfaites de certains d’entre eux ou mettant en avant des pays qui apparemment ne faisaient pas partie jusqu’à peu du club assez fermé des grands paradis fiscaux et autres centres off shore.

a) Les Micros- Etats (ou «Etats confettis»)

Les Micro- Etats et les micro- territoires parsemant l’Europe et des zones géographiques plus lointaines et exotiques ont été en fait transformés en peu de temps en paradis de la finance off shore et laissés avec soin, avec la volonté bienveillante de tous ou presque, hors de tout contrôle réglementaire international. Ils se caractérisent par leur petite taille et un système financier surdimensionné par rapport à leur population et leur activité économique, et attirent les capitaux en conjuguant, à des degrés divers, 3 caractéristiques:

-secret bancaire,

-fiscalité insignifiante

-et coopération judiciaire internationale très faible, voire inexistante.

Des différences existent cependant d’un pays à l’autre.

*les Bahamas

(proche du Commonwealth)

Les Bahamas sont un archipel d’environ 700 îles dans l’Océan Atlantique, entre le Sud Est de la Floride et Haïti et comprend une population de 300 000 habitants en 2000.

En fait, grâce au dynamisme du secteur du tourisme, ce pays connaît actuellement une croissance élevée de son activité économique (plus de 6 % en 1999 et 4,9 % en 2000). Ce sont essentiellement des touristes ordinaires qui y viennent mais également des Voyageurs fiscaux, personne physiques ou morales, en majorité d’origine américaine, canadienne et européenne (allemands, anglais, français, italiens et suisses), avec plus de 3,6 millions de visiteurs par an dépensant 1,3 milliard de dollars (données de 1996).

Le niveau de vie au vue du PNB par habitants est de l’ordre de 12 000 $ au Bahamas, ce qui semble correct mais quand même éloigné de ceux des Bermudes et des îles Caïmans.

Toutefois, seule ombre au tableau, outre le coût de la vie extrêmement élevé[2], les accusationsportées contre son secteur financier et bancaire qui sont légions car il constitue le deuxième secteur d’activité du pays (représentant environ 15 % du PIB en 2000).

Ainsi, les Bahamas figurent en bonne place dans les trois rapports et listes noires utilisés en matière de prévention des risques de blanchiment et de délinquance économique et financière. Pour le G7, l’OCDE et le GAFI, il constitue un Etat particulièrement influencé par les transactions opaques et douteuses de tout horizon et représente ainsi, à la fois, un des paradis fiscaux les plus sûrs et les plus contestés:

-un des plus sûrs tout d’abord car son évolution économique est assez stable dans un cadre de développement touristico-fiscal;

-à côté de cela, plus de 400 banques off shore et institutions financières dont 183 sont des banques ou filiales de banques étrangères. En général, les banques bahamiennes sont dans leur majorité très sérieuses. Elles ouvrent de 3h30 à 15h00 et le vendredi jusqu’à 17h00 (fermeture le samedi et dimanche (quoique maintenant avec le E-banking et les banques virtuelles de l’Internet, les horaires d’ouverture et de fermeture ne veulent plus dire grand chose);

-existe là-bas un secret bancaire prévu par la tradition, confirmé par la loi et assorti de sanctions pénales;

-il offre un panel élargie de structures juridiques et économiques (IBC, plus de 58 000 en 1999 (chiffre New York Times)[3] très largement inspirées de celles créées aux BVI, de nombreuses banques captives en forte concurrence avec les îles Caïmans, des comptes numérotés ou à pseudonyme proposés et des LDC (société à durée limitée) ce qui correspond approximativement à la société commerciale simple ou société en nom collectif en France (motivé plus pour des raison d’habillages commerciales et d’opacité que par des raisons fiscales);

-le gouvernement des Bahamas garantit en outre, l’absence de toute imposition sur les

plus-values et de tous droits de succession pendant 20 ans.

-un des plus surveillés ensuite, car énormément de gros transferts de capitaux transitent par cette place financière, spécialement d’après les spécialistes, ceux habilitées à recevoir des fonds du public;

-des mesures strictes ont été imposés à ces banques et aux gérants de fortune locaux, devant notamment indiquer à la Banque centrale, les dépôts en espèces importants (supérieurs à 100 000 dollars) et devant aussi communiquer un relevé mensuel des mouvements d’actifs étrangers. En outre, il a été même institué aux Bahamas que les banques doivent refuser les clients au sujet desquels elles sont en mesure de suspecter des activités criminelles;

-de surcroît, les Bahamas ont signé avec le Canada, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis un traité relatif non seulement à la levée du secret bancaire en matière criminelle mais encore en cas de fraude fiscale;

-enfin, constitue un indice de la surveillance constante opérée vis à vis des institutions financières de cet Etat, le fait que les autorités bahamiennes aient ordonné la fermeture de la branche locale de la BCCI et ce, avant que les autres pays telles les îles Caïmans et plus étrangement la Grande-Bretagne, aient réagi.

Malgré ces contestations et pressions de tout bord, les Bahamas demeurent toujours et semblent protégés en sous main par de grands Etats. Ainsi, il semble qu’existe véritablement en la matière de nombreux intérêts leur permettant de ne pas disparaître.

La Grande-Bretagne n’est certainement pas directement protectrice des Bahamas, de même que les Etats-Unis; pourtant ces îles stratégiquement situées dans les Caraïbes, proches de Miami (deux aéroports internationaux, 14 compagnies aériennes se font une concurrence importante et permettant seulement de relier à 1h d’avion la côte des Etats-Unis) et peu éloignées de Cuba, constituent des endroits rêvés pour des entreprises étrangères anglo-saxonne voulant placer de manière relativement correcte leurs économies. De plus, la seule condition pour refuser un client là-bas semble être que l’intéressé ne soit pas notamment connu comme un escroc international ou un «exhibitionniste notoire», sinon le principe du «Good Character» est rempli.

Le premier Ministre, Hubert Ingraham, a annoncé en 2000 une série de mesures pour tenter de redorer le blason de l’archipel(création d’une cellule de surveillance des opérations financières suspectes, renforcement de l’arsenal législatif et réglementaire pour assurer un meilleur contrôle des institutions financières tant nationales qu’off shore). On attend les résultats des missions d’évaluation dépêchées sur place.

*St Domingue

Ce territoire passe pour être le moins hypocrite de tous. En effet, les autorités reconnaissent bien volontiers accéder aux demandes d’accession à la citoyenneté économique émises par toute personne qui le désire, moyennant finance bien entendu. Le passeport est remis au nom «choisi» par le postulant étranger qui payent entre 25 000 à 50 000 dollars pièce.

Plus de 250 Russes se seraient déjà prévalus de cette offre assez laxiste depuis 1997.

Cela n’est certes pas du blanchiment d’argent mais il va permettre à la fois de faire transiter des fonds avec des entreprises ayant une telle nationalité achetée et ne peut que compliquer la tâche des enquêteurs internationaux luttant contre le retraitement de l’argent sale.

*l’île Maurice

Stratégiquement situé sur l’ancienne route des Indes, au large de l’Afrique, non loin des Seychelles, des Comores, de Mayotte et de Madagascar et peuplée de plus de 1,2 millions d’habitants en 2000.

Dès 1992, les autorités mauriciennes ont fort habilement invité une grande quantité des meilleurs spécialistes mondiaux de la fiscalité et de la finance internationale pour les solliciter en vue de la rédaction de textes législatifs déterminant le fonctionnement de leur secteur off shore. Ils ont ainsi pu proposé par la suite des avantages fiscaux conséquents et adaptés, ce qui naturellement a permis d’attirer de nombreuses entreprises et investisseurs (loi sur les sociétés off shore de type IBC avec taux d’imposition zéro, avec option possible d’un taux plus élevé pouvant aller jusqu’à 35 % en fonction des besoins des utilisateurs éventuels par rapport aux lois de leur pays d’origine).

En l’an 2000, ses activités off shore employait plus de 1 000 personnes et comprenait 7 965 sociétés internationales et 293 fonds offshore (évaluations tirées du Bilan du Monde édition 2001).

Poussée ensuite à éliminer peu à peu ses pratiques fiscales définies comme «nuisibles à la concurrence» par l’OCDE, l’île Maurice fait désormais partie de ses petits Etats qui ont beaucoup gagné sur le terrain de la fiscalité incitative, mais qui tentent aujourd’hui de se racheter une conduite aux yeux de la scène internationale.

Le Parlement Mauricien a donc voté en juin 2000, une loi réprimant les crimes économiques et le blanchiment d’argent, prévoyant également la création d’un Economic Crime Office, l’unité de renseignement financier local. De telles mesures ont été saluées par l’organisme des Nations Unies chargé de la lutte anti-drogue et de la prévention des crimes économiques. Il a ainsi inclus l’île Maurice parmi la trentaine de pays ayant pris des engagements fermes contre le blanchiment.

Ces bouleversements politiques et économiques ont pu inquiéter, à juste titre, les promoteurs off shore mauricien qui se demandaient si un excès de transparence n’allait pas leur nuire.

Mais le gouvernement de l’île Maurice sait où il va avec la prise de telles mesures.

A la différence d’autres Etats, ce pays peut se permettre cette nouvelle politique vu qu’il ne cesse de connaître actuellement une recrudescence de son secteur touristique et des bénéfices engrangés en hausse du point de vue de son hôtellerie

D’ailleurs cela n’empêche pas cet Etat de rester dans le collimateur de l’OCDE car constituant encore aujourd’hui un des grands paradis fiscaux de la planète avec une croissance importante dans l’avenir. Il est en effet particulièrement prisée par des hommes d’affaires hindou, qui s’y déplacent en nombre, soucieux qu’ils sont d’éviter le fisc de leur pays puisque Maurice leur offre, sous garantie d’accords bilatéraux passés entre les deux pays, un système de holding particulièrement adaptée.

*les Seychelles

(république indépendante depuis 1976 mais toujours incluse dans le cadre du Commonwealth)

Plus modeste et plus récent que celui de Maurice, le paradis fiscal seychellois est aussi moins bien encadré juridiquement et continue donc d’attirer toujours plus de sociétés obscures.

En effet, déjà en 1996 un véritable tollé était survenue après le vote par le gouvernement d’une loi de développement économique proposant l’immunité judiciaire et l’anonymat le plus total pour toute personne qui investirait plus de 10 millions de dollars (soit 76 millions de francs à l’époque) dans le pays.

Autrement dit, aucun obstacle à recycler légalement et en toute tranquillité les produits du trafic de drogue et du proxénétisme!

Finalement, cette disposition législative a été annulée, ce qui n’a pourtant pas empêché le même gouvernement de se lancer dans une autres sorte de politique déviante, à savoir la vente de la citoyenneté nationale au plus offrant des étrangers (surtout russes et chinois d’ailleurs). Récemment, les Seychelles viennent d’autoriser l’enregistrement dans leur paradis fiscal des sociétés des pays d’Europe du Nord et d’Europe de l’Est.

Cet Etat est donc particulièrement à surveiller par le instances internationales car il fait preuve d’une détermination et d’une réputation dynamique en matière d’acceptation de dépôts douteux. Les Seychelles qui «vivotaient» auparavant, semblent désormais subitement vouloir s’engager activement dans une autre voie que le tourisme ordinaire.

*les îles d’Antigua et de Barbuda (dans les Caraïbes, proche la Barbade et la Guadeloupe) (ancienne colonie anglaise, donc proche du Commonwealth)

11 banques (virtuelles) russes établies depuis 1998; 9 500 sociétés IBC contrôlées presque exclusivement par des Russes aussi (évaluations du Groupe Egmont).

Quelques banques étrangères (dont Barclay’s Bank et Royal Bank of Canada dès 1996)

Pas d’encouragements aux comptes à numéros mais pas d’interdictions non plus.

Cabinets d’avocats et experts comptables expérimentés et parfaitement compétents sur le plan local.

Haut lieux des IBC (on a parlé des «Financial Mickey Mouse Party»)

*les îles Caïmans

Territoire situé au dessous de Cuba et à environ 600 km de Miami (1h30 de vol) et à 270 km de la Jamaïque (vols réguliers), il se compose de trois îles comprenant près de 35 000 habitants (données 1998).

Auparavant, les îles Caïmans ont pu donné l’image d’un paradis douteux plus fréquenté par les fraudeurs que des voyageurs fiscaux avisés. Mais depuis les 20 dernières années, les îles Caïmans ont connu un succès considérableauprès de cette deuxième catégorie de personnes rendant possible une modernisation et une remise à niveau des institutions spécialisées en la matièreafin de les rendre plus efficace:

-Plus 50 000 sociétés-écran immatriculées pour 35 000 habitants!! ce qui est très important même si c’est bien loin encore du record détenu par les BVI (îles vierges britanniques),

-2 200 fonds spéculatifs et fonds de pension actuellement (dont le fameux LTCM), après un décollage très important dans les années 90 (900 fonds constitués en 1995, soit 3 fois plus de constitutions réalisées durant les 20 dernières années),

-près de 590 banques y sont présentes (soit une banque pour 60 habitants) et sociétés de gestion de portefeuille, dont 46 des 50 premières banques mondiales (données datant de 1996) ce qui était déjà un record en la matière!! Il est par conséquent évident, comme le rappelait en 1996 Edouard Chambost, remarquable auteur d’un dictionnaire sur les paradis fiscaux, que «tous les touristes fiscaux ne sont pas clients de ces établissements bancaires pour juste jouer à échanger des coquillages ou faire de la monnaie ou du change sur un billet de 100 dollars aux vacanciers de passage».

En fait, ce serait près de 700 milliards de dollars de fonds gérésqui ont été recensés sur ce territoire à la fin des années 90, pour lesquels l’origine serait à 70 % nord-américaine. Ce chiffre très important est néanmoins difficile à appréhender si ce n’est par comparaison (environ 693 millions d’euros soit plus de 2 fois le budget de la France ou encore une somme supérieure au total des réserves de changes des 7 pays industrialisés les plus riches du monde).

Cela représenterait également près de 14 millions d’euros pour chaque homme, femme et enfant vivant dans cet archipel.

En fait, les Iles Caïmans constituerait la 5ème place financière mondiale (source «Un monde sans Loi» 1998) et font partie sans conteste des territoire les plus riches avec un PNB par habitant de 22 000 dollars (déjà en 1992). Avec de tels chiffres, elles dépassent largement les Bahamas (12 450 dollars pour le PNB et laissent loin derrière eux Antigua avec 5 200 dollars en ce qui concerne la zone est- Caraïbes). En fait, elles ne sont dépassées que d’une courte manche par les Bermudes (25 000 dollars).

Jouant ainsi dans la cour des grandes places financières, elles talonnent Monaco (avec 30 000 dollars) sans bien sûr atteindre le record suisse (35 650 dollars au bas mot!).

Ce qui est alors remarquable à souligner est que cette poussière d’îles, avec 30 000 habitants et 30 ans d’ancienneté d’activités, peut faire presque aussi bien qu’un Etat (la Suisse), le plus riche du monde par habitants, situé au centre de l’Europe avec 6 millions de nationaux et plusieurs centaines d’années d’expérience et de réputation bancaire…..la comparaison est intéressante.

La Grande-Bretagne se présente une nouvelle fois indiscutablement comme la puissance protectrice de ces places fortes financières, puisque les îles Caïmans sont une colonie anglaise (îles appartenant à la couronne britannique et gouverneur ainsi que ministre de la Justice sont nommés par Londres). Il semble pourtant qu’elles disposent d’un statut fiscal privilégié, puisque malgré tout, les traités internationaux signés par la Grande-Bretagne ne sont pas directement applicables à la législation interne de ce territoire.

Du point de vue financier , l’archipel constitue néanmoins une dépendance américaine.

Le problème qui se pose alors est celui de la non-réaction et de l’indifférence totale de ces deux grands pays dans l’encadrement préventif et législatif concertée de ce territoire vis à vis du développement d’une telle place financière pouvant attirer de plus en plus de capitaux d’origine plus que douteuse dans les dépôts qui y sont réalisés.

Ainsi, non seulement le Royaume-Uni aurait le pouvoir de mettre un terme au laisser-faire dans sa colonie, mais Washington peut également mettre fin aux combines off shore d’un tel territoire.

Or, rien n’est fait pour entraver l’accroissement de la puissance financière de ce petit Etat. Cela peut évidemment se comprendre si les deux pays protecteurs avouaient rechercher avant tout à bénéficier d’une dépendance territoriale pour mettre de côté des produits financiers et investir des fonds douteux dans un cadre totalement opaque et non transparent. Nous reviendrons sur ce constat quand il s’agira de s’interroger sur l’avenir de ces centres off shore et autres paradis fiscaux.

De quels atouts peut bien disposer un tel endroit pour attirer autant de capitaux?

-Les îles Caïmans possèdent en pratique la législation la plus sévère sur le secret bancaire, renforcée depuis 1976 après un conflit avec le fisc américain. Tout comme aux Bermudes, aux Bahamas, au Costa Rica….le secret bancaire est là-bas sérieusement sanctionnée sur le plan pénal. Ainsi, même si une convention américano-britannique a été signée en 1986 avec les autorités de Caïmans, prévoyant des échanges d’informations entre eux, ce petit territoire a été suffisamment courageux ou persuasif pour résister aux pressions de ces grands pays et aux recommandations internationales pour ne pas admettre «d’échanges d’informations concernanttoute matière liée directement ou indirectement à la réglementation fiscale, l’assiette, le calcul ou le recouvrement d’impositions, sauf si il s’agit de profit d’activités criminelles prouvés et couvertes par ledit traité».

Que se passerait-il si un contrôleur américain exigeait sur place de consulter les comptes d’une compagnie off shore?

Aux Etats-Unis, la réglementation des marchés financiers exige plutôt que les opérations soient effectuées dans la transparence, alors que l’opacité est de mise là-bas.

Dans les faits, un tel contrôleur serait naturellement arrêté. On ne badine pas avec….la législation locale protégeant le secret des opérations financières!

Au delà du fait qu’elle favorise la délinquance, cette législation encourage les prises de risques inconsidérées d’homme d’affaire casse-cou.

En matière de laxisme en fait, les Caïmans remportent la palme. LTCM en est la parfaite illustration. Ce fonds qui menait ses activités principales depuis le Connecticut, constituait néanmoins une société de droit de l’archipel britannique. Il ne divulgua aucune information sur ses emprunts ni sur ses investissements et était conforté dans cette attitude par l’indifférence des autorités en charge des îles Caïmans. Cela s’est d’ailleurs révélé désastreux au final car personne ne s’était ainsi rendu compte de l’endettement endémique de cette entité juridique dû à des financements d’investissement hasardeux et ce, jusqu’à ce que la bulle spéculative éclate, causant un véritable désastre financier.

Des Américains avisés ou d’autres nationalités, peuvent ainsi placés des milliards de dollars dans des fonds d’investissement, sans aucun problème autre que de prendre des contacts avec des résidents locaux. Le G7 avait d’ailleurs déclaré que de tels fonds spéculatifs devraient être soumis à des obligations d’information. Mais là encore, il semble qu’on en soit encore au stade de vœux pieux.

-De plus, en 1996, les îles Caïmans n’avaient toujours pas de lois sur le blanchiment de l’argent et la seule possibilité pour que le Procureur national puisse geler et saisir des avoirs bancaires était de prouver qu’ils étaient liés à un trafic de drogue.

-Cependant, la prolifération extraordinaire des institutions financières sur l’archipel tient aussi à d’ autres raisons.

Elles n’y sont soumises à aucun impôt ou taxe:

-ni sur les sociétés,

-ni sur les plus-values,

-ni sur la valeur ajoutée ou les ventes,

-ni sur les successions.

Le pays n’est, de plus, lié à aucune convention fiscale.

Comme disait certains experts internationaux, «aux îles Caïmans, les seuls pièges sont ceux de l’argent, les seuls marécages ceux de la finance, les seuls tourbillons ceux des cours de change et les seuls typhons redoutés sont ceux de l’IRS (le fisc américain) cherchant toujours à percer le mur du secret bancaire».

Le fonctionnement des sociétés résidentes

Dans ce pays, on va retrouver la distinction classique entre sociétés résidentes (celles qui ont une activité à l’intérieur du territoire) et les sociétés non résidentes (celles qui ont une activité externe). La société non résidente sera là-bas appelée «Exempted Company» (terme déjà de nombreuses fois cité) et bénéficiera d’une «charte fiscale» qui l’exempte de toute taxation à venir pour un certain nombre d’années (ici en l’occurrence une trentaine d’années -durée usuelle-).

Cette «Société exemptée», dès le moment où elle n’opère pas à l’intérieur des îles Caïmans et n’a pas d’activité bancaire, va jouir d’un statut très souple comme:

-société de commerce (Trading Company),

-société d’investissement (Investment Company),

-société d’exploitation de bateaux (Shipping Company),

-société d’assurances au sein d’un groupe (Captive Insurance Company),

sans que la loi fasse de distinction quant à la réglementation entre ces différentes activités.

L’Exempted Company n’a pas besoin de tenir un registre de ses actionnaires puisque le véritable bénéficiaire n’apparaît pas. Une déclaration sous serment doit seulement être réalisée devant un juge local par un administrateur (pouvant très bien être un simple homme de paille) déclarant que l’activité de la société sera externe aux îles Caïmans (là aussi pas de recherches plus approfondies sur la véracité de telles déclarations!).

La société exemptée n’est pas obligée de tenir une assemblée annuelle des actionnaires et n’aura pas à remettre de comptes aux autorités, excepté une déclaration annuelle précisant que les opérations de la société ont été conduites en application de la loi des îles Caïmans sur les sociétés!

En tout état de cause, le traitement de ce genre de sociétés leur est extrêmement favorable (voire exemples précités) et il n’existe aucune forme d’imposition notable, les îles Caïmans ayant fait le choix de tirer leur revenu des droits de douanes (généralement de 20 %) sur les produits là-bas consommés.

*les îles Cooks (et sa capitale Rarotonga)

(des îles déshéritées, éloignées mais avec des idées novatrices)

Cet archipel ne sent pas le luxe tapageur et l’argent noir à plein nez, comme d’autres petits paradis financiers des Antilles. Ici, la place financière off shore ne paie pas de mine et pourtant elle existe.

Bien malin celui qui aurait déniché à l’ombre de la puissance tutélaire qu’est la Nouvelle-Zélande, un îlot étroit spécialisé dans le transit et le stockage de fonds douteux («une situation géographique aussi stratégique que le centre de la Corrèze sur une ligne Paris –Deauville», avait énoncé Edouard Chambost dans son dictionnaire des paradis fiscaux- version 1996).

A Rarotonga, il n’y a pas d’impôt sur les plus-values de sociétés ou sur les droits de successions. Les autorités locales en titre ne disposent pas non plus d’informations sur les plusieurs dizaines de milliers de compagnies qui ont un siège social fictif sur place auprès de l’une des 7 firmes financières internationales agréées et spécialisées en la matière. D’ailleurs, aux îles Cook, il n’y a pas d’obligation d’identification des clients ou de tenir un registre pour les spécialistes de la finance.

Au demeurant, le gouvernement local n’a que faire des injonctions du GAFI qui juge ce territoire comme non coopératif au vue de ses efforts totalement insuffisants dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent, un GAFI d’ailleurs si éloigné de leurs préoccupations et de l’importance pour ce rocher pittoresque et volcanique de près de

15 à 20 000 habitants d’une manne financière de cette nature aussi providentielle qu’inespérée.

Jouant de son éloignement géographique et du fait que sur ces îlots, il n’y eu jamais de scandales financiers, ce territoire tire désormais sa part du jeu dans l’internationalisation des flux de capitaux vers les sites financiers singuliers (une grande part de ces flux provenant d’ailleurs de HongKong dû à l’appel d’offre passé par ces autorités en 1991 pour recevoir leurs capitaux).

Succédant à des flux financiers plus générés par des rapports de proximité géographique (Wellington, Canberra), le relais est désormais pris et fonctionne régulièrement avec les Etats-Unis et la Canada.

Ainsi, sous la forme de «Cookies», qui sont des entités juridiques locales exemptées d’imposition pour les activités off shore, les îles Cooks ont pu récupéré une partie des activités financières et bancaires des ex-Nouvelles Hébrides (désormais Vanuatu qui a bien du mal à s’adapter à la clientèle contemporaine).

Profitant de son éloignement et de sa liberté de mouvement au regard des faibles conséquences dû aux pressions internationales pourtant nombreuses (aucun traité en vigueur visant à l’application des échanges d’informations n’est envisageable), elles avaient déjà en dépôts en 1994 pour plus de 6 millions de dollars. Au vu des 20 000 habitants seulement, le chiffre est très important pour l’époque et en regard du territoire.

*les îles Marshalls

Situées dans le pacifique Sud, cet archipel est constitué d’une population de 50 000 habitants (données de 1996)

Après la dotation effectuée par les Etats-Unis d’une somme de 1 milliard de dollars (payable sur 40 ans soit 25 millions de dollars de subsides par an) pour aider la reconversion et l’aménagement de cette ancienne zone d’essai nucléaire, les îles Marshalls ont obtenu un statut de paradis fiscal depuis 1990 ( loi exemptant d’imposition les sociétés non-résidentes) et également un statut de libre circulation (pavillons dits de complaisance) en 1995, qui semble avoir un certain succès aujourd’hui (notamment auprès des Japonais).

Les Etats-Unis (et la CIA) semblent aussi très impliqués dans la relative bonne santé financière de ce paradis fiscal du bout du monde.

*Vanuatu (ex Nouvelles Hébrides) et Niue (ou Nievu)

(2 îlots de roches situés au bout ….du bout du monde (3 changements en avion s’imposent pour y aller) comprenant une population de 12 000 habitants et qui offre désormais une des plus grandes panoplies d’instruments de lessivage au monde avec la plus entière herméticité.

Pour la légende, à Niue il n’y aurait que 2 300 habitants, 1 policier en vélo et analphabète (en l’an 2000).

Pourtant ces îles constituent le haut- lieu des «Brass Plate Bank» ou banque virtuelle, même si la logistique a du mal à suivre et la concurrence est farouche dans la région (îles Cooks et Tonga).

Si c’est la Nouvelle Zélande qui semble représenter ces îles sur le plan international, les lois en vigueur là-bas ont été imaginés en adaptant le système de Panama avec des modèles de développement financier issus des lois off shore des BVI et des îles Cooks….tout un programme…pour un territoire qui ne paye pas de mine et se fait discret même si elles restent encore deux petites et jeunes places financières off shore .

En tout cas, ce qui est original en ce moment est l’attrait que ces territoires peuvent avoir pour les Russes qui raffolent des possibilités d’acquisitions de leur citoyenneté économique.

[1] voir le mémoire de M. Al-Rebdi Rahman sur les Techniques et Méthodes du blanchiment

d’argent -2000

[2] les Bahamas sont sans doute, de ce point de vue, le paradis fiscal le plus cher du Monde, laissant loin derrière la principauté de Monaco qui, pourtant à cet égard, ne pêche pas par modestie.

[3] l’IBC est une société par actions «qui peut tout faire dit-on, sauf ce que la loi lui interdit». De telle sociétés sont alors administrées par un ou plusieurs administrateurs qui n’ont pas besoin d’être résidents bahamiens et peuvent être des personnes physiques ou morales pouvant se réunir quand ils veulent ou même par téléphone. Parfois ce sont des administrateurs alternatifs ou des prête-noms locaux. Une telle structure juridique bénéficiera d’une exemption fiscale totale garantie pour les 20 ans à venir, non seulement pour les impositions existantes mais pour les revenus des actionnaires et pour les droits de succession ou donation

*Aruba

L’île d’Aruba est située à une vingtaine de kilomètres des côtes du Venezuela et comprend une population d’environ 72 000 personnes (données de 1996).

La population locale jouit d’un niveau de vie élevé avec un PNB par habitant de 15 000 dollars (données de 1992) situant l’Arubuan entre le Bahamien (12 000 $) et le Caymanais (22 000 $), ce qui est encore éloigné du record des Bermudes (25 000 $) et bien loin du niveau de vie en Suisse (35 650 $).

Jusqu’en 1996 Aruba dépendait des Pays-Bas avec un statut d’Etat associé dans la Communauté qui fait de ce territoire des Antilles néerlandaises une sorte de Jersey local sur le plan international et dans ses rapports avec la métropole. Il semble que jusqu’à maintenant ce territoire ait conservé le même genre de relations économiques.

Rien en fait ne devait changer l’ambiance paradisiaque et enchanteur de ce territoire si ce n’est les constatation et révélations tirées d’un ouvrage de Claire Sterling intitulé «Crime without frontiers…the worldwide expansion of organised crimes and the Pax mafiosa», paru en 1994. Il y est fait mention que l’île d’Aruba serait en pratique entièrement contrôlée par une branche de la mafia sicilienne, ce qui n’aurait rien de surprenant vu que des organisations criminelles disposent désormais des moyens financiers suffisants pour influencer, sinon dicter la vie quotidienne de gouvernements de certains pays.

L’île d’Aruba dispose d’une Banque centrale pour émettre la monnaie et d’une autre en charge des investissements. En dehors de ce système central fonctionnent 15 banques dont 9 avec une activité limitée aux opérations off shore (données de 1996). Il n’y a pas là-bas de législation particulière sur la protection du secret bancaire.

A côté de cela et depuis 1988, une législation particulière a été mise en place afin de concurrencer purement et simplement Panama et ses sociétés avec un taux zéro d’imposition. Dans ces conditions, il semble que le législateur local ait été réellement préoccupé par l’établissement rapide de «Aruba Vrijgestelde Vennootschap» (ou AVV) plus communément appelée «Aruba Exempt Corporation» (ou AEC) et de « Societad Exenta Aruba» (ou SEA).

Les statuts de ces sociétés doivent indiquer l’objet social mais, comme au Panama, la désignation d’un siège n’est pas requise. Comme au Panama également, il faut un agent résident qui doit être une société locale d’Aruba spécialement autorisée pour ce genre d’activités (une NV ou «Naamloze Vennootschap»). Si on passe obligatoirement par des sociétés locales, il n’est pas requis de faire appel à des administrateurs résidents à Aruba.

Ces entités juridiques «modern style» ont connu un succès important dès leur introduction (plus de 4 000 sociétés de 1988 à 1996) même si ce succès considérable doit être quelque peu relativisé par rapport à celui des îles vierges britanniques (BVI) où on arrive, pour la même période, à un chiffre de 170 000 sociétés!

*Guernesey

Cette île est comprise dans l’appellation d’îles anglo-normandes. Située à 30 km des côtes françaises et 50 km des côtés anglaises.

En 1994, le total des dépôts bancaires atteignait plus de 41 milliards de livres sterling (soit plus de 53 milliards d’euros) auxquels s’ajoutent 10 milliards de livre sterling (soit plus de 12 milliards d’euros) sous gestion locale de 304 fonds d’investissement, l’ensemble occupant plus de 5 300 personnes actives en incluant les compagnies d’assurance et de réassurance captives.

Dans ce domaine de l’assurance d’ailleurs, Guernesey réussit à être à la pointe de l’Europe déjà en 1994 avec 300 compagnies enregistrées et des actifs totaux de 30 milliards de livre sterling (soit près de 40 milliards d’euros) venant au deuxième rang après le leader incontesté les Bermudes, mais bien avant l’Irlande, le Vermont, la Barbade, l’île de Man, le Luxembourg et les îles Caïmans.

Guernesey doit donc en grande partie son développement et sa popularité (allant même jusqu’en Suisse où Guernesey a été depuis longtemps choisi par les banquiers helvétiques comme tête de pont et place financière de choix) à sa spécialisation dans les compagnies d’assurance captives.

Sur ce secteur d’activités spécifiques, les avocats locaux et autres professionnels sérieux sont en relation constante avec les meilleurs firmes d’experts de Londres et d’ailleurs et l’ensemble fonctionne de façon harmonieuse.

Les autres secteurs d’activités financières sont également en pleine expansion (alors que l’île de Jersey commence depuis quelque temps à s’essouffler) ou comme le rapportait un haut dirigeant nationale un secteur «en voie temporaire de saturation».

Si les comptes numérotés sont possibles là-bas, ils se révèlent peu pratiqués et c’est plus les structures «d’ Exempted Company» (société soumise à un abonnement fiscal forfaitaire) et de «Limited Liability Company» (c’est à dire des sociétés limitée par actions ) qui servent de compléments d’activités à côté du secteur de l’assurance.

Dans les faits, Guernesey dispose d’une réglementation financière véritablement particulière, en cela qu’elle joue le rôle d’un paradis fiscal au sens noble du terme……c’est à dire uniquement en matière d’évasion fiscal légal.

Dans un tel contexte, on peut valablement s’interroger sur l’intérêt et les bénéfices que peut en recueillir ce territoire alors que nombre de paradis fiscaux offrent un anonymat plus complet et plus sûr et ce, sans poser autant de conditions de régularité et de légalité pour faire transiter des capitaux par chez eux.

En pratique, cela ne va causer aucun désagrément à Guernesey et les clients ne cessent d’ailleurs de se montrer de plus en plus nombreux vis à vis de cette destination fiscale.

En effet, la politique de Guernesey est par conséquent «d’encourager l’utilisation des mécanismes légaux de transfert et de rapatriement des flux financiers sans attirer d’une part des personnages qui ne seraient que des fraudeurs fiscaux, introduisant dans des schémas illégaux cet élément d’extranéité, et d’autre part de décourager les utilisateurs douteux recherchant uniquement un laxisme juridique non pour être plus libre mais seulement pour réaliser des opérations qui seraient autrement illégales» [1].

