Le PKK : une guérilla dégénérée dans la Zone des tempêtes

Profitant du "décloisonnement" en cours à l'Est, le PKK s'implante désormais activement en Bulgarie, en Roumanie et en Ukraine - pays bordant tous la Mer Noire, donc proches de la Turquie. En Bulgarie, des militants du PKK menacent l'ambassadeur d’Irak pendant l'offensive turque de mars-avril 95, considérant Saddam Hussein comme "le complice passif de l'armée d'Ankara" dans cette affaire.

Dans l'ex-URSS enfin, où vivaient ± 155 000 kurdes en 1991, se fonde en novembre 1994 une "Confédération des Kurdes de la CEI", favorable à la "lutte de libération nationale kurde" et proche du PKK. Son siège est à Moscou (où vivent 10 000 Kurdes) et elle publie désormais le bulletin "Kurdish report". Son président, Iouri Nabiyev, prône qu'il revient aux Russes et aux Kurdes coalisés d'empêcher l'expansion turque en Asie Centrale. “Nous ne considérons pas les dirigeants et militants du PKK comme des terroristes, déclare Nabiyev (nov. 94) et nous continuerons à entretenir des liens étroits avec eux”. En février 1995, le PKK ouvre un bureau à Moscou, exhortant sur le champ le président Yeltsine à jouer le rôle d'intermédiaire (?) entre Turcs et Kurdes de Turquie.

Les Kurdes de la CEI sont très proches des Arméniens. Dès l'été 1992, des responsables kurdes de l'ex-URSS, ainsi que la section allemande du PKK, créent à Krasnodar "Action Arménie", association d'aide à ce pays, mais devant aussi faciliter l'implantation du PKK à Erevan, lui donnant ainsi une nouvelle base d'attaque de la Turquie orientale.

Le PKK est aussi implanté au Kazakhstan, précisément à Almaty et dans sa périphérie. Séquelle des déportations pratiquées sous Staline, de 150 à 200 000 Kurdes vivent dans l’ex-république soviétique. Des “missionnaires” du PKK sont arrivés au Kazakhstan à la fin de 1992 et ont recruté des adhérents dans la population Kurde turcophone. Depuis, le PKK dispose de ses publications à Almaty et rackette les commerçants kurdes du marché des fruits et légumes de la capitale kazakhe. Des équipes du PKK ont également mis la main sur le marché local des voitures d’occasion, les véhicules étant “importés” d’Europe ou du Moyen-Orient et revendus sur place.

Activités du PKK au Caucase

Les kurdes sont présents en Transcaucasie depuis la fin du XVIIIème siècle. Nomades, ils parcourent alors ce qui sera l'Arménie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan, à
la recherche de pâturages pour leurs troupeaux. Les communautés chrétiennes (arménienne, géorgienne) ont favorisé l'implantation sur leurs terres des Kurdes
yézidis (qualifiés d’ "adorateurs du Diable" par les musulmans (1)), tandis que les Azéri hébergeaient plutôt les kurdes musulmans, sunnites ou chi'ites. En Juillet
1994 encore, l'Arménie refoulait hors de ses frontières des groupes de musulmans kurdes, considérés comme une potentielle "cinquième colonne" azérie.

Second lieu de contact entre Arméniens et Kurdes : le Liban. Datant de la fin des années 70 (l'alliance entre le PKK et l'Asala, voir chronologie, 1980) ces
contacts s'officialisent en 1984 à Bar-Elias, quand Abdallah Ocalan rencontre le patriarche libanais de l'Eglise grégorienne (orthodoxe) arménienne, dont le
patriarcat général est sis à Etchmiayzin, non loin d'Erevan, en Arménie. La photo de ce conciliabule fait la "une" des quotidiens turcs, le 24 mai 1994. Or les
liens de l'Eglise grégorienne avec le Dachnak(2)   sont très étroits dans la diaspora arménienne. La rencontre entre le patriarche et A. Ocalan suggère donc une
alliance implicite Dachnak-PKK.

(1) Les “Yézidis” sont une secte gnostique et dualiste peu connue; ses 100 à 300 000 membres sont tous kurdes. Eux-mêmes se nomment “Dawasin”. Ils vénèrent le tombeau du cheikh Adi ibn Musafir (prêcheur ismaélien ou nestorien) sis au nord de l’Irak, près de Mossoul, et adorent et redoutent un ange maléfique en forme de paon.
(2) la "Fédération révolutionnaire arménienne", Dachnaktsoutioun ou Dachnak, mouvement de défense et de souveraineté arménien, se crée en 1890, quand la situation se dégrade sérieusement dans l'empire Ottoman. Dès le XVIIIème siècle, l’archevêque arménien d’Etchmiayzin se déclarait le chef spirituel de tous les arméniens de l’empire Ottoman.

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