EX-YOUGOSLAVIE (RSFY)

Serbes ? Croates ? Slovènes ? Bosniaques ? Tous les Slaves du sud, ou “yougo-Slaves” ont pour origine des tribus qui, au IIIème et IVème siècles, ont commencé à migrer de Pologne (bassin de la Vistule) et d’Ukraine, vers les Balkans (un mot turc postérieur qui signifie “montagnes boisées”), où elles arrivent au VIème siècle. La colonisation slave proprement dite de la région débute vers 610 après JC, ces tribus tendant alors à se couler dans le moule local. Elles respectent notamment l’une des frontières historique, culturelle et religieuse les plus stables d’Europe : celle qui commence à séparer les empires d’Occident et d’Orient. En 395 après JC en effet, à la mort de Théodose Ier, l’empire romain a été partagé entre ses deux fils, Arcadius et Honorius. Dans les Balkans, la préfecture d’Illyrie est divisée du nord au sud, de la ville de Sirmium (Sremska Mitrovica aujourd’hui), sur la Save, un affluent du Danube, au lac Scutari (Skador) sur l’actuelle frontière entre le Monténégro et l’Albanie(1) .

Là se forme, au cours des siècles, la ligne de partage entre l’héritage culturel grec et romain : à l’ouest l’influence de Rome, le catholicisme et l’alphabet latin; à l’est le rayonnement de Byzance, l’orthodoxie et l’alphabet cyrillique. Les affrontements très durs entre catholiques et orthodoxes, pour la conquête des âmes des slaves du sud, culminent au IXème siècle(2)  . Dès le siècle suivant, un début d’identification culturelle est déjà possible entre Serbes, Slovènes et Croates. Transformées aux cours des siècles en caractères nationaux, ces spécificités culturelles perdurent jusqu’à nos jours. Et, bien souvent, elles ont pris, au cours des siècles, un aspect outrancier ; parfois même celui d’un délire apocalyptique : Croates se voyant en guerriers du vrai Christ, celui des catholiques, combattant les barbares et hérétiques serbo-byzantins ; Serbes se considérant comme le rempart de l’Europe chrétienne face au Jihad islamique, etc.

La Yougoslavie d’avant 1991

La République socialiste fédérative de Yougoslavie, RSFY, capitale Belgrade, avait pour superficie - 256 000 km2. Elle se composait de 6 républiques fédérées : Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro, Macédoine; et de deux provinces autonomes : Vo´vodine et Kossovo. Elle avait pour voisins l’Italie, l’Autriche, la Hongrie, la Rou-manie, la Bulgarie, la Grèce et l’Albanie. Sa population était en 1988 de - 24 millions d’habitants.

Au recensement de 1981, les minorités présentes sur son sol étaient : les Gitans, en partie nomades, - 850 000; les Hongrois, - 430 000; les Turcs, - 102 000; les Slovaques, - 80 000; les Roumains, - 55 000; les Bulgares, - 36 000; les Ruthéno-Ukrainiens, - 23 000; les Tchèques, - 20 000; les Italiens, - 15 000; et quelques milliers de Juifs et de Valaques.

En majorité chrétienne-orthodoxe, la Yougoslavie comp-tait une importante minorité catholique (Croatie) et des communautés protestantes solides, en Slovénie notamment. Mais, cas unique en Europe, elle comportait aussi six millions de Musulmans, tous sunnites, dans sa population indigène. Et l'Islam était la religion qui se développait le plus vite dans le pays.

L’Islam dans la RSFY

L’Islam de la Yougoslavie ancienne manière, était coiffé par la “Communauté religieuse islamique Yougoslave”, CRIY. Son siège était à Sarajevo, où se trouve la seule faculté de théologie islamique d’Europe (une centaine de pensionnaires en 1987) ainsi qu’une des plus anciennes et des plus riches bibliothèques islamiques au monde, nom-mée Gazi Husrev Bey(3)  .

Le grand dirigeant de la CRIY est le Ra´s-ul-Uléma (chef des ulémas), une fonction créée en 1882 et qui conserve aujourd’hui son importance malgré les guerres civiles qui déchirent l’ex-fédération. A ses côtés, une assemblée suprême de 35 membres en charge du domaine matériel et un conseil suprême de 11 membres, traitant des affaires spirituelles. Elu en novembre 1989, le dernier titulaire du poste est l’Imam Jakoub Selimoski, un musulman de Macédoine-Skopje né en 1946. Ancien étudiant des facultés de Sarajevo et d’al-Azhar, au Caire, il parle couramment le turc, l’albanais, l’arabe, le macédonien et le serbo-croate.

Le Ra´s ul-Ulama a sous son autorité spirituelle plus de 3 000 imams exerçant leur ministère dans autant de mosquées. 800 d’entre elles ont été construites ou restaurées sous Tito, qui tenait beaucoup à son image de dirigeant du mouvement des non-alignés et donc à l’amitié des pays arabes et musulmans. De ce fait, Tito avait accordé aux imams de nombreux avantages : sécurité sociale, salaire, appartement de fonction.

Sur le plan territorial, le CRIY se subdivise en assemblées régionales, ou “Mesihat”; celle de Bosnie-Herzégovine (Sarajevo) est dirigée par Hajj Salih Colakovic; celle de Croatie et Slovénie (Zagreb) par Hajj Sevko Omerbasic; celle de Serbie-Kossovo-Vo´vodine (Pristina) par Hajj Hamdija Jusufspahic. Il y a deux autres assemblées de moindre importance en Macédoine-Skopje et au Monténégro. Sous le contrôle du CRIY, toutes ces “mesihat” gèrent trois écoles supérieures coraniques (Sara-jevo, Pristina, Skopje(4)   ; qui, en 1987, accueillaient 320 garçons et 150 filles); une presse comptant - 25 titres divers, et une agence de presse, la Yugoslav Mina.

(1) Grossièrement, le long du cours de la Drina.
(2) Encore que les premiers Slaves du sud -y compris les futurs Serbes- a avoir été convertis, l'ont été d'abord par l'Eglise de Rome.; ils tiennent leur baptême du Pape, antérieurement au schisme entre catholiques et orthodoxes consommé en 1054. La rupture entre catholiques et orthodoxes devient totale à la suite du pillage de Constantinople en 1204 par la IVéme croisade.
(3) En l’honneur du gouverneur de Bosnie et du Sandjak qui, à partir de 1521, a édifié la plupart des monuments mululmans de Sarajevo.
(4) l’Uskub des Ottomans, où résidaient de nombreux musulmans

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