Il en résulte ainsi une série de conséquences:

-Une société à Guernesey présente la garantie pour ses contractants qu’un minimum d’attention a été portée sur ses véritables propriétaires et son activité;

-Le ou les véritables propriétaires, ayant défini précisément leurs situations et leurs activités dans le cadre d’une évasion fiscale légale implicitement approuvée par l’organisme responsable de l’autorité financière de l’île, ils sont assurés que celui-ci ne transmettra pas des informations hors le cadre légal, sauf à entamer globalement la crédibilité de l’ Etat de Guernesey;

-Cette politique constitue un strict retour à la notion initiale de «paradis fiscal» lié à l’évasion fiscale internationale légale et non à la fraude ou au transfert d’argent à blanchir.

A côté de cela, Guernesey s’est doté d’une réglementation bancaire inspirée de la convention suisse dite «d’obligation de diligence», établissant qu’en cas d’ouverture d’un compte par une entité juridique étrangère l’ayant droit économique de l’opérations réalisée doit être identifié.

Dans cette optique, l’accord pour qu’une transaction ne se déroule sur le territoire de Guernesey ou ne s’établisse dans une banque nationale, ne sera donné que si l’identité du ou des bénéficiaires final est connu (comme àJersey d’ailleurs). Mais les choses ne s’arrêtent pas là, car, à la différence de Jersey maintenant, une enquête discrète (mais efficace et sérieuse) sera faite sur les noms révélés et la combine consistant à cacher des identités réelles derrière d’autres sociétés, voire des conventions de Trust ou de fiducie, ne sera pas admis. Mieux encore, en cas de changement possible prévu dès le départ (cas des trusts alternatifs), les bénéficiaires probables devront déjà être indiqués et les changements réels à venir être notifiés.

Ainsi, en cas d’indication inexacte, la sanction sera la perte du statut d’exemption donc de l’imposition de la société si intéressante au taux local de 20 %. Guernesey apparaît ainsi comme un des seuls paradis fiscaux qui, à cet égard, non seulement applique des sanctions réelles mais encore soit la plus contraignante pour un client fiscal en touchant à ses revenus et à son porte feuille.

Et ce n’est pas tout; l’accord terminal ne sera seulement donné par l’institution bancaire qu’en fonction de l’identité (et de la nationalité dans certain cas) des ayants droits finaux mais aussi de l’activité envisagée. Si les activités illicites ne seront donc pas acceptées, celles légales mais pas forcément désirées (commerce d’armes ou vente de matériel pornographique….) ne le seront pas non plus.

En outre, sur ce territoire, la législation anti-blanchiment adoptée est beaucoup plus précise qu’en temps normal lorsqu’on a affaire à ces places financières paradisiaques puiqu’est assimilé au blanchiment d’argent, l’utilisation légale d’argent déjà blanchi sur une autre place.

Guernesey constitue ainsi véritablement une exception dans le domaine trop souvent anarchique, déviant et illégalement dévoyé des paradis fiscaux et autres centre off shore.

*Jersey

Elle fait également partie des îles anglo-normandes (avec l’île de Sark et Alderney, «l’autre Guernesey»). Située à 20 km des côtes françaises et 170 km des côtes anglaises, elle comprend une population de plus de 90 000 habitants en 1998.

Elle fut longtemps considérée par les Anglais comme un paradis fiscal pour les particuliers du fait d’un taux d’impôt linéaire maximal de 20 % à la différence des Latins qui s’y intéressaient uniquement pour le régime plus favorable des personnes morales que chez eux.

En fait, de tout temps, elle fut considérée comme un refuge contre le despotismepolitique ou fiscal. Désormais il faut se rendre à l’évidence qu’elle est aujourd’hui victime de celui de l’argent. Bien utile il y a quelques années (une vingtaine d’années, elle était en effet l’un des meilleurs paradis fiscaux), elle semble actuellement quelque peu dépassée en la matière et ne constitue plus en tout cas un «premier choix» pour les touristes fiscaux qui, dans le même esprit, préfèreront sans conteste le Liechtenstein.

Elle conserve pourtant son rôle de place financière et quelques intérêts avec ses structures juridiques particulières (IBC et Exempted Compagnies) et continue de réserver ses principales faveurs fiscales aux personnes physiques ou morales non résidentes en Grande-Bretagne ou n’y ayant pas d’activité.

Le système bancaire est de type anglo-saxon. Il comprend plus de 85 banques internationales (chiffre 1996), la plupart venant de Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Elles sont aujourd’hui habilitées à recevoir des dépôts, ce qui a été facilité par la suppression du contrôle des changes.

Les dépôts dans l’ensemble s’élevaient au total à plus de 64 milliards de livres sterling en décembre 1994 (déjà plus de 94 milliards d’euros) et à 340 milliards de livres aujourd’hui (soit plus de 440 milliards d’euros), dont:

-117 milliards de livres[2] pour le management des fonds d’investissement ou simples dépôts bancaires, dont au moins 10 % appartiennent à des sociétés fiduciaires, c’est à dire que leurs propriétaires sont totalement inconnus;

-90 milliards de livres pour les biens administrésdes clients aisés;

-avec 34 milliards de livres pour l’administration des Trusts

-et près de 100 milliards de livres pour l’administration des Tax Exempt Compagnies.

Raisonnable pour un centre off shore de «second rang»!

De leur côté, les cabinets d’avocats y sont nombreux et sérieux tout comme plusieurs cabinets d’experts comptables.

Là-bas, la création de banques off shore est toujours possible mais désormais soumise à un très sérieux contrôle. Néanmoins les autorités locales sont devenues plus exigentes dans leur choix et n’acceptent plus depuis 1994 que les filiales d'une des 500 premières banques mondiales!

Dans ce territoire, toutefois, tout n’est pas d’une liberté absolue et la grande partie des tractations et transactions qui s’y déroulent sont plutôt assez réglementées. Ainsi, une loi de 1988 instituait déjà en délit «le fait pour toute personne (résidente ou non à Jersey) en relation avec une société (constituée à Jersey ou non) de se trouver en possession d’information sérieuse de prix non publiée, et de faire des opérations sur les titres de cette société» (une sorte de délit d’initié ). Par ailleurs, et pour éviter que Jersey ne se transforme en «blanchisserie», il a été enjoint aux banques territoriales de notifier à la structure compétente de traitement des informations financières tous les dépôts importants d’argent liquide.

Ce qu’il y a d’important à Jersey se résume à quatre remarques et à deux structures spécifiques:

-Si Jersey constitue bien un paradis fiscal, c’est par le fait des sociétés exemptées pour lesquelles il n' y a pas à remettre de compte aux autorités fiscales et ce, contre le paiement d’une taxe forfaitaire annuelle. De plus à Jersey, intérêts et profits tirés de la spéculation des clients de ces banques sont reversés sans déduction fiscale mais sans imposition nonplus.

-Le secret bancaire ne peut être levé là-bas que par décision de justice et dans des cas exceptionnels.

-Les lois qui concernent la fondation de trusts et de sièges d’entreprises sont en réalité faites sur mesure. Il s’agit d’un véritable service gratuit et offert, les banques permettant à leur clients aisés de dissimuler en toute légalité par rapport aux lois en vigueur, des revenus du capital au fisc des pays dont ils sont les ressortissants.

-Attention néanmoins à ce territoire, car il n’existe pas de banque centrale qui puisse venir au secours des banques en cas de menace de banqueroute. Pareillement, il n’y a pas non plus d’assurance- risque garantissant les dépôts des investisseurs. Cela peut faire réfléchir certains particuliers ou sociétés qui viendraient là-bas pour y déposer économies et bénéfices durement gagnés.

-Ce territoire est le siège désormais depuis 1993 de très nombreuses Exempted Compagnies qui doivent disposées d’un siège obligatoirement à Jersey.

Un tel mécanisme permet néanmoins au véritable propriétaire de ne pas apparaître au registre de sociétés, donc d’être ignoré des tiers.

-Jersey connaît également un nombre important de IBC (pour International Business Compagnies. Ce genre de structures représente une société résidente fiscalement parlant, correspondant en fait au statut normal d’une société non résidente mais ayant des activités locales à vocation internationale (voir explications précédemment données).

Pour l’avenir, les estimations sont néanmoins optimistes pour cette place financière tant du fait de l’harmonisation fiscale européenne qui va attirer des capitaux du Luxembourg vers Jersey que du point de vue du commerce électronique qui devrait amplifier l’attrait de ce centre off shore agréable à vivre et moderne en tout point (services bancaires proposés aisément dans le monde entier par le biais d’Internet; contact direct avec les banques de Jersey sans qu’il y ait de trace écrite (les fameux «paper trail»).

En réalité, de telles perspectives dépendront plus, comme c’est le cas pour de nombreuses places financières off shore, de l’évolution de l’attitude de la communauté internationale vis à vis d’elles.

Leur développement prévisible ne sera la résultante pour une grande part que de la passivité et du laxisme des grandes puissances dans la volonté de prendre en main le problème des centres off shore et autres paradis fiscaux. D’après les analystes, si la situation des paradis fiscaux et bancaires prenait encore plus d’ampleur au niveau de la détention de capitaux internationaux, cela pourrait nuire grandement à la stabilité des marchés financiers internationaux

*Gibraltar

Situé dans une région de l’Espagne appelée «la Californie de l’Europe», au point de rencontre de l’océan Atlantique et de la Méditerranée, Gibraltar est un territoire de 2 à 6 km2. Cette péninsule rocheuse comprenait une population de près de 35 000 habitants en 1999.

Juridiquement, Gibraltar est une colonie britannique dotée d’un gouvernement interne, la Grande-Bretagne n’étant compétente que pour la défense, les affaires étrangères, l’équilibre financier et la sécurité. L’économie de Gibraltar (hormis le secteur militaire) est liée principalement à son activité portuaire ordinaire et à celle de port franc.

A côté de cela, l’activité du centre financier était pendant un certain temps en plein développement car Gibraltar tentait alors de s’appuyer sur l’Espagne pour devenir un point de passage économique stratégique.

Gibraltar a d’ailleurs longtemps semblé avoir tous les atouts pour réussir de la même façon que Chypre et s’imposer en tant que plate-forme financière entre l’Europe et le Moyen- Orient; mais le consensus politique qui s’est rétabli dans la zone grecque de Chypre ne semble pas avoir été transposé entre les habitants et le gouvernement de Gibraltar d’une part et les autorités espagnoles d’autres part.

De ces tensions politico-économiques entre entités voisines, Gibraltar en a énormément souffert: voilà en effet que de 27 000 sociétés en 1989 et 42 000 en 1991 pour un territoire d’une superficie seulement de quelques km2 (ce qui est un record), il n’y aurait eu d’après les spécialistes que 25 nouvelles sociétés enregistrées l'année suivante et peu par la suite (ce qui constitue un autre record à la baisse toute catégorie confondue).

Ajouté à cela le manque d’enthousiasme des hommes d’affaire européens pour ce territoire et le fait que Gibraltar soit à la fois le paradis fiscal européen le plus mal desservi (avec la co-principauté d’Andorre mais …en pire) et le plus décentré, vous obtiendrez là tous les ingrédients pour comprendre toutes les difficultés qu’il faudra résoudre pour redorer le blason de cette place financière.

Face à cela, Gibraltar n’est pourtant pas dépourvu d’atouts:

-Ce territoire est ainsi doté du point de vue professionnel, d’avocats et d’experts comptables de très haut niveau qui sont d’ailleurs, en grande partie, par leur compétence, responsables de l’important développement juridico-économique qui semble s’être amorcé depuislors dans ce territoire;

-Sur cette place financière, on trouve également, et c’est ce qui fait principalement son attrait, la possibilité pour une société exemptée (une «Private Company» reprenant ainsi dans une loi de 1983 la législation britannique de 1929) de pouvoir être dirigée et contrôlée depuis Gibraltar, à condition de ne pas y avoir d’activité commerciale locale (comme pour Bahreïn d’ailleurs). Il est également possible de constituer maintenant des sociétés off shore dirigées et contrôlées à l’extérieur de Gibraltar [3];

-Enfin, il est important de faire remarquer que, fort de son statut spécifique à l’intérieur de la Communauté européenne, Gibraltar a crée depuis 1992 un nouveau régime de Holding permettant l’application de la directive communautaire d’exemption de retenue à la source sur les intérêts, dividendes et royalties, ce qui peut être intéressant non seulement pour des fraudeurs ordinaires, des gestionnaires de bon aloi, mais aussi des groupes organisés plus déviants. Ainsi, avec une entité juridique comme la «Qualifying Company», Gibraltar pourrait devenir, comme le prédisent certains analystes, le support idéal à des activités de blanchiment d’argent issues de la contrebande et du trafic de stupéfiants dans le bassin méditerranéen si des changements de politiques sont apportés rapidement.

*St Kitts et Nevis

Ce territoire formé d’une Fédération entre deux îles publia une loi permettant de retenir un système juridique fondé sur le modèle juridique américain du Delaware et sur d’autres systèmes fiscaux plus modernes. Ainsi, il n’y a ni imposition sur les opérations off shore, ni d’obligation de comptes, ni de rapport annuel à produire pour une société. Parmi les particularités très protectrices des Trusts instituées là-bas, on trouve:

-la possibilité en cas de procès de dissocier les transferts frauduleux de la validité du trust qui a néanmoins pu permettre ces tractations;

-le demandeur à un procès contre un trust doit apporter préalablement au dépôt de son action en justice une caution de 250 000 dollars pour garantie de frais de procédures! (cette disposition peut alors faire réfléchir certains plaideurs )

-il a été également décrété que les jugements étrangers n’étaient pas applicables dans la juridiction de ce territoire.

Enfin, il faut souligner la particularité de ce territoire qui permet l’achat de 500 passeports de nationalité au plus offrant (au moins 500 achetés par an depuis 1993 dont plus de 100 par des Russes (évaluation du Groupe Egmont).

*St Vincent et les Grenadines

Paradoxalement, cet archipel de 17 îles peuplées de 120 000 habitants, n’est connu du monde entier par les médias qu’en raison de l’île Moustique fréquentée par la «Jet society». Apparemment, il y aurait ainsi plus de milliardaires sur ce territoire que de véritables clients à la recherche de réseaux de blanchiment ou simplement de circuits d’évasion fiscale. Ainsi, Ce sont plus des affaires de gestion de patrimoine ou de simples dépôts de fonds à long terme que des transferts rapides de capitaux qui semblent réalisés là-bas.

*Bahreïn

Cet Etat représente un archipel de 33 îles s’étendant dans le Golfe Persique, à l’intérieur d’une sorte de «havre géographique» formé par la côte d’Arabie Saoudite et l’émirat du Qatar.

Sa population atteignait en l’an 2000 plus de 700 000 habitants.

Il n’y a pas officiellement de puissance protectrice à ce pays, mais il est incontestable que l’Arabie Saoudite et les émirats proches (et donc indirectement les Etats-Unis) peuvent constituer de telles «autorités de tutelle».

Concernant sa desserte aérienne, Bahreïn est l’un des pays les plus actifs du Moyen Orient, dû notamment à sa position géographique privilégiée au sein du monde arabe «riche», avec près de 25 lignes aériennes prévues et plus de 3 millions de passagers/an.

A propos de sa structure bancaire, depuis un décret de 1973 ayant crée les «off shore Bank Units», c’est à dire les banques off shore connues sous l’abréviation OBU, plus de 80 banques off shore se sont constituées dans ce pays, dont près de 60 ont continué leur activité, s’ajoutant aux 19 banques commerciales locales (dont 16 sous contrôle étranger) (données de 1996). En fait, la tendance internationale serait de considérer actuellement Bahreïn comme «une sorte de porte-avion financier du Moyen Orient».

Au début des années 1990, les dépôts en banque s’élevaient déjà à près de 730 milliards de dollars, dont approximativement 500 milliards provenaient de pays arabes et 130 milliards d’Europe de l’Ouest. A la suite de la guerre du Golfe, la moitié au moins de ces dépôts ont été retirés de la place financière. On imagine alors ce que pourrait donner un retrait de 50 % des dépôts bancaires en Suisse ou au Luxembourg!

Depuis, les affaires se remettent peu à peu en marche, mais il faut remarquer que ce redémarrage n’est rendu possible que par la renaissance très lente du Liban, voisin et concurrent très important de Bahreïn. En réalité, si le Liban, bénéficiant d’une diaspora aussi dispersée que cultivée et intelligente, rejaillit trop rapidement de ses cendres, Bahreïn ne restera qu’une place financière de second rang. En revanche, si la renaissance du Liban est plus longue que prévue, Bahreïn aura le temps de se restructurer et les deux Etats seront alors en véritable concurrence.

Dans ce pays en tout cas, il n’existe pas de protection légalisée du secret bancaire, mais c’est la tradition coranique et l’expérience anglo-saxonne des banquiers qui fondent ce précepte.

A l’inverse, il n’y a pas non plus de texte tendant à la levée du secret bancaire ou de conventions internationales pouvant avoir de tels effets.

La loi de Bahreïn prévoit la possibilité de création d’entités de types juridiques divers, mais l’intérêt réside toutefois dans les «Bahreïni Exempted Joint Stock Company» (ou BEJSC). Bahreïn est d’ailleurs devenu un véritable paradis fiscal en 1978 par la création de ces entités juridiques qui ont pour règle principale de ne pas devoir détenir de biens immobiliers à Bahreïn, ni d’y avoir une autre activité locale.

L’entité économique traditionnelle utilisée est la «Sharikat Musahmah Muqfalah», c’est à dire une société anonyme avec actions nominatives et contrôle privé qui va fonctionner comme une BEJSC et ne sera redevable d’aucune imposition.

Si la «Sharikat Musahmah Muqfalah» est ainsi devenue une structure très utilisée et de grande qualité pour le commerce avec les émirats, c’est également en tant que simple société de commerce la plus chère entité juridique du monde. L’expérience montre en effet qu’en dehors des droits stricts fixés par la loi (déjà très élevés) le coût total d’une création de société de ce type approche les 100 000 dollars, ce qui est un record pour l’équivalent local d’une SARL ou d’une «Private Limited Company».

Le résultat en pratique est d’ailleurs assez curieux puisque ce sont souvent des résidents des émirats qui utilisent ces sociétés de Bahreïn pour travailler avec l’Europe ou les Etats-Unis et très peu l’inverse. Question de culture sans doute, de terminologie ou ….de sous.

*l’île de Man (lieu de «l’heureuse et de l’apparente indolence»)

Située en mer d’Irlande, dans un triangle formé par l’Angleterre, l’ Ecosse et l’Irlande, l’île de Man comprend une population de plus de 65 000 habitants (données 1996).

Naturellement, la Grande-Bretagne se présente incontestablement comme puissance protectrice de l’île de Man.

Ce territoire a connu récemment un développement bancaire important et il y avait plus de 60 banques en activités en 1996

( 53 banques référencées selon le New York Times en 1999)

dont 45 banques complètes et plus de 15 ayant des activités en finances purement off shore, plus 21 Trusts Companies.

A ces banques et Trusts Companies s’ajoutent 99 fonds mutuels de placement et des compagnies d’assurance et de réassurance captives.

Au final, l’ensemble du secteur financier employait déjà fin 1994 plus de 35 % de la population active de l’île.

Les raisons du développement de l’île de Man en tant que paradis bancaire sont proches de celles ayant amené le développement de Jersey et Guernesey, toujours sous la conduite des autorités anglaises. En théorie, tout le monde peut constituer de façon totalement anonyme une société dans l’île de Man, comme au Panama d’ailleurs.

Comme souvent, il y a néanmoins une marge importante entre théorie et pratique.

Ainsi la seule hypothèse où un cabinet d’avocat reconnu de l’île de Man acceptera de constituer une société totalement anonyme est celle où la «commande» viendra d’un avocat, d’une part internationalement connu, et d’autre part reconnu à ce titre (et pour sa fiabilité) dans l’île de Man [4] .

En fait, on va trouver sur place, à côté de sociétés non résidentes (ne devant pas avoir d’activités locales mais astreintes au paiement d’une taxe forfaitaire annuelle de 600 £ en 1996), des «International Companies» (dans le style de Jersey et Guernesey) et un nouveau style d’«Exempt Company» qui a toujours la côte actuellement, puisque sur 11 000 entités juridiques constituées, 5 000 en font partie.

Néanmoins et assez curieusement pour ce territoire qui apparaît comme un paradis fiscal de qualité, l’île de Man s’est également dotée d’une loi spécifique anti-paradis fiscaux visant les cas ou ce type d’activité off shore pourrait nuire aux intérêts locaux.

*les îles Vierges britanniques (ou BVI )

Les îles Vierges Britanniques, souvent désignées sous l’abréviation anglaise «BVI» se composent d’une soixantaines d’îles. Elles sont situées approximativement à 80 km de Porto Rico et leur population totale approche les 17 000 habitants (données de 1996).

La cohésion sociale sur ce territoire est solidement maintenue par un PNB atteignant 10 500 dollars par habitant ce qui est plus que correct pour la zone Caraïbes, avec une évolution très ascendante due au tourisme fiscal.

A ce sujet, il n’y a plus aujourd’hui de pirates aux îles Vierges mais seulement des «International Business Corporations» (ou IBC) y recherchant un «havre de grâce» pour les naufrageurs …du fisc international.

En effet, ce lieu est d’ailleurs désormais considéré comme le must de la localisation de ces IBC: 300 000! en 1999 (source New York Times: 58 000 sociétés fin 1991, + 32 000 en 1994, + 40 000 en 1995) dont la réglementation a été édictée par une Business Company Ordonnance de 1984 qui créait un régime de sociétés proche mais amélioré de celui des sociétés panaméennes.

Désormais les recettes des IBC fournissent à elles seules 50 % du budget de l’ Etat dès 1995 en dehors des autres recettes fiscales et douanières.

A cette même période, on en arrivait déjà au chiffre record de 10 personnes morales résidentes pour une personne physique, laissant ainsi loin derrière les îles Caïmans (deux personnes morales pour une physique en 1995) et les professionnels du Liechtenstein (avec seulement 70 000 entités juridiques constituées).

La situation politique des BVI est à l’échelle de cette image qui a fait alternativement qualifier par les professionnels cet heureux archipel de «Discret Tax Haven» ou encore de«Belle au bois dormant» des paradis fiscaux.

En réalité, l’intérêt comme paradis fiscal de ces îles, vient principalement du fait qu’il s’agit non pas d’un «no Tax Haven» mais d’un «Low Tax Haven», c’est à dire d’un paradis fiscal avec des impôts faibles permettant d’utiliser avec avantage des conventions sur les doubles impositions, notamment avec les Etats-Unis et le Danemark.

Ainsi, les BVI sont en fait un pays de basse imposition où en règle générale, les sociétés sont imposables sur les bénéfices au taux de 15 % seulement. L’IBC est, quant à elle, exemptée d’impôt sur les sociétés. Un droit de formation est néanmoins demandé, aux alentours de 300 à 1 000 dollars par société constituées.

Concernant le système bancaire local, il existait en 1996 une dizaine d’institutions financières dont 4 internationales (sans doute beaucoup plus aujourd’hui) comme des Trusts compagnies. Auparavant, ce territoire avait développé un type de banques appelé «paper banks», mais une législation bancaire sérieuse devenait ensuite nécessaire.

Dans ces îles, il semble néanmoins qu’il n’y ait pas de législation propre relative au secret bancaire.

Les comptes numérotés sont éventuellement envisageables quoique apparemment peu utilisés.

A ce jour, il semble que les BVI n’aient pas véritablement de puissance protectrice très efficace et que leur protection ait longtemps résulté de leur seule discrétion ce qui ne devrait plus durer avec une telle expansion.

*la Polynésie française

Ce territoire, composé de 130 îles, s’étend sur une étendue aussi vaste que celle de l’Europe et comprend une population de 200 000 habitants

(données de 1996).

La principale source de richesse, en dehors des subventions abondantes de la France, est le tourisme. L’administration locale a d’ailleurs tenté de mettre en place de nouveaux programmes de développement afin de rendre l’économie régionale moins dépendante des aides massives de la métropole.

En fait, la Polynésie française se situe vis à vis de la France comme un T.O.M (comme St Pierre et Miquelon et la Nouvelle Calédonie); c’est à dire qu’un tel territoire ne fait pas partie du territoire douanier français, à la différence d’un département mais il entre dans le cadre du contrôle des changes français à la différence d’une Etat étranger.

Ainsi, le résident d’un TOM n’est pas soumis à la fiscalité française et est traité dans certains cas comme un étranger quant aux avoirs dont il dispose en France.

A côté de la question du pavillon de complaisance qui ne semble n’avoir jamais été évoquée, l’idée de transformer la Polynésie française en un paradis fiscal structuré (sociétés, banques, assurances, holdings…) était un idée intéressante qui n’a jamais également été mise en œuvre, par manque d’efforts et de bonne volonté semble-t-il.

Il y a une vingtaine d’années en effet, certains hommes politiques et économistes nationaux avaient pensé pouvoir réaliser un tel projet. La Polynésie aurait alors été sans conteste le premier paradis fiscal complet ce qui aurait pu dans le même temps, par une législation bien maîtrisée, contenir l’évasion fiscale francophone. Le fait qu’aujourd’hui les flux financiers passant par les paradis fiscaux sont de l’ordre de plus de 50 % des transactions internationales mondiales (moins de 5 % en 1975), semble démontrer les errements de nos gouvernements dans ce domaine qui ont conduit à ne rien entreprendre. A la place a été créé, sans doute par bonne volonté, une «population plutôt d’assistés» dont la France se charge en dépêchant sur place des assistants non productifs (une sorte de tonneau des Danaïdes qui se vide régulièrement).

Ainsi, il est évident que la puissance protectrice de ce lieu se trouve être la France, mais peut être devrait-on parler comme il est cité dans le dictionnaire Chambost, plutôt en terme de «vache laitière de moins en moins motivée».

Cela a fait dire qu’en Polynésie, on ne récolte pas du pétrole …..mais des subventions.

Sur place, pourtant, on trouve un nombre satisfaisant de banques d’affaires et de dépôts, mais cela n’est rien en comparaison de ce qui aurait pu s’y développer si la France avait pris le pari d’y développer son industrie bancaire licite de manière effective.

Là-bas, il n’y a pas d’impôt sur le revenu, ni d’impôt sur les plus-values ou d’impôts sur la fortune et sur les successions. En fait ne subsiste qu’une imposition genre CSG (appelée CST) et un impôt progressif et par tranches sur les transactions effectuées localement.

Il n’y a pas néanmoins de législation propre au secret bancaire et la situation de la Polynésie sur ce plan est proche de celle de la France (un système juridique identique), avec une certain indolence toutefois locale peu habitué au secret.

Les traités internationaux signés par la France ne sont pas automatiquement applicable à ce territoire, ce qui met d’ailleurs ce pays dans une situation juridique presque identique à celle des îles Caïmans, bien que celles-ci soient restées une colonie britannique.

*Turks et Caïcos

Situés à 90 km de Miami et à 140 km de Haïti, les îles Turks et Caïcos sont composées de 40 îles comprenant une population totale de plus de 13 000 habitants (chiffre datant de 1996).

Ces îles ont opté pour le statut de colonie britannique (comme les îles Caïmans) ce qui fait que la Grande-Bretagne continue à accorder incontestablement sa protection à ce territoire.

Pendant longtemps, ce territoire, bien desservi par un aéroport international et de nombreux autres plus locaux, a été l’objet de trafics en tout genre, de provenance et de destination indéterminées et plus spécifiquement de trafic de cocaïne.

Aujourd’hui, beaucoup de gens sérieux semblent continuer à s’intéresser à ces îles.

Elles seraient ainsi devenues un paradis fiscal connu et réputé comme un des hauts- lieux des IBC (près de 10 000 entités juridiques en Août 1994, soit près de un habitant pour une société enregistrée! ) mais n’ont, à côté de cela, aucune autre activité de banque off shore.

En effet, les autorités ont fait publier en 1990 une loi sur les banques off shore déclarant ne pas souhaiter l’implantation de «banques captives» car il semblait déjà en avoir suffisamment aux Bahamas et aux Caïmans.

En fait, ce territoire mise tout son développement sur cette tranche d’activités fiscales, activité qui est toujours en pleine expansion depuis 1990 (1 000 société en 1991 et 1 713 autres constituées en 1993) même si une publicité agressive n’est pas réalisée par les autorités locales afin de ne pas transformer le pays en «machine à imprimer des sociétés».

Là-bas pourtant, le secret bancaire est aussi jalousement protégé par une législation qui se veut concurrente de celles des îles Caïmans et du Costa Rica par les sanctions pouvant être encourues en cas de violations ( peines d’emprisonnement et fortes amendes).

Concernant les entités juridiques locales, la constitution d’une société sur place n’est vraiment pas un problème puisqu’elle peut par exemple se réaliser en une heure de temps pour une «Exempted Company». La société n’a ainsi pas de comptes à remettre aux autoritéslocales mais simplement un fois par an une déclaration indiquant que ses activités sont exercées «principalement» en dehors de ces îles.

A côté de cette sorte d’entreprise particulière, on trouve également des «Approved Entreprises» concernant des «investisseurs» et des «entrepreneurs».

Pour bénéficier de cette législation des plus laxistes, il faut néanmoins:

-investir au moins 500 000 dollars dans une entreprise approuvée par les autorités en place, -apporter la preuve que le propriétaire entend faire des îles Turks et Caïcos son principal «home»

-et démontrer que la nouvelle entreprise aura un effet bénéficiaire et substanciel sur le développement économique et social de l’île

Il convient d’ajouter que ce territoire dispose d’une législation souple sur les banques et compagnies d’assurances captives et qu’une nouvelle législation concernant les LLC a été adoptée courant 1996.

Fiscalement, les îles Turks et Caïcos, comme d’ailleurs les Bahamas ou les Caïmans, ne sont liées par aucune convention internationale (sauf changement majeur intervenu depuis 1998). Les personnes physiques n’y sont pas maltraitées puisqu’il n’existe aucune forme d’imposition sur le revenu, les plus-values, les successions….

Néanmoins là-bas, même si les règles d’immigration ont été longtemps caractérisées par une grande souplesse à la différence des Bahamas, les choses ont récemment changé ce qui donne une situation assez confuse, instable et peu encourageante au final (changement nombreux en peu de temps concernant les modalités pour devenir ressortissant).

Apparemment, les autorités politiques de ces territoires ont pris conscience que le principal attrait de leur pays est le laxisme juridique et le fait qu’à peu près n’importe qui (disposant toutefois de capitaux en nombre) puisse s’y établir librement, sans payer d’impôt.

Néanmoins, les gouvernement successifs peuvent paraître un peu trop rêveur parfois, ce qui n’est jamais viable en ce domaine, lorsqu’ils misaient sur une population doublant en l’an 2000 avec des conditions d’obtention de nationalité plus drastiques d’années en années.

Certains pensent qu’avec une concurrence aussi acharnée que celle existant aujourd’hui entre paradis fiscaux et centres off shore, les îles Turks et Caïcos avec l’évolution instable de leur législation, pourraient être prises comme la «tête de turc» des paradis fiscaux.

*les Antilles néerlandaises

Les Antilles Néerlandaises se composent de 5 îles divisées géographiquement en deux groupes:

-Bonnaire et Curaçao situées à 50 km des côtes du Venezuela

-Saba, St Eustache et Saint Martin à l’est de Porto- Rico,

mais elles peuvent être utiliséesséparément les unes des autres sans aucun problème.

La population totale de ce territoire se compose d’environ 190 000 habitants (données de 1996).

Ces îles tirent leur originalité de ce qu’on a appelé depuis plusieurs années les «Dutch Sandwich» regroupant les holding et super holding installées sur place.

En réalité les Pays-Bas ont pu fort adroitement adapter et renforcer «l’habillage» de leurs anciennes possessions des Antilles afin de les utiliser au mieux, recevant ainsi également l’appui tacite de la Grande-Bretagne qui a joué le même jeu avec ses anciennes colonies.

Comme pour les holding autrichiennes, le problème qui se pose alors pour les clients, bons gestionnaires, fraudeurs ou organisation criminelle à la recherche des meilleurs placements ou des réseaux les plus efficaces de circulation financière en vue de blanchire leurs revenus, est celui de la retenue à la source au stade de la redistribution des dividendes qui ampute là-bas en fait assez largement les sommes investies.

En matière de structure juridique de holding, les investisseurs et financiers pourront hésiter entre la «Naamloze Vennootschap» (ou NV, identique à une société anonyme) et la «Besloten Vennootschap met beperkte aansprakelijkheid» (ou BV, équivalent néerlandais de la SARL dans laquelle les actionnaires ne sont responsable qu’à hauteur de leur apport en actions).

Pour les deux entités, une procédure d’agrément est prévue non seulement par une identification du fondateur, mais encore à l’aide de références bancaires de moralité et de solvabilité.

La principale différence est que la BV n’est pas obligée de déposer ses comptes et rapports financiers, sauf si elle exerce une activité de banque ou d’assurance

Dans cette optique, jusqu’en 1980 les étrangers non résidents aux Etats-Unis n’étaient pas imposés sur les plus values réalisés lorsque le revenu de leur investissement constituait un revenu passif (un «passive income»). Ainsi:

-lorsqu’un étranger non résident achète un terrain et, quelques années après, le revend avec un bénéfice, l’investissement n’ayant pas été actif va échapper à l’imposition sur les plus-values. -Si en revanche, le même investisseur utilise le terrain à sa convenance, la plus-value devient alors imposable.

La retenue néerlandaise de droit commun appliquée dans ces territoires au moment de la ressortie des dividendes est de 25 % (le même taux qu’en Autriche), ce qui n’est pas flatteur en comparaison de 0 % pratiqué en Grande Bretagne et en Hongrie.

Des arrangements peuvent être néanmoins réalisés avec les Antilles Néerlandaises, la retenue pouvant être réduite à 7,5 % ou 5 % suivant certaines conditions.

En dehors de ces sommes à débourser à ce moment précis, il faut ajouter les 10 % de bakchich d’usage dans la pratique nationale afin d’éviter d’être très mal vu dan le monde des affaires locales.

