KOWEIT


Nom officiel: Etat de Koweit
Continent: Asie
Superficie: 17 900 km2
Population: (1989) + 2 M. d'h., dont 800 000 citoyens koweitis. Parmi les immigrés, 48 % sont des Arabes expatriés, dont plus de 400 000 Palestiniens,
Capitale: Koweït - City: +/- 630 000 h.
PIB/h.: (1986) $ 9 795
Pétrole (production): (1988) 66 M. de t.
Pétrole (réserves connues): 13 milliards de t.

Régime: monarchie (parfois) constitutionnelle
Chef de l'État: cheikh Jaber al-Ahmad as-Sabah
Chef du gouvernement: Cheikh Saad al-Abdallah as-Salem as-Sabah
Ligue arabe: oui (1961)
Organisation de la conférence islamique: oui
Liens avec la République islamique d'Iran: ambassades

% de non-musulmans: 9%
Ventilation: chrétiens: 70 %; autres: 30%
% de musulmans: 91 %
- vent. /100 : - sunnites shaféites: 70YO
- chi'ites: 30 ù Les chi'ites koweitis sont soit des citoyens du Koweit, d'origine arabe ou Perse; soit des immigrés arabes (libanais, saoudiens, irakiens), soit des immigrés d'autres pays musulmans (iraniens, pakistanais, etc.)



En juin 1980, une bombe explose à l'ambassade du Koweit à Beyrouth, ne causant que des dégâts matériels. Un avertissement sans frais pour un pays qui a longtemps cru que l'on pouvait s'entendre avec tout le monde, moyennant un peu de diplomatie et pas mal d'argent: avec l'URSS et les Etats-Unis, avec l'OLP et Damas, avec l'Egypte et l'Arabie Saoudite, avec les sunnites et les chi'ites, avec Saddam Hussein et Hafez al-Assad...

L'illusion qui vole en éclats, le 12 décembre 1983, à 9h. 30 du matin, quand un fourgon Mercedes force l'entrée de l'ambassade des Etats-Unis à Koweit et explose, détruisant l'aile d'un bâtiment. Au même moment, une voiture piégée saute devant l'ambassade de France, et 4 attentats par explosif visent l'aéroport, des installations pétrolières, un bâtiment administratif et le siège d'une firme américaine. 6 morts, 86 blessés et une revendication venue de Beyrouth: celle du Jihad islamique. Une semaine plus tard, l'enquête établit que l'opération terroriste est le fait de militants du mouvement al-Da'oua (voir Irak, p. 128) replié à Téhéran. Le chahid (martyr) est Raad Meftel Ajil, 25 ans, Irakien, chi'ite et militant d'al-Da'oua. Son frère Saad a été exécuté à Bagdad pour appartenance au même mouvement. Voilà la preuve administrée: si les choses se passent plutôt bien au Koweit avec la branche locale des Frères musulmans, l'Association pour la réforme sociale dirigée par Abdulaziz al-Muttawa, les recettes habituelles ne marchent pas avec l'Imam Khomeini...

Sur la soixantaine d'arrestations, 17 individus sont déférés à la justice: 12 Irakiens, 3 Libanais, 1 Koweiti, 1 apatride. Tous révolutionnaires islamiques, tous chi'ites. Parmi les Libanais, le beau-frère d'un des cadres importants du service de renseignement du HizbAllah du Liban, Imad Mugniyeh. Ils sont jugés à huis clos en février-mars 1984 :3 sont condamnés à mort, 7 à perpétuité, le reste à diverses peines de prison. A partir de ce moment, et pour plusieurs années, la volonté de libérer les "17 du Koweit" va conduire le Jihad islamique à frapper sévèrement le Koweit.

Décembre 1984: un Airbus de Kuwait Airways, Dubaï-Karachi, 161 personnes à bord, est détourné sur Téhéran. Exigence des 4 pirates: la libération des 17 du Koweït. Refus catégorique de l'Emirat. Cinq jours plus tard, les pirates s'évaporent à Téhéran, non sans avoir préalablement tué 5 otages, dont 2 Américains.

Mai 1985: une voiture bourrée d'explosifs se jette sur celle de l'émir Jaber al-Ahmed al-Sabah, qui est légèrement blessé. 2 de ses gardes du corps et deux passants sont tués dans l'explosion. La mission de sacrifice est revendiquée par le Jihad islamique, qui exige à nouveau la libération de ses 17 camarades. Peu après, 6 000 Libanais chi'ites sont expulsés de l'Emirat.

En juin 1986, plusieurs bombes explosent dans la plus grande raffinerie du pays, celle de Mina al-Ahmadi, à 30 km de la capitale, déclenchant un gigantesque incendie. Enquête et arrestation de tout un réseau de chi'ites koweitis, issus de bonnes familles, bien insérés et plus qu'aisés. Choc pour l'opinion koweitie : jusqu'à présent, tous les terroristes étaient des immigrés ou des réfugiés... 6 d'entre eux sont condamnés à mort en juin 1987; aucune sentence n'a été exécutée à ce jour.

