ANNEXE IV

Ordre, désordre et société humaine : fragments

«Plus il y a d'activité, plus le travail produit des désordres ; l'accroissement de complexité et l'accroissement de désordres sont liés»
Edgar Morin «La Méthode / La vie de la vie» Seuil/1980

«Nulle organisation, nulle stabilité n'est, en tant que telle, garantie ou légitime, aucune ne s'impose en droit, toutes sont produites des circonstances, et à la merci des circonstances»
Ilya Prigogine «La Nouvelle Alliance» Gallimard / 1979

«Car l'histoire du Temple du Peuple est une vieille histoire faite de cycles et d'éternels retours. Ne pas vouloir se souvenir de ces choses conduit à voir dans le terrorisme l'intervention de la CIA ou des Tchèques. Ce serait trop beau si le mal venait toujours de l'étranger. L'ennui c'est qu'il ne vient pas d'une distance horizontale mais de distances verticales. Ce qui revient à dire que certaines réponses doivent être demandées à Freud et à Lacan, et non pas aux services secrets»
Umberto Eco
. «La guerre du faux» , op. cit. 1987.

I - DÉSORDRE

«Les possibilités de désordre croissent à proportion du degré d'autonomie, d'individualité dont disposent les parties : du cristal aux autre formes de la matière, puis aux organismes vivants, puis à la société où la «liberté» des individus est la plus grande. En ce sens, les phénomènes matériels et vitaux, où «les éléments sont pris dans des tissus serrés de relations» ne mettent jamais en présence d'un désordre absolu -exclusif de toute relation, de toute loi- mais de désordres relatifs».
Georges Balandier «Le Désordre» - Fayard 1988

II - DÉSORDRE ET SOCIÉTÉS TRADITIONNELLES

«Les ritualisations par lesquelles se joue le drame du pouvoir vacant, sont toutes conduites selon les principes de l'intervention et de l'hyperbole, de l'excès et de l'irrespect des bornages sociaux. Aux interdits et aux censures elles substituent la licence débridée ou orgiaque; au droit, la violence; au decorum et aux codes des convenances, la parodie et l'irrévérence ; au pouvoir conservateur d'un ordre, la liberté folle et l'agitation désorientée. Elles imposent finalement une certitude : la continuité plutôt que le chaos. Elles entretiennent le désir d'ordre. [Charivari, carnaval, fêtes des ..., et.]
Balandier, op. cit.

«Les sociétés de la tradition disposent d'une cartographie de l'ordre et du désordre, elles en ont repéré les lieux et les cheminements ; parce qu'elles sont ouvertes à un mouvement porteur de transformations continuelles et d'incertitudes, celles de la présente modernité ne disposent plus que de cartes bougées, elles s'engagent dans l'histoire immédiate en y avançant à l'estime»
Balandier, op. cit.

III - MODERNITÉ, MOUVEMENT, INCERTITUDE

- L'homme
«Le changement, le mouvant, la précarité lui deviennent plus familiers ; la nouveauté, l'éphémère, la succession rapide des informations, des produits, des modèles de comportement, la nécessité d'effectuer de fréquentes adaptations lui donnent l'impression de vivre seulement au présent, si bien que la gestion d'une existence tend à devenir celle de ses moments successifs».
Balandier, op. cit.

- La politique
«La figure du politique est désormais plus floue, moins crédible en ce qui concerne sa capacité de produire des effets «attracteurs» ; les rapports de l'ordre et du désordre, dont il a la charge, se brouillent. La puissance s'accroît alors que le pouvoir semble soumis à un processus régressif et devenir progressivement vacant, ce qui peut favoriser la poussée aux extrêmes, augmenter la séduction des réponses simplifiantes. D'un côté l'exploitation du désir d'ordre : la montée politique des prometteurs et promoteurs d'un ordre rénové, élémentaire et rude, reçoit son impulsion d'une telle attente. D'un autre côté, à l'inverse, la mise en oeuvre d'une logique du désordre : elle légitime les violences et les révolutions dans la quotidienneté, en les postulant créatrices».
Balandier, op. cit.

- L'insécurité
«Le mot, le thème totalisent les craintes et les incompréhensions. Cette lecture ne se limite pas à l'évaluation des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, de la montée des agressions, y compris les plus banalisées, en quelque sorte quotidiennes. Elle exprime le doute en la capacité de comprendre ce temps (crise de l'interprétation), de conduire le mouvement en réduisant le coût de l'adaptation (crise de l'institution), de gouverner en traitant les vrais problèmes (crise du pouvoir). Elle agrège aussi les inquiétudes individuelles nées des incertitudes du parcours de vie, des craintes provoquées par les menaces extérieures réelles et supposées. La reconnaissance d'une insécurité multiforme, insidieuse, apporte au hasard des circonstances une forte charge émotionnelle et négative à l'appréhension commune des situations de modernité».

- Une culture de l'effroi : le terrorisme
«Un phénomène de communication et un effet de la communication ; il utilise la violence comme un canal par lequel se transmettent des messages, la surprise terrifiante comme un moyen de forcer l'attention publique ; il se sert des média, il en fait un amplificateur et une arme qu'il faut manier avec l'efficacité d'une mitraillette - c'est son mode d'action de masse sur les esprits, sa manière d'exister médiatiquement afin d'accéder à l'existence politique par la dramatisation violente.» (...)
«Enfin, le système trouve en ce temps des changements, des incertitudes, des crises, et en ce milieu qui en est spécifique, l'espace urbanisé sans rivages d'aucune sorte, des conditions particulièrement propices à son fonctionnement.»
Balandier, op. cit.

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