Aujourd’hui, il paraît incontestable que les Pays-bas fassent l’objet de pressions internationales concernant les exemptions d’impôt sur les sociétés holdings. Cette pression d’origine communautaire et également américaine, a abouti en juillet 1993 à la présentation d’un projet de réforme constituant une loi anti-paradis fiscaux.

Néanmoins, à côté de cela, d’autres lois ont été votées renforçant par exemple la possibilité de création de multi- holding (holdings partagés par des groupes financiers indépendants où aucun n’est majoritaire) de la même manière qu’il existe des multi-captives de réassurances. En outre, ce territoire dispose de plus de 70 conventions signées par les Pays-Bas et applicables là-bas.

Au final, à force de vouloir ainsi jouer au paradis fiscal ….qui n’est pas un paradis fiscale….mais pourrait le devenir, il devient risquer d’investir dans ce pays, autant du fait de la complexité de son système financier et bancaire que des revirement successifs des différents gouvernement, ne fixant pas ainsi une législation des plus claires et des plus stables.

*Nauru (le commencement de la fin)

Cette île est située au centre du bassin pacifique, à mi-chemin entre Sydney au Sud-Ouest, Hawaï au Nord-Est, Auckland au Sud et Tokyo au Nord. Sa population se compose de quelques 10 000 habitants. Le PNB par habitants est très difficile à chiffrer car il varie suivant les études et les auteurs d’un minimum de 6 000 $ à près de 22 000 $ .

Nauru dispose de sa propre compagnie aérienne qui a pour destination l’Australie, le Japon, et HongKong deux fois par semaine. Elle n’a pas de puissance protectrice en dépit de ses anciens liens avec l’Australie.

Le système de Nauru n’est pas particulièrement développé puisqu’elle ne dispose que d’une seule banque. En apparence, elle a semblé se diriger vers la constitution de pures «Paper Banks» (banque «boîte aux lettres») ce qui peut constituer une dérive dangereuse si le processus n’est pas totalement maîtrisé (à la différence des îles Cook et des Western Samoa qui ont renoncé à une telle politique).

D’ailleurs, la Nouvelle Zélande, entre les risques (faibles) de pollution atomique de Mururoa et ceux (très forts) de pollution financière de Nauru, commence d’ailleurs à ne plus apprécier ces derniers et ces activités très spéciales.

Dans ce territoire, une loi de 1975 prévoit un secret bancaire qui a été renforcé par l’absence de contrôle des changes, de fiscalité et de conventions internationales prévoyant des échanges d’informations. Là-bas, des comptes numérotés peuvent être sans problème utilisés.

A Nauru existent trois sortes d’entités juridiques:

-le Trust,

-la Trading company (société de commerce),

-et la Holding Company.

Ces sociétés doivent obtenir un «certificat d’incorporation» pour que la société soit constituée. Or, il ne peut être accordé que pour un an renouvelable, bien entendu avec la condition de payer chaque année des droits de constitution s’élevant à 250 $ australiens, sous peine de radiation de la société au registre nationale.

Il s’agirait ainsi d’une méthode d’imposition déguisée, fixe et annuelle.

Au final, l’évolution de Nauru ne semble pourtant pas encourageante du point de vue honnêteté de la place financière et des transactions qui s’y déroulent (ce territoire est d’ailleurs largement soupçonnée d’avoir joué un rôle clef dans le transfert de 7 milliards de dollars de la mafia russe vers la Bank of New York).

Actuellement, elle continue néanmoins à se classer parmi les paradis fiscaux les plus actifs du moment (400 établissements constitués sur 24 km2 avec plus de 70 milliards de dollars en dépôts).

*les Bermudes

Les Bermudes sont un archipel de 140 îles situé à 1 000 km de New York (1h30 d’avion seulement). Avec 60 000 habitants, on y trouve plus de 9 500 sociétés immatriculées dont

1 500 dans le secteur des assurances, 10 000 IBC et 37 trusts (sources New York Times 2000), ce qui, au final, ne doit plus étonner ceux qui connaissent la réputation de ce paradis fiscal si accueillant pour les capitaux flottants du monde entier.

En 1994 déjà, les Bermudes étaient le leader incontesté en matière de localisation des compagnies d’assurance et de réassurance captives avec près de 42 milliards de livres sterling gérées ( soit près de 55 milliards d’euros) UNIQUEMENT en matière d’assurance.

A côté de cela, le meilleur client des Bermudes est certainement les Etats-Unis, les investissements directs américains effectués dans ce pays sont passés de 200 millions de dollars en 1968 à 7,2 milliards de dollars en 1978, ce qui représente une augmentation de 36 fois plus, principalement due aux sociétés captives et ce qui n’est pas prêt de finir.

A ce sujet, il est important de remarquer que si les Bermudes restent une colonie britannique, les Etats-Unis en sont la véritable puissance protectrice des Bermudes, qui sont d’ailleurs une importante base militaire américaine.

Aujourd’hui, les Bermudes ont toujours le vent en poupe, que ce soit vis à vis des investisseurs américains ou ceux venant d’Hongkong (flux financiers courants et relations traditionnelles juridiques entre les deux places financières: sur 454 sociétés cotées en 1992 à la bourse de Hongkong, 175 (presque 40 %) étaient des «Exempted Holding Companies des Bermudes»).

D’ailleurs, les Bermudes font partie des pays «très riches» avec en 1992, 25 000 dollars US par habitants ce qui les met en tête des paradis fiscaux de la zone Caraïbes, bien avant les pourtant très riches Caïmans et les Bahamas.

Concernant le système bancaire local, il faut noter 4 grandes banques (en 1996) plus 25 trusts depuis une loi de 1991. Les plus grand cabinets d’avocats et d’experts y sont présents ou représentés.

Sur la situation fiscale en elle-même, les Bermudes constituent un paradis fiscal pour personnes physiques et personnes morales mais aussi pour personnes morales spécialisées, à savoir les compagnies d’assurances captives.

Là-bas, la tradition du secret bancaire existe par la reprise de la tradition juridique britannique, mais il n’y a pas de loi précise sur le secret bancaire.

Pour les personnes physiques ou les personnes morales classiques, il n’y a pas plus d’obstacles particuliers que dans les paradis fiscaux similaires tels que les Bahamas.

Une remarque particulière doit être cependant faite concernant les compagnies d’assurance captives, à savoir que 85 % d’entre elles se trouvant aux Bermudes, sont d’origine américaine.

De plus, il est possible aux Bermudes de trouver un phénomène de «multi-captive ou de «rent a captive», c’est à dire la possibilité que plusieurs sociétés se groupent pour réassurer leur risque.

La spécialité dans cette place financière est aussi les «Exempted companies» (ou sociétés exemptées) qui, tout comme les personnes physiques, n’ont aucune imposition à acquitter, bénéficiant ainsi d’une garantie gouvernementale en matière de fiscalité.

Sinon, les Bermudes ne sont liées par aucune convention , sauf un traité avec les Etats-Unis en vue d’échanges d’informations en matière «criminelle».

*le Costa Rica

La république du Costa Rica qui possède une population de 3,6 millions d’individus (en l’an 2000) est située entre le Nicaragua et la république de Panama et est baignée à la fois par l’océan Pacifique et la mer des Caraïbes.

Cette situation au milieu du continent américain fait du Costa Rica une base idéale pour le commerce avec l’ensemble des nations américaines.

Des liaisons aériennes sont assurées quotidiennement avec Mexico, Miami, L.A, et deux fois par semaine avec Amsterdam et Madrid (sources datant de1996)

Au Costa Rica, les banques sont obligées par la loi de maintenir un secret absolu au sujet des opérations de leurs clients, sauf pour les opérations normales qui sont portées à la connaissance de la Banque centrale, mais ne sont transmises alors à aucune autre agence gouvernementale y compris la direction des impôts.

Les comptes bancaires sont donc inviolables et les banques ne peuvent donner d’informations que sur la demande ou avec l’autorisation écrite de leur titulaire ou sur ordre d’une autorité judiciaire compétente…l’examen des comptes bancaires par les autorités fiscales étant rigoureusement interdit dans ce pays.

D’ailleurs, la violation de ce secret entraîne la possible sanction d’incarcération et de forte amende, comme dans certains autres centre off shore (présence donc de «blocking laws»).

Concernant les structures juridiques locales, on trouve différentes catégories de personnes morales, dont la plus couramment utilisée est la «Sociedad Anonyma» ou société anonyme qui subit localement une réglementation des plus formelles.

En effet, ces sociétés doivent soumettre seulement aux autorités fiscales un bilan annuel sommaire dans lequel il n’est pas nécessaire de faire apparaître les opérations off shore! Néanmoins, à la différence des sociétés panaméennes, les sociétés du Costa Rica doivent avoir un siège social qui, au demeurant, est souvent fourni par le cabinet d’avocat qui a procédé à leur constitution.

La demande d’admission au statut de pensionnaire ou investisseur pour les personnes physiques consiste juste en la présentation au consulat costaricain du pays de résidence, d’un passeport en cours de validité, des justificatifs bancaires établissant le niveau de revenu et d’un extrait de casier judiciaire vierge, comme dans d’autres paradis fiscaux en somme.

Mis à part cela, la seule obligation autre, fort minime au demeurant, sera de faire précéder ou suivre le nom de la société par l’équivalent en langue locale de la mention «Société anonyme» ou de son abréviation.

Sinon, concernant le prix du permis de séjour, il est des plus minimes puisqu’il est fixé à

1 000 dollars pour les entreprises et 600 dollars pour les particuliers, soit sans équivalent avec les 2 millions de dollars demandés aux Bahamas!

A côté de cette réglementation laxiste, il n’y a aucune taxation pour toutes les opérations off shore réalisées là-bas. Ne sont donc taxées que les opérations bancaires réalisées sur le territoire national.

Enfin, il est important de remarquer que ce sont les Etats-Unis qui semblent constituer la puissance protectrice de ce pays qui, avec plus de 300 millions de dollars en 1996, était à l’époque le pays recevant l’assistance américaine la plus importante par habitants après Israël.

Sans oublier quelques autresterritoires ou Etats:

-Anguilla

(un des paradis fiscaux les plus adaptés aux technologies juridiques de pointe, tel un système informatique relié à Internet permettant 24h sur 24 de constituer une société en 30 secondes!

Se trouve située, proche de St Martin et peu éloigné de St Kitts et Nevis, dans un lieu de passage stratégique, elle dispose de législations récentes sur les trusts, copiée à partir de lois de Belize datant de 1992, de celles des «Trading companies off shore» provenant des BVI et des Bahamas).

-Macao

(surtout réputé pour son port franc, sans quotas, taxes et droits de douanes;intégration à la Chine depuis 1999 avec dualité de systèmes économiques en place; dispose de l’aéroport proche de HongKong pour développer ses activités financières off shore: société anonyme, SARL portugaise copiée sur l’ancien modèle français; en fait à la limite du paradis fiscal puisque l’imposition varie suivant le type d’activité (imposition pouvant aller jusqu’à 15 %).

-les Canaries

(paradis fiscal sous protectorat espagnol avec incitations aux créations d’entreprise et établissement d’un système de sociétés off shore imposées au taux de 1 % sans retenue à la source pour les non européens sauf exception espagnole et d’autres…).

-Montserrat

(havre de paix situé à 65 km au nord de la Guadeloupe et permettant l’utilisation d’une législation de type IBC sur le modèle des BVI, donc sans imposition pour les opérations off shore; depuis 1991, a été établi en complément, un système de banques off shore assez développé).

-la Barbade

(ne pas confondre avec Antigua et Barbuda) qui comprend 300 000 habitants en l’an 2000, offre un système financier varié avec 40 banques, 360 sociétés d’assurance et 3 800 IBC et FSC (sociétés de droit américain)-source New York Times 1999, avec une législation de 1960 remaniée en 1991.

On pourra noter que la Barbade s’est dotée d’une loi sur le secret bancaire assortie de sanctions pénales et de deux séries de lois concernant l’établissement et le fonctionnement de banques captives (Off shore Banking Act) et de compagnies d’assurance captives (Exempt Insurance Act).

-Oman

(il faut tout d’abord retenir que ce pays comprend 2,4 millions d’habitants en l’an 2000 et est entouré par l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes unis et le Yémen. Il souffre beaucoup de la forte concurrence de Bahreïn dans la région pour développer sa place financière. A part cela, et pour simplifier la situation, on retiendra seulement que «Oman n’est pas l’île de Man», comme le faisait remarquer à juste titre Edouard Chambost dans son ouvrage).

-Belize

(11 000 IBC de type de celles qu’on peut trouver dans les BVI – source New York Times 1999).

-les Philippines

(avec une population de plus de 80 millions d’habitants, ce n’est pas un paradis fiscal en soi mais plutôt un territoire sur lequel a été établi une législation sur l’implantation sans imposition de bureaux de direction pour les sociétés; cela semble bien fonctionner avec les Etats-Unis).

-la Tunisie (il ne s’agit là aussi pas d’un paradis fiscal mais d’un pays offrant des incitations et des avantages pour les entreprises souhaitant s’y installer).

-l’Ingouchétie constitue une région très montagneuse formant un lieu de refuge traditionnel, située au nord du Caucase et au sud de la Russie, entre la Tchétchénie et l’Ossétie. En ayant constaté l’afflux des Russes vers Chypre et vers la Suisse à un moindre niveau, les dirigeants locaux ont décidé de transformer leur République en «zone off shore» en 1994. Certes, la proximité de la guerre avec le voisin tchétchène n’a pas permis un grand développement de ce territoire au niveau financier, mais il n’en demeure pas moins le premier phénomène d’apparition dans l’ancien bloc soviétique d’une structure évoluant vers la notion de paradis fiscal.

-la Nouvelle Zélande (avec 3,8 millions d’habitants en 2000, elle est considérée comme une des meilleures domiciliations pour les comptes, ceci par suite des exemptions d’impôts et d’une réglementation des comptes très favorables aux déposants).

-le Delaware (Etat américain réputé pour la souplesse et le caractère moderne de son système juridique à l’égard de toute société de commerce….des lois libérales promulguées dans le seul but d’attirer à soi des sociétés étrangères car empêchant par exemple toute obtention de renseignements sur les sociétés installées).

-Djibouti (le seul paradis fiscal francophone, issu de loi datant de 1980 et disposant également d’une zone franche. Le problème est que là-bas, l’avenir comme le présent ne sont pas garanti ce qui pose quelque inconvénient pour des clients privilégiant le transport et l’utilisation de leurs capitaux en toute sécurité).

-Brunei

ce qui fait la particularité de ce pays est la situation inverse de ce que l’on trouve habituellement dans les autres paradis fiscaux.

En effet, il a été souvent fait usage de privilège fiscaux ou de non imposition pour attirer des capitaux afin de pallier aux manques de ressources du pays d’accueil.

Là-bas, il y a toujours tout ce qu’il faut sur place et le fait de pratiquer des règles d’imposition bien spécifiques n’est pas réalisée dans le but d’attirer de nouveaux capitaux. En l’espèce en effet, l’activité de paradis fiscal au Brunei est très accessoire et n’est cité que pour le particularisme, le pays disposant suffisamment de ressource pour adresser une allocation mensuelle à tous ces habitants (aucun impôt n’est donc jamais perçu).

-l’Afrique du sud

-Cuba,

-Miami,

-St Barthélemy (un paradis fiscal en «coma dépassé» ou un «centre off shore zombie»)

-Tanger,

-la Turquie ,

-les US Virgin Islands…

b) Des Etats- Nation en pleine dépendance

*Le Liechtenstein

Ce micro- Etat transalpin de 160 km2 qui est situé entre le nord-est de l’Autriche et le sud-ouest de la Suissecomprend 33 000 habitants (source New York Times 1999 et Le Monde août 2001). Le PNB par habitants est de 37 000 $ ce qui fait de cet Etat lilliputien le 4ème pays le plus riche du monde!

Le Liechtenstein dispose ainsi, non seulement d’une industrie dynamique mais surtout d’un secteur bancaire perfectionné, à la pointe de la modernité, ce qui attire d’autant les fortunes du monde entier.

Pendant longtemps, la Principauté a vécu, sinon au-dessus de tout soupçon de scandale financier, du moins à l’abri des regards indiscrets et dans l’indifférence de ses voisins. Néanmoins, traditionnellement, le Liechtenstein jouait le rôle de paradis fiscal de la Suisse (dans ce contexte, la Suisse peut se présenter comme sa puissance protectrice depuis bien longtemps) dans une situation qui n’est pas sans évoquer la relation existant entre la France et Monaco.

Rien ne devait donc déranger cette prospérité. D’ailleurs, du fait de la petitesse du territoire, elle ne connaissait pas les formes habituelles de crime organisé comme le trafic de drogue ou le transport d’immigrés clandestins.

Pourtant en 1999, un rapport des services secrets allemands (la BND) dénonce la présence de «clans latino-américainsde la drogue, de mafias italiennes et de groupes criminels russes» parmi la discrète et petite clientèle régulière de cette place financière régionale.

Ainsi, la position géographique du pays, son industrie très développée de services financiers et son secteur off shore, associés à des règles strictes en matière de secret professionnel, risquaient d’en faire une cible attrayante pour des opérations de blanchiment de l’argent effectuées par le crime organisé international.

En juin 2000, nouvelle mise en cause par le GAFI cette fois-ci. La Principauté se retrouve dans la liste des pays dits«non coopératifs», au même titre que le Liban, les îles Caïmans et le Panama du fait de graves «problèmes systémiques» touchant son secteur financier (intermédiaires financiers, avocats et banquiers peu scrupuleux).

La mission parlementaire française complète cette analyse en rapportant, preuve à l’appui obtenues lors d’interviews réalisées sur place, que «la Principauté constitue bel et bien une plaque tournante de l’argent criminel en Europe pour des groupes criminels russes et des clans et cartels sud-américains.

Enfin, en juillet 2001, le Ministère public national accuse deux agents fiduciaires de blanchiment pour plusieurs millions de francs provenant du trafic de stupéfiant des cartels colombiens de Cali et de ceux qui lui ont succédé. L’un des accusés n’est pas moins que le frère de l’ancien vice président du gouvernement du Liechtenstein Michael Ritter, comme quoi le blanchiment touche toutes les classes sociales mêmes les plus «honorables»….

Points positifs

Depuis, différentes lois ont été votées et ce, au fin de mieux incriminer les comportements délictueux attachés au blanchiment de capitaux criminels:

-une unité de renseignement spécifique en la matière a été créee et paraît opérationnelle.

-d’ici à la fin 2002, les administrateurs des sociétés fictives devront également avoir identifié tout propriétaire et ayant-droits qui les ont mandatés.

-les objectifs politiques du gouvernement du Liechtenstein dans le domaine du contrôle du blanchiment des capitaux se sont aussi traduits par la mise ne place d’une unité de police spécialisée dans les délits économiques (FSA), la prévention de l’utilisation abusive du secteur bancaire pour des fins de recyclage d’argent sale ainsi que l’éducation et la formation des agents publics chargés des enquêtes concernant les affaires de blanchiment.

-il est enfin exigé maintenant que des contrôles internes concernant le respect de ces dispositions législatives et réglementaires établies soit réalisés régulièrement par le biais de procédures d’audits indépendantes (audit tous les cinq ans minimum même si en pratique ils se révèlent plutôt formels) et qu’ils soient étendus aux transactions effectuées par des sociétés d’administrations de fonds même les plus réputées, ce qui n’était pas forcément le cas jusqu’à présent (250 de ces sociétés gérant 78 000 entités juridiques et holdings avec l’aide de seulement 40 administrateurs de fonds).

Le GAFI a donc provisoirement retiré le Liechtenstein de sa liste noire en Juin 2001.

Ce retrait se fonde sur 2 raisons essentielles:

-d’une part, des mesures législatives prises pour remédier aux défaillances mises en lumière, -et d’autre part un début de mise en œuvre de ces mesures aujourd’hui perceptible.

Difficultés rencontrées

Malgré tout, la Principauté maintient toujours des taux d’imposition très modestes, un argument décisif pour attirer à soi des clients fortunés, système complété en matière fiscale par le «sacro-saint» secret bancaire demeurant à ce jour également intact.

En outre, la loi ne semble pas prévoir spécifiquement l’assistance internationale pour l’identification, le dépistage, le blocage, la saisie ou la confiscation des produits du crime. La pratique démontre d’ailleurs que les autorités du Liechtenstein ne sont pas actuellement en mesure de répondre à des demandes de confiscations émanant de l’étranger.

Aucune confiscation ne semble à ce jour avoir été ordonnée, étant donné la difficulté de prouver l’origine des biens.

La coopération internationale directe entre la FSA et les unités étrangères de renseignements financiers semble également poser des problèmes en la matière.

Du côté répressif, la police ne semble pas suffisamment impliquée dans la lutte contre le blanchiment. Il a été néanmoins prévu dans ce domaine la signature d’un traité de coopération multilatérale qui a dû être signé récemment avec la Suisse et l’Autriche.

Enfin, la pratique liechtensteinoise tend à faire observer qu’il est bien difficile pour le professionnel banquier ou financier de concilier à la fois une loyauté vis à vis du client, devoir voulu essentiel dans la tradition nationale, avec l’obligation désormais imposée à ces secteurs vulnérables de faire part de leurs soupçons quant à des transactions douteuses observées. Le système actuel peut, en effet, plus empêcher les intermédiaires financiers de signaler de tels soupçons plutôt que de les encourager à le faire (devoir reconnu par la coutume pour l’intermédiaire d’alerter le client en vue de toute difficulté rencontrée par lui dans la réalisation de l’opération souhaitée).

Aussi, dans cette principauté, si le secret bancaire est resté longtemps calqué sur la situation en Suisse, la loi de 1992 a pourtant modernisé la situation. Dans ce nouveau contexte, il est rappelé que «toute personne travaillant dans ce secteur est tenu de conserver de façon confidentielle toute information obtenue à raison de leurs relations d’affaires avec des clients ou auxquels ils ont accès par un autre moyen.

Cette obligation au secret professionnel n’est pas limitée dans le temps.

Cela ne s’applique toutefois pas en matière criminelle ou à l’obligation de fournir des informations aux juridictions de l’ordre pénal.

Bien entendu ces dispositions légales n’interfèrent pas avec les obligations professionnelles des banques concernant l’identification de titulaires de comptes ou des ayants droits économiques des entités juridiques ouvrant un compte bancaire

En résumé, le système anti-blanchiment au Liechtenstein est plutôt réactif et pas suffisamment adapté sur le double plan préventif et répressif.

Le GAFI reste donc vigilant quant à la procédure de mise en place de nouvelles mesures dans ce pays avec des auditions régulières et des visites de contrôle plus nombreuses. Le rapport de l’Assemblée Parlementaire française qui a été récemment remis, faisait ainsi état de plusieurs dysfonctionnements patents encore pour cet pays. Cela fait dire que si de nombreux éléments sont désormais en place pour lutter contre le recyclage de fonds criminels, il reste à prendre d’autres mesures actives et essentielles pour développer un système qui fonctionne dans son ensemble.

Etant donné que cet Etat reste encore actuellement une adresse sûre pour les trafiquants et autres blanchisseurs, il est important que le Liechtenstein soit suffisamment surveillé et entouré afin qu’il se conforme le mieux possible et ce, dans des délais rapprochés, aux normes internationales applicables.

Les structures juridiques financières et bancaires mises en place dans ce territoire européen bien particulier

Le Liechtenstein est aujourd’hui très réputé pour les domiciliations de sociétés et l’établissements de fondations généralement réalisées ou créées par des avocats ou des sociétés financières suisses. On y dénombre ainsi plus de 66 000 sociétés fictives enregistrées et 75 000 holdings référencées.

A côtéde cela, le Liechtenstein possède 3 banques. A titre de comparaison, le total des bilans de celles-ci ne représente que le 1/10e de celui de la 3ème banque suisse avec une situation comparative approchante en matière de fonds propres. Néanmoins, en matière de bénéfices total, la comparaison ne tient plus étant donné qu’à banque égale, les 3 banques du Liechtenstein ont un bénéfice 5 fois plus important qu’en Suisse. Cette différence est ainsi liée sans doute à l’activité de gestion de fortune (ce que fait le Liechtenstein) classiquement plus rentable que celle de banque généraliste (voir cas des banques suisses).

Au Liechtenstein, on trouve alors 3 types d’entités juridiques particulières:

-l’Etablissement ou Anstalt

consiste en une structure juridique dotée de la personnalité morale et qui se trouve entre la société au sens classique et le contrat de droit privé ou le trust de droit anglo-saxon.

En général, le véritable bénéficiaire, pour ne pas apparaître officiellement, fait constituer l’établissement par un fondateur local, qui est le plus souvent un avocat.

La preuve de l’identité de la personne et des droits du fondateur et de son successeur est faite par un acte notarié.

-la Fondation ou Stiftung

consiste en un transfert permanent d’une ou plusieurs propriétés, dont le résultat représente une entité juridique distincte ayant un nom, un objet et une organisation interne pour la réalisation de ce transfert dans un dessein précis.

Si le fondateur est résident, droit de donation allant de 0,5 à 18 %;

Si le fondateur n’est pas résident, pas de droit applicable.

L’impôt quant au fonctionnement est de 1 % avec minimum de 1 000 francs suisses.

-la société anonyme ou Aktiengesellschaft (SA ou AG)

est une société inscrite au registre du commerce de la Principauté, ayant une raison sociale incluant les mots A.G et dont la responsabilité des apporteurs est limitée au capital, lui même divisé en actions et dont les statuts doivent contenir un certain nombre de mentions obligatoires.

Le capital souscrit doit être au moins de 50 000 FS

Pas d’impôts sur les bénéfices

Impôt de 1/1000e sur le capital.

remarques complémentaires

Sur le plan des personnes physiques, le Liechtenstein n’est qu’un demi- paradis fiscal puisqu’il existe en effet, un impôt sur le revenu qui peut aller jusqu’à 9,6 %.

Le traité passé entre le Liechtenstein et l’Autriche rend le Liechtenstein inutilisable pour les Autrichiens en tant que paradis fiscal pour les personnes physiques.

*Chypre

L’île de Chypre se trouve respectivement à 65 km de la côte turque, à 85 km de la côte syrienne et à plus de 100 km des côtés libanaises. Elle comprend une population de plus de 900 000 habitants en l’an 2000 à travers les deux zones (82 % d’origine grecque et 18 % de turcs).

La différence économique entre les deux zones est très importante puisqu’en effet, le PNB par habitant est de 11 000 dollars en 1992 pour la zone grecque contre seulement 3 800 dollars pour celle turque. En fait, près de 95 % du PNB est produit en zone grecque, là où se sont développées les activités bancaires et off shore du pays.

Aujourd’hui Chypre est reconnue comme un centre financier important dans sa zone géographique avec plus de 34 banques, 41 000 IBC (source New York Times 1999).

Ces sociétés off shore ont connu un développement considérable qui atteindrait depuis 1996 un rythme de croisière annuel d’environ 2 500 sociétés par an (en 1991, on en était à 1 270 par an). La poursuite, voire l’augmentation prévisible de ces développements serait due aux russes (et ensuite aux libanais) responsables de la constitution des 2/3 de ces sociétés en 1993, 1994 et 1995.

Il est vrai d’ailleurs que pour les pays de l’Est (et spécialement la Russie), grâce aux traités signés par Chypre, les sociétés off shore leur offrent l’une des rares possibilités d’évasion fiscale légale, ce qui pourrait d’ailleurs poser de graves problèmes en cas d’adhésion de ce pays à l’Union Européenne (dans le cadre du processus contemporain d’extension de l’U.E). Il serait donc important de prévoir comme condition à l’acceptation de l’intégration de ce pays un mécanisme complémentaire de mise en conformité de son système bancaire et financier local avec les standards internationaux de lutte contre le blanchiment de capitaux (le problème devant se résoudre de la même manière concernant l’adhésion de l’Estonie, de la Slovaquie et de la Roumanie).

Il est ainsi un fait notable que chaque année cette île accueille plus de 2 millions de touristes dont près de 150 000 russes qui semblent apprécier non seulement le climat, la religion orthodoxe et le coût de la vie qui y est extrêmement modéré (ce qui est un facteur supplémentaire d’attrait), mais aussi et surtout les possibilités laxistes de créer des sociétés financières sur place (Moscou n’est qu’à 3 h de vol et une liaison directe est depuis plusieurs années organisée avec St Petesbourg).

Si les Russes sont nombreux là-bas et ne cherchent pas à passer inaperçus, les Serbes se font moins voyants et, selon certaines sources, auraient déjà en 1996 formés une colonie de 5 000 résidents s’employant activement autour de 500 sociétés off shore, ayant pu servir de base financière aux conflits ultérieurs s’étant déroulés dans les Balkans.

En fait, vis à vis de ce petit pays, il semble qu’il y ait floraison de puissances protectrices car à la fois sa situation géographique est stratégique et son économie bancaire et financière off shore stable, malgré le peu d’éloignement avec une zone de troubles où se rencontrent de nombreux et puissants groupes criminels organisés ayant pour nécessité vitale de recycler les bénéfices si importants de leurs nombreux trafics régionaux. Cela peut se révéler alors un désavantage évident à terme pour un paradis fiscal.

De nombreuses conventions ont été aussi signées entre ce pays et d’autres (déjà 28 en 1996 avec l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, l’Italie, la Norvège, la Tchécoslovaquie….) ce qui rend complexe le déchiffrage des réglementations en vigueur, entre maintien du secret bancaire et exceptions conventionnelles posées.

Néanmoins, à l’heure actuelle Chypre dispose d’un système bancaire relativement développé et placé sous le contrôle de la Banque centrale de Chypre.

Sur place, il n’y a pas à proprement parler de législation tendant au secret bancaire, mais celui-ci semble apparemment en usage.

La spécialité locale est constituée par les OBU (ou Off shore Banks Units) qui ne paient aucun impôt sur les sociétés (pas de retenue à la source sur les dividendes obtenus, pas de plus-value sur les cessions de titres appartenant à la holding) et si elle sont contrôlées et dirigées depuis Chypre, elles bénéficieront d’un taux réduit de 4,25 % (en 1996).

Il a été relevé qu’à la même époque, il y avait une vingtaine d’institutions de ce type dont 5 sous contrôle russe.

La structure juridique d’accueil local est donc la notion de «société off shore» qui est là-bas de création relativement récente. A la différence des systèmes classiques, de telles sociétés ne sont pas exemptée ou soumise à un forfait fiscal. Elles sont ainsi redevables sur leur bénéfice imposable d’un impôt mais d’un montant très faible ( 4,25 %).

Une autre originalité qu’on peut également voir sur place est le nombre important d’avocats dotés de compétences très sérieuses en matière d’activités off shore. Il y existe aussi des experts comptables non seulement compétents mais capables de tenir des comptabilités en s’expliquant en plusieurs langues et conformément aux plans et usages comptables de différents pays pas forcément tous proches de Chypre.

Cet regroupement de techniciens très au fait en la matière est naturellement un plus pour les organisations criminelles désirant utiliser les compétences les plus actualisées en ce domaine en ayant recours à des interfaces financiers et juridiques de qualité.

Actuellement, il semble bien établie que Chypre se consacre essentiellement aux activités commerciales d’achat et de revente (opérations se dénouant en quelques heures) sans transfert de fonds dans le pays concerné plutôt que d’être utilisée comme base pour la constitution de holdings financiers et off shore, laissant cela à d’autres places financières bien spécifiques.

*Malte

D’après les experts, ce pays connaît un régime fiscal complètement farfelu car inintéressant pour cause de sur-taxation (de l’ordre de 15 %), alors qu’aux alentours, le taux d’imposition peut tomber à 0 % (voir le système monégasque).

Il est vrai néanmoins que dans les paradis fiscaux, ce n’est pas seulement le taux zéro qui importe et attire les capitaux étrangers mais aussi l’absence de contrainte.

Ici, ce qui paraît dominé est l’amateurisme du secteur bancaire et financier ainsi que la situation catastrophique des affaires traitées, aboutissant à faire quelque peu, de ce pays la risée des paradis fiscaux (Malte avec une population de 400 000 personnes est pris comme un «territoire nécessiteux» car subissant… le chômage pour rupture d’activité de paradis bancaire).

Le bon conseil à suivre serait donc de faire une «croix sur Malte» en ce domaine, ce qui ne veut dire en aucun cas de ne pas le prendre au sérieux par une vigilance et une surveillance renforcées.

*Panama (honorable vétéran)

La République de Panama est située en Amérique centrale et occupe le territoire entre le

Costa Rica à l’ouest et la Colombie à l’est. Elle est composée de 2,9 millions d’habitants (données de 2000 ).

Il apparaît de suite important de faire ici référence à l’Affaire Noriega qui avait vu les Américains prendre position dans ce pays avec 20 000 soldats et investir la capitale fin 1989/ début 1990, afin de ramener de force l'ex-dictateur pour qu’il soit jugé aux Etats-Unis.

Ce tour de force militaire eu bien d’autres conséquences que celles juridiques générées par le procès qui eu lieu par la suite. Pour un pays comme le Panama, qui était alors un des plus importants paradis fiscal de la région, cette intervention musclée et armée généra la perte sèche de plus de 30 milliards de dollars établis en dépôts off shore dans les banques du pays du fait de transferts hâtifs et précipités vers les îles Caïmans et Aruba.

Depuis cette démonstration de force, il est incontestable que les Etats-Unis sont et restent la puissance protectrice de Panama en tant que paradis fiscal.

Curieusement pourtant, au pire de ces événements, plus de 100 nouvelles sociétés furent créées (sans doute parce que création de sociétés n’implique pas dépôts de fonds!).

En tout cas, en 1995, il y eu plus de 100 000 sociétés enregistrées à Panama et le rythme des constitutions semble devoir stagner depuis à près de 20 000 par an (500 000 compagnies à actions au porteur quand même à l’heure actuelle! ).