En janvier 1987, lors d'un sommet de l'Organisation de la conférence islamique - boycotté par Téhéran -deux bombes explosent à Koweit, revendiquées par les Forces du prophète Mahomet/Koweït. En avril, la compagnie nationale pétrolière koweitie est la cible d'un attentat à la voiture piégée. En mai, attentat contre une agence de voyage du centre-ville: 1 mort. Peu après, nouvelle bombe à la raffinerie de Mina al-Ahmadi et nouvel incendie formidable. Le HizbAllah du Kowe''t revendique et annonce qu'il a perdu un combattant dans l'opération. En juillet, voiture piégée dans le centre-ville; les 2 terroristes sautent avec leur véhicule. Revendication du Jihad islamique du Kowe''t, depuis Beyrouth. En octobre, un attentat vise les locaux de Pan Am à Koweit: résultat de l'engagement actif des Etats-Unis dans la guerre du Golfe trois mois plus tôt. En novembre, un attentat par explosif vise les bureaux d'une compagnie d'assurances américaine. Peu après, neuvième et dernier attentat de l'année (4 morts au total), une bombe explose à proximité du ministère de l'Intérieur.

En avril 1988, les locaux de la compagnie aérienne saoudienne sont visés: une bombe explose, blessant un passant. Peu après, nouveau détournement d'avion. Un Boeing 747 de Kuwait Airways reliant Bangkok à Koweit est détourné sur Mechhed en Iran,; de là il va se poser à Larnaca (Chypre) avant de terminer son périple à Alger. Où, selon un scénario classique, les pirates s'évaporent. Seize jours de terreur pour les 29 passagers pris en otages; 2 morts. Le Koweit ne cède pas à l'exigence des pirates: la libération, une fois encore, de leurs 17 frères. En mai, 3 attentats: 2 bombes, visant un local du loueur américain de voitures Avis et un bureau de Kuwait Airways; une voiture pi égée saute avec les 2 terroristes qui l'occupaient.

Août 1988: l'Iran accepte d'arrêter la guerre. Depuis, plus d'attentats au Kowe''t. La page est tournée pour Téhéran. Pas pour les autorités koweities: en novembre, plusieurs activistes islamistes sont appréhendés en possession d'explosifs.

D'arrestation en arrestation, le ministère de l'intérieur annonce, en mars 1989, qu'il a démantelé un réseau de 33 personnes, dont 18 Koweitis d'origine iranienne, 9 Irakiens, 2 Iraniens, 2 Libanais et 1 apatride. 13 d'entre eux sont en fuite. Ce sont, disent les autorités, les "membres d'une organisation illégale" ayant fomenté un "complot en vue de renverser le régime". En septembre, suite à la décapitation en Arabie Saoudite de 16 de leurs frères (voir Arabie, p. 56), les chi'ites du Koweit manifestent leur douleur, mais de façon pacifique.

Entre novembre 1 989 et février 1990, nouvelle vague d'arrestations dans la communauté chute koweitie; fait nouveau, plusieurs uléma sont appréhendés, dont l'hojatolislam Mohamed Bakr Moussavi al-Mohri, d'origine irakienne et proche d'al-Da'oua; un élève éminent du grand ayatollah Irakien Mohamed-Bakr al-Sadr (voir Histoire, p. 235). Autre fait nouveau: le HizbAllah du Koweit proteste contre la répression, mais ne profère aucune menace. Une bonne manière qui ne reste pas sans réponse: 14 des inculpés sont remis en liberté en mars. Et en juin, le procès des 4 derniers incarcérés, Seyyed Mohamed Bakr Moussavi al-Mohri, Fayçal Abdulhadi Mahmid, Walid Mazidi, Abdulhamid Abdulkarim al-Saffar, se termine par un acquittement général "faute de preuves concrètes"...

Signe que les stratégies indirectes en usage lors de la guerre Irak-lran n'ont plus cours une fois celle-ci terminée... Même si l'arrêt de cette forme d'action ne signifie pas pour Téhéran l'abstention en matière d'activisme révolutionnaire islamique.

Depuis l'invasion irakienne, et l'annexion pure et simple qui l'a suivie, la situation dans laquelle se trouvent les courants islamistes sunnites et cogites locaux, autochtones ou immigrés, est difficile à apprécier. Aucun d'entre eux, à notre connaissance, ne s'est prononcé publiquement ni pour l'annexion, ni pour la résistance armée.

