INDONESIE


Nom officiel: République d'Indonésie
Continent: Asie
Superficie: 1, 920 M. de km2
Population: (1989) 188 M. d'h.
Capitale : Djakarta (7, 5 M. d'h.)
PIB/h.: (1986) $ 1 150
Pétrole (production): (1988) 63 M. de t. (2, 1% de la prod. mond.)
Pétrole (réserves connues): 1, 1 milliard de t.

Régime: autoritaire et militaire
Chef de l'État: général Raden Suharto
Ligue arabe: non
Organisation de la conférence islamique: oui
Liens avec la République islamique d'Iran: ambassades

% de non-musulmans: +/- 18%
- ventilation: chrétiens: +/- 55%; animistes: +/- 30 %; hindous: +/- 15%
% de musulmans: +/- 82% (1987, 140 M.: plus importante population musulmane au monde)
- vent. /100 : sunnites shaféites, sauf exceptions minimes



L'Indonésie, le premier pays musulman au monde par sa population, et composante centrale de l'Islam malais, présente sur le plan islamique un tableau contrasté: au sein d'une population qui se fait de la religion une idée très décontractée et dont la pratique, qualifiée "d'Islam folklorique" par les islamistes, est encore largement teintée d'hindouisme, de bouddhisme - voire d'animisme préhistorique - existent des bastions de "croyants" très activistes.

Java, l'île qui joue le rôle central, dans l'immense archipel indonésien et porte les trois cinquièmes de la population, pratique en général un Islam populaire des plus détendus.

L'Islam institutionnel, en Indonésie, c'est d'abord le mouvement Muhammadiyah (les Fidèles de Mahomet), crée en 1912 par des mufti (juges religieux). Pratiquant un Islam ouvert, Muhammadiyah est plutôt implanté en milieu urbain. Il compte plus de 1 million de membres et contrôle 10 000 mosquées, 20 000 écoles, 16 universités, 21 académies, 9 hôpitaux, des centaines de cliniques, etc.

Ensuite, Nahdat ul-Uléma (le Mouvement des uléma), fondé en 1926, traditionaliste; cette organisation s'appuie sur un encadrement d'enseignants coraniques et est implantée surtout dans les petites villes et les campagnes. Son fief est le centre et l'est de l'île de Java. Entre 1953 et 1984, Nahdat ul-Uléma a fonctionné comme un parti politique, s'appuyant sur une base militante de plusieurs millions de membres. Son orientation était franchement légitimiste et il a soutenu Soekarno d'abord, Suharto ensuite, renonçant de lui-même à sa dimension électorale peu avant que le gouvernement n'interdise toutes les religions de politique en 1985. Violemment anticommuniste, Nahdat ul-Uléma a joué un rôle considérable dans l'anéantissement du PC indonésien en 1965.

Il existe aujourd'hui en Indonésie un seul parti politique important qui soit ouvertement musulman: le Parti unifié pour le développement (PUD). Il est le produit de la fusion, en 1973, de 4 petits partis islamiques. Aux élections de 1982, le PUD a obtenu 27% des voix; 15% à celles de 1987. Son nouveau président est un universitaire, député lui-même, Ismaïl Hassan Metareum.

LE COURANT ISLAMISTE

Ce courant s'appuie sur une tradition activiste et militaire ancienne. La résistance à la colonisation hollandaise, puis à l'invasion japonaise, en effet, a principalement été menée par des milices musulmanes regroupées sous le nom familier de HizbAllah. Les milices ont continué le combat après le départ des Japonais et pendant toute la guerre d'indépendance (1945-1949), parfois aux côtés -mais souvent contre elles - des Forces de défense de la patrie, embryon d'armée nationale indonésienne, formée à l'origine, entre 1942 et 1945, par l'occupant japonais...

En 1947, HizbAllah a pris le nom de Dar ul-Islam (la Maison de l'islam), et ses milices celui de Tentara Islam Indonesia (Armée islamique d'Indonésie). Cette armée d'anciens résistants a mené contre les nationalistes - et ex-collabos des Japonais- une guérilla féroce dans le nord de Sumatra, au sud de Kalimantan, au sud des Célèbes (Sulawesi), tenant dans son sanctuaire de l'ouest de Java, proclamé Nagar Islam Indonesia (Etat islamique d'Indonésie), jusqu'au début des années 60.

