B. Situation économique et géopolitique

Une mono-économie fragile :

Le Nigeria est le 9ème producteur mondial de pétrole, le 5ème de l'OPEP et le 1er en Afrique Noire avec une production de 100 millions de tonnes de pétrole par an. Estimées à 17 milliards de barrils, ses réserves sont les deuxièmes d'Afrique après la Libye. On estime en outre que ce pays renferme 2,3% des réserves mondiales de gaz naturel, ainsi que des mines de niobium, d'étain et de charbon. Malgré ces richesses naturelles, le Nigeria se classe au 146ème rang mondial des pays pauvres (sur 174102) avec un PNB par habitant estimé à 350 dollars en 1999 (le tiers de ce qu'il était dans les années 80). On estime que les revenus du pétrole procurent 80 à 95% du budget nigérian. Ces revenus ont considérablement augmenté avec le boom pétrolier de 1973-1974. Les autorités ont alors tout misé sur ces revenus, se mettant de fait en situation de dépendance vis-à-vis du pétrole et donc des cours mondiaux du baril. L'agriculture, qui était pourtant un secteur-clé de l'économie nationale, a été délaissée en faveur du pétrole, générateur de profits rapides. Malgré une forte exportation d'huile de palme, d'arachides, de cacao, de caoutchouc, au début des années 70, le Nigeria a par la suite dû importer ses produits agricoles et alimentaires. Des investissements dans ces domaines (irrigation, construction d'usines,...) ont été négligés et de nombreux paysans ont dû quitter leurs régions pour rejoindre les grands centres urbains.

Cette situation n'a pas véritablement inquiété les autorités du pays tant que le prix du pétrole était élevé et qu'on pouvait donc financer les importations. Mais à partir du début des années 80, le prix du pétrole a chuté et le Nigeria, dont les revenus du pétrole atteignaient en 1980 plus de 26 milliards de dollars, ne touchait en 1989 plus que 9 milliards de dollars. D'importants efforts financiers ont donc dû être consentis pour importer les matières premières manquantes. La Guerre du Golfe en 1991 a entraîné une augmentation du prix du pétrole mais les plans économiques gouvernementaux se sont succédés entraînant des exodes ruraux, des manifestations violentes, une paupérisation croissante... Une situation désastreuse du point de vue de la légalité : d'abord par le développement d'une économie informelle et ensuite par l'existence d'un vivier de "main d'_uvre" pour les gangs criminels. On a pris alors l'habitude d'employer une expression : "our oil boom has become our oil doom" ("notre boom pétrolier est devenu notre malédiction pétrolière").

Une ambition régionale :

Malgré ses problèmes politiques et économiques, le Nigeria semble être une des rares puissances diplomatiques (avec l'Afrique du Sud) d'Afrique Noire. La visite de Bill Clinton fin août 2000 montre l'importance que donnent les Etats-Unis à ce pays, qui rêve tout haut d'obtenir un jour un siège permanent au sein du Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Depuis plusieurs années, le Nigeria est en effet devenu le "gendarme" de la région : son armée de 80.000 hommes103 est intervenue à plusieurs reprises dans le cadre de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Le Nigeria est ainsi intervenu lors des conflits en Sierra Leone et au Liberia via une force d'interposition, l'Ecomog, placée sous le commandement du Général Nigérian Joshua Dogonyaro en septembre 1990. En août 2000, des instructeurs militaires américains sont arrivés au Nigeria pour y former 5 "bataillons de la Paix". Déjà, en 1981-1982, l'O.U.A. avait envoyé au Tchad une force de paix composée en majorité de soldats nigérians et commandée par un officier nigérian. Le Nigeria a également accueilli des discussions entre le gouvernement de Khartoum et des représentants des insurgés du Sud-Soudan.

Le Nigeria est toutefois en conflit avec son voisin le Cameroun à propos d'une zone frontalière contestée de 1.000 km². La péninsule de Bakassi, sur le Golfe de Guinée, recèle en effet un important gisement de pétrole. En outre, les revendications autonomistes de l'État des Rivières (où se trouve la péninsule) va de pair avec les revendication des camerounais anglophones, de l'autre côté de la frontière. Des accrochages entre les armées des deux pays ont provoqué plusieurs dizaines de morts. En décembre 1993, près de 500 soldats nigérians débarquent sur les îles de Diamond et de Djabana, alors revendiquées par le Cameroun. De nouveaux affrontements ont lieu en février 1996 et la situation ne semble pas évoluer.
Ces activités militaires (notamment ceux au Libéria et en Sierra-Leone, dans le cadre de l'Ecomog) permettent à certains officiers supérieurs de se livrer à divers trafics illégaux...Des sources occidentales indiquent ainsi que la décision de faire du Libéria une plaque tournante du trafic d'héroïne et de cocaïne a été prise par des officiers de haut-rang lors d'une sorte de "conclave"104.

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102 Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement

103 Le Président Obasanjo a prévu de faire passer ce chiffre à 50.000.

104 "État des drogues, drogue des États" - Observatoire Géopolitique des Drogues - 1994