ALGERIE


Nom officiel: République algérienne démocratique et populaire
Continent: Afrique
Superficie: 2,4 M. km2
Population: (1989) 25 M. d'h.
Capitale: Alger (1,7 M. d'h.)
PIB/h.: (1986) $ 2 300
Pétrole (production): (1988) 46 M. de t. (1,5% de la prod. mond.)
Pétrole (réserves connues): 1, 15 milliard de t.

Régime: république " socialiste " et présidentielle, s'acheminant vers le pluripartisme
Chef de l'État: Chadli Ben Djedid
Chef du gouvernement: Mouloud Hamrouche
Ligue arabe oui (1962)
Organisation de la conférence islamique: oui
Liens avec la République islamique d'Iran: ambassades

% de non-musulmans: +/- 1 %
- ventilation chrétiens
% de musulmans: 99 % - Islam religion d'État
- vent. /100 : sunnites malékites pour la plupart



Novembre 1982: l'agitation règne à l'université Ben Aknoun d'Alger; les bagarres y sont fréquentes entre islamistes et "laïcs", souvent francophones. Le 2, l'un de ces derniers est tué; plusieurs dizaines d'autres, blessés par des "croyants": les autorités ferment les salles de prière de l'université. Le vendredi 12, encadrés par un efficace service d'ordre à brassard vert, les islamistes se rassemblent à près de 10 000 devant la mosquée de l'université. Des étudiants bien sûr, mais aussi des petites gens d'Alger, des commerçants, des employés, qui écoutent les orateurs dénoncer violemment le modernisme du pouvoir. La police n'intervient pas, et les lieux de prière sont rouverts. Le 17, des militants du Mouvement islamique d'Algérie (MIA), partisans, eux, de l'action violente, ouvrent le feu à un point de contrôle et tuent 2 gendarmes. Le mois suivant, la police arrête tout un réseau du MIA .qui s'apprêtait, selon elle, à enlever le n° 2 du FLN, à assassiner le Premier ministre et à commettre une série d'attentats dirigés vers des cibles symboliques de " l'ignominie régnante ": brasseries, locaux d'associations féminines, etc.

Dans la même période de novembre-décembre, des tracts appelant à la fondation d'un Etat islamique sont diffusés à Alger. Deux cheikhs, Abdellatif Soltani et Ahmed Sahnoun, sont assignés à résidence. Un obscur militant islamiste, Abbassi Madani, est jeté en prison.

Le président Chadli Benjedid annonce publiquement, le 3 décembre, que, "face aux islamistes, il n'hésitera pas à prendre toute mesure nécessaire pour la défense de la patrie" : Le mouvement islamiste algérien sort pour la première fois d'une obscurité de plus de vingt ans ans. Une clandestinité imposée par un régime de strict parti unique, le FLN ayant préservé farouchement, jusqu'à la fin de 1988, un monopole d'expression politique conquis lors de la guerre d'indépendance.

Mais, malgré cette obscurité, le mouvement islamiste algérien a derrière lui une longue histoire. En 1931 déjà, le cheikh constantinois Abdulhamid Ben Badis, décédé en 1940, a fondé l'Association des uléma. Son slogan: "L'Islam est ma religion, l'arabe ma langue, l'Algérie ma patrie". Son programme: rejet des valeurs de l'Occident, usage de la langue arabe, pratique d'un Islam réformé, épuré des scories du maraboutisme. Important au Maghreb et en Afrique occidentale, cet Islam qu'on appelle réformiste (voir Afrique, p..41 ) va s'avérer crucial pour la formation de la conscience nationale algérienne. Dès 1954, le FLN fait tout pour que l'Association des uléma le rejoigne, ce qui s'accomplit deux ans plus tard. Dès lors, le courant islamique algérien se fond dans l'ensemble des forces qui combattent pour l'indépendance. Sans pour autant s'y perdre.

L'indépendance acquise, le courant islamique s'oppose - de façon souterraine, le plus souvent – à l'échafaudage arabo-socialisto-musulman bâti par le pouvoir. Ses porte-parole les plus connus, les Cheikhs Soltani et Sahnoun, dénoncent la dégradation des mœurs, la laïcisation de l'Algérie.