La pacification opérée tant bien que mal, le Parti communiste d'Indonésie écrasé par l'armée en 1965, les islamistes ont fait preuve de bienveillance, durant plusieurs années, envers le régime du général Suharto; lui-même manifestant une grande révérence envers l'Islam institutionnel. Mais en 1973, un premier accrochage sérieux, concernant la loi sur le mariage, a opposé le gouvernement aux islamistes: manifestations, émeutes, occupation du Parlement pendant plusieurs heures, etc.

Dans un contexte mondial de renaissance islamique, un bon nombre de mosquées ont été prises en main à partir de 1975 par de jeunes activistes, lesquels multiplient les critiques politiques envers le gouvernement. Une véritable "ceinture verte" se forme ainsi, notamment autour de Djakarta, à partir du Comité de coordination de la jeunesse des mosquées.

Simultanément, la Fédération des étudiants islamiques (Himpunan Mahasiswa Islam), créée en 1947, se radicalise de plus en plus.

Dans les campagnes enfin, les muballigh (prêcheurs itinérants), très respectés, allant de mosquée en mosquée ou s'exprimant devant d'immenses rassemblements religieux, tendent eux aussi à tenir des discours plus musclés.

Voyant la tournure des événements, le gouvernement - qui a toujours eu une peur panique de l'apparition d'un mouvement de masse islamiste politisé - prend dès 1977 des mesures de fermeté dont il ne se départira plus.

Le Golkar, parti dominant - celui de l'armée, en fait -se donne une image islamique, enrôle des uléma, envoie ses cadres et se militants à La Mecque.

Cette correction d'image entreprise, la répression commence. En juin 1977, les forces spéciales de l'armée arrêtent plus de 700 personnes dans tout l'archipel: ouest et sud de Sumatra, Djakarta, île de Java. Motif: avoir constitué une organisation secrète terroriste, le Kommando Jibad.

Depuis, chaque année ou presque, les vagues répressives se succèdent: ainsi des cellules révolutionnaires islamiques responsables d'attentats divers (assassinats de policiers ou de cadres du régime, détournement de vols intérieurs civils) ont été démantelées en 1981 et 1982.

Cela n'empêche pas une littérature révolutionnaire islamique très activiste - Al-Risalah (Le Message), puis Al-lkhwan ( La Fraternité) - de circuler dans des organisations proches des islamistes tels le Korps Muhalligh Indonesia (Rassemblement des prêcheurs [musulmans d'Indonésie, le Collège de prosélytisme islamique, Pemuda Islam Indonesia (Mouvement de la jeunesse islamique), ou la Fondation pour l'éducation des fidèles. Les liens de ces groupes avec l'Iran révolutionnaire sont étroits: en 1986 encore, un militant islamiste indonésien, Irfan Suryamadi, âgé de 25 ans, est condamné à douze ans de prison pour avoir édité clandestinement un bulletin intitulé Les enseignements de l'Imam Khomeini.

Mais, en septembre 1984, un coup d'arrêt - volontaire?- est donné par l'armée au mouvement islamiste. Une foule agitée s'est rassemblée devant une mosquée activiste du quartier de Tanjung Priok (celui des docks au nord de Djakarta); elle exige la libération de 4 de ses prêcheurs. L'armée ouvre le feu: 9 morts et 55 blessés, selon le gouvernement; plus de 600, selon les organisations humanitaires présentes sur place...

Ce massacre déclenche une importante vague de terrorisme entre octobre 1984 et juillet 1985: des attentats à la bombe visent des banques, des centres commerciaux (à capitaux et dans les quartiers chinois de Djakarta), des édifices religieux chrétiens (églises, séminaires dans l'île de Java); le 21 janvier 1985, le célèbre temple bouddhiste de Borobudur, au centre de Java, est partiellement détruit par des explosifs.

Dans la région de Djakarta, des incendies criminels touchent au même moment des grands magasins, des dépôts de munitions de l'armée, des hôtels et des immeubles de bureaux, ainsi qu'un centre de radiodiffusion.

L'attention des forces de répression se tourne ensuite vers une structure très discrète, dont le mode d'opération est semblable à celui des Frères musulmans - infiltration discrète dans les mosquées et écoles coraniques; constitution de noyaux de 7 à 15 personnes. Il s'agit d'Usroh (de l'arabe usrah, famille). Le fondateur de ce mouvement est un prêcheur, Abou Bakr Baysir. Incarcéré pour militantisme islamique de 1978 à 1983, il reconstitue les "familles" dès sa sortie de prison. Diffusant largement le livre de son émir, intitulé lui aussi Usroh, la Famille essaime dans les villes et villages de Java, et établit même un noyau actif dans la grande ville au centre de l'île Yogyakarta. Entre 1985 et 1988, la police arrête +/- 200 activistes des Familles; une cinquantaine d'entre eux seront condamnés à des peines sévères -de 4 à 12 ans de prison - pour "subversion". Les organisations humanitaires les considèrent comme des prisonniers de conscience.