Souvent d’ailleurs ce qui se passe est que les sociétés ainsi créées sont constituées à la chaîne et à l’avance. Comme le rappelait l’avocat Edouard Chambost dans son ouvrage, «au Panama, ce n’est pas de la grande cuisine juridique qui y est fait , ce qui est en réalité normal étant donné que ce territoire constitue le «Fast Food» des paradis fiscaux».

En tout état de cause, ce qui est certain , c’est qu’il faudra encore plusieurs années à Panama pour retrouver le niveau et les revenus de paradis fiscal qui étaient les siens en 1987, même si la situation actuelle paraît en nette amélioration par rapport à ce qu’elle était.

A côté de cela, on trouve quand même plus de 120 banques à Panama, employant en 1996 plus de 7 000 personnes. Si les événements qui viennent d’être évoqués, ont pu amené un certain nombre d’établissements bancaires et leurs clients à reconsidérer leur implantation et mette en œuvre une politique de délocalisation, il reste néanmoins que le secteur en question dispose localement d’infrastructures bancaires de qualité et des plus grand cabinets d’avocats d’affaires et d’experts-comptables américains ou autres qui soient. Il en est de même pour ce qui concerne les agents de change ou Stock Brokers américains.

Concernant le secret bancaire, il est garanti par une loi et pénalement sanctionné. De plus, non seulement les comptes numérotés existent, mais il y a encore une législation spéciale renforçant le secret bancaire pour les «Cuentas Bancarias Cifradas» (ou comptes bancaires codés) interdisant même au juge local en cas de litige, de lever le secret bancaire (sauf en matière pénale, unique exception).

Concernant les structures juridiques d’accueil, la république de Panama connaît différentes catégories de personnes morales; mais la plus couramment utilisée est la société anonyme «Sociedad Anonima». Pour ce type de société, il n’y a aucune obligation de révéler l’identité des actionnaires mais le nom et l’adresse des administrateurs figurent au registre du commerce avec les statuts [5] .

Panama est en fait un «paradis fiscal territorial» qui ne taxe que les revenus découlant de l’activité interne, sans faire alors de distinction sur le contrôle de la société par des résidents ou des non-résidents, car il n’y a pas de contrôle des changes.

Une société n’est donc pas soumise aux impositions de Panama si ses bénéfices sont réalisés à l’extérieur de la République (sinon, dans le cas contraire, retenue à la source de 10 %).

Ce qui pose problème avec le Panama est qu’il fut l’un des premiers pays pourtant à se doter d’une loi pénale rendant punissable le blanchiment d’argent. L’inconvénient en la matière est qu’il semble que cette législation ne fut ni appliquée dans les faits ni applicable aux milliers de sociétés panaméennes. En effet, les administrateurs résidant dans ce pays ne sont pas au final censés gérer ni contrôler l’activité effective développée par ces sociétés sur le territoire. Ils ne peuvent ainsi pas craindre de tomber sous le coup de cette incrimination.

Personne ne semble donc être responsable en la matière et devoir rendre des comptes pour les activités pourtant réaliséessur place !

Deux remarques complémentaires doivent être enfin établies afin de montrer un peu plus l’originalité de cette place financière si importante:

-non seulement il existe un pavillon de complaisance panaméen, autre source évidente de revenus licite et douteux mais là n’est pas la nouveauté puisque datant de 1917. Néanmoins, en 1993, Panama devint le premier pays d’immatriculation de navires avec un chiffre de 12 368 vaisseaux (pour 74,8 millions de tonnages), dépassant ainsi l’ancien recordman de la catégorie, le Libéria.

-Mais Panama a permis également l’éclosion dans son périmètre territoriale, d’une zone franche, la deuxième du monde en importance après HongKong, constituant par là «l’entrepôt des importations» de l’Amérique du Sud.

Les plus grosses sociétés américaines, japonaises et européennes figurent d’ailleurs parmi les 800 sociétés (données de 1996) établies dans cette zone franche, située à l’extrémité du canal de Panama. Or qui dit port franc, dit possibilitéde trafic et donc obligation de cacher et d’écouler les bénéfices de tels activités encaissés par des opérations de blanchiment.

*Monaco

Haut- lieu de la Finance européenne, voire mondiale, Monaco comprend environ 47 banques dont 30 au statut pratiquement identique à celui des banques françaises, avec plus de 56,4 milliards d’euros d’actifs en 2000 (60 milliards d’euros fin 2001) et près de 300 000 comptes gérés pour 32 000 habitants seulement!

Concernant le PNB par habitants, il n’y a pas de chiffres officiels, mais la moyenne des estimations donne un chiffre de 30 000 dollars/habitant .

En fait, en près de 20 ans, le total des banques monégasques et étrangères dans la principauté a pratiquement triplé (47 établissements de crédit en 1996 et 25 sociétés de gestion). Monaco n’est pourtant pas une place de banquiers d’affaires mais plutôt un rassemblement inhabituel (en quantité et en qualité) de gens riches. En effet, dans la réalité, les dépôts fait dans les banques monégasques représentent pourtant 2,5 % du total des dépôts effectués en France Métropolitaine, soit en rapport avec le nombre d’habitant 10 fois plus par habitant qu’en France!

En pratique, les banques locales se bornent à être des transmetteurs d’ordres, traités sur les vraies places financières et, faute de secret bancaire (Monaco n’est pas comme la Suisse), des «distributeurs d’argent de poche» pour les riches résidents ou voyageurs étrangers.

Ce rôle a néanmoins été supplanté rapidement par l’activation d’opérations de gestion de fortune, ce qui est d’ailleurs la branche la plus rentable du secteur bancaire, autant en résultat qu’en nombre. Le produit de ces dépôts étant exempt d’impôts à Monaco et d’impôts français, cela ne fait que renforcer l’attrait et les très bons chiffres de la place financière monégasque.

Pour autant, Monaco n’a rien d’un paradis bancaire de tradition ou de vocation. Non seulement, le secret bancaire n’existe quasiment pas là-bas mais le développement du système bancaire monégasque ne fait de Monaco qu’une toute petite place financière au final. D’ailleurs, Monaco n’est plus actuellement un paradis fiscal pour les gros revenus français; de nos jours, les patrimoines importants proviennent plutôt de Scandinavie, du Royaume Uni, d’Allemagne et du Benelux (voir analyse article de Marc Roche du Monde) .

Une loi de juillet 1993 couvre en outre de manière plutôt large et dissuasive les problèmes de découverte et blocage de l’argent criminel. De plus, un droit de communication a été instituée et peut être exercé auprès de tout organisme de crédit. Il tend alors à la communication de tous les transferts vers l’étranger anciennement en francs et maintenant en euros et en devises, avec date, montant de ceux-ci, identification du bénéficiaire et références du compte d’encaissement (banque, agence et numéro de compte).

Néanmoins, malgré des signes encourageants d’appréhension à sa juste valeur du problème de blanchiment de capitaux (création du SICFIN, équivalent du TRACFIN français; implication de l’Association monégasque de banques (AMB) regroupant quelques 70 établissements financiers dans la surveillance de ce phénomène), cet Etat souverain a connu encore récemment de fortes présomptions de laxisme dans la traque des capitaux douteux [6] .

Il apparaît ainsi que la Principauté représente tout à la fois, un paradis fiscal (pour personnes physiques mais aussi personnes morales), un paradis bancaire et fiduciaire.

Le rapport de la Commission d’enquête estime d’ailleurs que Monaco n’est pas en mesure à l’heure actuelle de lutter efficacement contre la délinquance financière.

Les députés fustigent ainsi l’ Etat français dans cette affaire, car celui-ci a octroyé chaque année à Monaco plus de 800 millions de francs et ce, sans contrepartie et sans aucun contrôle!

Toutefois, la loi monégasque du 7 juillet 1993 imposait déjà aux banques de vérifier l’identité des personnes ouvrant un compte et de contrôler celle des clients occasionnels réalisant une opération de plus de 200 000 francs ou qui souhaitent louer un coffre.

La non déclaration de soupçon est en outre là-bas passible de poursuites pénales.

Le rapport de deux inspecteurs des Finances mandatés par Laurent Fabius le 3 janvier 2001 et remis le 18 octobre 2001, vient également insister sur le fait qu’il faudrait toutefois signaler une amélioration significative du dispositif anti-blanchiment à l’heure actuelle (doublement des effectifs de SICFIN; introduction de la notion de délit d’initié dans la législation monégasque; limitation de la pratique des trusts suivant les recommandations du GAFI).

Il n’empêche, on ne raye pas des habitudes financières et des pratiques économiques anciennes établies depuis longtemps et, par là même très recherchées car très efficaces, d’un simple trait de plume!Ainsi, malgré le renforcement des procédures anti-blanchiment, cette place off shore à la prospérité sans égale doit être maintenue sous surveillance rapprochée.

«Là est toute la difficulté de montrer sa bonne volonté dans la lutte contre le blanchiment et contre le terrorisme quand on est soi-même un centre bancaire international réputé et coopératif tout en ayant certains avantages fiscaux que d’autres places n’ont pas» reconnaissait ainsi récemment Franck Biancheri, conseiller du gouvernement monégasque pour les finances et l’économie.

Le soleil, la criminalité presque inconnue, le savoir-faire des financiers et des commissions raisonnables permettent encore à cet Etat lilliputien de concurrencer Genève, Londres ou le Luxembourg, donc……méfiance, le Rocher n’est pas à l’ombre d’un nouveau scandale et de révélations en nombre.

Le véritable problème que Monaco pose dans un avenir proche est que, comme les autres cités- Etats de l’Union Européenne, des euros issus de comptes monégasques appartenant à des ressortissants ou des gens inconnus, auront cours légal partout en Europe et pourront être exportés par la suite, sans que cela pose le moindre problème.

c) Des pays ou territoires sous influence

*La Russie

La Russie serait devenue un des premiers centres de blanchiment d’argent sale au monde, une sorte de pôle d’attraction pour les organisations mafieuses et les blanchisseurs en quête de circuits de recyclage efficace et efficient. L’ampleur du mal est mise en évidente par des affaires connues, comme par exemple, l’affaire Fimaco, l’affaire de la Bank of New York, l’affaire Mabetex …toutes tendent à démontrer une implication croissante de l’appareil d’Etat dans la situation survenue.

On a ainsi pu évoqué également le terme de «blanchisserie internationale» vis à vis de la Russie. Selon l’économiste Glinkina, cela tiendrait à la combinaison de différents facteurs:

-aucun contrôle opéré sur l’origine des fonds mis en dépôt,

-circulation de la monnaie s’effectuant quasiment toujours en espèces (économie de plus en plus dollarisée),

-élargissement du contrôle des structures criminelles sur les banques commerciales du pays favorisant ainsi le blanchiment.

D’après l’administration moscovite, ce contrôle «mafieux» concernerait 25 % des banques commerciales dans la région de Moscou et plus de 400 banques pour l’ensemble de la Russie, dont une bonne partie n’aurait été créées que pour recevoir de l’argent sale.

«C’est tout juste si le blanchiment n’est pas élevé au rang de politique de l’Etat», affirme Vladimir Ovtchinski, colonel de la milice et criminologue et le politologue Alexei Moukine de rajouter: «quand elle n’est pas contrôlé par la mafia, l’économie russe est aux mains

d’oligarques qui s’en servent à leur entier bénéfices, puisqu’ils tiennent les réseaux de pouvoir, l’argent, les médias et ont même réussi à transformer les partis en sociétés par actions».

Là-bas, le blanchiment passe pour beaucoup par la fuite des capitaux, et les représentations à l’étranger de sociétés off shore et de filiales multiples (Chypre, Israël, Suisse…) constituant véritablement un moyen efficace de transferts de fonds douteux.

En fait, peu d’argent provenant d’activités criminelles sont finalement investis directement sur place (hormis pour la consommation ostentatoire des groupes criminels). La grande majorité des capitaux accumulés ne reste pas en Russie.

En 1995, ces transferts vers l’étranger était estimé entre 1 milliard et 1,5 milliard de dollars par mois. Le président de l’époque de la Douma, avait, quant à lui, déclaré que 25 milliards de dollars quittaient chaque année la Russie. Ainsi, pendant les années 90, ce serait plus de 200 milliards de dollars de capitaux russes qui auraient été exportés à l’étranger. En 1996 le GAFI avait évalué, de son côté, à 100 millions de dollars en espèces qui étaient rapatriés dans l’autre sens, des Etats-Unis vers la Russie CHAQUE JOUR!

Rappelons toutefois, dès à présent, que les fonds russes exportés ne sont pas tous d’origine mafieuse ou criminelle et que ce pays a également et parfaitement le droit de commercer en tout légalité avec le reste du Monde et l’Occident en particulier.

Il est juste démontré que c’est dans un territoire profondément déstabilisé que peut s’implanter de telle manière une économie souterraine, terreau de l’épanouissement des organisations criminelles, d’ailleurs manifestement plus rapides à s’adapter que les structures officielles à réagir.

Pour le reste de l’analyse concernant ce pays, il faudra se reporter à l’annexe consacrée spécifiquement à cet Etat à la fin du mémoire, car le problème russe du blanchiment de capitaux mérite des développements beaucoup plus longs.

*HongKong

L’ensemble de l’île, qui occupe une position géographique et stratégique en Asie du Sud-Est, a une superficie d’environ 1 000 km2, mais la ville n’a que 82 km2 pour une population estimée à 1,1 millions d’habitants pour la ville et 6 millions pour l’agglomération en 1996 (soit une densité exceptionnelle dans certains quartiers de 150 000 personnes /km2).

Colonie britannique jusqu’en 1997, HongKong est devenu par la suite une région administrative spéciale de la République Populaire de Chine avec un statut particulier jusqu’en 2047.

Malgré les craintes, ce retour de la ville dans le giron chinois n’a pas causé de grands bouleversements dans l’économie locale et l’adaptation entre systèmes communiste et capitaliste s’est établie plutôt en douceur même si la méfiance et les contrôles se font plus nombreux et rigoureux aujourd’hui. De toute façon, bien avant la rétrocession de HongKong, une des puissances importantes dans ce territoire était déjà la Chine continentale, présente au travers de ses grands magasins prénommés «Emporiums» et les buildings immenses de ses banques en 1996.

A cette époque et toujours actuellement, HongKong est resté aussi un port franc très important.

Sur ce territoire, il existait plus de 160 banques en 1996, disposant de 1 600 guichets en 1996. En outre, il y avait plus de 130 bureaux de changes de banques étrangères qui ne devaient recevoir de dépôts que de résidents.

Il semble que, mis à part quelques adaptations pendant les premiers mois, il n’y eut pas de changements importants dans le système bancaire et financier en vigueur maintenant à HongKong.

Ce qui est essentiel de retenir concernant la situation bancaire de HongKong est que certaines banques locales de cette place financière ont véritablement acquis actuellement un poids réel au niveau international. Elles peuvent en effet se permettre de prendre une part importante dans le capital d’autres grandes institutions bancaires mondiales et cela sans aucun problème de trésorerie interne (ou de «cash flow»), tellement elles disposent de fonds et de dépôts utilisables à tout instant [7] .

Les structures sociales accompagnant le développement du secteur financier et bancaire sont de plus extrêmement développées et se révèlent de tout premier choix. Ainsi, les plus grands cabinets d’avocats internationaux et d’experts comptables sont présents ou représentés à HongKong.

Dans les faits, sauf pour une société exerçant une activité autre à HongKong, le pays n’est pas un paradis fiscal. C’est seulement un pays de basse taxation puisque le taux maximal d’imposition sur les revenus était, en 1996, de 15 % et de 16,5% sur les bénéfices de toute nature de sociétés.

En fait, à HongKong, aucun impôt n’est perçu vis à vis du fonctionnement d’une société hormis le cas d’établissement obtenant des revenus ou profits en capital provenant d’une activité locale autre ou qui en dériveraient.

Là-bas, aucun traité international de double imposition n’est en outre applicable. Il n’y a pas non plus de législation particulière protégeant le secret bancaire; celui-ci ne s’appuie en pratique que sur les reliquats de tradition britannique qui subsiste encore. Les comptes numérotées ne sont, néanmoins, pas en principe utilisés.

Enfin, il est intéressant de préciser qu’à l’instar de Guernesey qui fut le premier paradis fiscal à se doter d’une législation anti-paradis fiscaux, HongKong s’est doté dès 1986 d’une réglementation identique précisant que si une personne réalise une transaction dont le seul but (ou l’effet dominant) est d’obtenir un avantage fiscal, l’administration local des impôts peut:

-soit lever l’imposition comme si la transaction n’avait pas été réalisée,

-soit prendre les mesures fiscales appropriées pour annuler les effets fiscaux de la transaction.

Les groupes criminels organisés locaux semblent donc les seuls à pouvoir, dans ce milieu, bénéficier de tous les attraits de cette place financière en évitant ce genre de mesures rigoristes et contraignantes prises par le gouvernement de l’époque.

*la Roumanie

La Roumanie, en sa qualité d’ Etat d’Europe du sud-est longeant les rives de la Mer Noire, occupe une position stratégique entre l’est et l’ouest. Elle constitue ainsi un élément important de la «Route des Balkans» en matière de stupéfiants et de trafic en tout genre.

En fait, depuis les changements politiques de 1989 et la transition vers une économie de marché, les taux de criminalité y ont augmenté de façon très significative. Il a été ainsi estimé que des groupes criminels organisés de grande envergure opéraient en Roumanie et qu’ils y blanchissaient des capitaux (essentiellement, mais non exclusivement, par l’intermédiaire du système bancaire).

Les principales sources de produits illicites sont actuellement considérées comme étant:

-le trafic de drogue, d’armes et de produits radioactifs, le «passage» d’immigrants clandestins, la contrebande de cigarettes, de café et d’alcool, le trafic de fausse monnaie et le trafic de véhicules volés en Europe occidentale.

Concernant plus précisément le blanchiment d’argent sale, c’est une loi de janvier 1999, entrée en vigueur en avril de la même année qui réglemente la matière. Il a été ainsi institué par exemple lamise en place de déclaration de soupçon pour les professionnels de nombreux domaines sensibles assujettis (institutions bancaires et financières, plus avocats, notaires et comptables). Néanmoins ces professionnels et établissements particuliers ne sont tenus à déclarer qu’en cas de blanchiment de capitaux établi sur la base de «preuves solides».

En fait, si l’adoption d’une législation officielle représente un premier pas encourageant pour la Roumanie dans la lutte contre le recyclage d’argent sale, il reste cependant beaucoup à faire pour obtenir dans cet Etat un système adapté et opérationnel.

Difficultés rencontrées

La structure juridique mise en œuvre en Roumanie comporte en effet de «graves anomalies et ambiguïtés potentielles» faisait remarquer la mission d’évaluation dépêchée sur place par la Commission des Communautés européennes en Avril 1999.

Non seulement le secret bancaire, même s’il ne constitue pas là-bas un obstacle à l’assistance possible dans des enquêtes internationales du fait de nombreuses conventions signées, existe de manière stricte de longue date dans les coutumes nationales mais il n’y a pas de système efficace de confiscation des produits du crime. Ainsi, le système préexistant de mesures conservatoires semblent apparemment fonctionner mais uniquement de manière irrégulière dans les faits et concernant des affaires très peu importantes (moindre récupération en réalité du produit effectif du blanchiment réalisé et de celui de l’infraction principal et initial).

En outre, s’il existe une obligation réelle d’identifier les clients pour ces intermédiaires financiers et juridiques, elle n’est instituée qu’à partir d’une somme très importante.

Il serait souhaitable dans l’avenir de la réviser à la baisse, notamment pour les bureaux de change qui, d’après les évaluations enregistrées, échappent totalement pour la plupart de leurs transactions à la condition d’identification et de vigilance établie.

Il faudrait également une volonté politique plus forte pour assurer la réussite de l’Office spécialisé mis en place pour le traitement des informations bancaires recueillies. Cela passe par la dotation de ressources financières plus conséquentes dont il aurait quotidiennement besoin. Cette condition apparaît comme indispensable non seulement pour lui permettre d’assumer ses fonctions générales de surveillance mais aussi en vue d’interventions plus spécifiques comme dans le cadre de formations vis à vis des personnels locaux et structures vulnérables à cette menace.

*la Hongrie

La Hongrie, située au cœur du continent européen, occupe une position stratégique entre l’est et l’ouest, comme d’autres nations qui l’entourent.

Ses moyens modernes de communications et de transports facilitent l’accès et le transit des réseaux traditionnels de contrebande. Depuis la transition démocratique, le taux de criminalité dans ce pays a également considérablement progressé.

Les autorités estiment désormais que les groupes de criminalité organisée sont présents dans ce pays et sont de plus en plus puissants. Ils pensent d’ailleurs qu’ils sont largement impliqués dans le blanchiment de capitaux que l’on trouve aux 3 différentes étapes du retraitement de l’argent sale, de l’empilageà l’intégration.

Au niveau des investissements, les nombreuses petites banques hongroises, les 15/20 casinos et 2 000 bureaux de changes sont ainsi véritablement aujourd’hui exposés au danger du noyautage par les filières de recyclage de l’argent criminel.

Certes, depuis le 8 mai 1994, une législation anti-blanchiment a vu le jour dans ce pays et une stratégie plutôt préventive (un service du renseignement financier (ou FIU) a été crée pour l’occasion- le SLBC) a été mise en place de même qu’un dispositif de signalement des transactions suspectes. De plus, s’agissant de la coopération judiciaire internationale,

celle-ci semble bien solide dans ce pays, surtout à la lumière de la loi de 1996 sur l’entraide juridique internationale signée.

Néanmoins, il semble que le dispositif de surveillance actuel soit beaucoup trop passif et que les règles standards, comme les directions d’orientations prises par les gouvernements successifs, se révèlent fin 1998 (lors de la mission d’évaluation de la Commission des Communautés européennes) trop éloignées d’une réalité fortement évolutive.

Les Hongrois peuvent en effet continuer à brouiller leurs agissements financiers en ouvrant des comptes en banques anonymes, même si à terme, ces comptes anonymes devraient être interdits.

Une loi hongroise de janvier 1994 avait ainsi établie un mélange de régimes de société off shore et de réglementation locale applicable aux sociétés hongroises «in shore». D’ailleurs on appelle les holding locales des «choux farcis» puisque que tout peut se retrouver à l’intérieur d’une telle structure.

Concernant le régime de taxation mise en place, il n’est prévu aucune imposition sauf une taxe de 2 % sur toute société (données 1996). A la condition que l’actionnaire de la société établie soit une holding, il n’est aussi prévue aucune retenue à la source ou à la ressortie des capitaux.

Dans la situation actuelle, il faudraitalors recadrer tout le système et :

-rendre effective la mise en œuvre de la notion de responsabilité pénale de l’entreprise en cas de blanchiment organisé;

-envisager également la mise en place de concepts de «blanchiment de capitaux par négligence» et de «blanchiment de fonds propres» (utilisation de capitaux licites pour des activités illégales et différents trafics);

-prévoir non seulement dans les devoirs des professionnels assujettis aux obligations de déclaration de soupçons législativement établies, la vérification de l’identité des propriétaires déclarés et effectifs de comptes de sociétés mais aussi celle des administrateurs locaux.

Cela nécessiterait aussi l’obligation de demander et de conserver les documents présentés par les clients pour prouver leur identité pour une meilleure efficacité du système de lutte mis en place.

Il a été aussi remarqué par les examinateurs envoyés sur place qu’il faille se préoccuper d’urgence du fonctionnement du dispositif administratif de traitement de l’information financière qui serait mal géré en pratique. En effet, il semblerait qu’il manque un véritable lieu centralisé capable de concentrer des efforts disparates, de fournir des informations correctes et vérifiées après analyse, de mettre en place des orientations et de rendre des comptes en matière de lutte contre le recyclage de fonds douteux.

Il faudrait enfin assurer une meilleur coordination de la réflexion à un niveau stratégique et de la mise en œuvre de telles mesures dans les secteurs réputés vulnérables au blanchiment de capitaux d’origine criminelle autres que bancaire.

*l’Italie

(renseignements pris auprès de La Lettre du blanchiment de novembre 2001)

«Comme il cite les Philippines ou les îles Nauru, le GAFI devrait se demander si l’Italie ne doit pas aussi figurer sur la liste noire établie annuellement», déclarait récemment Paolo Bernasconi dans l’Hebdo, magazine suisse.

En effet, avec l’arrivée au pouvoir de Silvio Berlusconi, l’Italie semble devenir peu à peu une sorte de «bunker pour toutes les mafias» et un «havre de sécurité pour tous les criminels». Les images sont peut être un peu trop expressives quant à la situation actuelle, mais face au silence de ses partenaires européens, à l’indifférence des opinions publiques et au mutisme gêné mais complice des institutions européennes, il semble bien que ce pays change d'aspect et en tout cas de politiques en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et les pratiques fiscales douteuses.

Législations sur les falsification de bilan, les abus de biens sociaux des dirigeants, en matière de corruption de magistrats et de policiers, de financement illicite de partis politiques, réglementation concernant la fraude fiscale à grande échelle... en fait, depuis 1994, «Sua Emittenza», l’actuel président du conseil italien, semble prendre un malin plaisir à modifier ces règles législatives selon sa convenance.

Ainsi, sur proposition de son gouvernement, le délai de prescription pour falsification de bilan a été raccourci, ce qui a permis au nouveau «pape» de la politique italienne d’être acquitté en appel, le délit retenue contre lui étant au final prescrit [8]. Il en fut de même pour deux autres procès intentés contre lui.

Récemment (en novembre 2001), il a fait voté une loi permettant de faire rapatrier l’argent de tout fraudeur italien et ce jusqu’au 28 février 2002, en échange d’une amende symbolique de 2,5 % des capitaux rapportés. Les autorités italiennes s’engageaient également à garantir lors de cette opération l’anonymat des intéressés qui mettraient en œuvre cette disposition.

Il apparaît officieusement que cette mesure législative n’avait pour autre objectif que de profiter de l’arrivée de l’ Euro pour réinjecter (avec des possibilités réelles de blanchiment par conséquent) dans l’économie nationale entre 350 et 430 millions d’euros.

Comment ne pas penser alors que cette mesure politique fusse du «pain béni» pour les organisations criminelles locales se voyant offrir, sans contre partie (ou d’un montant si faible), un sauf-conduit leur permettant ainsi d’investir en toute quiétude le fruit de leur travail illicite dans le monde financier européen par le biais de l’économie italienne. Cette mesure d’amnistie a d’ailleurs, selon les spécialistes, fait perdre entre 5 à 10 % des actifs anciennement gérés par la place financière off shore proche, à savoir Monaco.

De plus, le nouvel homme fort du régime italien qui, depuis longtemps n’avait jamais caché son aversion pour les toges rouges du «pool judiciaire milanais», a depuis sa prise de pouvoir, pris soin de ne pas prendre en compte les demandes de budget croissant de monde judiciaire. Par souci d’économie, il a même décidé arbitrairement et de manière rapide (une des premières décisions politiques prises) de réduire les escortes des juges anti-mafia.

Or quand on sait quelle emprise cette organisation criminelle peut avoir dans ce pays, cette mesure ne peut être que le symbole d’un état d’esprit bien spécifique à cet homme.

En fait, Silvio Berlusconi, que le magazine Forbes classe à la 14ème place des hommes les plus riches du monde (fortune personnelle de plus de 12 milliards d’euros), reste un mystère pour de nombreux analystes, et donc encore plus pour l’opinion publique.

D’après une étude réalisée par KPMG, cabinet d’analyse international, il possèderait à travers Fininvest, la maison mère du groupe, plus de 64 sociétés immatriculés dans des paradis fiscaux notamment aux Bahamas et dans les îles Vierges. Or, nous venons de voir précisément que ces deux lieux sont fortement recherchées par toute personne (physique ou morale) soucieuse soit de profiter d’une évasion fiscale des plus rentables, soit de cacher des transactions plus que douteuses pour ne pas dire criminelles (et relevant plus du blanchiment de capitaux).

On peut bien entendu penser que Fininvest, de part la taille de ce conglomérat, ait quelques intentions de payer moins d’impôts sur ses revenus obtenus internationalement (ce qui, est des plus légales certes); mais de là à établir autant de sociétés dans ces centres off shore, cela ne peut que démontrer une stratégie qui va plus loin que la simple évasion fiscale.

En tout cas, on ne sait pas qui se cachent derrière ces mystérieuses filiales exotiques.

La plupart du temps, il s’agira de sociétés – écran situées dans ces paradis fiscaux qui n’auront de cesse de fusionner, de changer de noms, de disparaître pour mieux renaître. D’ailleurs dans «l’odeur de l’argent», le juge de Palerme Paolo Borsellino, assassiné en 1992 par la Cosa Nostra, évoquait clairement les liens entretenus entre cet homme et les mafieux Vittorio Mangano et Toto Riina. Il sera fait état, en annexe de ce mémoire, de ces questions de manière un peu plus approfondie à travers 3 ou 4 articles de presse relativement récents.

Ainsi, non seulement, l’Italie semble bien avoir appelé à la tête de l’Etat un homme à la fortune d’origine mystérieuse (sans doute à rechercher du côté de la Suisse, notamment du canton du Tessin avec Bellinzona comme capitale), mais l’individu au pouvoir est désormais le symbole de la lutte contre les juges et le porte parole plutôt de celui de la grande finance internationale (et parfois douteuse).

Rien de rassurant donc sous le soleil de l’Italie.

*le Liban (n’est plus ce qu’il était)

Hier, acteur central du blanchiment de l’argent sale dans les années 60/70, le Liban n’en est plus qu’un simple comparse aujourd’hui. Ainsi, sur les milliers de milliards de dollars qui constituent actuellement les fonds illégaux en circulation dans le monde, 1 milliard de dollars tout au plus concerne ce pays. De nombreuses investigations judiciaires et policières ont néanmoins été menées: 20 millions de dollars pour la plus importante saisie, la majorité étant plus mineure (autour de 1 million de dollars). Pour exemple, un blanchisseur avait réussi patiemment à mettre de côté à partir de petits dépôts inférieurs à 10 000 dollars, une somme totale de 10 millions d’euros, avant d’être repéré.

Maintenant de nombreuses opérations de blanchiment ont été démantelées et l’argent saisi… ou renvoyé à l’expéditeur.

[1] (voir article concernant ce territoire dans le guide Chambost des paradis fiscaux –édition 1996)

[2] (31 % de ces dépôts provenant d’Europe de l’Est et de Suisse, 22% provenant de Grande-Bretagne, 8% du Porche Orient, 7% des autres pays de l’Union Européenne et 5 % des Etats-Unis)

[3] ce qui n’est pas la tendance des autres Paradis fiscaux mais offre l’avantage qu’il n’est pas nécessaire de révéler aux autorités l’identité des actionnaires réels.

[4] dans ce cas, il suffira que l’avocat étranger indiquera à son correspondant bancaire qu’il recommande le ou les «Beneficial Owner» dont il ne donnera pas l’identité.

[5] seule une attestation est déposée comme quoi l’avocat souvent doit se porter garant de son client et certifie que les pouvoirs qu’il détient ne sont pas utilisés pour commettre un acte répréhensible par la loi locale.

[6] (il n’y a qu’à voir le rapport peu complaisant établi par la commission de l’Assemblée Nationale française sur le cas de Monaco et les révélations concernant les 300 millions de francs détournés de l’affaire Elf pour le compte d’Alfred Sirven retrouvé pour partie à Monaco et à HongKong! - in Le Figaro du 27 juin 2001 ).

[7] la Midland Bank située à HongKong est ainsi devenue l’une des 15 premières banques au monde

[8] il s’agissait d’un versement de 70 millions de francs à Bettino Craxci, alors patron du parti socialiste, par l’intermédiaire de la société All Iberian installée aux Bahamas et pour lequel il avait été condamné initialement à deux ans d’emprisonnement dont 4 mois ferme, ce qui n’est pas rien pour un futur président du Conseil!

Ajoutons à ces investigations efficaces, la volonté de la classe dirigeante d’entreprendre de réels efforts pour se plier aux injonctions du GAFI, comme par exemple, la signature d’un accord de diligence en 1995 par l’association des banques libanaises ou le vote d’une loi anti-blanchiment en Juillet 2001.

Il faut toutefois remarquer que les banques du Liban n’ont de toute façon plus aujourd’hui la taille nécessaire pour des opérations d’envergure en la matière (décrêts-loi sur les sociétés off shore et sociétés holding datant de 1983 et désormais totalement dépassée; formalisme d’un autre âge: 15 000 dollars à payer avant toute transaction avec ¼ à verser dans une banque libanaise au Liban!; effets désastreux de la guerre civile des années 80 encore ressentis aujourd’hui).

Dans un tel contexte, et avec de telles contraintes, il est certain que les clients ne vont pas forcément se bousculer à Beyrouth pour de tels placements. Le bilan de la place est donc actuellement de l’ordre de 50 milliards de dollars, insignifiant au regard du volume des différents réseaux de blanchiment qui «polluent» la surface des grandes places occidentales.

Néanmoins, il paraît important de continuer la surveillance de cet Etat du fait par exemple d’une diaspora importante et répartie dans de nombreuses autres nations.

Le GAFI l’a d’ailleurs maintenu sur sa dernière liste en juin 2001. Pour redémarrer une activité de paradis fiscal en s’appuyant sur la diaspora libanaise, il faudrait toutefois plus qu’un simple toilettage juridique.

*l’Autriche

En principe, les comptes anonymes ont disparu dans la plupart des pays européens, mais l’Autriche continuait de se singulariser en maintenant des comptes titres et des comptes sur livret anonymes. Ces comptes permettaient en effet à toute personne morale ou physique de détenir un compte sur livret anonyme et d’effectuer de manière occulte des transactions illimitées au moyen d’un tel compte. Cela faisait ainsi de Vienne un véritable «carrefour du blanchiment».