Parallèlement, des associations légales, comme al-Qiyam (la révolte, l'insurrection), fondée en 1964, tentent d'assurer la survie de l’islam, au moins dans la sphère culturelle, mais sont rapidement en butte à l'hostilité du pouvoir. En l'occurrence, une lettre d'al-Qiyam à Nasser, protestant contre l'exécution de Seyyed Qotb (voir Egypte, p.85), lui vaut l'interdiction d'abord (1966), la dissolution, enfin, quatre ans plus tard. Car le FLN entend bien se réserver aussi le monopole de l'expression religieuse et le ministère des Affaires religieuses suscite et patronne un Islam d'État, qui s'exprime notamment dans la revue Al-Asala, publiée à partir de 1971.

Mais malgré de substantielles concessions à cet Islam-là, sur le terrain de l'arabisation, notamment, l'islam de contestation va se développer d'autant plus vite qu'il dispose, à partir des années 70, d'un vivier de plus en plus immense.

Il a fallu près de dix ans au socialisme rigide mis en place par le FLN dans toute la sphère économique pour conduire l'Algérie à la régression, puis aux limites de la misère. Dès les années 70, les laissés pour-compte du régime sont légion: surplus d'une démographie galopante sur un marché du travail déjà saturé, étudiants des filières arabophones sans débouchés. Ils constituent un réservoir pour un mouvement islamiste qui, dans la dispersion et la discrétion, commence à s'organiser.

En 1974, cheikh Soltani publie au Maroc Le " Mazdakisme est à l'origine du socialisme ", violente dénonciation des orientations de Boumediene. Mouvement de type communiste primitif dans la Perse sassanide du De siècle et hérésie du zoroastrisme, le mazdaLisme est, pour la plupart des canon iste s mu su Im ans, syno nym e de lice nce, de co rruption, d'amoralisme.Ce manifeste devient vite le socledoctrinalde l'islamismealgérien. L'année suivante, le pouvoirest contraint d'ouvrir un débat national, qu'il repoussait sans cesse depuis l'in,dépendance, sur la codification du statut personnel. Les islamistes trouvent là des motifs d'agitation et de recrutement: de violents heurts opposent dans les universités -notamment celle de Constantine, au printemps de 1975- laïcs et gauchistes à des "croyants" dont l'influence Crotet sans cesse.

Dès 1976-1977, apparaissent dans d'importantes mosquées de grands centres - Alger, Oran, Sidi Bel Abbes, LagLouat- les premiers cercles de réflexion militante, échappant au contrôle du ministère des Affaires religieuses. Après le coup de tonnerre de la Révolution islamique d'Iran, ambassades et médias occidentaux implantés en Algérie reçoivent de plus en plus d'éléments de propagande en provenance des islamistes - tracts, proclamations, brochures de présentation - envois destinés à briser le silence officiel sur toutes les activités islamistes. A l'automne de 1981 - première ébauche de soulèvement - une trentaine d'activistes protestant contre l'arrestation d'un de leurs frères occupent une mosquée de Laghouat, d'où ils lancent des appels au jihad contre le régime.

En 1982, c'est l'émergence publique du groupe de maquisards islamistes de Bouyali (mentionné plus haut et dont nous reparlerons longuement, voir plus bas) et les manifestations de l'université d'Alger. L'enterrement de cheikh Soltani, en avril 1984, donne également lieu à une énorme mobilisation islamiste.

Mais, durant la décennie 80, la situation économique de l'Algérie s'aggrave. 98% de ses rentrées de devises proviennent d'hydrocarbures dont le coût est alors en chute libre. Le service d'une énorme dette de 24 milliards de dollars absorbe 70% des recettes du gaz et du pétrole. Une démographie incontrôlée jette chaque année sur le marché du travail 300 00û jeunes; 40% des moires de 30 ans sont au chômage. Le socialisme affiché de la nomenklatura cache de plus en plus mal une corruption véritablement babylonienne. Population amère puis furieuse, jeunes privés d'espoir, effondrement des modèles idéologiques du régime: tous les éléments d'une conquête des masses par des islamistes omniprésents, attentifs, actifs sont réunis.

Au départ spontanées, les émeutes du 4 au 14 octobre 1988 sont récupérées dès le 7 par les islamistes, grâce à la manifestation qu'organise un jeune imam de Bab al-Oued, vite célèbre, Ali Bel Hadj. En deux "sorties", le 7 et le 10 octobre, les islamistes ont plus de 80 morts. Il ne manquait à leur mouvement naissant que des martyrs et la notoriété internationale: dès le 15 octobre, ces deux conditions du succès sont remplies.