LE DETOURNEMENT DU BOEING 747 DE KUWAIT AIRWAYS KU 422 (AVRIL 1988)

Le 5 avril 1988, le vol KU 422 quitte l'aéroport international Don Muang, à Bangkok, aux petites heures de la nuit. Destination, Koweit, sans escale. 97 passagers à bord, dont trois membres de la famille régnante du Koweit, plus 15 membres d'équipage. Quatre heures après le départ de Bangkok, alors qu'il s'apprête à survoler le golfe Persique et qu'il est sur les écrans du centre aérien de Mascate, six ou sept pirates de l'air prennent le contrôle du Boeing 747. Trois d'entre eux, armés de deux armes de poing de petit calibre et d'une grenade, s'installent dans le cockpit et donnent au commandant de bord l'ordre de se rendre à Mechhed en Iran. Ils font également connaître au gouvernement koweiti leurs exigences: la libération des "17 du Koweit" (voir plus haut).

L'avion va survoler l'Iran pendant 900 kilomètres - pays en guerre rappelons-le, à l'époque - sans que les autorités aéronautiques de ce pays ne s'interrogent le moins du monde sur la pénétration en profondeur dans leur espace aérien d'un aéronef totalement silencieux, en provenance, qui plus est, de ce secteur ultra-sensible qu'est le détroit d'Ormuz. Parvenu au dessus de Mechhed, le Boeing reçoit l'autorisation d'atterrir en moins de deux minutes. Un comportement curieux, à moins qu'on ait attendu le vol KU 422... Peu avant d'ailleurs, le 31 mars précisément, Radio-Téhéran avait explicitement menacé le Koweit, en raison du soutien résolu qu'apportait (à l'époque...) ce pays à Saddam Hussein: "Les koweiti devraient comprendre ce qu'implique la voie dangereuse qu'ils empruntent aujourd'hui. Ils devraient comprendre qu'ils sont comme des enfants qui jouent avec le feu, qui ne savent pas ce qu'ils font..."

A Mechhed, 57 passagers non-koweiti sont libérés et le plein de kérosène est fait. Restent 55 otages et l'équipage. Il semble bien qu'à Mechhed, des armes automatiques, des explosifs, des grenades et des vivres aient été chargés à bord, selon des témoignages d'otages; d'autres pirates auraient peut-être même rejoint, à cette escale, le groupe embarqué à Bangkok.

Mais cela, on ne le saura jamais avec précision en raison du grand professionnalisme des pirates de l'air. Organisés et disciplinés, ils ne se parlent jamais à haute voix, conversent avec les otages en plusieurs langues (français, anglais, arabe littéraire) et en changeant d'accent. Ils portent, à partir de Mechhed, des cagoules et échangent de temps en temps leurs vêtements entre eux: de ce fait, leur nombre exact restera inconnu. D'autant plus qu'il y a parmi eux des "dormeurs", de faux otages assis au milieux des vrais et, en apparence, ligotés comme eux, rendant toute réaction -intérieure ou extérieure à l'avion - très délicate.

Le 8 avril, les pirates ordonnent au commandant de s'envoler vers Beyrouth, où les Syriens interdiront formellement l'atterrissage du Boeing. Après avoir tourné trois heures, en vain, au dessus de la capitale libanaise, l'avion finit par obtenir l'autorisation de se poser à Larnaca. Là, à deux reprises, les pirates signifient un ultimatum aux autorités pour qu'un plein soit fait. Chaque fois, l'heure dépassée, ils assassinent un des koweiti restés à bord, des officiels dans les deux cas.

Le 10 et le 11 avril, ayant eu vent d'une possible intervention des commandos anglais, les SAS, des groupes terroristes libanais volent au secours des pirates. Le Jihad islamique du Liban menace de tuer Marcel Carton, Marcel Fontaine et Jean-Paul Kauffmann si l'assaut est donné contre le KU 422: "Nous exécuterons les otages occidentaux au Liban si l'avion et les moujahidin sont l'objet d'une folie militaire...". Le lendemain c'est au tour de l'Organisation des opprimés dans le monde de menacer: "Nous mettrons la corde au cou de l'agent américain Higgins si quiconque tente de prendre l'avion d'assaut..."

Le 12, le plein de carburant est fait, contre libération de douze otages. Le 13, l'avion s'envole pour Alger, où il reste jusqu'à la fin du détournement. Le 20 avril, peu avant 3 heures du matin, les pirates "s'évaporent" de l'aéroport d'Alger. Peu après, le calvaire des otages s'achève. Les pirates sont ultérieurement, dit-on, exfiltrés d'Algérie vers divers pays d'Afrique occidentale, puis rapatriés à Beyrouth.

Comme le gouvernement du Koweit a refusé de plier et n'a libéré aucun terroriste, ce détournement -en date de novembre 1990- a été le dernier sur la scène proche-orientale.
 

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