Encore faut-il pour cela qu’un étranger débourse de 76 000 à 150 000 euros environ pour obtenir le droit d’être résident autrichien et donc bénéficier de ces comptes anonymes.

A côté de ce coût relativement élevé, le GAFI cependant n’a alors eu de cesse de rappeler à ce pays que, «malgré les nombreuses demandes effectuées, la législation autrichienne n’obligeait toujours pas les résidents autrichiens à s’identifier lorsqu’ils ouvraient un compte sur livret anonyme ou lorsqu’ils effectuaient d’importantes transactions au moyen d’un tel compte».

Depuis le 1er janvier 1994, la loi bancaire a prévu là-bas une réglementation relative au blanchiment en obligeant les institutions bancaires à enregistrer l’identité de leurs nouveaux clients (les intermédiaires ayant l’obligation de dévoiler aussi celles des personnes au nom desquelles elles agissent).

De plus, si au 1er juillet 1996 les comptes anonymes ont été supprimés, l’anonymat demeure cependant encore aujourd’hui pour les comptes de livrets d’épargne et les transactions inférieures à 200 000 schillings ( ou 17 000 dollars ou euros):.

En 1999, il y avait ainsi 26 millions de comptes anonymes de ce type recensés pour une population de plus de 8 millions de personnes!

Concernant enfin le système fiscal des sociétés, la réforme fiscale autrichienne permettant depuis 1989 d’utiliser une holding, n’a pas entraîné une «ruée vers l’ Est» dans ce domaine (même si depuis 1994, il est possible de «coupler» cette holding avec une fondation locale, générant encore moins de transparence dans l’identité des actionnaires de telles structures).

Il est en principe prévu une exemption d’impôt pour ce genre d’entité juridique vis à vis des dividendes ou des gains en capital, mais les intérêts et dividendes redistribués sont frappés d’une retenue à la source (de près de 25 %!), ce qui peut aboutir à annuler l’intérêt fiscal d’une telle opération sans toutefois réduire son intérêt de complexification des flux financiers et inter- entreprises.

*l’Irlande

En Irlande, il est une exemption fiscale accordée aux investisseurs étrangers qui bénéficient, non d’une exonération totale d’impôt sur les bénéfices mais d’une exemption sur la valeur ajoutée.

Les autorités irlandaises ont donc joué sur ces avantages fiscaux en faisant usage d’une excellente promotion, presque agressive parfois.

Ajoutons à cela que, dans ce pays, les communications sont excellentes et les ressources hôtelières souvent pleines de charme, ce qui n’est pas forcément fait pour déplaire aux individus pour lesquels l’Irlande est un paradis fiscal.

En dehors de cela, il existe une exemption fiscale intéressante concernant les œuvres d’artistes (statut très protégé en Irlande), le nouveau résident ne jouissant sinon d’aucun autre privilège fiscal.

Il en est de même dans deux autres pays qui concurrencent l’Irlande dans ce domaine: Chypre et Sri Lanka (spécialisés uniquement dans les avantages fiscaux).

Il faut toutefois signaler la possibilité d’une retenue forte et d’une imposition importante amputant les bénéfices de sociétés installées sur place pouvant aller jusqu’à plus de 27 % (données 1996), ce qui peut néanmoins décourager certains investisseurs.

Tout se paye donc ici… même et surtout la transparence.

Il existe là-bas également un processus particulier de financement propre au système irlandais qui mériterait d’être mentionnée pour son originalité. En principe en effet, quand une banque prête de l’argent à une société commerciale, sa créance est rémunérée par des intérêts imposables pour la banque au taux normal de l’impôt de sociétés.

Dans certains cas pourtant, ce système a conduit les banques irlandaises, en faisant profiter leurs clients de leur absence d’imposition, à consentir des prêts à des taux 50 % inférieurs à celui du marché.

Depuis peu cependant, les autorités nationales ont décidé de mieux combattre la réalité du blanchiment qui investissait leur économie. Ils ont ainsi promulgué une loi afin d’éliminer les failles de l’ancienne et désuète législation sur les sociétés et la fiscalité locale. En effet, la situation commençait à devenir inquiétante avec la présence en Irlande de plus de 40 000 sociétés dites «Irish registred non-resident» ou IRNR, (firmes enregistrées en Irlande mais non résidentes).

Le fait qu’elles ne soient irlandaises que de droit n’est pas un problème en soi (on retrouve cette spécificité dans d’autres pays); c’est plutôt le fait que beaucoup d’entre elles, outre la possibilité d’être utilisées par leurs fondateurs pour échapper au fisc de leur pays d’origine, soient plutôt suspectées de liens avec des organisations criminelles internationales, qui commençait à poser problème.

Désormais, là-bas, les fonctionnaires des administrations en charge d’enregistrer les statuts des nouvelles sociétés sont tenus de connaître leur client, ce qui n’était pas du tout la règle auparavant.

Néanmoins, il n’y a pas que le Luxembourg qui soit aujourd’hui réputé pour ces sociétés off shore. L’Irlande connaît un regain d’intérêt pour ce genre d’activités et doit être pour cela surveillé. Il semble bien d’ailleurs que ce pays ait pris le relais de la Grande-Bretagne, qui avait dû supprimé son régime de société non–résidente. Cela faisait en effet plutôt mauvais genre au sein dela Communauté Européenne (héritage donc de la «pieuse» conception fiscale britannique) [1].

Les autorités ne sont d’ailleurs pas tendre et laxiste avec ces sociétés, ces conditions a priori de forme pouvant se révéler très contraignantes en cas de non réalisation: radiation du registre du commerce de plus de 25 000 sociétés depuis les dernières années.

Ainsi, à la différence des îles Vierges Britanniques qui, grâce aux IBC connaissent un succès économique incontestable mais affichaient clairement l’image de marque des sociétés de paradis fiscal, l’Irlande continue à faire ses affaires off shore sans avoir acquis de «mauvaise réputation» tout en privilégiant le même système de développement.

En effet, ce pays n’apparaîtrait jamais comme un paradis fiscal «stricto sensu». L’utilisation d’une de ses sociétés résidentes ne portera ainsi pas la marque de type «société off shore» dans des relations commerciales éventuelles avec d’autres pays.

L’habillage et le marketing viennent ainsi compléter admirablement la compétence financière locale mise au service de clients connaisseurs en la matière (on privilégiera ainsi les termes de «Bank, Insurance ou Trust Company» plutôt que ceux de «International ou holding», sans doute trop connotés ou trop explicites).

D’ailleurs, en cas de pression communautaire trop forte sur leur législation, les autorités en place ont prévu la possibilité d’adopter une nouvelle réglementation permettant d’opter pour un système de LLC (voir les sociétés en nom collectif de type américaine) en remplacement de leur sociétés non-résidentes.

*le Vatican

L’Etat du Vatican situé à Rome est une Etat indépendant qui ne lève pas d’impôt et sur lequel l’Italie ne lève pas non plus d’impôt. Par courtoisie internationale d’ailleurs, les Etats où le Vatican place ses fonds ne lèvent pas de retenues à la source sur les revenus de celui-ci.

Le Vatican, malgré sa réputation et son aura de rigueur et de droiture, connut néanmoins un scandale financier retentissant il y a une vingtaine d’années à propos de la banque Ambrosiano, ce qui jeta le discrédit sur tout son système bancaire.

A cette époque en effet, une des principales banque privé du Vatican, l’Instituto per le Opere di Religione (Institut pour les œuvres de religion ou IOR) fonctionnait comme une banque commerciale off shore en plein cœur de Rome du fait du statut d’ Etat dont disposait le Vatican. Le Saint Siège en était son principal client.

Or, cette institution bancaire eut de nombreux liens privilégiés avec la banque Ambrosiano et son président, Roberto Calvi, à la tête à la fin des années 70 d’une des plus grandes institutions bancaires italiennes privées (opérations financières menées conjointement, création en commun de compagnies off shore et de sociétés- écran, prêt mutuel de capitaux inséré dans des transactions complexes et opaques).

Le problème en l’espèce est que cette banque, non seulement se trouvait et faisait ses affaires (toutes sortes d’opérations de placement, de spéculations immobilière, financière et industrielle) en majeure partie dans des places financières opaques (Bahamas, Luxembourg, Nicaragua, Liechtenstein, Panama….), mais l’histoire révéla qu’elle mis presque en faillite l’institution bancaire du Vatican du fait de malversation et opérations douteuses menées par R.Calvi son président.

Il y eut ainsi apparemment pour plus de 1 milliards de dollars de perte. Seul le statut privilégié du Saint Siège aurait ainsi empêché des enquêtes judiciaires d’aboutir au sein des membres influents du Vatican.

Au final, Roberto Calvi fut arrêté pour trafic de devises (et fortement soupçonné de blanchiment actif) et mourut mystérieusement à Londres en 1982 sous un pont.

Face au désastre personnel de Calvi, l’IOR refusa de porter publiquement son nom dans le contrôle des sociétés off shore créées et de garantir les dettes énormes dues par la Banco Ambrosiano. Le Vatican eut néanmoins à gérer la disparition dans les caisses de l’IOR d’une fortune, due à ces tractations louches, que la plupart des estimations situaient dans une fourchette de 100 à 500 millions de dollars.

Par la suite, on appris également la collusion de Calvi avec la fameuse loge maçonnique P2 (dit encore la «Propaganda Due») et ses compromissions avec la mafia italienne.

L’effondrement de la Banco Ambrosiano fut en réalité la plus grosse faillite bancaire depuis le seconde Guerre mondiale, précédant de peu la plus grosse faillite bancaire de l’histoire, celle de la BCCI.

Dans l’étude des relations financières de cet Etat, il est important également d’avoir conscience que le train de vie de ce petit pays coûte beaucoup d’argent. En effet, les divers voyages du Pape ne sont pas gratuits ou ne sont pas également entièrement financés par les églises nationales qui le reçoivent. Certaines entreprises peuvent ainsi participer sous forme de subventions, sans parler aucunement de blanchiment ici, lors de ces visites papales.

Cela fut le cas d’un certain nombre de «sponsors officiels» tel Mercedes- Benz, Pepsi-Cola, Sheraton Hotels ou Kodak ayant par exemple déboursé 2 millions de dollars lors du 85ème voyage du Pape à Mexico (voir article du Tages Anzeiger de Zurich en date du 27 janvier 2001).

Le blanchiment d’argent est ici sans doute très loin, mais il est important d’avoir ainsi connaissance de ces flux important de capitaux pas toujours totalement transparents.

On pourra également évoquer le fait que désormais cet Etat possède depuis 1999 sa propre société d’investissement en Bourse (Umasges Simcav) ce qui lui permet d’être présent sur un marché d’échange financier important et peut générer aussi des transactions importantes ou des pertes conséquentes (comme celles connues durant l’année 200; des «pertes énormes» selon le quotidien El Pais).

*Israël

En l’an 2000, la population s’élevait à 6,2 millions d’habitants, dont 82 % sont d’origine juive.

La législation dans ce pays n’est pas des plus simples, aussi bien du point de vue législation sociale que système bancaire et financier. En effet, la base juridique utilisée est quadruple puisqu’ interagissent aussi bien les anciennes lois ottomanes, les règles anglaise et la common law, des lois particulières votées par le Parlement national depuis 1948 et quelques exceptions pouvant être issues de la loi religieuse juive.

Au final, la société off shore locale ressemble à une «Private limited company» au sens de la loi israélienne sur les sociétés de 1983 et calquée sur la règle britannique des sociétés de 1929.

L’un des avantages notables de l’« Off shore company» est de n’avoir aucune comptabilité à tenir en Israël et aucune déclaration fiscale à faire au fisc de ce pays, comme au Panama et aux BVI.

Les droits d’enregistrements et de constitutions sont en outre dérisoires (ne représentant que quelques centaines de dollars) et l’imposition annuelle quasi inexistante (à la différence de la plupart des paradis fiscaux).

En revanche, ce système peut avoir un inconvénient de taille, à savoir de créer une présomption de fait du caractère «off shore» d'une société basée en Israël et devant nécessairement avoir comme administrateur un avocat local agréé dont il faudrait payer largement les services (comme on dit là-bas, «les honoraires demandés par les avocats israéliens sont à la hauteur des services rendus… qui peuvent être considérables»).

En tout état de cause, si Israël n’est pas un paradis fiscal ou du moins ne veut pas l’être officiellement, le système national offert est original, particulièrement discret et peu regardant: même si obligation est faite pour l’avocat de préciser et consigner l’identité du «Bénéficial Owner»de la convention de Trust passée, il n’y a pas alors, à la différence du système bancaire suisse, un processus de vérification codifié; celui-ci est laissé à l’appréciation de l’avocat, qui pourra perdre son agrément en cas de difficulté et de soupçon pesant sur son client.

Ainsi, Israël n’est pas vraiment un paradis fiscal mais plutôt un Etat à fiscalité très élevée à raison notamment de la nécessité de financer son effort de paix (de guerre aujourd’hui) ainsi qu’au regard du régime très particulier de ses sociétés- résidentes.

Elle doit être néanmoins classé dans cette catégorie du fait d’une zone de libre échange très importante, à savoir la bourse du diamant de Tel Aviv, création inspirée de zone «in shore» de banque.

*la City ( et le problème de la Grande-Bretagne)

Haut- lieu des «International Headquarter Compagny» (IHC), sorte d’holding à la mode anglaise.A ne pas confondre, malgré le nom anglais identique, avec une structure administrative et publique.

La City est la première place financière mondiale (en concurrence avec New York) et abritait plus de 530 banques étrangères en 1999. C’est par nature «le plus grand centre off shore du monde», souligne le député socialiste français Vincent Peillon, président de la mission d’information de l’Assemblée Nationale sur le blanchiment de l’argent sale, et qui a rendu dernièrement un rapport sur la Grande-Bretagne.

«Cela veut dire, souligne t-il, qu’il faudrait des moyens considérables pour pouvoir surveiller l’ensemble des transactions qui s’y déroulent de manière journalière, ce qui n’est pas réalisée à l’heure actuelle, même avec les derniers développement en vue de la lutte contre le terrorisme international et ceux qui le soutiennent».

Néanmoins, en Grande-Bretagne et à la City en particulier, il semble qu’il y ait eu un «avant 11 Septembre» et un «après 11 Septembre». En effet, autant auparavant, c’était le laxisme le plus complet qui sévissait à l’intérieur de la sphère financière anglaise en matière de traque de l’argent blanchi, autant maintenant, les règles tatillonnes prédominent.

Le renforcement de la surveillance par les banques des comptes de leurs clients, l’accroissement des pouvoirs de police pour geler des fonds et le projet de divulgation obligatoire des bénéficiaires de trusts et autres sociétés-écrans sont autant de signes d’un nouveau climat face à l’appréhension du phénomène de blanchiment en général et du financement bancaire des réseaux terroristes en particulier.

D’ailleurs, les grosses fortunes proche- orientales ne se font pas d’illusions et fuient en masse les vicissitudes du nouveau comportement gouvernemental.

Pendant longtemps, grâce à l’attitude bienveillante de la Banque d’Angleterre, la Grande Bretagne était devenue très permissive, tirant ainsi profit de «l’attachement sentimental des nouveaux riches venant des pays du Commonwealth et d’ailleurs (nations arabes) pour leur ancienne puissance tutélaire» [2].

La place financière de Londres étant une des plus importantes du monde, la Grande-Bretagne était régulièrement mise en cause par ses partenaires comme étant aussi un centre important du blanchiment à l’échelon mondial [3].

Il est apparu que même le Parti conservateur aurait ainsi été indirectement financé par le blanchiment de l’argent de la drogue [4]. De telles révélations ont d’ailleurs crée un scandale sans précédent en montrant les liens troubles des milieux financiers londoniens avec le recyclage d’argent sale.

Pour l’Observatoire géopolitique des drogues, «Londres et son industrie de la finance surdéveloppée était et resterait sans doute aujourd’hui l’une des plus grandes places mondiales du blanchiment(rapport annuel 1997/1998) vu la permissivité de la loi sur les trusts assurant l’anonymat des bénéficiaires réels des fonds et la présence constante des îles anglo-normandes constituant de véritables usines à blanchir l’argent du crime».

Le journal l’Observer évoquait quant à lui la «lessiveuse londonienne de 500 milliards de dollars annuellement». Les liens privilégiés avec des pays du Commonwealth producteurs ou transitaires de stupéfiants (Inde, Pakistan, Afrique du Sud, Nigeria, Jamaïque…) comme avec des paradis fiscaux connectés directement à la City (HongKong, îles Anglo-normandes, îles des Caraïbes…), contribuent sans conteste à faire de Londres un grand centre de recyclage international.

A cette époque, le rapport du FSA (l’Agence de surveillance financière) titrait que sur plus de 500 banques étrangères, seules 10 avait effectué une déclaration de soupçon. Il était ensuite précisé que ce ratio était très anormal et, qu’à l’époque, on ne le retrouvait nulle part ailleurs, vu la densité de structures bancaires là-bas concernées.

Aujourd’hui, changement de décor: «manque de doigté, racisme anti-arabe latent, harcèlement, Islamophobie», tels sont les leitmotivs dont il est fait référence dans les conversations au sein de la sphère financière anglaise. Le Financial Services Authority apparaît comme d’autant plus répressif actuellement qu’il était depuis longtemps accusé de fermer les yeux sur l’argent sale et les dérives des flux financiers auparavant.

Ainsi, après un examen complet des réglementations financières appliquées dans les paradis fiscaux de Jersey, Guernesey et l’île de Man demandé par le Ministre de l’Intérieur Jack Straw en janvier 1998 à la suite de demandes renouvelées de la part de l’Union Européenne[5], l’audit réalisé releva des dysfonctionnements graves en matière de concurrence financière et dans la vie des sociétés bancaires présentes dans ces lieux.

Les résultats de ces enquêtes en restèrent pourtant à l’état de notes de services. Rien n’a alors semblé évoluer à cette époque dans le sens d’une prise en compte de ces problèmes à un niveau national.

Désormais les choses apparaissent bien différentes aujourd’hui et les moyens mis en œuvre également. Les américains se félicitent même de la coopération (inattenduemais appréciable) qu’ils ont pu rencontrer dans plusieurs affaires qui concernaient les îles anglo-normandes!

Aussi, pour le gouvernement anglais actuel, il est clair que les banques doivent désormais constamment revoir les comptes de leurs clients. Elles ne doivent pas hésiter à leur poser des questions et réclamer des preuves de bonne conduite.

Le monde a changé depuis le 11 Septembre: Il apparaît désormais comme une nécessité aux autorités anglaises que les clients doivent accepter ces nouveaux désagréments ou bien partir.

Malgré cela et sans sous-estimer les menaces de retrait des fonds, les hommes de la City restent confiants et cet autre expert d’ajouter:« Paris? (une des places financières en concurrence avec celle de Londres au point de vue quantitatif et qualitatif), il y a trop de réglementations; ce n’est même pas la peine d’y penserau niveau de la concurrence financière».

Pourtant, si les nouveaux systèmes de surveillance du FSA semblent permettre de protéger un peu plus le secteur bancaire de scandales retentissants sur de possibles implications en matière de blanchiment de capitaux, et donc de couvrir les banques anglaises et de rassurer leurs actionnaires, il semble que de telles mesures se révèlent sans incidence à court, moyen et long terme pour capturer des agents terroristes qui demeurent très en avance et au courant des règles spécifiques existantes.

Malgré cette nouvelle stratégie récemment mise en place au niveau de la place financière anglaise, il n’en demeure pas moins que la City reste encore à ce jour une sorte de «Cheval de Troie de la finance déviante» (et du blanchiment de fonds d’origine criminelle) face aux institutions financières européennes et aux flux de capitaux venant et partant du monde occidental.

En effet, c’est toujours sur son «International Equity Market» que s’échangent les valeurs étrangères attirées par le fait que le marché britannique ne présente aucune fiscalité pour les transactions qu’elle abrite (aucun impôt de Bourse n’y est demandé).

Il ne fait donc pas de doute que la City, comme d’autres grandes places financières, malgré la recrudescence de mesures anti-blanchiment prises récemment, continue néanmoins, sans problème de civisme ou de morale, à travailler avec l’argent dévoyé du crime.

Concernant les structures juridiques particulières qu’on y retrouve, il faut donc parler des IHC ou Holding britannique s’apparentant à une société de type paradis fiscal.

La non-imposition à l’impôt sur les sociétés si intéressante en Grande-Bretagne résulte non pas d’une exemption éventuellement soumise à condition, mais d’un crédit d’impôt agglomérant l’impôt sur les sociétés effectivement payé par une retenue à la source. Il en résulte que si, en général, il n’y a pas d’imposition, les dividendes reçus sont quand même imposables sauf en cas de pertes, d’amortissement différés ou d’exemptions particulières.

Justement, dans le système britannique, les capitaux sous forme de dividendes qui ressortent sans aucune retenue à la source constituent une exception au principe mais une exception généralisée!

Quelques conditions sont néanmoins émises à l’application de cette «exception» fiscale, comme par exemple, le fait que les actions de la holding doivent être détenues au minimum à 80 % par des non-résidents britanniques.

A côté de cela, la cession de titres de la holding n’est soumise à aucune plus-valueet les bénéfices futurs ne sont pas imposables.

Il faut enfin remarquer que la Grande-Bretagne détenait le record européen de traités internationaux sur les doubles impositions avec 116 conventions en 1996.

Cela permettait, comme il est énoncé dans le dictionnaire Chambost, que les non-Européens après avoir investi en Grande-Bretagne, soient «in» tout en étant «out» et à certains résidents Européens d’être officiellement «out» tout en étant «in».

Tout cela pour comprendre que la Grande-Bretagne est véritablement un cheval de Troie permettant d’intégrer les règles européennes tout en étant protégé des inconvénients de tels contrôles européens par des statuts dérogatoires institués au profit de la citoyenneté anglaise.

d) Des Etats entrés en résistance

Il n’est jamais agréable de figurer sur une liste telle que celle des pays favorisant le blanchiment d’argent sale ou permettant de faire transiter des fonds vers des groupes terroristes. L’image de marque de nombreuses sociétés et la réputation et l’éthique de certaines nations ont pu ainsi pâtir de telles désagréments.

Aussi, même si parfois ce genre de publicités peut, en sens inverse, amener certains capitaux en grand nombre à transiter vers ces lieux singuliers de la finance mondiale, les pays ou territoires fichés se décident néanmoins, contre leur gré et sous le coup de pressions étatiques puissantes, à prendre les engagements nécessaires pour éviter de figurer à nouveau sur la liste des paradis fiscaux non coopératifs dressée par le GAFI.

Ces engagements sont souvent d’ordre politique et pris de manière publique pour responsabiliser le gouvernement en fonction dans la tenue d’un calendrier de réformes progressives à mettre en place pour limiter des pratiques fiscales et réglementaires dommageables.

Afficher des signes de bonne volonté pour sortir des listes établies, cela signifie que les C.F.O (ou Centre Financier Off shore) ou les C.O.S (centres off shore) doivent démontrer leur attachement à des normes élevées de surveillance et de coopération avec les autres autorités.

Cela inclutle plus souvent :

-la déclaration d’intention par un territoire d’instaurer des normes adéquates,

-remplir des auto-évaluations internes de conformité avec ces normes,

-mettre en œuvre des évaluations externes qui pourraient inclure la participation d’experts internationaux.

Pour exemple de démonstration d’un respect des normes internationales, cela peut être la publication des résultats des évaluations. Un C.F.O pourrait également afficher sa volonté d’améliorer ses pratiques en réalisant la mise en place de normes internationales lui permettant d’adhérer à une organisation internationale d’envergure luttant contre le blanchiment de capitaux.

*la Suisse (petite fille riche sûrement, mais pas triste!!)

Pendant longtemps, la Suisse est demeurée l’archétype du paradis fiscal. A la différence d’une publicité que l’on a pu voir récemment sur les murs parisiens ( novembre/ décembre 2001) et qui vante les paysages de montagnes comme les vraies richesses de cet Etat, le pays semble plus réputé (et de loin) pour ses facilités bancaires et ses réseaux de transit efficaces pour les flux financiers importants plus ou moins douteux.

Pendant plusieurs années, la Suisse devait ainsi représenter une «poubelle en or massif et blindée de l’argent sale»[6].

Grâce à un système bancaire hypertrophié, grâce aussi à ces institutions que sont le secret bancaire et le compte à numéro, ce pays a fonctionné pendant longtemps de manière incontesté comme «le receleur du système capitaliste mondial».

On évoquait ainsi le fait que la Suisse était toujours le «lieu où l’argent devait se trouver ou par lequel il était passé».

De nombreux facteurs avaient ainsi rendu cela possible:

-un pays, véritable pionnier international dans ce domaine,

-une tradition bancaire bien ancrée,

-une efficacité et discrétion reconnues,

-un système bancaire performant,

-une stabilité politique,

-une respectabilité internationale,

-un secret bancaire excessivement hermétique.

Dans les faits, on comptait jusqu’à récemment 500 banques à Zurich, 400 à Genève, plus de 150 à Lausanne et près de 100 à Locarno. Or, l’on sait désormais que les principaux acteurs, plus ou moins à leur corps défendant, du système institutionnalisé du retraitement de l’argent sale, sont les établissements bancaires.

C’est sans doute pour cela que certains analystes retiennent pour la Suisse plus le terme de «paradis bancaire» et moins le terme de «paradis fiscal» (à la différence du Liechtenstein [7]) .

La situation semble pourtant bien différente d’un canton à l’autre. Dans le canton de Vaud (que certains ont appelé le «Vaud d’Or»), comprenant 385 communes dont Lausanne, l’administration fiscale locale accepte beaucoup mieux la déductibilité de certaines dépenses afin d’attirer à elle de nombreux sièges sociaux d’entreprises (une sorte de zone franche helvétique -terme que nous expliciterons plus précisément dans la dernière partie du mémoire- bien appréciée par de très nombreux clients dont certains criminels)et qui disposent ainsi:

-d’une fiscalité progressive douce,

-de peu d’écart quant aux impositions sur la fortune,

-d’une absence d’inquisition fiscale.

D’autres cantons plus ruraux, comme Lucerne, Nidwald, Schwytz, Uri ou encore Fribourg et le Valais semblent également moins bien armés pour enquêter et plus accessibles aux blanchisseurs par une corruption latente que les centres financiers plus surveillés comme Zurich et Genève. Ainsi, il arrive souvent qu’en Suisse la police financière soit sous-dotée. Comme le rappelait M. Bertossa, procureur général du Canton de Genève lors d’un entretien réalisé par la Mission Parlementaire française, «il existe une brigade financière qui est composée de policiers dont la qualité première et principale est la bonne volonté. Ils n’ont pas de formation à l’égal des brigades financières françaises, ni de spécialistes dans la police, sauf une personne depuis 3 ans seulement! ».

Néanmoins, avec les pressions internationales renouvelées et l’agacement de la population en général, il semble que soient apparues certaines lézardes dans ce bel édifice financier.

Il se serait effectivement produit une évolution due au fait que la Suisse n’ait plus la réputation de coffre-fort inviolable de l’argent sale et ce, grâce à l’activité de certaines autorités judiciaires, l’appui du pouvoir politique et les efforts déontologiques provenant de nombreux établissements bancaires suisses.

vPremière brèche, le blanchiment devient un délit et est donc sanctionné comme tel en pratique dès 1990.

vDeuxièmement, la convention de diligence de 1994 et l’apparition du réputé «formulaire A» qui oblige le banquier, l’avocat et finalement le mandataire du compte à identifier l’ayant-droit économique, c’est à dire le bénéficiaire du compte[8]. Le secret bancaire peut être ainsi levé.

A cette époque sont bannis également les transferts électroniques (SWIFT), grand pourvoyeur de flux soupçonnables, ainsi que la formule du donneur d’ordre anonyme.

vTroisièmement, la Suisse a ensuite ratifié plusieurs traités générant une plus grande assistance entre nations en matière pénale (Convention de Vienne, convention de l’ONU sur les drogues).

Plus particulièrement en matière financière, sa législation est devenue également plus coercitive en l’an 2000 par la non-reconnaissance des fiducies et la mise en place d’un mécanisme d’auto- contrôle professionnel (obligation désormais de signaler les transactions douteuses à une cellule ad hoc avec possibilité de geler les comptes suspects pendant de longues périodes).

D’ailleurs, il est à noter que la Suisse, contrairement aux Etats-Unis et à l’Union Européenne, n’a pas dû revoir sa législation en urgence pour modifications après les attentats du 11 Septembre. La seule mesure nouvelle en la matière n’est que la ratification rapide de la Convention des Nations- Unis contre le financement du terrorisme.

vles «fameux comptes numérotés» suisses, ni leur variante (les comptes dits «à pseudonyme) n’ont plus leur caractéristique essentielle d’être anonyme, car l’identité du client est désormais toujours connue de la banque, au moins au moment de l’ouverture du compte et ce, même si c’est seulement le cas pour un cercle très restreint de collaborateurs de la banque. Le banquier est par conséquent en mesure de faire part de ses soupçons de blanchiment à ses autorités.

vDernièrement enfin, le fait que la compétence en matière de délinquance financière, de lutte contre le blanchiment et d’infractions attachées à ces questions, soit devenu de niveau fédéral, cela va contribuer à supprimer la voie de recours passant par la justice cantonale.

Malgré tout cela et une satisfaction officielle générale de la part des organismes internationaux en charge de la lutte contre la blanchiment de capitaux [9], la Suisse demeure très surveillée.

Elle reste, en effet, un pays qui peut encore faire transiter des fonds et capitaux d’origine floue [10].

D’ailleurs, selon les offices cantonaux, plusieurs milliers de Russes, de Géorgiens ou d’Ukrainiens auraient fait depuis quelques années des démarches de plus en plus nombreuses, soit pour s’établir en Suisse, soit pour y créer des sociétés.

Rien que dans le canton de Zurich, pas moins de 300 sociétés russes sont actuellement sous enquête (voir les déclarations du procureur de Zurich Dieter Jann-Corrodi qui est submergé par cette nouvelle délinquance qui vient de l’Est).

De plus, est à disposition:

-l’effectivité de la «clause de réserve de spécialisation», à savoir que la Suisse ne reconnaît pas l'évasion fiscale comme un crime pénal et donc ne donnera aucune information si le délit de blanchiment ne peut être prouvé par les autorités étrangères qui en font la demande.

En fait, à peu près partout dans le monde, l’évasion fiscale constitue un délit justiciable du pénal. Mais pas en Suisse, où la soustraction intentionnelle de revenus imposables ne constituent seulement que des infractions administratives. En matière d’évasion fiscale, le secret bancaire est donc absolu. Il n’est jamais levé pour qui que ce soit.

-en outre, le pays conserve une image d’opacité véridique intimement liée à l’atout traditionnel de sa place financière, à savoir le secret bancaire. Tout le monde, y compris les banquiers eux-mêmes, admet qu’environ 80 % de ces clients confient leurs capitaux aux établissements helvétiques pour des raisons de confidentialité.«Les banques suisses restent d’ailleurs les institutions bancaires préférées des criminels poursuivis par la justice américaine» assurait un haut responsable du département américain de la Justice en 1994. Maintenant, «il semblerait que le domaine du blanchiment représente en Suisse pour au moins plusieurs centaines de millions de Franc suisse, soit plus de 150 millions d’euros», évoquait ainsi M. Bertossa.

Pour exemple de la réalité de l’application de ce principe encore actuellement, on peut faire référence au scandale révélé il n’y a pas si longtemps (septembre/octobre 2000) et qui concernait les capitaux de l’ancien dictateur du Nigeria Sani Abacha. Celui-ci aurait détourné entre 1993 et 1998, année de sa mort, quelque 3,4 milliards d’euros pour les placer dans 19 banques suisses. Or, seuls 730 millions d’euros ont été retrouvés et bloqués et seulement 115 millions d'euros restitués aux autorités de Lagos. Le reste a été sans doute déplacé ou dort toujours à l’abri de certains coffres hermétiques suisses……

Il semblerait ainsi que la respectabilité de certains fonds soit très souvent assurée par l’intermédiaire de personnes bien établies en Suisse, non seulement des avocats mais aussi des gérants d’affaires, des gérants de fortune, des fiduciaires qui se portent garantes de la qualité de leurs clients auprès des établissements bancaires.

-les autorités fédérales chargées de cette mission de surveillance sont également très mal dotées en moyen et en personnel (5 personnes à plein temps, soit deux fois moins que son homologue d’Islande!).

-même si le secret bancaire n’est plus un obstacle aux investigations, il demeure un élément encore très important dans la législation suisse. En effet, si le principe de la levée du secret bancaire est inscrit dans de nombreux textes, d’autres écrits font mention que le secret bancaire conserve une intégrité propre de par les termes de la législation pénale en vigueur. Cette obligation au secret des affaires peut ainsi aller très loin. Lorsque la violation du secret est le fait d’un organe d’une personne morale (administrateur ou directeur), celui-ci peut être poursuivi, sur le plan pénal mais aussi à titre personnel en responsabilité délictuelle devant les tribunaux civils.

Enfin, il existe des indices qui ne trompent pas sur la réalité de la situation suisse quant à l’épineux problème du blanchiment de capitaux là-bas depuis plusieurs années.

Ainsi en 1990, la Shakarchi Tradind SA , puissante société financière de Zurich capable de traiter jusqu’à 100 millions de dollars par jour, fut soupçonnée d’avoir blanchi l’argent de la filière libanaise à concurrence de 1 à 2 milliards de dollars. Or son vice président, M. Hans Kopp, n’était autre que le mari de la ministre de la justice suisse et, en tant qu’avocat d’affaires international et réputé, il défendait également la cause d’un des plus gros trafiquant d’armes et d’héroïne du monde. La ministre de la justice ainsi que le procureur général ont dû être contraints de quitter leurs fonctions, ce qui laissa planer des doutes sérieux sur leurs comportements.