Déboussolé, ne sachant plus comment rétablir le calme, le régime prend les cheikhs du mouvement islamiste pour interlocuteurs privilégiés: Abbassi Madani est reçu chaque fois qu'il le désire; fin novembre 1988, le 6e congrès du FLN, réuni en séance plénière, écoute la lecture d'une lettre de cheikh Sahnoun. Le 3 novembre, une nouvelle Constitution a été adoptée, qui ouvre la voie au pluripartisme. Mars 1989: le FIS se constitue officiellement (voir la suite dans la chronologie).

LES MOUVEMENTS ISLAMISTES

Mentionnons pour mémoire le Mouvement pour la démocratie en Algérie d'Ahmed Ben Bella. Ce groupe, fondé en mai 1984 à Chantilly, n'est pas islamiste, malgré les proclamations enflammées de Ben Bella et l'influence qu'a pu avoir sur lui son épouse, Zahra, très croyante. Le MDA et les groupes benbellistes qui l'ont précédé, véritables paniers de crabes, déchirés par des querelles de personnes et des scissions politiques, se sont rapprochés par pur opportunisme des courants islamistes - notamment de l'Iran - au début de la décennie 80. Aucun des responsables islamistes avec lesquels nous avons pu nous entretenir n'a la moindre confiance en ce mouvement, ni ne le considère comme véritablement croyant, bien qu'il exploite parfois certains thèmes islamistes. Le MDA a été légalisé en Algérie en mars 1990.

LE MOUVEMENT ISLAMIQUE ALGERIEN (MIA)

Il se constitue en juillet 1982 comme union de plusieurs groupes croyants, notamment le Groupement de lutte pour la prohibition de l'illicite, implanté à partir de 1979 dans plusieurs quartiers populaires et mosquées d'Alger. Son dirigeant est Moustafa Bouyali, un ancien moudjahid né en 1940 à Larbaa, non loin d'Alger, marié, père de 7 enfants. Au moment où il lance le MIA, il est responsable de la sécurité à la Société nationale d'électricité (SONELEC) du quartier algérois d'el-Achour. Le souci premier du MIA est de coordonner l'action des prêcheurs islamistes du pays, puis de les rassembler en un seul mouvement. Points forts de son programme: le départ des coopérants français et le retour des immigrés algériens de France. Dès l'origine, le MIA se voue au jihad, au renversement du pouvoir corrompu par les armes, en suivant le modèle du FLN des premières années: guérillas et maquis. Hors d'Algérie, ses modèles sont plutôt les groupes activistes égyptiens comme le jihad (voir Egypte, p. 85 et s.) que les autres mouvements maghrébins, légalistes le plus souvent.

Lors d'un accrochage avec la police, en avril 1982, 2 militants du MIA sont tués, dont Mohamed, frère de Moustafa Bouyali, qui entre alors en clandestinité et donne priorité à la lutte armée. C'est son bras droit, Mohamed Bousnina, un quincaillier, né en 1949, qui assure la liaison entre l'émir Bouyali et ses troupes, réparties en 2 groupes, celui du Sahel d'Alger et celui de la Mitidja. Fin 1982, le MIA projette d'enlever Chérif Messaadia, n°2 du FLN, et d'assassiner le Premier ministre. Simultanément, pour financer la cause, le MIA organise des attaques de banques. Entre 1983 à 1985, le MIA et le pouvoir s'accrochent épisodiquement: hold-up, répression et arrestations alternent. Bouyali, lui, quitte l'Algérie en 1983 - pour la Libye ou lilran, selon les autorités d'Alger - et y revient fin 1984 dans un état d'esprit offensif. En août 1 985, ses hommes attaquent la caserne de la police de Soumaa, à 50 km d'Alger, et s'emparent d'un stock d'armes. Un policier est tué. Dès lors, la chasse aux maquisards islamistes s'engage autour d'Alger, notamment dans la région de la ville natale de Bouyali, Larbaa, où une partie de la population le soutient. Bouyali nargue le pouvoir et apparaît en public dans certaines mosquées d'Alger. Le 3 janvier 1987, enfin, un groupe de partisans du MIA tombe dans une embuscade de l'armée Bouyali est tué, et son mouvement démantelé.

En juin, le procès du MIA s'ouvre à Médéa : plus de 200 inculpés. On y apprend que le groupe était très organisé et comptait dans son état-major, outre un secrétariat aux réunions, des départements spécialisés dans:

· L'achat et le stockage des armes.
· Les finances (attaques de banques et gestion des fonds).
· La propagande.
· Les opérations armées et attentats.
· La médecine (achats de médicaments et soins aux blessés).

