Le pêché suprême en politique" dit Jean-François Revel dans un récent éditorial (1)  "est l'incapacité de percevoir la nouveauté, qu'elle soit bonne ou exécrable et l'empressement paresseux à y appliquer des schémas explicatifs tirés du passé; ou encore trop vagues et généralisateurs". Conclusion : "en ne s'adressant qu'aux résidus de l'Histoire, comment réagir de façon appropriée à ce qu'elle apporte d'inédit ?"

Cette réflexion est particulièrement frappante quand on considère l'état de la réflexion française sur la sécurité. Précision : nous parlons ici d'une France comprise dans l'ensemble européen, d'une façon ou d'une autre, à la fin de l'actuelle décennie; et de sécurité globale, le distinguo classique extérieur-intérieur étant de moins en moins pertinent. En effet, aucun domaine n'a plus changé depuis trois ans; des bouleversements immenses sont en cours, à l'échelle sans doute de ceux qui suivirent la chute des empires Ottoman et Austro-Hongrois.

Or si les études abondent; si les colloques se multiplient sur tel aspect particulier, tel point de détail de cette authentique révolution, trop rares sont les textes portant sur ses aspects fondamentaux (2)  , les tentatives de donner une réponse globale à des questions simples - mais vitales- comme celles-ci : en terme de sécurité, quelles règles du jeu pour le monde nouveau qui émerge aujourd'hui ? Quelles menaces disparaissent ? Persistent ? Emergent ? Mais d'abord : quels obstacles intellectuels lever pour percevoir clairement ces mutations ? Poser des diagnostics justes ?

Au terme d'une décennie d'observation attentive du continuum violence politique-stratégies indirectes - conflits à basse intensité, nous ébauchons ici une réponse, fruit d'une recherche qui s'est successivement attachée à :

. dresser une nomenclature réaliste des menaces,
. différencier, parmi celles-ci, les nouvelles des anciennes,
. apprécier leurs progressions ou leurs régressions.
 

(1)  « Le Point » 11 avril 1992
(2) "L'empire et les nouveaux barbares" Jean-Christophe Rufin, Jean-Claude Lattès, 1991; "La planète balkanisée" Yves Marie Laulan, Economica 1991