En 1989 toujours, un autre noyau de 8 islamistes de Djakarta, parmi lesquels Nur Hidayat, un ancien champion d'arts martiaux, a été sévèrement réprimé.

Hors des grands centres, I'année 1989 a été également marquée par des massacres commis par l'armée contre des structures du type Usroh dans des régions éloignées. En février, le hameau de Talangari, dans la région de Lampung, au sud de Sumatra, a été virtuellement rayé de la carte lors des combats entre les forces spéciales de l'armée et le Kommando Moujahidin Fisabilillah (Groupe des moujahidin dans la voie de Dieu) 27 morts selon les sources officielles, dont le chef du groupe, Anouar Warsidi, et sans doute plus de cent, plus 160 arrestations. L'opération a été approuvée par le très officiel Conseil des uléma. Dans la petite fie de Subawa, située à l'ouest de Bali, un autre massacre a fait, dans des conditions semblables à celles de Lampung et toujours en Février, 11 morts et 45 arrestations.

Reste le foyer le plus virulent de la rébellion islamique Indonésienne, celui d' Acheh (ou Atjeh) Sumatra - capitale: Bandar Acheh. Un bastion de la foi à la pointe occidentale de Sumatra islamisé dès le XIIIe siècle et nommé dans tout l'archipel la Porte de La Mecque en raison de l'intensité religieuse qui règne au sein d'une population de + 4 millions d'habitants. Acheh Sumatra a été, en 1982, la seule région de toute l'Indonésie où un parti islamique ait obtenu la majorité.

En 1976 un homme d'affaires d'Acheh, Hassan Mohamed Di Tiro, ayant fait fortune aux Etats-Unis, a fondé le Front de libération d'Acheh-Sumatra GeraVan Aceh Merdeka, (GAM). Après de beaux succès initiaux du GAM, l'armée est parvenue à le repousser dans la jungle et a pu prétendre en 1980 que la rébellion était écrasée. Annonce prématurée,: le Front de libération a survécu sur le terrain, notamment dans des districts de Pidie, Acheh-Utara et Acheh-Timour, au nord-est de Sumatra, et s'est rapproché de la République islamique d'Iran à l'extérieur. En 1987 son journal Agam a qualifié le massacre de La Mecque de " Kerbala de notre époque", et l'un de ses représentants a participé à la Conférence sur les Lieux saints d'Arabie Saoudite tenue à Londres en janvier 1988.

Au printemps de 1989, deux cadres importants du GAM, Youssouf Ahmed et Zainuddin Faqih, ont été abattus par l'armée, ce qui a fait repartir l'agitation et a remobilisé la population en mémoire des deux martyrs. Des attentats ont frappé des bâtiments militaires des éléments de l'armée et de la police: ainsi que des indicateurs, ont été assassinés: plus de 30 morts au printemps de 1 989. Depuis, l'armée, qui a dû déployer 3 000 hommes sur le terrain, traque ceux qu'elle qualifie de "déserteurs, trafiquants et mécontents divers", au nombre, selon elle de moins de 100. En avril 1990,1'armée a massacré par erreur 5 civils innocents et, de nouveau, Acheh s'est embrasé: 10 militaires et policiers ont été tués peu après et, en juin, un raid de la guérilla lui a permis de s'emparer de 200 armes automatiques. A la mi-août 1990, les autorité ont annoncé que 500 guérilleros islamistes d'Acheh, provenant de 16 villages du district d'Acheh Utara, s'étaient rendus. Ce qui permet de douter des affirmations officielles sur les "quelques dizaines" de rebelles. La guérilla à Acheh compte vraisemblablement 1 000 hommes en armes à l'été 1990 et contrôle en partie la grand-route de Médan à Bandar-Acheh.

Reste, à Djakarta la possibilité de l'existence d'un Jihad islamique clandestin, des lettres de menaces portant cette signature ayant été envoyées dès 1986 à des personnalités occidentales (diplomates, etc.) résidant dans la capitale indonésienne.
 

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