Verdict: 6 peines capitales, 3 condamnations à perpétuité, de cinq à vingt ans de prison pour la plupart des 20 autres inculpés.

LE FRONT ISLAMIQUE DU SALUT {FIS)

Fondé le 10 mars 1989, le FIS ne doit rien à la génération spontanée. Il est l'héritage politique visible d'une action de masse menée à partir des mosquées et dans une grande discrétion, depuis plus de vingt ans, dans les domaines culturel et sociaux.

Depuis sa légalisation, en août 1989, le FIS est le premier parti politique islamiste de masse reconnu au Maghreb. Il est dirigé par un collège de 14 membres et revendique en mars 1990 2 millions de "partisans" (au sens islamique du terme: de militants, d'activistes en réalité).

L'essentiel du travail politique du FIS - invisible à qui n'habite pas un quartier, une bourgade - consiste en l'occupation massive d'un terrain social entièrement négligé par le pouvoir FLN. Corps de volontaires pour les corvées de toutes sortes, de l'évacuation des ordures ménagères aux secours lors d'un tremblement de terre, structures de solidarité en tout genre (hôpitaux, centres culturels et associations de bienfaisance) ont été suscités par les islamistes. Quiconque a un deuil dans sa famille, un enfant qui suit mal au lycée ou qui passe le baccalauréat se voit proposer une assistance pieuse, des cours gratuits, des sandwiches et des boissons gratuits. Cette action bienfaisante est particulièrement appréciée par les déshérités, les nombreux exclus de la société algérienne, mais aussi par les classes moyennes, appauvries par les deux inévitables séquelles du "socialisme algérien": gabegie et bureaucratie.

Mais conscience sociale ne signifie pas innocence rousseauiste, et le FIS a également su se doter d'impressionnants moyens de sécurité: service d'ordre pour les manifestations - on l'a vu déployé dans les rues d'Alger le 20 avril 1990- et, sans qu'on en sache beaucoup sur le sujet, "organisation spéciale" paramilitaire entraînée au Pakistan et en Afghanistan par des moujahidin locaux. On remarque aussi un "échange d'étudiants" iraniens et algériens, ces derniers étant pris en charge en Iran par l'université Imam-Hussein des Gardiens de la Révolution.

De l'aveu même de ses membres, l'implantation du FIS dans l'immigration en France est des plus modestes. Cette immigration, aux deux tiers kabyle +/- 500 000 sur 800 000 - est moins sensible aux sirènes islamistes que ne le sont les Arabes. La direction du FIS a ensuite demandé à ses activistes français de faire preuve d'une extrême réserve: elle voit bien que la conquête d'Algériens gagnés pour la plupart au mode de vie occidental est, au mieux, une affaire de longue haleine. Rien ne serait pire que de prendre cette communauté à rebrousse-poil, de l'épouvanter par un zèle religieux outrancier.

A la direction du FIS, deux personnalités se détachent: cheikhs Abbassi Madani et Ali Bel Hadj. Le rôle public du premier est démontrer au peuple algérien que le FIS est une alternative politique crédible; celui du second, imam de la mosquée de Bab al-Oued, de galvaniser les militants par des sermons très mobilisateurs.

Abbassi Madani est né en 1931 à Sidi Okba, dans le Sud-Est algérien; il est marié et père de 5 enfants. Il a fait des études supérieures de sociologie à Oxford et a été professeur à la faculté des sciences de l'éducation de l'université d'Alger. Il dit avoir été profondément influencé par cheikh Naïm al-Naïmi, imam de la mosquée de Biskra, et par l'un des chefs historiques du FLN, Mobamed Larbi Ben M'hidi. Pendant la guerre d'indépendance, Abbassi Madani a fait partie d'un commando de l'Organisation spéciale" du FLN et fut incarcéré pendant près de sept ans, puis libéré au moment de l'indépendance. Dès 1976, il joue un rôle dans le jeune mouvement islamiste aux côtés des cheikhs Soltani et Sahnoun (voir, plus haut, l'histoire du courant islamiste algérien).

CHRONOLOGIE

1989:

Mars: Le 10, fondation du Front islamique du salut (FIS) dans une mosquée de la banlieue d'Alger, en présence de 10 000 militants, selon les sources islamistes.

Mai: rassemblement de 2 000 militants du FIS -dont cheikh Ali Bel Hadj - devant le tribunal d'Alger où doivent être jugés 2 jeunes islamistes ayant empêché par la violence la consommation d'alcool. Le procès est renvoyé "pour complément d'instruction", et les inculpés remis en liberté.

