AFGHANISTAN


Nom officiel: République d'Afghanistan
Continent: Asie
Superficie: 647 500 km2
Population: 20 M. d'h., y compris réfugiés (réfugiés: 6 M. - Iran: 2 M.; Pakistan, au total +/- 3,7 M.: 2,5 M. dans 125 camps de la province de la frontière du Nord
Ouest [Peshawar]; 950 000 dans 74 camps de l'ouest du Baloutchistan. )
Capitale: Kaboul ( 2 M. d'h., 1989)
PIB/h. : (1986) $ 595

Régime: communiste à l'origine. Mis en place et maintenu par les Soviétiques
Chef de l'État: Mohamed Najibullah
Chef du gouvernement: Sultan Ali Keshtmand
Ligue arabe: non
Organisation de la conférence islamique : suspendu depuis janvier 1980
Liens avec la République islamique d’Iran : chargé d'affaires

% de non-musulmans : petites minorités
- ventilation: hindous, sikhs, juifs
% de musulmans: 99%
- vent. /100 : - sunnites hanafites: +/- 80 %
- chi'ites: +/- 15 %
- ismaïliens: quelques milliers



Compte tenu de l'objet de cet Atlas, nous ne mentionnerons que les organisations islamistes(1), et ne nous étendrons pas sur les mouvements traditionalistes, souvent monarchistes et proches des tariqas (voir glossaire, p. 269) souries, comme:

· Le Front de libération nationale de l'Afghanistan : Emir: Sibghatollah Mojadiddi, originaire de Kaboul; l'un des dirigeants de la tariqa Naqshbandiyya,
· Le Mouvement révolutionnaire islamique de l'Afghanistan.

Emir: Mobamed Nabi Mobammadi, un alim populaire dans le sud-est du pays.
· Le Front national islamique pour l'Afghanistan.
Emir: Seyyed Ahmad Gilani, un dirigeant important de la tariqa Qadiriyya (et descendant du fondateur de cette tariqa, Abdelqader al-Gilani) .

LES ORGANISATIONS POLITICO-MILITAIRES SUNNITES
 

· L'Association islamique - Jamiat e-Islami.
Emir: Burhanuddin Rabbani, docteur en philosophie coranique d'al-Azhar; ancien doyen de la faculté de droit islamique de Kaboul. La Jamiat rassemble essentiellement des Tadjiks et constitue le grand mouvement persanophone de la résistance afghane. Parmi ses commandants les plus connus :Ismall Khan, de Hérat, et surtout Ahmad Shah Massoud. Fils d'un officier supérieur de la monarchie, ingénieur lui-même, Massoud a rejoint l'opposition islamique dès 1973. De son fief du Panshir, Il contrôle une bonne partie du nord et du nord-est de l'Afghanistan et préside le Conseil du Nord, dont l'autorité s'étend sur tout ou partie de 15 des 29 provinces afghanes.

La Jamiat possède un bureau à Téhéran et ses dirigeants effectuent de nombreux voyages en Iran. En juillet 1990, la Jamiat a signé à Téhéran, avec le Parti de l'unité islamique, (voir Iran, p.231) un accord de coopération politique et militaire.

· Le Parti de l'islam - Hizb e-Islami/Younis.
Emir: Mobamed Younis Khalis, célèbre écrivain et prêcheur islamiste, originaire de la province de Nangarhar (capitale: Jalalabad). Contrôle plusieurs commandants importants sur le terrain, dont Abdul Haq, qui opère dans la province de Kaboul.

· Le Parti de l'islam - Hizb e-Islami/Hekmatyar
Emir: Gulbuddin Hekmatyar, un ingénieur pachtou originaire de la province de Kunduz, dans le nord du pays. Son mouvement recrute surtout chez les Pachtoun de la confédération tribale Ghilzay. Très rigide idéologiquement, le Hizb/Hekmatyar est proche des Frères musulmans arabes et suivi de très près par les services de renseignement pakistanais.

