« Fuck The World »39
1) la référence au satanisme et au nazisme
Les motards se sont toujours situés en marge de la société, avec la volonté de le rester. Ils ont donc adopté des signes distinctifs qui feraient normalement fuir le commun des mortels. La référence à la mort et au satanisme est ainsi quasi omniprésente (comme le montrent les « couleurs » Hells Angels : la tête de mort ailée). Les noms adoptés par les groupes font directement référence à la mort : Hells Angels40 bien sûr (Hells = Enfer) mais aussi Red Devils, Satan's Choice, Devil Stock, Annihilators, Death Riders, Satan's Guard, MC 66641... Ce culte de la mort correspond d'abord à une véritable volonté de choquer, de se situer dans l'underground. Mais on parle également de liens entre le monde des motards et le milieu sataniste (notamment à travers certains groupes de rock parfois liés à l'extrême-droite). Il est toutefois étonnant de constater quelques cas de suicides chez les motards, alors même qu'en général, le monde criminel est peu sujet à des tendances suicidaires (hormis pour des causes de maladie ou de refus de se rendre à la police). La police américaine détient également une cassette vidéo enregistrée lors d'un barrage routier montrant deux motards se suicidant par « meurtre réciproque » au lieu de se laisser arrêter par les forces de l'ordre. En avril 1999, un membre des HA d'Oslo s'est suicidé en prison où il était incarcéré pour le meurtre du Président des Outlaws42.
L'autre grande référence des motards reste la symbolique nazie. Ils arborent ainsi nombre d'écussons ou de tatouages en rapport avec le nazisme : croix gammées ou celtiques, symboles SS,... Certains peuvent porter des casques de la Wermarcht ; des drapeaux nazis ou même des portraits de dignitaires du Troisième Reich sont affichés dans certains locaux ;... Cette floraison de signes date de l'origine même du mouvement au lendemain de la guerre : au sortir de 4 ans de guerre mondiale, les motards, se voulant en marge de la société, utilisent volontairement des signes (nazis ou japonais, comme le « Soleil Levant ») qui renvoient à ces années de souffrance et de sacrifice.
Si le but premier est donc de scandaliser et de provoquer le « bourgeois », certains motards ont une mentalité raciste et xénophobe, sans toutefois verser dans le militantisme (priorité est donnée au "business"). D'ailleurs, le règlement des Hells Angels n'autorise l'adhésion au gang qu'aux hommes de race blanche. En prison, les motards sont affiliés aux « White Suprematists »43 et c'est là qu'ils nouent des liens avec de véritables militants d'extrême-droite. A leur sortie, ceux-ci pourront être utilisés pour la vente de stupéfiants ou pour quelques opérations punitives mais ne seront jamais complètement intégrés au gang. Une telle collaboration a été constatée, notamment à New-York, à Oakland, en Caroline du Nord et du Sud, avec des membres de la "Nation Aryenne". En matière de trafic de drogue, les HA utilisent parfois l'alphabet runique, également utilisé par la "Fraternité Aryenne" et certaines sectes sataniques. Certaines sources évoquent l'existence d'un Hells Angels noir dans un chapitre de Colombie-Britannique (Canada), ce qui aurait provoqué de vives discussions au sein du mouvement. Par exception, ce membre aurait été autorisé à garder ses couleurs mais à la condition de limiter ses déplacements au territoire contrôlé par le chapitre44. Au Québec, c'est un Haïtien (Gregory Wooley) qui est membre du gang des "Rockers" (sous les ordres du chapitre Nomads) après avoir appartenu au gang "Master B" (gang noir de Montréal)45. Une situation qui se retrouve en France. Le fils d'un des leaders canadiens des Hells Angels, Maurice Boucher, était également le dirigeant d'un mouvement de jeunes d'extrême-droite, avant d'être invité à adopter une plus grande discrétion.
2) l'initiation des nouveaux membres
La volonté de choquer n'est pas seulement destinée à l'extérieur, aux « bourgeois » mais est également tournée vers l'intérieur du groupe. La nouvelle recrue (après une plus ou moins longue période de probation) doit subir une sorte de « bizutage » viril, censé l'intégrer au groupe. Pour les gangs les plus importants, ce « bizutage » est maintenant limité : une enquête de « moralité » très poussée lui étant préféré (renseignements sur le passé du postulant, sa famille, ses relations,...). Outre le fait de commettre un délit en présence d'un membre à part entière de la bande (pour éviter les tentatives d'infiltration des services de police), c'est le rite d'initiation qui signifie véritablement l'entrée du nouveau membre dans la confrérie. Ces rites varient selon les différentes bandes et, en général, plus les bandes sont anciennes et puissantes, moins l'initiation revêt de caractère dégradant et de manipulations psychologique et comportementale.
Parmi l'ensemble des gangs existant en Amérique du Nord, on peut citer comme rite d'initiation : le fait d'obliger une femme à retirer ses sous-vêtements ; se mettre à plat ventre pendant que les membres attitrés urinent, défèquent ou vomissent sur son dos ; se faire recouvrir d'une mixture de graisse, d'huile de moteur, de lubrifiant et d'excréments ; avoir des relations sexuelles avec un animal ;... A l'issu de cette « cérémonie », le novice reçoit ses couleurs et est officiellement membre à part entière du club. Il pourra alors assister à l'ensemble des réunions et voter les grandes décisions. A l'issu de la cérémonie, le membre ne fait donc plus qu'un avec l'organisation.
Au-delà de cette sous-culture
marginale, les gangs de motards constituent un véritable phénomène
criminel. Leur allure débraillée et leur côté
anarchisant cachent en fait un groupe hautement organisé, impliqué
dans une multitude d'activités criminelles, au premier desquelles
le trafic de drogue.
39 C'est, en résumé, le point central de la philosophie des motards. Il existe ainsi des écussons « FTW » et même des bars (dont un à Paris).
40 Les mots « Hells » et « Angels » ne peuvent être utilisés par d'autres groupes, sous peine de sévères représailles.
41 Le 666 est considéré comme le chiffre de Satan (Apocalypse, 13-18).
42 La nouvelle connue, des menaces de mort ont été proférées contre des policiers , menaces émanant sans doute des HA de Copenhague.
43 Dans les prisons américaines, les bandes se reconstituent à l'intérieur même des prisons par « affinités » ethniques : chicanos (« Mexican Mafia », la rivale « La Nuestra Familia » ou encore « Texas Syndicate »), noirs (« Black Guerilla Family », « Consolidated Crip Organisation » ou « United Blood Nation »), blancs (« Fraternité Aryenne »),... Le prisonnier qui ne réussit pas à intégrer un de ses groupes sera alors l'objet de sévices (y compris sexuels), ne bénéficiant d'aucune protection. Voir "Les Bandes Criminelles" de F. Haut et S. Quéré - PUF - Collection "criminalité internationale" (p.165 et suivantes).
44 Bien que cette histoire circule avec insistance, les policiers de la G.R.C. semblent ignorer l'existence de ce motard.
45 Il a profité de ses contacts au sein des "street gangs" canadiens pour former un réseau de revente de drogues lié aux Hells Angels.