A côté de cela, depuis 10 ans, les banques suisses sont certes de plus en plus soumises à des devoirs de vérification plus stricts de leur clientèle. Mais cela n’empêche pas que le secteur dit«para-bancaire» (les gérants de fortune indépendants, c’est à dire sociétés fiduciaires et avocats) de prospérer en toute liberté [11], sans besoin d’aucune autorisation pour opérer, et ainsi de constituer en Suisse un véritable Talon d’Achille dans la lutte contre le blanchiment en Europe.

Selon une étude de l’université de Bâle, la place financière helvétique gèrerait environ 35 % des avoirs privés mondiaux et assurerait ainsi au moins 11 % du PIB du pays.

On estime également à 27 % la part de la Suisse dans l’ensemble des marchés financiers offshore du monde (voir Gemini consulting NY, étude sur les marchés offshore).

Avec ce pourcentage la Confédération se trouve loin devant le Luxembourg et les divers paradis fiscaux des Caraïbes et de l’Extrême -Orient

De nombreuses analyses et études font ainsi apparaître le système bancaire suisse comme «se nourrissant sans distinction de l’argent du crime organisé, des capitaux en fuite des dictateurs du tiers-monde, de la fraude fiscale internationale». Mais la susceptibilité suisse semble être également à la hauteur des critiques virulentes émises. Des tribunaux helvétiques avaient ainsi sanctionné une action maladroite des Douanes françaises en 1993 en prenant une décision qui avait établi la «volonté d’espionnage économique et d’activités interdites établies en faveur d’un pouvoir étranger» de la part de ce service policier, ce qui avait alors mis à mal les relations politiques entre les deux pays.

Néanmoins, l’Union européenne ne perd pas espoir dans le fléchissement de la législation suisse. Elle demande depuis quelque temps déjà, dans le cadre de négociations et de compromis sur l’harmonisation de la fiscalité des revenus du capital en Europe, l’abolition progressive du secret bancaire afin de lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale en direction de ce pays (voir document en annexe sur ce sujet).

Les grandes banques nationales (comme l’Union des Banques Suisses –UBS) se préparent avec nonchalance et discrétion à la disparition de leur sacro-saint secret bancaire et de l’asile fiscal mais pas avant 2010. En fait, ils recrutent activement une clientèle européenne plus jeune, dont l’argent, après la date fatidique, serait géré à la manière helvétique mais dans son pays d’origine.

Le problème qui subsiste néanmoins pour la Suisse, c’est qu’elle était persuadée pendant longtemps qu’il suffisait de rester hors de l’Union européenne pour sauvegarder son secret bancaire. Elle découvre maintenant avec stupéfaction que l’Europe peut décider d’appliquer aux pays tiers également ses normes en matière d’évasion fiscale.

Même si les délais d’insertion de cette harmonisation sont encore importants, cela provoquera nécessairement un bouleversement des comportement et des pratiques de la part des banquiers et courtiers helvétiques et sans aucun doute également des conséquences dramatiques pour le marché de l’emploi (107 000 personnes travaillent dans le secteur bancaire et para-bancaire en Suisse actuellement).

De toute façon,il paraît ainsi évident que le Parlement helvétique ne puisse arriver à modifier seul cette situation en matière fiscale et financière. Des pressions extérieures restent indispensables pour faire avancer les choses ainsi que la collaboration effective et réelle des intermédiaires financiers eux-mêmes. Le courage ne suffit pas à lui même. Il faut également rechercher l’efficacité à la fois locale, nationale et transnationale.

*le Luxembourg (un meilleur élève dans l’action anti-blanchiment)

Situé entre la Belgique, la France et l’Allemagne, le Luxembourg est une place économique qui vient de connaître durant les 30 dernières années un boom économique dû au développement considérable de ses activités bancaires et financières [12].

Le PNB par habitant est le deuxième du monde (avec 47 680 Fs par an pour 1993, la Suisse étant toujours au premier rang avec 48 245 Fs).

De plus, il compte plus de 320 établissements bancaires ayant réalisé en 2000 un bénéfice net de 2,65 milliards d’euros, 1 200 fonds d’investissement présents, 10 000 holdings pour seulement 400 000 habitants (source New York Times 1999, l’Expansion 1998).

En fait, le Luxembourg n’est pas vraiment un paradis fiscal, sauf deux types spéciaux de sociétés: les Holdings Companies (10 000 répertoriées) suivant la tradition, et plus récemment, un nouvelle structure avec un régime fiscal particulier pour bénéficier des traités sur les doubles impositions , les SoParFi.

Il faut ainsi distinguer au Luxembourg entre:

-sociétés holding financières,

-sociétés holding d’investissement

-et sociétés de Participations Financière.

Pour ces trois types de sociétés holdings spécifiques, il a été prévu une absence de retenue à la source sur les dividendes, avec possibilité d’exemptions d’impositions sur les plus values de cessions d’actions. Lors de dissolutions de ces entités économiques, il n’y a pas non plus d’imposition sur le produit de liquidation, ni de retenue à la source sur sa distribution.

Dans les faits, le Luxembourg apparaît alors beaucoup plus comme essentiellement un paradis bancaire.

Voici ce que présentent les chiffres:

-1970: 37 banques

-1980: 111 banques

-1990: 177 banques

-1994: 222 banques plus 48 établissements financiers (acceptant des dépôts mais sans activité bancaire), 19 institutions financières, 60 compagnies d’assurance et 200 de réassurances, plus de 2 000 fonds d’investissement et assimilés représentant près de 200 milliards de dollars (en 1996), à ce titre comparable aux dépôts reçus par les banques suisses.

Cette structure bancaire hyper développée fait preuve d’une extraordinaire internationalisation puisque la quasi-totalité des banques sont étrangères et que celles d’origine luxembourgeoise sont en fait aux mains d’actionnaires étrangers (sauf banque et Caisse d’ Epargne d’ Etat).

On comptait déjà parmi les plus importantes en 1994, 72 banques allemandes, 26 belgo-luxembourgeoises, 21 françaises, 18 italiennes, 17 suisses…

Face à ces constatations et sans aller jusqu’à acquiescer aux déclarations du Directeur de l’Association des banques et banquiers luxembourgeois (l’ABBL), qui affirmait «qu’au regard de l’activité bancaire nationale, la surveillance et la vigilance appliquées étaient les meilleures» du monde, on peut toutefois reconnaître que les autorités luxembourgeoises entendent désormais jouer les bons élèves dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et ce, surtout depuis le 11 Septembre dernier.

Le monde bancaire du Luxembourg se montrerait ainsi de plus en plus soucieux de la lutte contre le blanchiment. Pour exemple, en 2001, en 10 mois, il y eu 277 dossiers ouverts pour investigations au lieu de 158 pour toute l’année 2000.

De plus, le Luxembourg avait connu son premier procès pour blanchiment d’argent dès 1991.

Il n’est néanmoins pas question de supprimer totalement le régime luxembourgeois des exemptions fiscales qu’elle connaît pour l’instant. Cela nécessiterait en effet également de la part d’autres pays dans le cadre communautaire de renoncer au bénéfice direct ou indirect de certains territoires fiscaux qui leur sont économiquement indispensables (Monaco pour la France, les îles de la Manche pour la Grande-Bretagne, les Holdings substantielles pour les Pays-Bas….).

De plus, il n’est pas certain que les Ministres des Finances de la Communauté soient réellement contre la situation actuelle d’un paradis bancaire intégré à l’ensemble des pays de la Communauté. En effet, il peut sembler ainsi préférable que certains capitaux restent de la sorte à l’intérieur de la Communauté plutôt que de franchir les Alpes pour aller en Suisse.

Cependant, le statut du Luxembourg est véritablement un problème à part qui pose bien des difficultés. En effet, à la différence de Jersey, Guernesey ou l’île de Man, le Luxembourg n’est pas un de ces petits territoires associés à un pays faisant partie de l’Union Européenne. Pays totalement européen, il est membre de l’ex -CEE substituée en cela par l’Union Européenne, signataire de plus de 35 conventions sur les doubles impositions et bénéficie du maintien de privilèges fiscaux qui ne sont pas toujours en accord avec la législation européenne.

Cette situation est rare pour un paradis fiscal (car il est permis ainsi l’application d’échanges d’information et des possibilités de recouvrement forcé, voire même de mesures conservatoires). Mais ce n’est pas parce que ce pays (comme la Suisse d’ailleurs) a passé un nombre important de conventions fiscales bilatérales que celles-ci entreront de fait en application lors d’un litige ou d’une demande de collaboration (vérification de la légitimité de la demande et de la possibilité ou non de réponses en retour dans un délai restreint).

En outre, le flot de capitaux déposés par les milliers d’épargnants belges, allemands et français, cherchant à fuir les rigueurs de leurs fiscalités nationales ne désemplissant pas, l’arrivée de l’euro ne pourra qu’accroître cette évasion de capitaux très importante, même si cela reste de l’ordre intra communautaire.

En tout état de cause, cette situation complexe est renforcée par le fait que ce pays continue à faire usage de pratiques peu concurrentielles et en désaccord avec la législation européenne en la matière: comptes chiffrés rendant plus difficile le contrôle des mouvements de capitaux, maintien d’un secret bancaire des plus performants (avant 1989, il n’y avait pas de législation directe concernant le secret bancaire; cela provient plus de la création d’une tradition de réglementation «ex-nihilo») [13].

Enfin, à côté de son activité financière et bancaire des plus florissante, le Luxembourg a développé une branche économique qui en dit long sur ses désirs de développements futurs, toujours sur le «fil du rasoir». En effet, ce territoire enclavé n’a pas hésité à créer un pavillon maritime tout à fait sérieux dit «de complaisance»(même sans accès à la mer), promettant dès lors dans le cadre communautaire de réels avantages de TVA [14].

Si l’optimisme affiché des dirigeant doit donc être un peu nuancé (aux dires de certains hauts responsables nationaux, «Ben Laden pourrait sans difficulté placer de l’argent dans ce pays sans courir le risque de voir ses comptes geléset que cela ne soit jamais découvert par un quelconque journaliste »), il doit néanmoins être noté que la fraude est là-bas considérée comme un acte criminel et ce, même si demeure la nécessité de ne pas abolir un rempart fondamental de la vie privée tel que le secret bancaire.

Dans cette optique, un dispositif de surveillance et des dispositions réglementaires bancaires ont été prises: les banques luxembourgeoises doivent par exemple demander une identification à tout «beneficial owner» avec photocopie de leur passeport, ce qui ne peut que diminuer le caractère anonyme de dépôts anonymes d’actions ou d’espèces.

*Andorre (terre des blanchisseurs et des courtiers financiers selon certains)

La Principauté d’Andorre est un micro- Etat d’environ 460 km2 comprenant plus de 66 000 habitants (données de 1996).

Par sa situation géographique protégée, la quasi-absence d’impôts directs (une fiscalité très peu lourde en fait), la libre circulation de l’argent à travers ses frontières (le territoire prospère sur le transit entre ces deux grands voisins) et son système financier performant, souple et relativement développé (avec des facilités d’implantation commerciale simplifiés), l’Andorre est susceptible d’attirer des opérations de blanchiment d’argent.

Dans ce pays existe en effet une tradition de secret bancaire qui n’est pas sanctionnée par une législation mais est renforcée par la carence de convention prévoyant des échanges d’informations. Ainsi, les absences de traités multilatéraux et d’une législation en matière de coopération internationale rend l’entraide et d’autres formes de collaboration peu aisées à mettre en œuvre avec l’Andorre.

De plus, l’existence de comptes numérotés et de comptes à pseudonymes préoccupe les évaluateurs et il n’y a pas d’harmonisation de sa législation à ce jour avec les normes européennes.

Enfin, il n’existe pas de disposition pénale venant directement sanctionner le défaut de déclaration de soupçons.

Tout cela ne fait que renforcer l’introduction possible de sources importantes d’argent sale provenant essentiellement là-bas des infractions commises à l’étranger, dont le trafic de stupéfiants et le trafic d’armes (présence de membre de l’ETA sur place). La contrebande (contrebande de cigarette essentiellement, faisant perdre plus de 1 milliard d’euros chaque année au budget communautaire), l’escroquerie (dont celle aux crédits bancaires fictifs en augmentation en ce moment), le faux monnayage, la corruption et la fraude (notamment la fraude communautaire) sont également à mentionner parmi les délits de caractère économique détectés et qui pourraient générer des profits importants. La technique d’ailleurs la plus utilisée par les blanchisseurs d’argent semble être le dépôt d’argent liquide dans des comptes bancaires andorrans.

Cependant, si Andorre comporte une dizaine de banques sur place, elle ne devrait pas connaître le développement de Monaco en tant que paradis fiscal, du fait de sa situation enclavé et peu accessible. De plus, il se distingue aussi du Liechtenstein, qui est malgré tout d’un accès aussi malaisé, car il ne s’agit pas d’un paradis fiscal pour personnes morales. Il faudrait donc en effet que les personnes physiques y résident.

Dans les fait, les experts financiers du GAFI et de la Commission des Communautés européennes qui ont pu analyser et évaluer cet Etat, ont exprimé pourtant leur impression globale très positive concernant le régime anti-blanchiment d’Andorre.

En effet désormais, les priorités de cette politique semblent être à la fois la prévention, la répression pénale, la coordination entre tous les acteurs concernés et l’amélioration du cadre législatif et réglementaire:

-obligations de diligences pour les banques après l’adoption d’un code de déontologie auto-imposé par l’Association des banques andorranes en 1995,

-obligation d’identification des clients pour ces mêmes professionnels et obligation de conservation des documents d’identification,

-introduction de l’infraction de blanchiment d’argent dans le Code Pénal en 1990,

-création d’une unité de police spécialisée dans la délinquance financière (l’Unité d’Investigation et d’Identité Judiciaire ou UII) en 1999.

Néanmoins, l’Andorre est considérée à l’heure actuelle comme un paradis fiscal à l’activité économique débordante (voir numéro de novembre 2001 de La Lettre du blanchiment), avec des possibilités nouvelles et l’intégration de solutions technologiques pour développer là-bas l’E- business et l’E- banking. De plus la présence de très nombreuses sociétés-écran d’import-export peut apporter quelques craintes sur le développement de cette place financière si un manque de vigilance des institutions établies se fait sentir un jour.

Les propos de Mme Carme Sala Sansa, ministre de l’éducation en 1998 et disant que:

«à cette époque, le pays ne connaissait pas de problèmes de blanchiment», semblent devoir être néanmoins fortement nuancés aujourd’hui.

*le Canada

Le blanchiment est au Canada une infraction criminelle grave entraînant chaque année la circulation de milliards de dollars dans l’économie canadienne provenant des recettes des activités criminelles (estimations de 5 à 17 milliards de dollars).

Comme le blanchiment d’argent met en cause là-bas des opérations effectuées par le truchement des institutions financières et d’autres intermédiaires financiers (une grande partie de ces fonds provienne à la fois du commerce illégal de la drogue, de cambriolages et de contrebande de cigarette), il a été rendu obligatoire de déclarer les opérations financières suspectes ainsi que les mouvements transfrontaliers importants de devises.

En effet, il est avéré qu’il était de plus en plus difficile de détecter et de décourager le blanchiment d’argent et les mouvements transfrontaliers des produits de la criminalité. Les méthodes traditionnelles d’enquête sur ces activités s’avérant moins efficaces, il a fallu avoir recours à la mise en place de nouvelles mesures plus adaptées.

La déclaration obligatoire des opérations suspectes

Comme en France, il a été établi un devoir vis à vis des institutions financières réglementées, des casinos, des bureaux de change et des autres entités et personnes agissant en qualité d’intermédiaires financiers (à la différence de la France, cela englobe aussi les avocats et comptables) pour déclarer les opérations financières vis à vis desquelles il y aurait des motifs raisonnables de soupçonner qu’elles soient liées à la perpétration d’une infraction de blanchiment. Pour d’autre types spécifiques d’opérations, il est également demandé d’effectuer une déclaration précise (infraction pouvant engendrer jusqu’ 2 millions de dollars d’amende et 5 ans d’incarcération).

La déclaration de mouvements transfrontaliers importants en devises

Cette mesure est bien originale mais somme toute naturelle vu la proximité de la frontière avec les Etats-Unis.

La création du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada

Ce centre servira de dépôt central de renseignements sur les activités de blanchiment d’argent pour tout le Canada. Il représente un organisme gouvernemental autonome qui fonctionne indépendamment des organismes d’application de la loi (même système qu’en France).

Il aura ainsi pour mandat de recueillir et d’analyser l’information communiquée au sujet des opérations suspectes et des mouvements transfrontaliers de devises décrits ci dessus.

Il aura aussi la responsabilité première quant à la surveillance de l’observation par les intermédiaires financiers des exigences professionnellement établies.

Ce régime amélioré devrait ainsi permettre de faire reposer les mécanismes de lutte contre le blanchiment d’argent sur les personnes qui sont les plus en mesure de détecter une activité de blanchiment lorsque celle-ci survient dans le monde bancaire et financier .

De plus, ce système permettra de fournir plus rapidement des renseignements davantage fiables et cohérents aux services d’enquêtes et de poursuites dans un Canada qui a été pendant longtemps, grâce à son régime des sociétés non- résidentes et à un traité favorable avec lesEtats-Unis, un véritable paradis fiscal de qualité.

Le régime des sociétés a ainsi été supprimé et le traité désormais changé, ce qui explique la bonne tenue de ce pays dans le concert des nations en matière de lutte contre le blanchiment.

*la Pologne

La République de Pologne est l’un des plus grands pays d’Europe centrale. Le crime, et en particulier le crime organisé, y est considéré comme un problème majeur.

Ces dernières années en effet, la Pologne est devenu un pays de transit pour la contrebande de drogue en direction de l’Europe occidentale. On considère d’ailleurs à juste titre qu’un grand nombre de ces groupes criminels blanchissent de l’argent en Pologne, notamment le produit d’infractions commises à l’étranger. Les sources effectives et potentielles de bénéfices d’activités délictueuses sont entre autres la production et le trafic illicites de drogue, le vol de véhicules, l’extorsion de fonds, la contrebande de voitures volées, d’alcool et de cigarettes, et la contrefaçon.

Les autorités polonaises reconnaissent ainsi que leur pays est vulnérable au blanchiment d’argent sale et plus précisément, le secteur bancaire au niveau des investissements réalisés, de même que les 3 500 bureaux de change («Kantors») et les 35 casinos qui fonctionnaient alors dans le pays en 1999. Elles avaient très tôt pris en compte la menace que représentait le retraitement d’argent sale pour leur pays et ont essayé de réagir à ce problème dès 1992:

-Plusieurs réglementations et instruments législatifs ont été successivement adoptés à cet effet. Le problème est que ce système s’est néanmoins développé de façon incohérente et de manière trop lente dans la pratique.

-Ainsi, pour exemple, une loi nouvelle avait été présentée en 1999 pour mettre en œuvre une obligation de signalement suspect devant s’appliquer aussi bien aux casinos qu’aux compagnies d’assurance, aux bureaux de change et aux notaires. Il s’agissait ainsi d’un pas en avant assez positif.

-La saisie obligatoire des biens acquis directement ou indirectement grâce au produit d’activités illicites (qui semble prévoir la privation de l’auteur de l’infraction du produit de ses actes), bien qu’elle soit désormais inscrit dans la législation répressive, n’a été que peu employée et appliquée par les tribunaux dans les faits.

-Pour autant, la Pologne est prête à fournir une entraide judiciaire dans ce domaine, ce qui est un autre point positif.

A côté de ces avancées non négligeables, subsistent encore des obstacles à une lutte efficace et bien adaptée vis à vis du blanchiment d’argent sale:

-Depuis que l’activité de blanchiment a été considérée comme une infraction, très peu de condamnation effective pour blanchiment de capitaux ont été prononcée (pendant les 5 premières années, de 1994 à 1999, aucun jugement n’avait été établi sur ce comportement infractionnel).

-Si, sur le plan financier, les banques sont tenus de relever l’identité de leurs clients et de tenir à jour leur registre, l’absence de toute véritable obligation d’identification du client en cas de transaction autre qu’en espèces, doit être considérée comme particulièrement préoccupante.

-En outre, les sociétés de courtage ont trouvé une parade à cette disposition, à savoir que si elles sont tenus d’identifier le propriétaire d’un compte titre, elles ont la possibilité de partir du principe que le propriétaire déclaré du compte en est nécessairement le véritable bénéficiaire. Il n’y a donc pas d’analyse pro- active et de recherches complémentaires faites par ces professionnels à partir de l’identification initialement produite.

-En réalité, il semble que sur le plan opérationnel, il soit toujours difficile voire impossible d’obtenir dans ce pays des statistiques fiables sur les déclarations de transactions suspectes, ce qui est très regrettable dans la perspective d’une nécessaire analyse approfondie des cas de transaction douteuses.

En fait, il apparaît pour ce pays, qu’il serait impératif de prendre d’urgence des mesures pour établir un système efficace et opérationnel de lutte contre le blanchiment, comme par exemple, la création d’une Unité chargée du renseignement en matière financière (non créé en 1999, date de l’évaluation faite par la Commission des Communautés européennes).

Il serait donc important que la Pologne, qui constitue un Etat très vulnérable en la matière, puisse continuer d’engager un certain nombre de procédures pénales dans ce domaine et ce, de manière rapide, afin que les magistrats et autres acteurs de cette lutte contre le recyclage de l’argent criminel, ne développent pas en la matière un état d’esprit négatif se considérant désormais comme impuissants.

*la Lituanie

Le processus de transition vers l’économie de marché engagé par la Lituanie depuis 1990 s’est accompagné là aussi d’une progression de la criminalité (comme pour bon nombre de pays de l’Est déjà analysés tels la Hongrie, la Roumanie et la Pologne). Des groupes nationaux du crime organisé se sont ainsi constitués et opèrent désormais autant aux niveaux national qu’international en ayant fréquemment recours au blanchiment de capitaux.

En Lituanie, ce blanchiment est considéré comme une menace réelle pour le système financier qui est vulnérable autant au stade du placement, de l’empilage que de l’intégration.

Les autorités soutiennent d’ailleurs que c’est actuellement le secteur bancaire qui est le plus concerné. Elles reconnaissent cependant que d’autres établissements financiers non bancaires et le secteur immobilier risquent d’être rapidement noyautés par des capitaux douteux en nombre croissant.

Trois objectifs ont été identifiés par les gouvernement successifs comme prioritaires et ont été mis en œuvre depuis 1990:

-encourager la coopération avec les institutions des autres pays et les organisations internationales;

-adapter le système juridique en fonction des règles de l’Union Européenne et des normes internationales. Dans cette optique, la Lituanie a signé et ratifié de nombreuses conventions (convention du Conseil de l’Europe de 1995, convention de Strasbourg de 1990, convention des Nations Unies de 1988);

-assurer la coordination au niveau interne entre les diverses institutions responsables des questions autour du blanchiment de capitaux. A cette fin, une unité de renseignement financier a été créée et qui se trouve être un organe indépendant au sein du Département de la police financière.

D’autres mesures ont été mises en place à travers la législation nationale spécifique à la matière du blanchiment, à savoir:

-le concept de confiscation introduit dans le droit lituanien, confiscation qui constitue une sanction supplémentaire appliquée de façon obligatoire aux biens qu’ils aient été légalement acquis ou non;

-un régime de prévention axé sur un mécanisme d’obligation d’identification et de déclaration. Il est ainsi recommandé que les établissements financiers et de crédit soient clairement tenus de vérifier l’identité des titulaires enregistrés et des titulaires réels des comptes des sociétés ainsi que d’identifier les administrateurs des sociétés comme envisagé dans les Recommandations du GAFI et la Directive de la CE.

Les autorités en place ont prévu des améliorations de leur système en place, guidées qu’elles ont été par les évaluations du GAFI et de la Commission des Communautés européennes. Ainsi, il est prévu:

-de doter l’unité de renseignement financier des ressources nécessaires, tant en personnel qu’en technologie informatique, pour pouvoir gérer efficacement le système de déclaration;

-de mettre en place des systèmes appropriés de «retro- informations» entre la police financière et les services d’analyse et de retraitement des informations financières;

-d’assurer le suivi régulier de l’efficacité de tout ce dispositif et de veiller à ce que les changements nécessaires, une fois mis en évidence, puissent être réalisés.

Par la suite, il a également été envisagé, du fait des autorités lituaniennes elles-mêmes, de réaliser des programmes de formation et de sensibilisation dans tous les segments du secteur financier, pour le personnel à tous niveaux, conjointement par la police financière et les autorités de surveillance.

En Lituanie, beaucoup de choses ont été mises en œuvre dans un court laps de temps.

Ces transformations réalisées et aménagements opérés doivent servir en fait de modèles à d’autres pays même si il faudrait laisser un peu de temps à ce dispositif pour examiner l’ensemble des initiatives récentes prises et prendre ensuite des mesures correctrices qui s’imposent.

*les Etats-Unis

S’ils se sont souvent illustrés dans la lutte contre le trafic et le recyclage des narcodollars, les Etats-Unis ont néanmoins, dans le même temps, laissé se développer avec complaisance ou une incroyable négligence ces «paradis des affaires» que constituent les centres off shore et autres paradis fiscaux.

Ils ont ainsi toujours maintenu jusqu’à peu une politique spécifique et spécieuse en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux concernant ces centres financiers exotiques (des relations ambivalentes dirait-on de manière plus «politically correct»).

En effet, sous l’apparence de procédures et d’opérations particulières de «rationalisation», les Etats-Unis ont eu tendance à américaniser des techniques de corruption visant à remplacer les pratiques archaïques trop voyantes des pots de vin et des commissions occultes par des mesures de défiscalisation bienveillante vis à vis de ces pays C.O.S en poussant leurs entreprises à y détenir une part active .

Ce pays a pu ainsi montrer une attitude autoritaire sur certaines de ces places financières tout en utilisant à plein rendement les avantages et bénéfices fiscaux autres offerts par d’autres lieux spécifiques de la finance mondiale.

Aussi, pour expliciter un peu mieux la situation américaine, il est important de rappeler le principe mis en place selon lequel «toute entreprise américaine dont les produits exportés proviennent pour au moins 50 % des Etats-Unis, peut instituer une «Foreign Sale Corporation» (ou FSC), c’est à dire une société- écran immatriculée dans un paradis fiscal. [15]

De nombreuses entreprises américaines possèdent ainsi des multiples filiales de ce type: Général Electric, Monsanto, Microsoft, Ford, Exxon, Boeing, Procter & Gamble…on estime ainsi le nombre d’entreprises possédant des filiales de type FSC entre 3 000 et 7 000 dans le monde (sachant que toute société peut bien entendu en avoir plusieurs ).

Plus de 90 % des FSC sont immatriculées dans les Iles Vierges , à Barbuda et à Guam (plus les Samoa américaines, les Mariannes méridionales..), en fait des filiales de ce type dépendant directement des Etats-Unis.

Dans la pratique, pour 2 000 dollars par an on va sous-traiter la manutention de vos exportations et d’autres activités économiques à la société mère. En effet, une entreprise américaine va pouvoir «vendre» ses exportations à la FSC qui va à son tour les exporter. Cependant, aucune transaction physique n’aura pourtant eu lieu.

L’emploi d’une FSC peut aussi permettre de réduire le montant de l’impôt d’une société de 15 à 30 %. En effet, une partie des revenus de la FSC –jusqu’à 65 %- est non imposable aux Etats-Unis. Le reste sera taxé uniquement par le paradis fiscal et encore à un taux très minime. Les dividendes payés par la FSC à la société- mère sont également non-imposables.

Il est juste recommandé que la LLC (ou Limited Liability Company) n’est pas d’activité commerciale ou d’affaires aux Etats-Unis («not being engaged in any US trade or business») et que le bureau de cette société ne soit de fait situé dans ce pays auquel cas il sera opéré une taxation élevée de ces activités.

Il apparaît dès lors que l’utilisation des paradis fiscaux a pu être pour ces nombreuses entreprises U.S un outil important afin d’ optimiser des recettes en faisant moins payer d’impôts à l’aide de ces techniques financières complexes.

Le gouvernement américain apparaît d’ailleurs dans cette affaire comme l’instigateur et l’incitateur de ce système utilisant les paradis fiscaux pour conforter au mieux ses exportations nationales.

En principe donc rien de plus qu’un banal système fiscal d’évasion organisé de manière volontaire et à grande échelle par un Etat en privilégiant ainsi les paradis fiscaux sous contrôle américain plutôt que d’autres. Par cette technique, les Etats-Unis méritent toutefois de rejoindre le rang des juridictions off shore car ils ont ainsi crées de véritables «zones off shore» aux régulations limitées par l’instauration de leurs propres facilités bancaires internationales.

A côté de ces structures économiques dévoyées instituées, il a été révélé que certains Etats américains (comme le Colorado, le Delaware), certains villes telles New York ou Miami ont été en outre, à l’aide de techniques plus traditionnelles, impliquées dans des affaires de recyclage d’argent sale pour des sommes très importantes (plusieurs dizaines voire, centaines de millions de dollars). Le système des FSC ne serait ainsi que «l’arbre cachant la forêt» pourrait-on dire!

e) Qu’en est-il de la France?

De par l’augmentation constante du nombre et de la qualité grandissante des déclarations de soupçon, ajoutée à la croissance corrélative des dossiers transmis à l’autorité judiciaire, il est démontré s’il était encore besoin de le faire, que le blanchiment en France est plus que d’actualité. Non seulement, la circulation dans les réseaux bancaires de capitaux criminels se déroule au même titre dans les mêmes valeurs que dans d’autres nations occidentales et européennes. Mais les intervenants financiers non bancaires (compagnies d’assurance, courtiers financiers...) et les autres acteurs non financiers semblent avoir pris une part importante d’activité, volontaire ou totalement inconsciente, dans le retraitement d’argent sale (marchands de biens, agences et intermédiaires immobiliers, casinos…).

De plus, il est également certain que la France sert et ce, depuis longtemps déjà, comme un pays d'investissement fort intéressant et lucratif pour l’argent du crime. Cette constatation, sans aucun doute vérifiée sur le terrain, proviendrait d’une part de la réalité que tous les professionnels de ces secteurs n’ont pas la volonté de regarder d’où proviennent les sommes qu’on leur apporte et qui constituent leur fonds de roulement. C’est ainsi un fait remarquable d’observer le décalage entre la prise de conscience du secteur bancaire dans la nécessité d’éclairer les services d’enquêtes, de recherches et de retraitement des informations financières et l’indifférence négligente voire coupable des autres professionnels.

D’autre part, cette situation est engendrée par le fait que la France présente un niveau de sécurité juridique, politique, économique et monétaire qui est susceptible d’attirer les investissements mafieux, peut être même plus que les agents économiques normaux car ces derniers sont plus attentifs aux performances fiscales de leurs opérations.

D’après les études réalisées, il semblerait que ce soit dans la région du Sud-Est que se développerait une situation de forte exposition et de perméabilité aux infiltrations de liquidités criminelles. Non seulement, le mécanisme de représentation fiscale ou des sociétés civiles immobilières (SCI) permettrait ainsi là-bas aux délinquants d’acquérir un bien en camouflant leur identité, mais le marché immobilier de la Côte d’Azur laisse depuis longtemps perplexe les fonctionnaires dépêchés sur place pour y contrôler un peu mieux les différentes activités soupçonnées de travestir des transactions en faisant usage de capitaux criminels (voir récemment les réactions d’inquiétude et d’effarement du Procureur de Nice, Eric de Montgolfier, face aux «traditions judiciaires locales» entrevues).

Selon un rapport remis au Ministre de l’Intérieur en Août 2000, ce serait alors plus de 6 milliards d’euros constituant de l’argent sale qui seraient introduits chaque année dans notre pays. Le stock ainsi accumulé dans l’Hexagone en 20 ans, s’élèverait à près de 122 milliards d’euros, soit plus de la moitié du stock d’investissements étrangers en France fin 1998 (quelques 199 milliards d’euros). En rapport pourtant, 6 milliards d’euros d’argent sale sur 199 milliards d’euros investis ne font que 3% du total! d’où la possibilité pour ces sommes même importantes de passer quasiment inaperçues.

Néanmoins, le problème du blanchiment en France fait référence également à deux particularités de notre pays. Ainsi, non seulement il existe des territoires ancrés en métropole qui disposent de mesures fiscales dérogatoires au droit commun, les fameuses «zones franches» pouvant être détournées de leur objectif initial et salutaire (attirer les entreprises pour augmenter les offres d’emplois et éviter un exode de population) à des fins de blanchiment de capitaux (zones industrielles de Dunkerque, la Seyne, la Ciotat…..).

Mais des lois permettent d’octroyer des statuts également dérogatoires pour les entreprises qui investiraient dans les départements d’outre mer ; cela peut aller de déduction- réduction d’impôt à l’exonération totale pendant dix ans à compter de la mise en marche des installations.

Selon Franklin Jurado, criminel-expert en blanchiment arrêté depuis, la France serait d’ailleurs devenue l’une des meilleurs places financières pour blanchir des capitaux.

C’est en effet en France que sont nés il y a longtemps déjà les fameux réseaux politico-mafieux qui ont fait de l’Afrique francophone le théâtre d’importants détournements d’argent public, réseaux qui ensuite ont pu être utilisés à d’autres fins.

En définitive la France elle même est prise aujourd’hui dans une situation contradictoire: elle est ainsi amené à prendre des mesures visant à lutter contre l’évasion fiscale internationale se dirigeant vers les paradis fiscaux exotiques tout en laissant subsister des réseaux de transferts illicites de capitaux ou en créant des dispositifs susceptibles d’attirer des investisseurs résidents ou non résidents vers ses propres zones fiscalement protégées. Or, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale ne pourra être mener à son terme si chaque pays, de son côté, tente de préserver ses acquits et retenir les capitaux nationaux et transnationaux prêt à investir en multipliant des zones à fiscalité spécifique et attractive, zones qu’il croît contrôlé puisqu’ils sont sur son territoire.

