"KURDISTAN"


Continent: Asie
Population selon les sources, entre 16 et 20 M.:

-Turquie: de9à 10 M.
-Iran:de 4 à 5M.
-Irak:de 3 à 4M.
- Syrie: +/- 600 000
- URSS: +/- 200 000
- Liban: +/- 70 000

% de musulmans: +/- 100%
- vent. /100: sunnites shaféites en général; minorités alaouite et yézidie



Le mouvement national kurde s'est développé dans les années 1920 comme une réaction de défense de l'Islam contre les colonisateurs occidentaux et chrétiens; britanniques en l'occurrence. Au nord de l'Irak - donc au sud du Kurdistan historique - un chef religieux prestigieux, cheikh Mahmoud Barzani, conduit entre 1918 et 1932 une guérilla sanglante contre la puissance coloniale dominante à Bagdad. Au même moment, en Turquie, d'autres uléma kurdes appellent à la rébellion armée contre le pouvoir nationaliste turc et l'abolition du califat.

Après les colonialismes - occidentaux et communistes - les kurdes ont été victimes des nationalismes arabe et turc - et le sont toujours d'après les islamistes. Pour ceux-ci, la solution consiste en une libération islamique de tout le Proche-Orient et au retour à une politique de type ottoman où chaque province, aussi homogène que possible sur le plan ethnique et/ou religieux, est autonome et auto dirigée.

Mais, si la théorie islamiste est simple, la mise en pratique de quelque politique kurde que ce soit est infiniment compliquée.

D'abord, parce que les Kurdes eux-mêmes sont très divisés. Chacun des pays où ils sont implantés a, pour commencer, ses "collabos" kurdes acceptant l'autorité des gouvernements turc, irakien, iranien, syrien ou soviétique, selon les cas.

Ensuite, les pays se partageant le Kurdistan historique étant hostiles les uns aux autres (Turcs-Soviétiques; Turcs-Syriens; Syriens-lraLiens), quand ils ne sont pas en guerre (Irak-lran), les divers segments de la résistance kurde sont depuis des décennies aidés, utilisés, manipulés par le voisin immédiat, désireux d'affaiblir l'ennemi du moment.

C'est ainsi que - dernière configuration en date - l'Iran et la Syrie ont suscité en mai 1988 une alliance de mouvements (laïcs) du Kurdistan irakien: le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani et 4 mouvements de moindre importance, le Parti démocrate populaire kurde, le Parti socialiste kurde, le Parti communiste d'Irak (dont la base est kurde: voir Yézidi, glossaire, p. 269) et le Parti Socialiste du Kurdistan (à ne pas confondre avec l'autre...).

Mais l'alliance syro-iranienne ne se borne pas à soutenir les coalitions kurdes anti-irakiennes. Le Parti des travailleurs du Kurdistan, marxiste-léniniste et opérant en Turquie, est aidé non seulement par la Syrie qui l'utilise comme arme de chantage antiturcs, mais aussi par des alliés fidèles de Téhéran comme le HizbAllah du Liban, qui entraîne depuis 1989 ses militants dans ses camps de la vallée de la Bekaa. Diverses sources journalistiques font même état d'une implantation "militaire" du PKK dans des zones isolées du Kurdistan iranien.

Parallèlement à ces alliances tactiques avec des organisations kurdes laïques anti-irakiennes et anti-turques, Téhéran s'est affairé à constituer, dès le milieu des années 1980, un mouvement révolutionnaire islamique au sein tant de la population kurde d'Irak que de celle de Turquie. Ce qui n'est pas une mince affaire en raison des pesanteurs de l'Histoire. Pendant des siècles en effet, les Kurdes ont été les "cosaques" de l'Empire ottoman, les gardiens de l'orthodoxie sunnite et le bouclier du calife face à l'empire perse chi'ite hérétique.