Le Hizb/Hekmatyar contrôle en outre l'Afghan News Agency - dont il se sert largement à son profit, on s'en doute - et est à la tête du plus considérable et perfectionné service de renseignement de toute la résistance, grâce à la formation prodiguée par les SR de l'armée pakistanaise.

Comme tous les principaux groupes de la résistance afghane, le mouvement de Hekmatyar possède depuis des années des bureaux à Téhéran, Mechhed, Zahedan, etc. L'un des dirigeants du Hizb e-Islami a même participé en janvier 1984 au Congrès des imams de la prière du vendredi, à Téhéran. Après une période de froideur réciproque, c'est maintenant franchement la guerre. En mars 1990, l'un des dirigeants du Harakat e-Islami (voir Asie du sud, p.59 et s.) Nasim Akhundzadeh, était assassiné à Peshawar. En avril, accusant Hekmatyar d'avoir commandité le meurtre, les moujahidin du HaraVat ont attaqué les positions du Hizb e-Islami dans le sud-ouest de l'Afghanistan et leur ont infligé des pertes sérieuses. Ils se sont également emparés d'un important stock d'armes lourdes.

· L'Union islamique pour la libération de l'Afghanistan - Ittehad e-Islami.
Emir: Abdul Rassoul Sayyaf, un pashtou originaire de la région de Kaboul. Alim diplômé d'al-Azhar, très proche des saoudiens, il est lui-même de sensibilité wahhabite. Nombre d'islamistes arabes venus du Proche-orient ou du Maghreb combattent dans les rangs de son mouvement. (voir plus bas l'affaire Abdallah Azzam).

S'ajoute à ces importants mouvements, représentant chacun des milliers, voire des dizaines de milliers d'hommes en armes, un regroupement de commandants scissionnistes de diverses organisations décrites ci-dessus et qui ont formé en décembre 1989 un Conseil de commandement commun. Il regroupe:

· Le Mouvement pour la Révolution islamique en Afghanistan.
Emir: maulana Nasrallah Mansour; une scission du Mouvement révolutionnaire islamique de l’Afghanistan de Mobamed Nabi Mobammadi.

· Le Mouvement Solidarité islamique.
Emir: Qazi Amin Waqad; une scission du Hizb/Hekmatyar.

· Le Mouvement de la Révolution islamique.
Emir: maulana Rafiullah Muezzin; également une scission du Mouvement révolutionnaire islamique de l'Afghanistan.

Préalablement à leur regroupement, en juillet 1989, ces trois dirigeants avaient constitué un Conseil du Jihad avec la coalition des 8 de Téhéran (voir Iran, p. 131).
 

LES ORGANISATIONS POLITICO-MILITAIRES CHI'ITES

Il s'en est formé une dizaine depuis la mise en place d'un régime communiste à Kaboul et surtout depuis l'invasion soviétique.

· Le Mouvement islamique - Harakat e-Islami.
Principaux dirigeants: Ayatollah Mohamed Asif Mohseni, un élève du grand ayatollah Hajj Seyyed Abol Qasim MoussaviKho'i, de Nadjaf, en Irak; Seyyed Javid Ismail.
Le Harakat a été fondé en 1973 à Kandahar. Son fief est le bastion de l'ethnie Hazara, le Hazarajat et particulièrement la vallée du Sangbakh. Ses moujahidin sont formés en Iran.

· L'Organisation de la victoire,- Sazman e-Nasr.
Principaux dirigeants: les hujjajolislam Mir Hussein Sadeghi Afghani, ex-imam du vendredi de Herat, Qorban-Ali Irfani; Mohamed AbdulKarim Khalili.
Fondée en 1978 à Herat.

· Pasdaran du Jihad islamique. Dirigeant: Morad-Ali Ehsani.
Fondé en Iran en 1982.
S'ajoutent encore 5 autres mouvements de taille plus réduite:

· Le Mouvement islamique de l'Afghanistan -Nahzat e-Islami e-Afghanistan.