C’est ainsi également qu’on prend conscience que les problèmes de blanchiment de l’argent sale et de fraude fiscale, même s’ils sont distincts, se retrouvent intimement liés.

D’ailleurs, le GAFI préconise de déclarer toutes les transactions suspectes, au titre de la déclaration de soupçons, qu’elles paraissent ou non liées à des affaires fiscales [16] .

Ainsi énoncé dans cette classification, il est désormais bien évident qu’il n’a jamais été aussi facile de mettre son épargne légal (ou ses économies et revenus d’origine criminelle) à l’étranger et de le placer à l’abri d’enquêtes financières nationales ou internationales certes rigoureuses mais relativement exceptionnelles en pratique.

Bien naturellement, avec un panel aussi diversifié de territoires ou d’Etats aussi complaisants, il est désormais loisible à tout individu de choisir ces paradis fiscaux suivant la proximité géographique ou du fait des services distincts et personnalisés proposés dans ces endroits.

3. les problèmes restant en suspend concernant l’existence de ces centres clandestins de la finance mondiale

Au vu de ce qui vient d’être expliqué, il est aisément démontrable que la première difficulté que pose l’existence même de ces Etats, nations ou simples entités financières, est l’obstacle engendré vis à vis du contrôle et de la répression de la grande délinquance financière et du blanchiment de capitaux. Ainsi, seront étudiés successivement:

-Le problème du secret bancaire

-Le problème de l’efficacité et effectivité des moyens de pressions internationaux

-Le problème des confiscations

t 3.1 Deux difficultés de taille

La lutte internationale contre la criminalité financière organisée et notamment le blanchiment de l’argent se heurte à des difficultés en matière de coopération pénale internationale inhérente à l’utilisation abusive des secrets professionnels, en particulier fiscaux et bancaires.

De plus, une politique extérieure de double jeu de la part de certains Etats vient jeter le trouble dans les tentatives de mise en place de pressions à l’échelle internationale contre les endroits à fiscalité réduite ou les territoires off shore. Cela ne peut aboutir qu’à rendre inopérantes de telles mesures et renforce d’autant plus l’existence et la renommée de tels lieux au milieux des courants monétaires transnationaux du fait de leur opposition et de leur victoire politique sur les grandes puissances occidentales.

a) Du secret bancaire….

A l’origine, l’obligation de discrétion dans les affaires en général et dans le domaine des transactions bancaires en particulier, remontait au droit de l’Antiquité qui avait déjà consacré ce devoir. Au Moyen Age ensuite, ce devoir fut codifié, notamment dans certaines villes italiennes et principautés allemandes. Le secret bancaire visait alors à préserver les citoyens des persécutions sur leurs biens dont certaines personnes pouvaient faire l’objet pour des raisons politiques, raciales, ou religieuses.

C’est ainsi que le droit au secret bancaire a été inscrit dans la constitution de nombreux pays parmi les droits inaliénables du citoyen (exemple la Suisse) et ce, au nom d’une «impérieuse nécessité de discrétion» (voir l’exemple du Luxembourg).

En 1934 comme en 1995, le secret bancaire peut encore servir à protéger des personnes contre la curiosité de leur propre gouvernement.

Actuellement en effet, la confidentialité des affaires comme règle du jeu essentielle, est souvent mise en avant par les acteurs économiques et financiers dans notre quotidien.

Cette règle primordiale affichée va se heurter tout naturellement aux efforts de traçabilité des flux financiers et à la tendance récente d’améliorer la transparence des opérations financières et l’accès plus facile aux documents financiers et commerciaux recherchés dans les enquêtes.

Dans de nombreux cas, le secret bancaire apparaît ainsi plus comme le moyen ultime pour protéger un certain type de déposant peu honnête, des affres d’une loi fiscale ou pénale et moins pour faire face à d’hypothétiques persécutions vis à vis de citoyens respectables.

Or, le secret bancaire, de même que le secret professionnel existant dans certains métiers, ne sont conçus en aucune façon pour permettre la perpétuation d’un crime (le blanchiment de capitaux n’est plus un délit mais véritablement un crime).

Ce secret apparaît même, dans les faits, comme une technique d’opacification des échanges financiers et constitue ainsi autant une fin en lui-même qu’un moyen efficace d’attraction fiscale.

En pratique néanmoins, il serait appréciable que ce droit au secret bancaire ne soit pas remis en cause pour autant, car il est nécessaire à la confiance dans les relations financières entre le banquier et son client.

Il a été cependant reconnu que ce «droit citoyen» puisse néanmoins être entamé par des législations sur le blanchiment. Des garde- fous ont bien entendu été institués en la matière par la majorité des pays dans lequel une telle atténuation devait s’appliquer.

Ainsi, par exemple, la levée du secret bancaire ne peut être en principe ordonnée que par l’autorité judiciaire ou sous son contrôle.

En fait, il se révélera difficile de trouver un juste compromis entre protection des données personnels, respect de la confidentialité et garantie de l’anonymat de l’auteur d’une transaction bancaire d’un côté avec de l’autre, maintien de l’ordre public, sécurité des transactions et exercice de police judiciaire.

Dans tous les cas, depuis les attentats américains de 2001, la manière d’appréhender le secret bancaire a été totalement bouleversé. Déjà mis en cause dans des affaires de fraude fiscale et de blanchiment, ce secret bancaire faisait également obstacle à la lutte contre le terrorisme.

De nombreuses nations, dont les Etats-Unis en tête, ont désormais pris une part active dans ce mouvement de radicalisation face aux méandres et au flou des circuits financiers licites, à ceux off shore et les autres plus clandestins. L’objectif principal affiché est donc pour ces Etats «d’assécher les sources internationales de financement du terrorisme en verrouillant les réseaux financiers souterrains».

Ainsi, aujourd’hui en Europe, le secret bancaire reste relativement peu appliqué, même si subsistent quelques îlots de résistance attachés au «sacro-saint principe de souveraineté» de manière indéfectible. En tout état de cause, le secret bancaire n’a aujourd’hui plus rien d’absolu, même en Suisse.

La plupart des pays européens ont en effet adopté des dispositifs législatifs contrôlant et réprimant la dissimilation de l’origine des fonds, telle que peut l’être le blanchiment.

Les Etats-Unis récemment ont même menacé des banques d’amendes ou de fermetures si elles refusaient d’obtempérer et de communiquer des informations relatives à leurs filiales off shore.

Une des particularités de ces nouveaux dispositifs mis en place est de réserver aux organismes financiers comme à différents autres professionnels une place centrale en leur confiant une devoir d’identification des clients et de détection des opérations suspectes.

En règle générale, on a assisté à un renversement de la preuve qui s’est opéré en la matière, puisque les banques sont désormais obligées de déclarer aux autorités les soupçons qu’elles peuvent avoir en ce domaine. Même la Suisse et le Luxembourg semblent prendre le chemin de la restriction de cette obligation bancaire traditionnelle dans ces pays [17].

Néanmoins, ce secret bancaire demeure parfois encore trop utilisé dans certains domaines, non pour freiner les enquêtes quand leur utilité est démontrée par exemple, mais plus pour freiner l’apport de renseignement utiles au déclenchement d’opérations judiciaires.

Dans le domaine fiscal également, le secret bancaire résiste davantage: quelques pays dont le Luxembourg ou même l’Allemagne peuvent refuser plus ou moins de manière régulière, de lever le secret bancaire lorsque le fisc d’un pays tiers lui en fait la demande, sauf à démontrer «preuve à l’appui» qu’il y a eu construction frauduleuse. Cela suppose néanmoins l’apport de la preuve irréfutable de la connaissance initiale du délit….et puis encore faut-il que l’évasion fiscale soit reconnue dans le pays détenteur des comptes soupçonnés comme une infraction pénale et non un simple acte infractionnel administratif (comme en Suisse) alors

insusceptible d’entraîner une assistance judiciaire quelconque.

Rares sont d’ailleurs les grandes banques étrangères qui n’ont pas de succursale en Suisse pour profiter de cet état de fait législatif et générant tellement de profits financiers.

Il apparaît néanmoins clairement que l’excuse fiscale aujourd’hui avancée par quelques pays serve plus de prétexte pour protéger des capitaux provenant d’argent sale que véritablement, au nom d’un principe primordial d’autonomie fiscale, pour empêcher les services fiscaux d’entrer dans la comptabilité de certaines entreprises.

En fait l’idéal dans cette problématique, serait que les pays tuteurs de ces places financières off shore ou singulières (Grande-Bretagne, Etats-Unis, Pays-Bas ou France), puissent convaincre les territoires dépendants et associés (pour le Royaume-Uni, les îles Anglo-normandes, les Antilles …) de pratiquer régulièrement l’échange d’informations. Il devrait en être de même pour l’Union Européenne afin qu’elle trouve enfin un terrain d’entente avec les Etats-Unis et les principaux pays souvent concurrents et parfois tiers en vue d’échanges bancaires et financiers internationaux.

b) ……et de la duplicité des Etats dans l’application d’une politique efficace à l’égard des C.O.S

(voir article de M. Jean Claude Buffle, journaliste et chercheur suisse)

Il n’a guère fallu au final plus de sept ans (de 1986 à 1993) pour que la communauté mondiale se dote d’un régime juridique international de lutte contre le blanchiment. L’édification d’un tel édifice juridique et institutionnel dans un laps de temps aussi court constitue une réalisation exceptionnelle dans l’histoire de nos sociétés contemporaines. Pourquoi les résultats de la lutte contre la finance criminelle sont-ils alors si faiblesaujourd’hui ?

Il est facile, en effet, de percevoir à l’heure actuelle la situation paradoxale de l’existence persistante de paradis fiscaux et de pays à secret bancaire alors que de très nombreux pays et ce, parmi les plus importants économiquement, ont pu prendre publiquement des politiques rigoureuses en apparence visant à réduire le nombre et l’intensification de telles activités financières tournées vers l’international.

«En mesure d’imposer des plans d’ajustements structurels drastiques à des dizaines de pays passés sous la domination du FMI et de la Banque Mondiale, de placer, des années durant, des Etats sous embargo (Irak, Iran, Libye, Cuba…), de négocier en permanence des abandons de souveraineté, les grandes puissances et la «communauté internationale» seraient donc incapables aujourd’hui de contraindre une poignée de pseudo-Etats confettis, souvent restés sous protectorat d’ailleurs, à se conformer à un ensemble de normes communes et de standards internationaux»s’interrogeait Christian de Brie dans un article du Monde Diplomatique.

Cela ne doit être que le témoignage d’importants rapports d’influence cachés et de tractations autour d’intérêts préservés en sous-main.

Les rapports des Etats-Unis et de la France avec la Suisse sont ainsi particulièrement parlants et emblématiques de ces contradictions. En fait, s’il y eut des efforts entrepris dans ce domaine, la Suisse demeure encore aujourd’hui l’archétype du pays à secret bancaire.

Or, depuis 60 ans, des politiciens français ne cessent de s’en plaindre et, aux Etats-Unis, cela fait plus de quarante ans qu’on tente de remédier à cet état de fait mais sans guère de succès. Cet échec semble tenir pour une bonne part à l’incohérence de l’attitude adoptée par l’Amérique et la France, à l’antinomie qui se fait jour entre leurs dénonciations officielles et l’usage discret que l’une et l’autre ont fait de la place financière helvétique.

vConcernant les Etats-Unis,

Depuis la Seconde Guerre mondiale, la Suisse a toujours été un centre important pour les services de renseignement américains. Par la suite, l’intérêt de ce pays a porté sur d’autres usages, tout autant bénéfiques pour les Etats-Unis.

En fait, depuis les années soixante, les Etats-Unis ont bien tenté de peser réellement sur la Suisse pour que celle-ci modifie ou complète sa législation bancaire.

lPour autant, le scandale du Watergate en 1973 allait déjà révéler que l’administration Nixon avait largement utilisé à ses propres fins ce secret bancaire et ces banques suisses dont les Etats-Unis prétendaient néanmoins limiter les effets néfastes sur leur propres sociétés.«Le secret bancaire suisse avait été décisif dans tout le système de fonds secrets et de corruption», devait écrire l’auteurs anglais Anthony Sampson en 1977.

lDans la période suivante, de 1980 à 1987, l’affaire Marc Rich [18] et les suites du scandale de l’Irangate ont montré la poursuite de cette logique de double jeu recherchée par l’Administration américaine. La Suisse, dans cette histoire, avec ses banques omniprésentes et son secret bancaire invulnérable, a été le véritable pôle financier de cette double opération occulte. Ainsi, il ne s’agissait pas seulement d’aider de manière clandestine l’Iran sous embargo pétrolier à l’époque. Pour faire contrepoids, le gouvernement américain a aussi soutenu l’Irak de Saddam Hussein, Genève ayant ainsi été un des relais logistiques de cette politique financière d’équilibre recherchée dans le soutien économique procuré.

lEntre 1986 et 1995, cette duplicité de politiques a été perpétué dans l’intérêt des deux Etats en présence. Si la Suisse a connu alors un certain empressement à l’époque à s’associer à la lutte anti-blanchiment, cela n’a pu être que le fruit d’une coopération judiciaire nouée entre les Etats-Unis, l’Italie et la Suisse au moment des vastes poursuites internationales lancées après l’affaire de la Pizza Connection. Il a été révélé toutefois que, dans le même temps, la CIA entre 1981 et 1988 avait recouru à une société zurichoise pour transmettre aux résistants afghans quelque 25 millions de dollars (voir Rachel Ehrenfeld in Evil Money 1992). Or cette même société employée par la CIA a été accusé par la DEA à la même époque de blanchir de l’argent de la drogue pour les cartels colombiens. Sans dévoiler l’histoire de la BCCI (dont il sera fait mention dans la dernière partie de ce mémoire) où se rencontrent également tractations secrètes des services secrets américains et opérations des parrains de la drogue ou de marchands d’armes internationaux, ces affaires montrent en plein lumière la contradiction entre les impératifs de la politique clandestine des Etats-Unis en la matière et ceux de leur campagne anti-drogue et contre la finance criminelle à l’échelle mondiale.

vConcernant la France

On observera les mêmes rapports ambigus sur les modalités des politiques engagées dans notre pays en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux ainsi que laplace en définitive acquise par les banques suisses dans les réseaux transnationaux de capitaux blanchis mis en place.

lA la fin des années soixante-dix, les contradictions de la France dans ses relations avec les grandes banques suisses tenaient en priorité à la politique de ses plus grandes entreprises.

Ainsi Renault, bien que nationalisée, créa en Suisse deux sociétés financières. Celles-ci lui ont permis de gérer, à l’abri de la législation française, les flux financiers issus de ses ventes à l’étranger [19].

Cela pose évidemment le problème de situations pouvant s’opérées où les filiales de banques nationalisées et installées à l’étranger échappent à tout contrôle des autorités bancaires de tutelle et administratives.

Jean Pierre Chevènement avait d’ailleurs réclamer à l’époque, «qu’on re-nationalise ces entreprises d‘Etat qui trahissaient ainsi les intérêts de la France».

«Comme leurs homologues américains, (Lockheed en l’occurrence en 1976), les constructeurs aéronautiques français par exemple se servaient volontiers des banques suisses pour verser à leur acheteur les dessous-de-table inséparables des ventes d’armes» déclarait Michel Jobert en 1980 (voir même ouvrage de Claude Torracinta).

Face à l’hypocrisie relevée dans ces affaires lors de tractations commerciales quotidiennes, le gouvernement français réclama de plus en plus à la Suisse une coopération active en matière de lutte contre l’évasion fiscale.

Pourtant, en 1985, la lutte contre les fraudeurs n’est plus une préoccupation majeure du gouvernement français, et la modernisation de l’économie devient le souci dominant. Désormais, c’est la politique qui va se retrouver sur le chemin des banquiers suisses ( et non plus l’inverse).

lL’affaire Péchiney / Triangle en 1988 où des achats litigieux pour la grande société française ont été réalisés via le Luxembourg, Anguilla et la Suisse, par l’entremise de sociétés financières helvétiques, des fiduciaires et des banques comme la «Banque de Participation et de Placements» [20].

François Mitterrand avait promis de lutter contre «l’argent sale, l’argent facile, l’argent qui tue» (in ouvrage de Jean Montaldo Mitterrand et les 40 voleurs). Bien mal lui en a pris car nombreux de ses proches semblent avoir été impliqués dans des affaires touchant à ces capitaux peu honorables ( par exemple, Roger Patrice Pelat, Max Théret…).

lA cette première affaire, une seconde allait mettre en lumière des opérations importantes faisant ressortir des délits d’initiés touchant certains autres hommes politiques. De juillet à octobre 1988, des achats massifs et suspects ont été révélés par la COB pendant le raid manqué du CCF mené par Georges Pébereau sur la banque Société Générale. Cela portait alors sur deux millions de titres , pour une plus-value de 100 millions de francs à 1 milliard de francs et qui seraient passés par des comptes bancaires au Luxembourg mais surtout en Suisse, dans un établissement privé réputé de Genève, Mirabaud et Cie.

lEn fait, pas moins que la France Giscardienne, la France socialiste n’a été finalement insensible au charme discret des banques suisses. Il ne faudrait pas oublié également les mésaventures du Crédit lyonnaiset ses rapports controversés avec les financiers italiens Giancarlo Parretti et Floroi Fiorini. Dans ce cas précisément, c’est une banque nationalisée qui, sous une direction socialiste, s’est retrouvée prise dans des manipulations financières derrière l’écran de la législation suisse.

A partir de 1993, ce renversement des rôles cède peu à peu la place à une nouvelle distribution politique des scandales La droite française est ainsi touchée de nouveau avec l’affaire concernant Gérard Longuet, alors Ministre de l’industrie et Président et ancien trésorier de Parti Républicain. Le juge Van Ruymbeke soupçonne alors la réalisation d’un réseau financier de grande ampleur concernant le financement occulte de ce parti.

Les fonds suspectés ont notamment transités par des banques luxembourgeoises, sous le couvert de sociétés panaméennes gérées depuis Genève (voir article de M. Paringaux dans le Monde du 21 octobre 1994).

lEn février 1995, enquêtant sur une affaire de fausses factures concernant l’Office des HLM des Hauts-de-Seine, dans laquelle il soupçonne un financement occulte du RPR, le juge Halphen repère à son tour une piste suisse (voir article sur l’affaire Schuller in la Tribune de Genève du 6 mars 1995).

lEn mars 1995, c’est au tour du financement occulte du CDS de faire l’objet d’une enquête préliminaire de la justice. Ce parti aurait en effet à l’époque, au nom d’une société panaméenne, ouvert un compte auprès de l’Union des Banques Suisses à Genève (voir article du Figaro du 24/25 Juin 1995).

lLe 20 avril 1995, Pierre Botton et son beau père, Michel Noir, ancien ministre RPR du Commerce extérieur et maire de Lyon, ont été reconnus coupable d’abus de biens sociaux.

En 1986, Pierre Botton avait ouvert deux comptes auprès de la succursale genevoise de la Banque de l’Union Européenne. Ces comptes servaient, affirmait-il, à «recueillir des contributions destinées à financer les campagnes de Michel Noir».(article du Monde du 5 mai 1995).

lEt puis, vint le scandale de Jacques Médecin, ancien maire de Nice, condamné en mai 1995 à deux ans d’emprisonnement pour abus de confiance. Celui-ci avait un compte à l’UBS de Genève (voir ouvrage de Gilles Gaetner l’argent facile).

lMaurice Arreckx, sénateur UDF-PR du Var, admit à la même époque lors de l’enquête judiciaire le concernant, qu’il avait reçu le fruit de pots-de-vin sur un compte établi auprès d’une autre banque genevoise (voir article de Jean Nevers in Tribune de Genève).

Tous les cas rapportés ici n’ont pas constitué nécessairement des infractions pénales graves. Néanmoins, leur multiplication peut permettre de croire à l’existence évidente d’un système occulte de financement politique passant par la Suisse et d’affirmer également que le secret bancaire helvétique était en l’espèce une pièce essentielle de ces opérations clandestines.

Que conclure de cela?

A partir de 1980, la France a demandé à la Suisse de lutter avec elle contre la fuite des capitaux vers les établissements helvétiques, ce qui n’a pas été suivi dans les faits (sauf exceptions relativement peu nombreuses). A côté de cela, à gauche, certaines personnalités s’en sont servi pour des transactions relevant du délit d’initié; à droite, d’autres personnalités y ont recouru pour financer secrètement des partis ou des élections.

En 15 ans donc, les contradictions françaises ont donc changé de registre, le secret bancaire helvétique restant toujours en place.

Le paradoxe est donc mis en pleine lumière: souvent ceux qui critiquent le plus vigoureusement le secret bancaire suisse sont ceux qui en font ou en ont fait un instrument de leur politique économique ou étrangère.

Ainsi, vis à vis des hommes politiques de gauche et de droite, ce qui apparaît est que les premiers critiquent pourtant un système dont ils se servent et les seconds défendent un système qui, de toute façon, leur échappe.

vInterrogations

Est-ce l’utilisation de la place financière suisse par certaines grandes entreprises, nationalisées ou non, qui a conduit la France à s’accommoder du système et de la législation bancaire helvétique?

ou la France n’a-t-elle jamais voulu engager sur ce terrain une épreuve de force décisive avec la Suisse, en raison de l’importance du marché helvétique pour les exportateurs français (argumentaire posé lors du débat parlementaire suisse sur la ratification de la convention de double imposition avec la France)?

L’interrogation reste posée à ce jour.

En tout état de cause, comment croire à une répression efficace en matière de blanchiment de capitaux exprimée par des gouvernements, apparemment honnête et volontariste, quant il est de notoriété publique, désormais au fil des affaires, que leur financement politique est en partie assuré par des fonds déposés dans des territoires faisant fi des règles légales de l’économie mondiale?

Pour en finir avec la situation de la Suisse, il est intéressant de remarquer que ce pays ait pu réussir de la sorte et ce, depuis 40 ans, à résister aussi efficacement à ces pressions étrangères continuelles. Cela ne semble pas devoir s’expliquer uniquement du fait des contradictions et tergiversations dont on fait preuve les Etats-Unis et la France, prises pour exemple ici.

La Suisse paraît avoir en réalité fait beaucoup plus usage d’un art consommé de la résistance passive face à ces pressions de toutes parts.Cette politique payante de «résistance larvée» semble d’ailleurs être une constante dans les rapports entre petits et grands Etats, surtout quand il s’agit d’un objectif (la limitation du secret bancaire suisse) qui n’est ni vital, ni constant, ni primordial. Les Etats-Unis comme la France n’ont en effet pas cessé pourtant d’avoir durant ces années d’autres priorités plus urgentes et essentielles que de faire entendre raison à la Suisse sur ce thème.

Au contraire, en protégeant son secret bancaire, celle-ci a toujours eu le sentiment de défendre des intérêts fondamentaux, une partie de sa prospérité nationale d’abord, un élément majeur de sa souveraineté ensuite.

Il n’en demeure pas moins que si la politique menée par les Etats-Unis et la France face au problème de secret bancaire helvétique s’est révélé véritablement contradictoire, il est permis de penser que la politique de la Suisse n’en a pas moins été paradoxale: dès lors qu’elle a justifié son secret bancaire en invoquant à chaque reprise la défense de sa souveraineté, elle a pourtant le plus possible laissé en réalité des Etats étrangers se servir à leur gré de ses institutions bancaires, sans aucun contrôle efficient.

Au vu de ces exemples ainsi développés, la question essentielle paraît désormais la suivante:

dans quelle mesure l’attitude des Etats-Unis et de la France (ce qui est bien entendu valable également pour d’autres grandes nations comme l’Allemagne avec le Luxembourg…..) envers les Micros-Etats et autres territoires peu coopératifs en la matière a-t-elle été déterminée par des considérations de politique étrangère, et notamment dictées par des stratégies clandestines et luttes d’influence occultes?

vConclusions

Officiellement, c’est donc une lutte permanente qui est engagée contre de tels territoires, «sanctuaires de l’argent criminel» et continuellement renforcée et internationalement coordonnée -dans des structures gouvernementales, policières et judiciaires- contre la criminalité financière (corruption, blanchiment, trafic); officieusement pourtant, tout ne semble qu’illusion.

Il est en effet remarquable de noter que 95% des paradis fiscaux aujourd’hui sont d’anciens comptoirs ou colonies britanniques, français, espagnols, néerlandais, américain, restés dépendants de leurs puissances tutélaires.

La souveraineté fictive tant revendiquée avec force actuellement par eux ressemble plus ainsi à un «cache – sexe» qu’à une volonté d’indépendance politique pure, permettant en réalité à une criminalité financière transnationale, non seulement tolérée mais encouragée parce qu’utile et nécessaire au fonctionnement de ces marchés, d’y prospérer.

Au nom d’une indépendance nationale à préserver, pas question donc de démanteler les paradis fiscaux du crime et bases indispensables au recel de la délinquance financière, car ils pourraient servir les intérêts d’autres Etats.

Pas question non plus d’ailleurs de mettre en place une véritable coopération internationale permanente, ni même un espace judiciaire européen, mais seulement d’envisager d’en parler un de ces jours.

Le problème avec ce mode de raisonnement utilisée par ces Etats puissants est l’effet sécurisant et pervers qu’il induit. En effet, on a l’impression que nos gouvernants agissent alors qu’il n’en est presque rien. Il suffirait pourtant afin de les maintenir dans le mirage d’une volonté politique rigoureuse et évolutive, de les inciter juste à adopter des codes de bonnes conduite.

Le Journaliste Christian De Brie écrivait ainsi de manière critique dans le Monde Diplomatique, au regard de cette situation pas très nette, que «pourtant si prompte à s’immiscer dans tous les secteurs d’activité, l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) ainsi que l’Union Européenne trouveraient là, dans le démantèlement de ces «sanctuaires du crime», sans aucun doute matière à s’engager et une tâche enfin à la hauteur de leur immenses prétentions à supprimer toutes les discriminations et à imposer partout une transparence idéale»; à moins que tout cela ne soit de leur part que poudre aux yeux…»

t 3.2 Les questions essentielles à se poser

a) Les paradis fiscaux et bancaires sont-ils une menace pour le système financier international?

Les centres financiers off shore (ou CFO) sont nombreux et dispersés sur toute la planète, on vient de le voir. Ils offrent des avantages fiscaux considérables à leurs «clients» non résidents, tout en leur garantissant une confidentialité souvent jugée officiellement inopportune par les grandes puissances.

Les grandes entreprises qui usent des Paradis fiscaux pour se soustraire à l’impôt sont-ils condamnables pour autant?

Ces lieux spécifiques de la Finance mondiale sont-ils pour autant tous dangereux au regard des déviances engendrées par les réseaux de blanchiment d’argent sale?

En fait, cela dépend beaucoup des choses que ces individus ont à cacher et du système de surveillance bancaire et financière mis en place dans ces endroits ainsi que du degré de leur coopération avec les autorités d’autres pays.

Le Forum de Stabilité Financière (ou FSF) qui a été créé à la suite de la crise asiatique le 14 Avril 1999 à Washington par les Ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des pays du G7 [21] et compte désormais 40 membres [22], avait remis le 26 avril 2000 une analyse sur l’impact des CFO sur la stabilité du système financier mondial [23].

Etant chargé de faire des recommandations au regard des problèmes identifiés (principalement coopération entre autorités de surveillance des off shore et des on shore), son dernier rapport constatait que les activités financières off shore n’étaient pas nuisibles à la stabilité financière à la condition qu’elles soient contrôlées et que les autorités en charge de la surveillance sur place coopèrent. Il concluait ainsi que certains centres étaient bien surveillés et coopéraient de manière satisfaisante alors que d’autres constituaient des maillons faibles dans un système financier hautement intégré et interdépendant.

Un dispositif à mettre en place, incitant ces territoires à adhérer aux normes internationales, devait alors identifier les normes prioritaires, établir des recommandations et organiser une procédure permettant d’évaluer le respect de ces normes par les CFO.

Par la suite, le Forum a reconnu que le manque de moyens constituait souvent une contrainte à l’instauration de normes internationales par les CFO. C’est pourquoi, pour exemple, il encourage encore des initiatives intéressantes, comme le fait pour des centres financiers offshore, de rendre disponible leur expertise ou l’octroi des ressources nécessaires pour assister ces places financières dans l’amélioration du système de surveillance.

Le problème sous-jacent qui est posé avec la reconnaissance officielle du manque de moyens avancé, est l’absence de réelle volonté politique de lutter contre la politique interne et les retombées internationales engendrées par la stratégie de ces gouvernements.

Un journaliste du Monde évoquait ainsi dans une édition spéciale du 4 novembre dernier le «monde de la finance off shore» comme la «représentation, en grande partie, d’un Triangle des Bermudes pour les enquêtes financières internationales»; effectivement, la comparaison est parlante….l’existence par elle-même de ces places off shore, ouvertes à toutes propositions et opportunités de transactions, ne peut que créer un espace où vont prospérer toutes les délinquances transnationales. Voilà la réalité et le problème à résoudre.

b) Qu’est-ce qui maintient en place ces trous noirs de la finance mondiale?

Depuis 1981 et un rapport officiel remis au président américain Jimmy Carter, tout était déjà connu des excès et des inconvénients de l’existence et de la prolifération des COS et autres paradis fiscaux. 20 ans après, ces réflexions restent d’actualité: l’OCDE, le G7, le GAFI et l’ONU se préoccupent toujours du problème.

Le seul inconvénient est que les mesures adoptées jusqu’alors se sont révélées, pour celles qui l’ont été, irréalisables ou inefficaces.

On cerne de mieux en mieux la face cachée de l’économie mondiale. On a multiplié les initiatives, les enquêtes, créé des commissions, des services spéciaux, édicté des textes internationaux, mais sans résultat jusqu’à présent .

Quels sont donc les freins, les obstacles à une telle mobilisation des pays et des esprits?

Deux raisonnements très répandus mais inexacts à propos des territoires off shore, doivent être étudiés ici:

-le premier consistait à dire que le phénomène connaissait une augmentation importante du fait des politiques menées par de plus nombreux petits Etats qui commercialiseraient ainsi leur souveraineté en offrant des services juridiques et financiers attractifs mais déviants par rapport aux pratiques des Etats développés. Des actions concertées des Etats et des organisations internationales seraient alors susceptibles de transformer les pratiques actuelles en incitant ces territoires à se conformer à des normes internationales homogènes.

Cette perspective unilatérale est en fait très réductrice dans la mesure où beaucoup de grands Etats et d’acteurs économiques légitimes (banques, entreprises…) ont contribué au développement des ces territoires et les utilisent pour bon nombre d’activités.

-Une autre perspective très répandue n’envisage comme principaux utilisateurs de ces places financières que des acteurs socialement marginaux et plutôt identifiés comme des délinquants (acteurs du crime organisé sous ses différents aspects).

Evidemment, avec ce qui a été analysé précédemment, ce point de vue doit être reconsidéré, l’histoire de ces territoires off shore montrant à l’inverse que les avantages de ces lieux ont d’abord bénéficié à des acteurs économiques légitimes bien avant d’être investis par le crime organisé.

En fait, ce qui semble prévaloir dans la recrudescence de ces entités financières hors norme, c’est tout autant le fait que leur attractivité provienne des offres faites par eux que des incitations à leur usage effectuées par les grands Etats (incitations actives et passives, légales et pratiques).

c) La présence des grandes compagnies bancaires françaises et étrangères est-elle nécessaire dans ces endroits si singuliers?

Prenons quelques-unes des plus grandes banques européennes, prenons aussi la liste noire des pays accusés par l’OCDE de ne pas coopérer dans la lutte menée contre le blanchiment d’argent et là que constater si ce n’est la similitude des résultats et l’hypocrisie que cela peut générer.

En effet, ces banques prestigieuses européennes et autres font TOUTES (ou presque) des affaires dans ces pays reconnus comme peu recommandables par les autorités internationales, soit directement, soit par le biais de filiales compromettantes mais bien réelles, implantées sur place (voir article de l’Expansion du 28/09/2000).

Ainsi, il suffit de se rendre sur des sites Internet de paradis bancaires, voire même sur certains sites français de grandes banques, pour découvrir la localisation spécifique de certaines de leurs succursales, filiales et bureaux de représentations. On peut dès lors faire mention:

- à Lugano, en Suisse, la Banque de Rotschild, le CIC….

- Au Luxembourg, la BNP, Les Banques Populaires, la Banque de Rotschild, Le Crédit Agricole, Paribas, l’UBS, le CCF, la Société Générale…..

- A Monaco, la Banque Américan Express, les Banques Populaires, la Banque de Rotschild, La Barclays, la BNP, le Crédit Agricole, le Crédit Lyonnais, HSBC,la Lloyds, le CCF, la Société Générale…..

- A Genève, la BNP, le CIC, Le crédit lyonnais, le CCF…….

La palme reviendrait ainsi en la matière à la BNP et Paribas (maintenant) avec au moins des représentations bancaires en Autriche, aux Bahamas, à Bahreïn, aux Caïmans, à Chypre, aux Comores, aux Emirats Arabes Unis, en Irlande, à Jersey, à Hongkong, au Liban, à Maurice, au Panama, aux Philippines, à Singapour, en Suisse, en Uruguay, à Wallis…….

Une complicité du réseau bancaire mondial est désormais ainsi mise à jour, allant des plus honorables institutions financières de Londres, de New York (Chase Manhattan Bank, American Express bank…) ou de Paris à la dernière boite aux lettres à la mode off shore des îles Caïmans, dans le seul et unique but de capter la plus grande part de cette inépuisable manne de capitaux.

Ainsi, des sociétés off shore existent pour tous les grands groupes bancaires français et étrangers. Tel doit être le constat aujourd’hui, même si toutes les institutions bancaires ne versent pas dans le commerce dévoyé lié au blanchiment heureusement.