Hostiles au régime bassiste irakien, des religieux (sunnites) kurdes ont créé, sans doute en 1985, la Ligue des uléma du Kurdistan dirigée par cheikh Mohamed Barzani, descendant de cheikh Mahmoud Barzani (voir plus haut).

En 1986, sur le segment du Kurdistan irakien, à l'époque "libéré" par les offensives militaires iraniennes, la Ligue a élargi son action. En liaison avec des étudiants en théologie et des militants islamistes, elle a formé une Ligue islamique du Kurdistan, placée sous la direction spirituelle d'un alim de grande réputation, cheikh Othman Abdulaziz, imam de la madrasa de la ville de Halabja, dans le Kurdistan irakien. Elle conduit àl'époque des opérations militaires - embuscades, sabotages, etc.- en Irak sous le nom de HizbAllah du Kurdistan.

Peu après, en 1987, la presse révolutionnaire islamique de Téhéran fait état de l'apparition au Kurdistan turc d'un Parti islamique du Kurdistan, assez peu actif sur le terrain, semble-t-il (voir Turquie, Organisation du Kurdistan islamique Révolutionnaire, p. 207).

En 1988, après la reconquête de Halabja par les troupes de Saddam Hussein - les gaz de combat aidant - la Ligue islamique du Kurdistan s'est établie dans la ville de Sanandaj, au Kurdistan iranien, et a pris le nom de Mouvement islamique du Kurdistan (MIK).

En juin 1989, le 13, Massoud Barzani (PDK), Jalal Talabani (UPK) et cheikh Othman Abdulaziz (MIK) ont rencontré Ali Akbar Mohtachemi, alors ministre iranien de l'Intérieur et lui ont présenté leurs condoléances pour le décès de l'Adam Khomeini. Ils lui ont également "déclaré leur allégeance au Guide de la Révolution islamique, son éminence l'ayatollah Ali Khamene'i ".

En attendant une hypothétique reconquête du Kurdistan irakien, le MIK fait un actif travail de prosélytisme dans la population kurde d'Iran - autochtone ou réfugiée d'Irak et de Turquie - et se tient, selon ses dirigeants, en contact avec les mouvements révolutionnaires islamiques d'Afghanistan, d'Egypte du Liban et du Pakistan.

Mais, si la résistance kurde est très dispersée, la question kurde est également un facteur de division sérieux - à ce jour insurmontable - pour le mouvement islamiste global.

En janvier 1990 s'est tenu dans la ville allemande de Cologne un séminaire de trois jours sur le thème " Kurdistan et Islam ", en présence d'uléma, d'intellectuels, d'enseignants islamistes algériens, égyptiens, kurdes, pakistanais, palestiniens (dont des membres du Parti de la libération islamique, voir p. 170 et s.) et soudanais. La communauté musulmane britannique était représentée par le Muslim Institute (voir Grande-Bretagne, p.109). Fait symptomatique, les mouvements islamistes turcs comme le Parti de la prospérité islamique (PPI, voir Turquie, p. 207) et le puissant Centre islamique de Jamaleddin Kaplan (voir Allemagne, p. 54) avaient refusé de participer à la conférence. Certains des participants ont d'ailleurs fait remarquer que la presse du PPI débordait d'articles déplorant les souffrances infligées par l'infidélité globale à toute sorte de communautés musulmanes dans le monde, à l'exception de celle du Kurdistan... Les participants ont également observé que jamais les Frères musulmans - ceux d'Egypte, ou leur organisation supranationale - ne parlaient des problèmes des Kurdes ni ne remettaient en question le cadre des Etats-nations créées au Proche-Orient par l'accord Sykes-Picot de 1916.

Quant au Parti de la libération islamique, transnational - en théorie, dans l'ensemble du monde arabe, chaque Etat-nation ne constituant en son sein qu'une province, une wilaya- il se refuse à constituer une wilaya du Kurdistan et suggère, pour mettre fin au problème national des Kurdes, que ceux-ci abandonnent leur langue et adoptent celle du Coran, l'arabe...
 
 

 retour | suite