AVANT PROPOS

"La réalité. Nous l'habitons comme un vieux domicile où nous avons nos habitudes qui nous empêchent d'aller plus loin que deux ou trois pièces du rez-de-chaussée où nous faisons tout. Un domicile d'avant les HLM. J'entends par là une vraie maison: (...) un trou de forme aventureuse, comme l'homme qu'il doit abriter, tenir au chaud, alimenter en rêves, (. . .) avec toutes sortes de fausses marches, de placards, de dessous d'escaliers, de pièces dites mal conçues et d'endroits inutilisables, de surfaces blâmables et superflues. Ainsi habitons-nous dans la réalité. Et il y a au premier une pièce qu'on n'ouvre pas, comme le cabinet de Barbe-Bleue et qui contient probablement un vieux vélo, des planches à repasser, que sais-je, des pots de fleurs, des graines sèches. Et un escalier condamné. Et des fenêtres paralysées par suite du gonflement du bois. Le jour où l'on entre dans ces pièces, ce jour-là n'est pas comme les autres. Il est troué de nouvelles lumières, parcouru de nouveaux songes et de nouveaux courants d'air.

Nous n'habitons jamais tout notre appartement. Nous n'ouvrons jamais toutes nos fenêtres. (Nous n'en avons pas le temps et nous en portons mal.) Il y a parfois des phrases, des gens qui le font pour nous. Il faut que ces gens aient le temps de le faire Du temps perdu. Du temps qu'on dit per- Qui ne soit pas passé à autre chose. Toute civilisation se bâtit sur le temps perdu. (...)

Des gens qui auraient pour profession de perdre leur temps, se promène dans l'escalier, ils trouveraient des pièces et des fenêtres faites comme (...) la carte d'un pays, semblant les jalonner comme des petits drapeaux. La route d'on ne sait quelle Terre Promise. Où est ce pays ? Au premier étage, à portée de main, autour de nous, dans la maison, nous y habitons, c'est le nôtre et nous ne le savons pas. Nous ne le saurions pas sans leur aide.

Hélas ! Si nous savions le pays que nous habitons !"

                                                                                                                                                                                            Alexandre Vialatte

Terrorisme et Violence Politique, Notes & Etudes réalisées avec le concours scientifique de l'Institut de Criminologie de Paris, est réalisé par Xavier Raufer Chargé de Cours à l'Institut de Criminologie et François Haut, Maître de Conférences à l'Université Panthéon-Assas, directeur de la publication. La reproduction, sous quelque forme que soit, des textes de la présente revue est interdite, sauf accord écrit de la direction. Toute correspondance: Terrorisme & Violence Politique, La Table Ronde, 9, rue Huysmans, 75006 Paris.
 
 
 

 

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