Juillet: 12 islamistes d'abord, puis 14 autres, condamnés en 1987 pour violation de la sécurité de l'État, sont graciés à l'occasion de la fête de l'Aïd al-Adha.

Août: le FIS demande sa légalisation, au vu de la loi sur le pluripartisme, adoptée en juillet par l'Assemblée algérienne. C'est le premier parti islamiste à jouir d'un droit de cité à peu près complet au Maghreb.

Septembre: Abbassi Madani, principal dirigeant du FIS, appelle à l'application du système islamique pour libérer le potentiel économique de l'Algérie.
. Le FIS obtient sa reconnaissance officielle.

Octobre: le FIS fait paraître le premier numéro de son organe central, un bimensuel en langue arabe diffusé directement par ses militants et intitulé Al-Mounqid (Le Sauveur). Son directeur est cheikh Zebda Banazouz, son rédacteur en chef, cheikh Sard MekhlouTi. A la Une ce journal demande la libération des islamistes encore détenus dans les prisons du régime.
. 15 ex-activistes du groupe de Bouyali (voir plus haut) sont rejugés à Blida; le tribunal est encerclé par des centaines de militants du FIS parfaitement organisés. Les cheikhs Madani et Bel Hadj sont dans la salle.

Novembre: 51 islamistes condamnés en 1987 par la Cour de sûreté de l'État (dissoute en avril 1989) sont graciés par le président Chadli Benjedid.
. Après les tremblements de terre qui font 28 victimes à l'ouest d'Alger, le FIS, qui multiplie les programmes d'aide, alors que le gouvernement patauge lamentablement, étend largement son influence.

Décembre: plus de 100 000 personnes, dont de nombreuses femmes en hijab, participent à Alger à un meeting organisé par l'association al-Irchad vai’Islah (Réforme et Orientation islamique) du cheikh Mahfouz Nahnah.
. Annulation de deux concerts de la chanteuse Linda De Souza à Alger, suite à des pressions islamistes: Al-Mounqid "s'interroge" sur l'opportunité de tels spectacles.
. Grand rassemblement devant l'Assemblée nationale, à Alger: plusieurs centaines de milliers d'islamistes - dont 100 000 femmes en hijab - adhérents du FIS, de la Ligue du Da'oua de cheikh Sahnoun et d'al-lrchad va'l Islah, manifestent en réponse à un récent défilé féministe pro-occidental..

1990

Janvier: le président Chadli Benjedid reçoit Abbassi Madani, notamment à propos des futures élections municipales.

Mars: création d'un HizbAllah d'Algérie, le premier jour du Ramadan (27).

Avril: création à Alger du Mouvement islamique des jeunes Algériens.
. Signe des temps: à Alger, les débits de boissons alcoolisées disparaissent les uns après les autres; il ne reste plus qu'une dizaine de marchands de vin, tous de vieilles gens.
. Le Rassemblement arabe et islamique annonce sa création à Alger.
. Le 20, démonstration de force du FIS: sans doute plus de 100 000 hommes - Abbassi Madani a demandé aux femmes d'aller prier dans les mosquées - défilent dans Alger, dans le calme et en silence, encadrés par un service d'ordre imposant. Des bruits insistants font état de l'entraînement de ce service d'ordre par des Pasdaran iraniens. Ce 20 avril est le dernier vendredi du Ramadan, le Jour de Jérusalem instauré par l'Imam Khomeini au début des années 80. Un hasard ?

Mai: premier grand défilé "laïc" depuis celui du FIS: celui du 1er mai. Il rassemble 5 000 personnes...
. Ouverture à Alger d'une conférence islamiste internationale de quatre jours, consacrée à l'avenir du monde musulman. Les cheikhs Rachid Ghannouchi (voir Tunisie, p..201) et Hassan Tourabi (voir Soudan, p.187) y participent.