· L'Appel à l'unité islamique en Afghanistan -Datoua e-lttehad e-Islami Afghanistan.

· Le Front uni - Jehb e-Mutabid, formé en 1988 par la fusion de 4 petits groupes: Spiritualité et Jeunesse de l'Afghanistan, Ecole islamique de l'unité, Rassemblement des uléma, Association des déshérités islamiques de l'Afghanistan.

· L'Organisation des forces islamiques de l'Afghanistan - Niru e-Islami Afghanistan.

· Le Parti de la Révolution islamique d'Afghanistan.
Durant l'été de 1986, ces groupes, qui ont tous leurs bases arrière en Iran, ont créé un Conseil de la coalition islamique d'Afghanistan (CCI), qui affirme représenter 30% de la population et contrôler 30% des territoires libérés. Il dit être actif dans les provinces de Hérat, Kandahar, Balkh, Ghazni, Behsond et Kaboul. En janvier 1989, le CCI s'est vu offrir 60 sièges à l'assemblée afghane convoquée par les mouvements sunnites de Peshawar (Alliance islamique des moudjahidin d'Afghanistan, AIMA) pour élire un gouvernement de la résistance unifiée. Trouvant ces sièges bien trop peu nombreux, le CCI a refusé et pratique depuis lors la politique de la chaise vide.

Plusieurs dirigeants du CCI ont été tués en Arabie Saoudite, lors du massacre du pèlerinage de La Mecque, en 1987.

Le CCI était présent à la Conférence des Mouvements de libération islamiques et HizbAllah, tenue à Téhéran en décembre 1987, et ses dirigeants participent à la plupart des Conférences du Pèlerinage qui ont eu lieu dans la région.

Le CCI a vivement critiqué les entretiens soviéto-afghans (AIMA) qui se sont tenus en Arabie Saoudite, à Taïf, début décembre 1988.

En décembre 1989, les groupes chiites, au nombre de 9 désormais, se sont réunis dans la région de Bamian, en Afghanistan, et ont fusionné, donnant naissance au Parti de l'unité islamique (PUI). Son état-major est implanté en Afghanistan et son centre politique a été inauguré en août 1 990 à Téhéran, où siègent les diverses commissions de son comité central: politique, culturelle, militaire, économique, relations publiques, information, santé et finances. Ses deux porte-parole sont l'hojatolislam Mortazavi et Abdul Ali Mazari (assassiné le 8 juin 1990 à Zahedan). Au bureau du Guide le la Révolution, l'ayatollah Seyyed Ali Khamene'i, le dossier afghan est suivi par l'hojatolislam Hussein Ibrahimi.

En mars 1990, une grande conférence des chiiites afghans a réuni pendant trois jours, à Téhéran, 250 uléma, commandants, intellectuels et dignitaires divers qui ont notamment écouté les communications du commandant en chef du corps des Pasdaran, Mobsen Rezai, et du président du Conseil supérieur de la Révolution islamique en Irak, Mohamed-BaVr al-Hakim. De façon prévisible, la conférence a voté des motions prônant l'unité de tous les musulmans et dénonçant les wahhabites.

En août 1990, un conseiller du général Ali Ashgar Jamali, chef d'état-major de l'armée iranienne, a déclaré devant les commandants du Jihad de l'Afghanistan occidental que l'armée était prête à aider les moujahidin sur les plans de l'entraînement et de la logistique.

Hors de la communauté chi’ite, le PUI a noué des accords de coopération avec la Jamiat (sunnite) et le Conseil de commandement de 3 petits groupes de résistance, sunnites eux aussi (voir Iran, p.131).

LA SITUATION DES ISLAMISTES EN AFGHANISTAN

Cette situation est tout sauf glorieuse. Depuis le départ des troupes d'occupation soviétiques, l'opinion internationale s'est désintéressée de l'affaire afghane et considère les affrontements actuels, de type "libanais", comme inévitables dans ce pays. Le retrait soviétique a entraîné également une diminution très nette des aides financière et militaire dévolues à la résistance. Conséquence: les commandants de l'intérieur, dont l'obéissance aux grands chefs de Peshawar était fonction des dotations en armement qu'ils recevaient, sont de plus en plus indisciplinés.

