Yardies et narcotrafic

Le "chanvre indien" se cultive à la Jamaïque depuis le XIXème siècle. Aujourd'hui encore, l'Ethiopian Zion Coptic Church et d'autres églises "Rastafari", font un usage liturgique de la "ganja". Mais l'explosion du trafic du cannabis vers les Etats-Unis date des années 60. La Floride est à moins de 1000 km. de la Jamaïque : les posses voient vite qu'il y a énormément d'argent à gagner. Vers 1970, le commerce (de gros) de la ganja avec l'Amérique représente de 2 à 400 millions de dollars/an. Dix ans plus tard, de 500 millions à 2 milliards de dollars. En 1985, la Drug Enforcement Administration (DEA) estime que les narcos jamaïquains importent 2000 tonnes de ganja par an aux Etats-Unis. La ganja fait vivre 6000 fermiers de l'île, où on la surnomme d'ailleurs "the poor's man friend", l'amie des pauvres gens...

Vers 1977-78, la guerre JLP - PNP, par posses interposés, s'aggrave. Le trafic de ganja se double alors d'une contrebande de retour : celle des armes sophistiquées, faciles à acquérir aux Etats-Unis et vitales dans une guérilla urbaine toujours plus sanglante.

La cocaïne apparait à Kingston lors de la campagne électorale de 1980. La géographie s'impose : la Jamaïque est un point de passage idéal entre la Colombie et l'Amérique du nord. Le trafic est initié par les posses JLP - vite rejoints par leurs rivaux "de gauche". S'inspirant d'une recette venue des Bahamas, la Jamaïque produit même du crack à grande échelle dès 1983, avant l'Amérique. Le crack, qui se fume, a un succès immédiat dans un pays ou l'usage des "joints" ("spliffs" en argot local) est banal.

Dès 1985, les posses sont les pionniers du trafic de crack aux Etats-Unis. En 1988, la DEA considère que, de 1984 à 1987, le Shower Posse a importé 150 tonnes de ganja et 10 tonnes de cocaïne à New York, Toronto, Philadelphie et dans le Maryland. De 1985 à 90, le chiffre d'affaires du “McGregor Gully posse”, grossiste-fournisseur de Crown Heights, Brooklyn (New York) en ganja, héroïne et cocaïne, dépasse les 100 millions de dollars(1)  .

Mais le narcotrafic ne reste jamais longtemps une simple affaire de transit. Rapidement, la consommation locale explose dans les pays producteurs ou exportateurs. A Kingston, ± 20 000 jeunes fument du crack dès 1992. L'année suivante, la police estime qu'il y a au minimum 60 "crack-houses" dans la ville...
Cependant, les fortunes des narcos jamaïquains se font surtout à l'exportation, grâce aux réseaux implantés dans les grands marchés consommateurs, Amérique du nord et Grande-Bretagne.

(1) Le chef du McGregor Gully posse, Eric "Chinaman" Vassell est incarcéré à Kingston depuis septembre 1994, en attente d'extradition vers les Etats-Unis, où il est recherché pour une dizaine de meurtres, narcotrafic, blanchiment, etc.
 

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