Juin: en vue des élections du 12, un grand meeting réunit 100 000 sympathisants du FIS dans un stade d'Alger. Abbassi Madani menace: "Si l'armée sort de ses casernes, nous sortirons tous, nous serons une armée islamique au service de la cause du Prophète."
. D'après les premiers résultats, le FIS obtient 55% des voix aux élections municipales et régionales, et conquiert 32 des 48 wilayas du pays. Le taux de participation est de 65,15% pour les municipales et de 64,15% pour les régionales. Dans 6 wilayas sur 48, dont celle d'Alger, le FIS l'emporte dans toutes les communes. Sur 1539 communes, 853 dont Alger, Oran, Constantine, Annaba, Sétif, Guelma, Tlemcen, Mostaganem, Blida - tombent entre ses mains. A Alger, le FIS remporte aussi bien les quartiers huppés comme Hydra ou ei-Biar que les secteurs populaires comme Belcourt ou Bab e-Oued (80% des voix). Pour Abbassi Madani, le pouvoir municipal et régional est la "pierre angulaire du futur Etat islamique". Etat de quasi-panique en Tunisie et au Maroc. Signe des temps: dans les médias français, l'Algérie éclipse un moment les révolutions à l'Est.
. Important discours de cheikh Ali Bel Hadj, qui récuse pour l'Algérie islamique la formule démocratique à l'occidentale et s'en prend violemment au président français: "M. Mitterrand se croit toujours le tuteur des Algériens. Ses mains sont tachées de sang." Il affirme que la joie des musulmans algériens sera sans mélange quand la Palestine sera libérée, et le califat, rétabli.
. Les cadres du FIS prennent possession des mairies des communes où ils ont été élus. lis se veulent rassurants, attentifs, efficaces, mais sont fermes dès qu'il s'agit des mœurs: "indécence" vestimentaire, mixité, prostitution, jeux de hasard, vente et consommation d'alcool, notamment. Dans l'attente des élections générales de janvier 1991, ils multiplient les opérations visibles et populaires (voirie, ordures, etc.) et les contacts avec la population, recevant dans chaque municipalité plusieurs centaines de personnes par semaine. Ils créent également des contre-pouvoirs: des comités de voisinage, par blocs d'immeubles, qui envoient des délégués au "majlis municipal".
. Fondation à Tlemcen du Mouvement syndical islamique des travailleurs algériens.

Juillet: premier congrès de l' Union islamique des syndicats, fondée à Tlemcen en juin et implantée désormais dans une majorité des régions d'Algérie. Ses objectifs: "Eradiquer l'idée de la lutte des classes", adaptation du monde du travail aux réquisitions de l’islam, salaire minimal pour les femmes au foyer.
. libération des 15 militants encore emprisonnés du maquis de Bouyali. Il n'y a plus un seul prisonnier islamiste en Algérie.
. Légalisation du Parti de l'oumma de Benyoussef Ben Khedda, ancien président du GPRA (avant l'indépendance).

Août: meeting géant, le 17, place des Martyrs, à Alger. Abbassi Madani appelle les musulmans à "déposer leurs dirigeants", "condition nécessaire pour faire face à l'invasion des Lieux saints par les troupes américaines et occidentales" et à "chasser les gouvernements arabes qui n'arrivent pas à " s'entendre ". A ce moment, le FIS s'interdit de prendre parti pour un pays musulman contre un autre. Mais, au cours du mois d'août, le FIS durcit sa position et penche de plus en plus ouvertement pour l'Irak. La présence américaine dans le Golfe, dit cheikh Madani, est une violation de la souveraineté islamique, une agression contre la sainteté de La Mecque et de Médine. Si les Occidentaux attaquent l'Irak, ajoute-t-il lors d'une visite à Bagdad, tous les musulmans du monde seront à ses côtés. Le vrai combat, surenchérit cheikh Bel Haj, est entre l'Islam d'une part, la croisade et le blasphème de l'autre.
. Le 30, Saddam Hussein reçoit Abbassi Madani à Bagdad. Ce dernier adopte une position nuancée sur la crise du Golfe et déclare que tous les musulmans du monde seront aux côtés de l'Irak s'il est attaqué.

Septembre: à l'appel de l'association nationale Réforme et Orientation islamique" de cheikh Mahfouz Nahnah et d' al-Da'oua Islamiyya" de cheikh Ahmed Sahnoun, 7 partis politiques et 361 associations constituent l'Alliance nationale islamique en vue des prochaines élections législatives (janvier 1991 ).
· Abbassi Madani se rend à nouveau à Bagdad (le 6).11 est reçu par Saddam Hussein (le 8).
· Création à Alger du Mouvement de la Renaissance islamique (an-Nahda), dirigé par cheikh Abdallah Jaballah et, "inspiré par la doctrine des Frères musulmans".
· Des syndicats islamiques sont légalisés dans les secteurs suivants: affaires sociales, éducation, industries chimiques et pétrochimiques, santé, tourisme et transport.
 

  retour | suite