L'invention militaire
Au départ, le but est de créer un protocole commun qui permet de mettre en relation des ordinateurs. Les expérimentations se succèdent dés 1969 à la demande de l'agence ARPA du département de Défense Américain. Ce réseau Arpanet commence à fonctionner expérimentalement avec quelques ordinateurs, puis devient plus opérationnel avec plus de 100 ordinateurs en 1977.Les protocoles utilisés sont le Transmission Control Protocol (TCP) et Internet Protocol (IP) Mais les militaires américains à l'origine des études sur ce nouveau réseau de communication sont préoccupés par les questions de sécurité notamment en cas de conflit à cette époque de la guerre froide. Les chercheurs établissent une structure en maille, décentralisé, qui relie des noeuds de communications. « Le principe du réseau est l'interconnexion de sous-réseaux de technologies variées par des routeurs intermédiaires qui se chargent des problèmes d'acheminement des informations et d'adaptation aux technologies sous-jacentes d'ou l'utilisation du terme Internet pour internetworking ( interconnexion) ».1 Ce système devait résister aux pannes techniques, catastrophes et aux attaques nucléaires des ennemis potentiels. L'Arpananet doit servir à la communication et aux traitements des données .Il sera par la suite essentiellement associé à la recherche et les militaires se serviront du réseau Milnet pour des besoins spécifiques. La conception machiavélique, novatrice, et sécuritaire d'Internet évite sa destruction mais fragilise son contrôle et la lisibilité de cet outil. « C'était en quelque sorte l'équivalent électronique de la technique maoïste consistant à disperser des forces de guérilla sur un vaste territoire afin d'opposer à la puissance de l'ennemi une souplesse et une connaissance du terrain supérieures » 2.
Pendant les années 60, l'impulsion technologique était militaire , elle sera vite relayée par les scientifiques et les industriels.
De la stratégie militaire à l'utilisation par les universitaires , puis par le grand public
Cette révolution
technologique a pu prendre de l'essor dans la Silicon Valley grace à
la conjugaison des talents . A la demande des militaires , les universitaires
et ingénieurs travaillent sur l'élaboration de ce réseau
L'université de Stanford sera un des principaux viviers en chercheurs
pour le développement de cette technologie. Les industries ont perçu
très vite l'intérêt d'une collaboration avec ces institutions
et ils décidèrent de s'installer aussi dans cette région
. Les étudiants eux mêmes seront créateur de société
de haute technologie. Le travail de conception du net par cette ruche hétérogène
de personnes est à l'image de son architecture : une logique de
réseau sans pyramide centralisée.
Mais ,progressivement
, les universitaires vont vouloir profiter des capacités de ce nouveau
réseau afin d'échanger des données scientifiques et
de mettre en relation les laboratoires des universités. «
Arpanet le dispositif établi par le ministère américain
de la Défense se transformera par la suite en un système
de communication horizontale et planétaire, regroupant des milliers
de réseaux informatiques, dont des multiples utilisations dans le
monde entier par des individus et des groupes très divers( une élite
cybernétique représentant quelque 20 millions d'utilisateurs
au milieu des années 1990, mais en progression exponentielle) n'avaient
plus rien à voir avec une guerre froide désormais obsolète.
»3
Des qu'un groupe , une population, une catégorie sociale ou professionnelle tente de s'approprier Internet, alors l'outil se dérobe et échappe en partie à la mise sous tutelle .Les universitaires seront marginalisés par le phénomène commercial et financier du net à partir des années 80. Mais le net « tout commercial » subit aussi des revers après des moments d'euphories. « Il apparaît tout d'abord que Internet vit au rythme de l'histoire démocratique, qu'il incarne le dessaisissement des élites manipulatrices au profit des individus »4 Mais un certains nombres de groupes dont les organisations criminelles dans ce labyrinthe, arrivent discrètement à se faufiler, et à diriger des opérations illicites et manipuler l'information.
L'esprit pionnier
Les pionniers de cette nouvelle technologie étaient animés par un esprit d'ouverture désintéressé, d'innovation et de contestation .
Ces chercheurs souvent universitaires étaient persuadés que leurs travaux sur ce nouveau réseau aller changer le monde .Une des volontés de ces pionniers étaient de rendre l'information accessible à tous . Steve Wozniak, promoteur de l'ordinateur personnel, décide de quitter " Apple » au moment de son développement afin d'éviter les méandres et l'ambiance d'une multinationale. Il se consacrera à l'art , la musique et plus tard à d'autres technologies. De même, les étudiants de Caroline du Nord qui ont inventé ,tout d'abord un système permettant de relier les ordinateurs entre eux par une ligne de téléphone et par la suite un forum de discussion " Usenet », avait comme objectif une meilleur circulation de l'information pour le plus grand nombre. " Parallèlement aux efforts du Pentagone et de la science pour mettre sur pied un réseau informatique universel accessible au public et doté de normes d'utilisation acceptable, s'est répandu aux Etats Unis une contre culture de l'ordinateur, héritière des mouvements des années 1960, et plus exactement des plus libertaires / utopiques d'entre eux . »5
Cette culture " libertaire
» présente sur le net aujourd'hui a donc des racines historiques
liées à l'émergence de ce réseau . Certaines
actions médiatiques ,et actes de pirateries et détournement
des sites commerciaux et des grandes entreprises, se réclament parfois
de ces mouvements alternatifs. La toile règne du simulacre, nécessite
un travail d'identification des acteurs. S'agit il d'une action militante
? ou du vandalisme d'un concurrent ? " (...) l'ouverture du système
est également, on la dit , le fruit de l'innovation permanente et
de la volonté du libre accès mises en oeuvre par les premiers
hackers et les cybernautes amateurs qui peuplent encore le réseau
par milliers. »6
1Serge Fdida, les autoroutes de l'information au cyberespace, Flammarion, Dominos, 1997, p 39
2Manuel Castells, La société en réseaux, Fayard, 1996, p27
3Manuel Castells,1996, op.cit, p27
4Michel Bera et Eric Mechoulan, La machine internet, Odile Jacob, 1999, p 22
5Manuel Castells,1996, ibid, p400
6Manuel
Castells,1996, ibid, p403