Certains experts affirment cependant qu’un certain nombre de ces institutions bancaires ne fuient pas l’argent de la drogue mais se livrent à une concurrence acharnée pour le capter. C’est ainsi en constatant l’extraordinaire prolifération, en quelques années, de banques de toutes nationalités, à Palerme et à Catane, en Sicile, à Miami et Los Angeles que les enquêteurs italiens et américains ont acquis la conviction que ces places étaient devenues des plaques tournantes du trafic de l’héroïne et de la cocaïne.

Si d’autres analystes et professionnels eux mêmes reconnaissent ainsi la nécessité pour ces banques de se trouver là où les flux financiers transitent le plus, c’est à dire dans les centres off shore et autres paradis fiscaux, on peut imaginer que cela ne doit pas être simple pour leurs services d’inspection générale, de surveillance et de contrôle interne d’appréhender avec rigueur et professionnalisme toutes les nombreuses transactions qui se déroulent, de manière quotidienne, dans ces places financières toutes plus ou moins opaques les unes que les autres.

Il est donc important de faire remarquer que cette installation spécifique et massive des grandes banques dans ces places financières singulières n’est pas un cas exceptionnel en matière économique.

Les entreprises internationales et autres multinationales trouvent également de nombreux avantages à s’établir tout naturellement dans ces endroits particuliers et ce à côté des grandes institutions bancaires.

Or, le fait que des sociétés réputées, des grandes entreprises multinationales s’installent là-bas afin de payer des impôts très faibles mais aussi pour constituer des «caisses noires» (comme le faisait remarquer Bernard Bertossa, procureur général de Genève, interrogé par la mission parlementaire française), n’en font pas pour autant toujours des entreprises servant d’interface au crime organisé ou réalisant un attitude déviante économiquement.

Ainsi, vis à vis de ces sociétés ou de ces banques, il ne faudrait pas généraliser et faire l’amalgame entre ces divers comportements, plus ou moins licites mais pas forcément toujours criminels, même si il est devenu simple et banale maintenant de pratiquer pour toute entreprise, qu’elle quelle soit, l’évasion fiscale.

Actuellement, une nouvelle méthode a été néanmoins mise en œuvre pour tenter d’enrayer cette tendance naturelle des banques et institutions financières à investir ces places financières bien spécifiques. Les Anglo-saxons nomment cette politique celle de «name and shame», à savoir «nommer pour faire honte». Les clients ordinaires d’une banque sont ainsi mis au courant des opérations douteuses réalisées de manière cachée par leur banquiers par voie de presse. Si aucune banque n’a à ce jour perdu sa licence ou connu des revers financiers trop importants, les clients savent ensuite à quoi s’en tenir et l’image de marque d’une banque, si importante dans le monde d’aujourd’hui, pourrait désormais depar cette pratique s’effondrer en un rien de temps.

Le Crédit Suisse et une filiale du Crédit Agricole Indosuez avaient fait d’ailleurs dernièrement (septembre/octobre 2000) la douloureuse expérience de cette politique «modern style» de répression en Suisse.

d) Comment appréhender les différentes listes établies sur les centres off shore et autres paradis fiscaux? Servent-elles à quelque chose?

(sur la portée et l’intérêt des listes du GAFI et du FMI par l’intermédiaire du Forum de stabilité financière)

le GAFI qui est, rappelons le, un organisme intergouvernemental, a pour objectif de concevoir et de promouvoir des stratégies de lutte contre le blanchiment. Dans cette optique, chaque année, il identifie des territoires non coopératifs dans la lutte contre le recyclage de l’argent sale [24]et tente de les faire participer afin qu’ils régularisent leurs pratiques (véritable volonté d’associer ces territoires à la lutte contre le blanchiment de capitaux).

Le Forum de Stabilité Financière, dans le même contexte, publie annuellement la liste de centres off shore qui pourraient, faute de législation et de coopération internationale, faire peser un risque systémique sur l’économie mondiale. Là également, il est proposé à ces pays d’adhérer à des standards internationaux mis en œuvre par le FMI et ce, grâce à des mesures incitatives et à des aides techniques.

Ainsi, sans doute en raison de leur vocation universelle et multidisciplinaire, ces liste et les recommandations qui vont avec, se sont imposées en tant que référence.

Pour exemple, en juin 2000, le GAFI avait identifié 15 Etats ; en septembre 2001, ce sont 21 pays qui ont été épinglés dont des nouveaux venus: l’Ukraine, le Costa Rica, l’Egypte, le Guatemala, la Hongrie, l’Indonésie, la Birmanie et le Nigeria, Grenade et Palau.

Quatre pays ont été néanmoins retirés (les Bahamas, les îles Caïmans, le Liechtenstein et le Panama), car ils auraient réformé leur régime anti-blanchiment de façon substantielle afin de le mettre en conformité avec les 40 recommandations émises par le GAFI.

Moscou a évité de peu les sanctions du fait du vote d’une loi anti-blanchiment de dernière minute et les Philippines seront sous surveillance.

Dans cette classification, le GAFI va effectuer des distinctions importantes mais subtiles entre les pays :

-ceux qui ont pris des mesures concrètes en promulguant par exemple une législation destinées à combler les lacunes relevées par cet organisme international,

-ceux qui «se sont engagés sur un plan politique ou ont procédé à des modifications substantielles en la matière».

Avant de rayer un pays de sa liste noire, le GAFI «prêtera donc une attention particulière aux réformes en matière de législation pénale, de supervision financière, d’identification de clients, de communication d’activités suspectes et de coopération internationale».

Au cours de l’appréciation d’une telle analyse systématique de pays, au demeurant très subjective, on peut avoir un problème de lisibilité et de pertinence concernant les noms établis dans cette liste en particulier et sur les autres en général (liste OCDE sur les pays à fiscalité dommageable et liste du Forum de Stabilité financière), qui servent de référence pour appréhender les Etats ou territoires réputés être des paradis bancaires ou fiscaux importants.

Ainsi, dans la liste du GAFI 2001, on trouve certes le Guatemala, mais plus aucun renvoi explicite n’est fait concernant les Bahamas, les Caïmans, Panama et autre Monaco, Delaware et Floride, pourtant largement suspectés dans le transit de capitaux à blanchir par le biais de territoires à faible fiscalité et sur- équipés financièrement.

Trois remarques importantes doivent être alors consignées à cet instant:

-Le problème dont il est question ici est que ces listes sont souvent établies à partir d’examens des textes législatifs, des textes de loi certes en vigueur mais ne reflétant pas toujours les acquits ou défaillances sur le terrain.

-De plus, les évaluations réalisées sont presque toujours faites sur la foi de renseignements fournis par … les gouvernements concernés eux-mêmes. Même si ces derniers ne veulent pas être pris en défaut, les précisions ainsi fournis pourraient ne pas correspondre tout à fait à la réalité des choses.

-Enfin, ces interrogations et la mise en cause de l’élaboration de ce genre de rapport peut mettre en avant le problème d’une rédaction plus politique du contenu de ces listes

(certains experts reconnaissent en effet que la Chine et Monaco n’y figurent pas pour des soucis diplomatiques).

«Tout le problème maintenant est de savoir ce que l’on fait de ces listes», soulignait Arnaud de Montebourg.

De ces interrogation légitimes et nécessaires, on peut alors en déduire la nécessité d’apprécier cet outil avec un recul nécessaire, permettant de mettre en lumière l’intérêt de certains grands Etats à faciliter la désignation d’un nom plutôt que d’autres. Cette suspicion justifiée ne devrait pour autant pas aboutir à décrédibiliser, à rejeter ces données importantes qui devraient simplement continuer à constituer un fichier de référence mais non exhaustif. Ainsi, les 40 recommandations du GAFI conservent-elles toujours une valeur de référence internationale importante en matière de lutte contre le blanchiment.

En tout état de cause, il est à remarquer que des procédures d’évaluations réalisées ont montré des résultats appréciables en matière de mesures prises par les pays figurant anciennement dans les rapports passés du GAFI. Pour exemple, de nouvelles lois ont pu être ainsi votées dans ces Etats où aucune n’existait avant la visite des équipes d’évaluations. Autre exemple, le GAFI s’enorgueillit d’avoir réussi à faire stopper l’inflation quant à la distribution des livrets d’épargne anonymes en Autriche, par la menace de l’exclure de l’organisation.

D’ailleurs, la plupart des pays et territoires énoncés dans ces listes participent, bon gré mal gré, de manière plus ou moins active et constructive, à l’amélioration de la lutte contre le blanchiment international de capitaux. Certains pays ont ainsi pris engagement de conclure et de parapher des accords internationaux pour la fourniture d’informations aux autorités compétentes sur les cas de blanchiment. L’objectif affiché du GAFI aujourd’hui est d’arriver à restreindre ou à conditionner au mieux les transactions financières avec les pays récalcitrants.

Enfin, il est prévu qu’un système GAFI d’analyse et de surveillance pour les Caraïbes et l’Amérique latine puisse devenir rapidement opérationnel.

Toutes ces mesures ne devrait néanmoins pas contraindre des sociétés, même sérieuses, à reconsidérer leur domiciliation dans un pays sur une liste noire. Tant qu’il subsistera en effet, une concurrence à ce niveau entre certains territoires et une offre d’implantation à de telles conditions, il paraît peu envisageable que cela génère des résultats vis à vis des entreprises qui sont en demande. Il faudrait toutefois maintenir sur celles-ci une certaine pression, afin qu’elle soient assujettis à plus de surveillance et de contrainte lorsqu’elles feront des affaires dans de telles juridictions off shore.

e) Y a t-il une solution au problème de l’existence de ces CFO et autres paradis fiscaux?

Les experts consultés ne sont guère optimistes. Au fil du temps, les techniques du blanchiment n’ont cessé de s’affiner et de faire usage des centres financiers off shore: sociétés- écrans, prête- noms, trusts, services bancaires de plus en plus rapides, de plus en plus personnalisés, de plus en plus complexifiés, intermédiaires spécialisés et hautement compétents utilisés…..et toutes les investigations continuent à se heurter dans la réalité, à un moment ou à un autre, au mur des écrans et façades de fausses sociétés ou des nouvelles banques virtuelles difficilement déchiffrables et plutôt intouchables.

Dans les faits, l’espoir est donc faible pour les services en charge de la lutte contre le blanchiment de capitaux, sauf à interdire totalement toute transaction, voire les relations commerciales avec les paradis fiscaux les moins coopératifs.

Le rapport Gordon le suggérait il y a 20 ans ; or depuis, il n’a jamais été déterré…

Ainsi aujourd’hui encore on se trouve face à des évidences. Comme le rappelle bien tristement un courtier anglais interrogé lors d’un entretien pour un article de M. Van Outrive de l’Université de Louvain, «Today as Yesterday, good guys go to heaven, bad guys go to Hawai or Switzerland….». Il semble ainsi devoir se résigner.

f) Les pressions infligées à ces centres off shore et autres paradis fiscaux sont-elles efficaces et aboutissent-elles à des résultats probantset visibles?

Il est vrai que la meilleure des réponses aux trafics qui se déroulent dans ces places financières bien spécifiques serait de supprimer toute transaction avec ces pays off shore (fermer toutes les implantations off shore).

Mais comment faire par exemple, pour ne plus travailler avec la Russie ou le Liechtenstein? Quel chef d’ Etat prendrait une telle décision?

Dans une telle perspective, tous les experts internationaux prédisent que cela ne serait pas du tout gérable et, qu’au contraire, cela aurait pour risque de provoquer un blocus du monde financier tout entier et de l’économie mondiale en général.

Il est donc important de s’abstenir de telles politiques extrémistes, «même s’il est nécessaire de ne plus nager dans l’hypocrisie et de se donner bonne conscience en agissant de la sorte comme aujourd’hui», proclamait René Wack, Risk manager au Crédit Lyonnais.

Pourtant, il est un précédent en ce sens avec la Deutsche Bank qui aurait été la seule banque européenne à avoir décidé de boycotter trois pays du pacifique Sud, dont la fameuse Nauru et ce en y interdisant tout transfert de fonds en dollars américains.

A côté de cela, des pressions régulièrement exercées par l’institution de ces listes semblent tout de même apporter un début de résolution à ce problème.

De nombreux pays ont été ainsi menacés de sanctions économiques et financières si leurs législations fiscales n’étaient pas renforcées dans un délai d’un an.

Certains obtempèrent à contre cœur, les Iles Caïmans par exemple, en annonçant un renforcement de leurs législations pour tenter de limiter les opérations financières douteuses (après c’est autre chose de voir si les résultats sont probants en pratique).

L’île Maurice s’est, de son côté, engagée dès le printemps2000 à renforcer sa législation concernant ses activités off shore et il semble qu’il y ait une amélioration dans ce domaine65.

D’autres nations ne changent en rien leur stratégie de développement et vitupèrent en dénonçant «l’hypocrisie et l’illégalité» dans les décisions de ces grands Etats qui oublient trop rapidement les opérations de blanchiment d’un montant très largement supérieur réalisées dans d’autres pays de l’OCDE. «Ce chantage exercé contre des petits Etats provenant des pays les plus riches de la planète n’aurait aucune autorité légale et aucune base juridique en droit international pour imposer les moindres sanctions à ces Etats» rappelaient ainsi Sir Neville Nicholls, président de la «banque de développement des Caraïbes», et Owen Arthur, premier ministre de la Barbade.

En réalité, le problème des places off shore dépasse les difficultés liées à la criminalité organisée pour atteindre des questions plus profondes liées à la concurrence fiscale au niveau international

Si les gouvernements mais aussi les entreprises se préoccupent de plus en plus de l’existence des centres off shore, c’est ainsi essentiellement parce qu’ils sont soucieux de la prolifération de régimes fiscaux préférentiels et de l’arrivée de nouveaux paradis fiscaux, pouvant réaliser une concurrence dommageable vis à vis de leur économie.

Ce n’est donc pas dans une optique de salubrité publique que de nouveaux Etats prennent position aux côtés des pays pionniers en la matière (qui eux avaient sans doute des objectifs plus altruistes et moins égocentriques économiquement).

En fait, le processus de libéralisation et de mondialisation a incité quelques gouvernements à adopter des régimes fiscaux préférentiels, notamment des régimes off shore, non pas tant pour attirer des investissements directs étrangers que pour détourner à leur profit une partie des personnes imposées dans d’autres pays.

Ainsi, entre 1985 et 1994, la valeur des investissements réalisés dans des zones à faible fiscalité comme les Caraïbes et les Iles du Pacifique- Sud a été multipliée par 5 pour dépasser les 200 milliards de dollars. Et si naguère, seules les personnes très riches avaient recours aux paradis fiscaux pour leurs affaires, désormais, on trouve presque toutes les catégories

socio- professionnelles représentées.

D’après l’OCDE, l’existence d’une faible imposition du revenu ou l’absence même d’une telle imposition ne peut suffire à établir la concurrence fiscale dommageable. Il faudrait en outre un manque de transparence ou d’échanges d’informations dans les transactions économiques qui s’y déroulent. Pour ce même organisme international, l’objectif n’est donc nullement d’harmoniser les taux d’imposition entre pays, ni même d’instaurer des niveaux minimaux de prélèvements fiscaux, chaque pays devant avoir une liberté pleine et entière en ce domaine.

Il s’agirait plutôt uniquement de faire que les pays soient incités à adopter des «pratiques exemplaires» en matière de politique fiscale. Or quand on voit à quoi servent dans leurs résultats les codes de déontologies et autres chartes éthiques en matière professionnelle, on ne peut qu’être plus que sceptique.

Néanmoins, dans le but d’éviter le développement d’une concurrence fiscale à outrance qui se révèlerait contre-productive (aboutissant par exemple à des réglementations anti-évasions complexes et très coûteuses qui alourdiraient considérablement les charges des contribuables), le fait de régir par le bas cette même concurrence (par une coopération internationale via un dispositif multilatéral) semblerait être un bon moyen d’assurer une stabilité et la coexistence pacifique des divers systèmes fiscaux.

Il faudrait toutefois tenter de convaincre plus sérieusement les marchés et les grands ordonnateurs des réseaux financiers mondiaux qu’il serait plus rationnel d’éliminer les pratiques fiscales dommageables. En effet, jusqu’à quand la situation actuelle pourra t-elle perdurer et est-elle viable à terme? Là sont toutes les questions.

En effet, à force de sauvegarder un système de compromis chancelant entre une volonté de ne pas pénaliser la compétitivité entre sociétés résidantes dans des pays à législations fiscales distinctes et les effets pervers d’une concurrence fiscale transnationale de plus en plus débridée, on risque d’aboutir à des distorsions discriminantes insoutenables et déclencheurs d’un conflit fiscal généralisé.

L’harmonisation en matière fiscale risque d’être encore plus problématique à solutionner que sur le domaine simple de la lutte contre le blanchiment d’argent sale.

Il semble néanmoins que ce soit, tout du moins pour les pays-tiers européens comme Andorre, Monaco, le Liechtenstein et la Suisse, du ressort de l’Union Européenne de régler ce problème de distorsion technique, de spécificités réglementaires et de dumping fiscal.

Les services de la Commission européenne en charge de la fiscalité et du marché intérieur semblent ainsi penser que ces centres financiers particuliers ne peuvent qu’être contraints de s’impliquer et de collaborer s’ils veulent continuer à bénéficier dans l’avenir des accords de faveur les liant à l’Union Européenne.

Le procureur général de Genève, Bernard Bertossa semble avoir parfaitement résumé l’étendue du problème en la matière:

«les réseaux de blanchiment sont souvent les mêmes que ceux de l’évasion fiscale ... si on veut vraiment être efficace, on devrait étendre la coopération internationale à la dissimulation fiscale».

Aujourd’hui, un blanchisseur bien inspiré pourrait en effet judicieusement invoquer la motivation fiscale de l’ouverture de son compte pour faire obstacle à une telle coopération des autorités judiciaires.

t 3.3 Derniers développements concernant les centres financiers opaques et le contexte actuel d’investigations en matière de terrorisme

Avec les événements du 11 septembre 2001, la position de certains Etats vis à vis des places financières dites «exotiques ou à fiscalité réduite» que constituent les centres off shore et les paradis fiscaux, a été ébranlée et une nouvelle perception de ces «sanctuaires» s’est fait jour de la part de nombreux gouvernants, prêts désormais à tout mettre en œuvre pour éradiquer le problème. Selon certains d’entre eux, combattre le terrorisme à sa source en lui coupant les vivres nécessaires à ses réseaux de logistique doit nécessairement passer par une rupture avec le secret bancaire mis en place et prôné par les paradis fiscaux. Pour exemple, l’«Omerta des centres off shore», constituée à la fois de la revendication du secret bancaire et du caractère fiscal de l’infraction reprochée, ne devrait plus pouvoir empêcher et justifier un refus d’entraide judiciaire internationale.

Les Etats-Unis, qui jusque là se faisaient les avocats et défenseurs les plus déterminés des paradis fiscaux, au nom de la liberté de circulation des capitaux (et au profit de leurs uniques intérêts), ont ainsi brusquement changé d’avis en la matière. Ils auraient ainsi déclaré la guerre aux «territoire non coopératifs», appréhendés désormais comme des «territoires délinquants».

Auparavant, contrairement à l’administration Clinton, l’équipe Bush n’entendait pas en effet, laisser l’OCDE faire la chasse aux petits territoires qui offraient des conditions avantageuses pour attirer des capitaux étrangers, et ce, au nom de l’atteinte à la souveraineté des Etats que pouvait poser le combat contre l’argent sale et les pratiques fiscales douteuses.

A l’époque, l’évasion fiscale, ou plutôt la concurrence fiscale, ne devait pas être confondue avec le blanchiment.

«Seule la méthode empreinte de dialogue était, affirmait-on, la meilleure pour amener à la raison les pays pauvres des Caraïbes qui n’avaient alors d’autres moyens pour se développer que d’attirer les investissementsde cette manière ».

L’absence de mesures prises contre les centres off shore à l’époque par les Américains ne pouvait, de telle façon, que réduire grandement la portée des mesures législatives prisent pas les autres Etats de l’OCDE.

Un contrôle trop rigoureux sur les paradis fiscaux aurait ainsi avant provoqué de nombreux désagréments affectant grandement le système financier des Etats-Unis, puisque dans le jeu de la gestion de l’argent des grandes fortunes internationales, les banques américaines de réputation avaient pris l’habitude de passer à un moment ou à un autre par les «cases» Liechtenstein, Aruba ou Panama.

Pendant longtemps, les grandes entreprises américaines ont ainsi bénéficié, via les paradis fiscaux, d’un système de Foreign Sales Corporation (ou FSC) permettant de fournir des subventions illicites à leurs exportations en toute légalité.

Désormais aujourd’hui, le contexte a complètement changé.

L’administration Bush opère un revirement complet sur le terrain financier. «L’argent des terroristes, qui transite librement, comme celui de la drogue ou du crime, par des îles exotiques, doit être combattu de toutes les manières possibles, quitte à accroître la surveillance de ces plaques tournantes de la finance mondiale douteuse»avait affirmé un des hauts responsables du Trésor américain, lors d’une réunion à Washington des ministres des Finances du G7 le samedi 6 octobre 2001.

Depuis les attentats, les priorités du secrétaire au trésor, Paul O’Neill ne sont plus identiques. «La stratégie américaine de lutte contre la criminalité financière doit avoir parmi ses multiples objectifs de viser les «centres off shore de la fraude internationale et de la contrefaçon», avait déclaré par anticipation Jonathan Winter le 11 juin 2001 devant la Commission bancaire de la Chambre des Représentants sur les problèmes de blanchiment.

Laurent Fabius, ancien ministre de l’Economie et des finances jusqu’à peu, avait affiché également un certain soulagement, déclarant «que tout ce qui était avant opposé dans des demandes de renseignements lors d’enquêtes judiciaires internationales, comme la concurrence fiscale, a disparu au nom de la coopération effective entre les pays de bonne volonté, coopération qui ne devrait plus tarder à se concrétiser».

Dans cette optique, le mandat du GAFI a été étendu pour qu’il puisse traquer les capitaux des terroristes. Auparavant, le GAFI ne disposait pas d’autres armes que sa liste noire des pays non coopérants. Les sanctions ne consistaient qu’à freiner l’activité internationale des institutions financières de ces pays.

La menace était quand même suffisamment dissuasive pour que le Liechtenstein ou les Bahamas commencent à collaborer avec les acteurs de la lutte contre le blanchiment des capitaux. Mais c’est fin octobre 2001 qu’une réunion d’urgence du GAFI a édicté de nouvelles règles devant être respectées par l’ensemble des pays, parmi lesquels l’obligation de geler les avoirs suspects.

Par la suite, d’autres mesures ont été prises dans le sens d’une meilleure collaboration en matière de renseignements entre les différents services en charge au niveau national (TRACFIN français, FINCEN Américain, CTIF belge…) et au sein du groupe Egmont pour un échange en ce domainevoulu plus régulier.

Le FMI a d’ailleurs été mis à contribution et a été vivement encouragé à s’assurer que les centres financiers off shore contrôleraient avec plus de rigueur et de vigilance les fonds qu’ils hébergeraient.

L’Union européenne travaille aussi de son côté sur un projet visant à faciliter la levée du secret bancaire, même si cela ne serait envisageable qu’en cas de soupçon de crime grave…

Ainsi la structure européenne, mais aussi l’OCDE et le G7 ont tous développé récemment des mesures pour resserrer la réglementation concernant les domiciliations off shore.

Toutefois, la meilleure appréhension des difficultés soulevées et engendrées par le lourd secret professionnel et le compromis devant exister entre répression et droits objectifs en la matière, n’en est qu’à ces débuts.

Conclusion sur la partie concernant les C.O.S et autres Paradis fiscaux

A côté des deux évolutions principales qui caractérisent la délinquance financière mondiale et actuelle, à savoir:

-la complexité croissante des techniques employées pour le blanchiment d’argent sale

-et l’internationalisation des flux financiers criminels,

il doit être fait remarquer l’implication notable et l’ampleur croissante de ces lieux bien spécifiques de la finance internationale 66. Quelques soit l’approche retenue, le phénomène des paradis fiscaux est d’une importance extrême et croissante pour l’économie actuelle.

Comme le rappelait Marie Christine Dupuis, «malgré une volonté affichée par un certain nombre de centres off shore de procéder à un nettoyage de leur activités, et de se refaire une réputation d’honorabilité sur la scène de la finance internationale, les paradis fiscaux demeurent UNE voie d’accès largement utilisée pour intégrer l’argent sale dans le système financier mondial», les sociétés-écran trouvées sur place ne faisant qu’ajouter à la complexité des filières de retraitement et de recyclage de capitaux d’origine criminelle.

Il est ainsi devenu évident à tous les acteurs et intervenants de la lutte contre le phénomène de recyclage des fonds criminels dans l’économie légale qu’il subsistait encore trop de ces pays ou territoires qui abusent du secret bancaire (zone européenne et caraïbes), qui autorisent l’installation de «sociétés de façade» et n’offrent pas de coopérations administratives et judiciaires transnationales valables, suffisantes, adéquates et opérationnelles en la matière.

De même, à une époque où le développement des paradis fiscaux et la mise en place par certains Etats de dispositifs fiscaux destinés à attirer les capitaux a pu engendrer un phénomène de compétition fiscale aux conséquences préjudiciables (nous venons de le voir), il apparaît nécessaire et urgent que des gouvernements dits responsables et au service de leurs concitoyens se résignent à prendre les dispositions nationales et internationales fortes qui s’imposent en cette matière et ce, sans arrières pensées et sans faire le jeu d’un double langage politico-économique stérile, agaçant et infructueux.

Imputer cet état de fait de l’importance des réseaux de blanchiment internationaux uniquement à quelques territoires bâtissant partiellement leur richesse en accueillant complaisamment des capitaux à l’odeur douteuse est, sans aucun doute, une constatation par trop rapide.

Ce serait d’ailleurs oublier que la plupart des paradis fiscaux ne sont que des embryons d’Etats, d’anciennes colonies aux statuts spéciaux encore dépendant des grands puissances économiques. En effet, que sont politiquement et économiquement les Bahamas, Jersey et Singapour au regard de places financières comme Londres ou New- York?

Le Blanchiment n’est pas seulement le fait de quelques paradis fiscaux «exotiques».

Toute tentative d’explication de la sorte ne ferait que conforter l’hypocrisie générale qui a été depuis si longtemps volontairement établie en la matière pour rejeter tous les maux du système financier et économique internationale UNIQUEMENT sur ces centres off shore et autres paradis fiscaux.

Dans les pays à «haute sécurité», on retrouve ainsi des Etats liés au narco-trafic (la Colombie, le Mexique, la Thaïlande, le Nigeria, la Russie), certes des paradis fiscaux (les îles Caïmans, Aruba, les Antilles Néerlandaises…) mais aussi des grands centre financiers comme la Suisse, HongKong ou Singapour, et des grandes puissances comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou les Etats-Unis.

L’analyse de la localisation géographique des places qui structurent les marchés mondialisés fait ainsi état des liens étroits existant entre les plus prestigieuses places financières, anciennes et plus récentes (comme la City de Londres, Zurich et Genève, New- York, Chicago et Los Angeles, Francfort, Paris, Tokyo et Singapour) et les sites plus nouveaux et plus opaques, à savoir les paradis fiscaux et places financières utilisés en off shore par les grandes banques et grandes entreprises pour leur opération de «zone grise».

Auparavant, autant les paradis fiscaux étaient seulement le lieu privilégié pour le dépôt en banque des revenus de particuliers avisés ou des bénéfices inavouables des grandes entreprises établi en dehors du pays d’origine.

Autant actuellement, avec la libéralisation et la déréglementation financière augmentant les occasions de blanchiment dans les systèmes financiers centraux, ces places financières (Bahreïn, les Bahamas, les Bermudes, HongKong…) constituent des repères pour des activités illicites produisant de «l’argent sale» et permettant d’exploiter toutes les possibilités de blanchiment et d’essorage de capitaux d’origine douteuse ou clairement criminelle.

Le phénomène évoqué ici de la puissance croissante de ces places financières est un phénomène mondial à l’image des problèmes de protection de l’environnement ou de terrorisme.

Les initiatives individuelles peuvent avoir des effets d’annonces, des conséquences psychologiques ou des résultats symptomatiques chez certains Etats, mais son efficacité concrète risque de se révéler extrêmement limitée à moyen terme déjà .

Il est donc important que soit mise en place et continuellement améliorer une surveillance rigoureuse de ces places financières particulières, car le seul fait de se doter d’un système préventif et répressif permettant de lutter contre le blanchiment, n’engendre pas tout le temps (loin de là d’ailleurs) une application réelle dans la pratique.

Il faudrait, en outre, dépasser ce stade de simple (mais indispensable) surveillance pour prendre des initiatives collectives engageant ainsi un maximum de pays dans la même voie et mettant les plus grand Etats de la planète face à leur prise de responsabilité.

Des efforts importants ont été et continuent d’être réalisés pour améliorer la transparence du secteur financier mondial, mais le monde financier off shore demeure encore à ce jour, en grande partie, un«Triangle des Bermudes» pour les enquêtes financières.

[1] une société irlandaise fiscalement résidente doit néanmoins, comme une entreprise véritablement résidente, tenir une comptabilité, c’est à dire la faire auditer, tenir une assemblée générale et adresser ses comptes à l’administration fiscale, même en l’absence de toute activité.

[2] dixit Marc Roche, journaliste au Monde - 4 novembre 2001

[3] le Bureau for International Narcotics and Law Enforcement Affairs américain plaçait d’ailleurs ce pays parmi les nations à «haute priorité», c’est à dire parmi les pays devant prendre rapidement des mesures nouvelles pour lutter contre le blanchiment d’argent.

[4] des révélations auraient ainsi prouvé que les gouvernement successifs conservateurs au pouvoir pendant plus de 20 ans, se sont montrés souvent complaisants par le passé envers de généreux donateurs qui finançaient ainsi leurs campagnes électorales.

[5] c’était alors la première fois que Londres intervenait dans les affaires intérieures de ces trois territoires autonomes.

[6] référence à l’ouvrage du député transalpin Jean Ziegler (la Suisse lave plus blanc-1990)

[7] plus paradis fiscal et moins paradis bancaire

[8] (obligation est faite désormais en Suisse d’identifier par les banques les propriétaires réels des fonds qu’elles administrent)

[9] ( l’Association des banquiers suisse avaient d’ailleurs déclaré: « nous ne travaillerons pas avec les personnes blanchissant de l’argent sale» )

[10] (voir les 22 à 46 milliards d’euros gérés sur la place helvétique pour des clients saoudiens ou les fonds découverts là-bas et appartenant à la Société Al Taqwa, proche des Frères Musulmans et à la société La Sico, dont le propriétaire n’est que Yeslam Ben Laden, demi-frère d’Oussama. .

Voir aussi l’affaire révélée en 1994 sur les 150 millions de dollars découverts sur des comptes de colombiens à l’UBS).

[11] (avoirs déposés en Suisse en augmentation constante, soit près de 3 000 milliards de dollars en l’an 2000 de fortunes privées étrangères – chiffres donnés par Jean Ziegler dans son article du Monde Diplomatique de Février 2001)

[12] (activité bancaire représentant plus de 15 % de son PNB en 1996 et employant près de12 % de sa population, soit plus de 19 000 habitants actifs sur une population totale de 400 000 habitants en l’an 2000).

[13] (déjà en 1992, le Sénat français déclarait dans un Rapport d’information que «le Luxembourg , en maintenant avec acharnement la protection du secret bancaire sur son territoire, participait de la sorte au système de lavage automatique à grande échelle des profits illicites du commerce international des stupéfiants»)

[14] d’après certains, le pavillon luxembourgeois n’accepteraient que la représentation de

«gros tonnages», dixit dictionnaire des Paradis fiscaux Chambost, édition 1996

[15] Les FSC OU FPHC (pour «Foreign Personal Holding Companies») correspondent donc à des sociétés créées par des résidents américains dans des paradis fiscaux pour recevoir de façon avantageuse des revenus qualifiés de passifs (dividendes, royalties ou intérêts).

[16] de toute façon, les unités professionnels de traitement de l’information financière sont tenus le plus souvent au secret et ne doivent pas avoir de contact avec les services fiscaux de l’ Etat

[17] le premier Ministre luxembourgeois avait ainsi déclaré fin septembre 2001, que «le secret bancaire ne devait pas être opposable au juge et au Parquet en matière criminelle».

[18] du nom d’un courtier en marchandises américain installé en Suisse et qui avait été condamné à payer de fortes amendes pour soustraction au fisc et dont l’extradition avait été demandé.

[19] (voir l’ouvrage de Claude Torracinta les banques suisses en question)

[20] (voir article de M. JC Buffle précédemment cité)

[21] le G7 comprend les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, le Canada et l’Italie

[22] (25 autorités nationales de 11 pays (dont Australie, Pays-Bas, HongKong et Singapour) plus 6 membres d’institutions financières internationales (FMI, Banque Mondiale, Banque des règlements internationaux ou BRI, OCDE), 6 représentants des groupes de surveillance et de réglementation internationales (Comité de surveillance bancaire de Bâle, Organisation internationale des autorités de surveillance de l’assurance) et enfin, 2 représentants des comités d’experts de banques centrales (comité sur le système financier mondial et comité sur les systèmes de paiement et de règlement)

[23] voir les objectifs de cette structure dans les annexes

[24] («ceux qui, du fait d’une législation et/ou d’une pratique déficiente, constitue un obstacle à la coopération internationale en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux criminels»).

65 (voir article Bilan du Monde édition 2001)

66 (certains analystes - Christian De Brie - ont d’ailleurs parlé de ce «chapelet de paradis fiscaux» comme une «rivière de diamants volés ceinturant la planète »).


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