Pour précipiter la chute du régime de Kaboul, les SR pakistanais ont poussé la résistance à organiser de grandes campagnes militaires - tel le siège de Jalalabad- au-dessus de ses capacités militaires. Résultat: de lourdes pertes en hommes et en matériel.

Des dissensions ont commencé à apparaître entre moujahidin afghans et volontaires islamistes étrangers, des Arabes le plus souvent, venus se joindre au Jihad. Cette "légion islamique" se comporte le plus souvent de façon indisciplinée et reproche même souvent aux combattants locaux - dont certains sont mobilisés depuis plus de douze ans une insuffisante dévotion à l'Islam. Nombre de gouvernements arabes ont vu partir sans déplaisir ces militants fanatisés, pensant à juste titre qu'ils seraient moins dangereux dans les montagnes de l'Afghanistan que dans les rues de Tunis, du Caire ou de Sanaa... à condition de n'en point revenir. On dit ainsi que certaines "attaques infructueuses" montées par la résistance ces derniers mois, au cours desquelles des unités de volontaires étrangers ont été décimées, ont été "suggérées" par certains services arabes à leurs collègues pakistanais...

Et quand cette méthode ne suffit pas, il en reste toujours d'autres, plus expéditives. En novembre 1989, Abdallah Azzam, palestinien d'origine, cadre important, de longues années durant, des Frères musulmans jordaniens s'apprête à prendre sa voiture, à Peshawar, en compagnie de ses deux fils, Hafez Mobamed, 21 ans, et Hafez Ibrabim, 18 ans. A peine sont-ils dans le véhicule que celui-ci explose, les déchiquetant. Abdallah Azzam avait fait partie, dans les années 60, de ces groupes d'action des FM jordaniens qui travaillaient pour le Fatah. Il avait quitté la Jordanie en 1980 pour combattre en Afghanistan et publiait à Peshawar un journal en langue arabe, Al-Jibad. Il était proche d'Abdul Rassoul Sayyaf (voir plus haut) et des services de renseignement saoudiens. Particulièrement hostile aux chi'ites, Azzam les traitait " d'infidèles " (kafirs) à longueur de colonne dans son journal. Il avait tout fait, notamment, pour s'opposer au rapprochement entre la Jamiat et le CCI chi’ite (voir Iran, p.131). A-t-on voulu le punir de son échec ? Ou faire taire un homme qui en savait énormément sur les volontaires étrangers au sein du Jihad afghan ? En tout cas, de tels meurtres en disent long sur le climat au sein de la résistance.

Mais il y a pis: en juillet 1989, 36 des commandants de l'intérieur de la Jamiat, qui se rendaient àune réunion de coordination convoquée par Ahmad Shah Massoud, sont attaqués et massacrés par une troupe de moujahidin du Hizb/Hekmatyar. Des tueries consécutives font plus de 100 morts le mois suivant. En septembre, ad cours d'une opération de représailles massives, la Jamiat capture plus de 300 hommes du Hizb e-Islami. Si les moujahidin de base peuvent se rallier à la Jamiat - ce que nombre d'entre eux ont accepté de faire -, leurs chefs sont jugés par un tribunal islamique. Gulbuddin Hekmatyar, lui, a boycotté un moment le gouvernement en exil de Peshawar, où il avait le portefeuille des Affaires étrangères, avant d'être démis de ses fonctions au printemps de 1990.

Voilà l'état dans lequel se trouve la résistance. La victoire sur le régime de Najibullah n'a jamais été si lointaine. Les jours glorieux de 1980-1988 sont bien révolus et un seul mot résume la situation dans son ensemble: pourrissement.

(1) Voir l'article d'Olivier Roy dans le vol. Il de Contestations en pays islamiques, CHEAM, Paris, 1987

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