«Nulle organisation, nulle stabilité
n'est, en tant que telle, garantie ou légitime, aucune ne s'impose
en droit, toutes sont produites des circonstances, et à la merci
des circonstances»
Ilya Prigogine «La Nouvelle Alliance»
Gallimard / 1979
«Car l'histoire du Temple du Peuple
est une vieille histoire faite de cycles et d'éternels retours.
Ne pas vouloir se souvenir de ces choses conduit à voir dans le
terrorisme l'intervention de la CIA ou des Tchèques. Ce serait trop
beau si le mal venait toujours de l'étranger. L'ennui c'est qu'il
ne vient pas d'une distance horizontale mais de distances verticales. Ce
qui revient à dire que certaines réponses doivent être
demandées à Freud et à Lacan, et non pas aux services
secrets»
Umberto Eco
. «La guerre du faux» , op.
cit. 1987.
I - DÉSORDRE
«Les possibilités de désordre
croissent à proportion du degré d'autonomie, d'individualité
dont disposent les parties : du cristal aux autre formes de la matière,
puis aux organismes vivants, puis à la société où
la «liberté» des individus est la plus grande. En ce
sens, les phénomènes matériels et vitaux, où
«les éléments sont pris dans des tissus serrés
de relations» ne mettent jamais en présence d'un désordre
absolu -exclusif de toute relation, de toute loi- mais de désordres
relatifs».
Georges Balandier «Le Désordre»
- Fayard 1988
II - DÉSORDRE ET SOCIÉTÉS TRADITIONNELLES
«Les ritualisations par lesquelles
se joue le drame du pouvoir vacant, sont toutes conduites selon les principes
de l'intervention et de l'hyperbole, de l'excès et de l'irrespect
des bornages sociaux. Aux interdits et aux censures elles substituent la
licence débridée ou orgiaque; au droit, la violence; au decorum
et aux codes des convenances, la parodie et l'irrévérence
; au pouvoir conservateur d'un ordre, la liberté folle et l'agitation
désorientée. Elles imposent finalement une certitude : la
continuité plutôt que le chaos. Elles entretiennent le désir
d'ordre. [Charivari, carnaval, fêtes des ..., et.]
Balandier, op. cit.
«Les sociétés de la
tradition disposent d'une cartographie de l'ordre et du désordre,
elles en ont repéré les lieux et les cheminements ; parce
qu'elles sont ouvertes à un mouvement porteur de transformations
continuelles et d'incertitudes, celles de la présente modernité
ne disposent plus que de cartes bougées, elles s'engagent dans l'histoire
immédiate en y avançant à l'estime»
Balandier, op. cit.
III - MODERNITÉ, MOUVEMENT, INCERTITUDE
- L'homme
«Le changement, le mouvant, la précarité
lui deviennent plus familiers ; la nouveauté, l'éphémère,
la succession rapide des informations, des produits, des modèles
de comportement, la nécessité d'effectuer de fréquentes
adaptations lui donnent l'impression de vivre seulement au présent,
si bien que la gestion d'une existence tend à devenir celle de ses
moments successifs».
Balandier, op. cit.
- La politique
«La figure du politique est désormais
plus floue, moins crédible en ce qui concerne sa capacité
de produire des effets «attracteurs» ; les rapports de l'ordre
et du désordre, dont il a la charge, se brouillent. La puissance
s'accroît alors que le pouvoir semble soumis à un processus
régressif et devenir progressivement vacant, ce qui peut favoriser
la poussée aux extrêmes, augmenter la séduction des
réponses simplifiantes. D'un côté l'exploitation du
désir d'ordre : la montée politique des prometteurs et promoteurs
d'un ordre rénové, élémentaire et rude, reçoit
son impulsion d'une telle attente. D'un autre côté, à
l'inverse, la mise en oeuvre d'une logique du désordre : elle légitime
les violences et les révolutions dans la quotidienneté, en
les postulant créatrices».
Balandier, op. cit.
- L'insécurité
«Le mot, le thème totalisent
les craintes et les incompréhensions. Cette lecture ne se limite
pas à l'évaluation des atteintes à la sécurité
des personnes et des biens, de la montée des agressions, y compris
les plus banalisées, en quelque sorte quotidiennes. Elle exprime
le doute en la capacité de comprendre ce temps (crise de l'interprétation),
de conduire le mouvement en réduisant le coût de l'adaptation
(crise de l'institution), de gouverner en traitant les vrais problèmes
(crise du pouvoir). Elle agrège aussi les inquiétudes individuelles
nées des incertitudes du parcours de vie, des craintes provoquées
par les menaces extérieures réelles et supposées.
La reconnaissance d'une insécurité multiforme, insidieuse,
apporte au hasard des circonstances une forte charge émotionnelle
et négative à l'appréhension commune des situations
de modernité».
- Une culture de l'effroi : le terrorisme
«Un phénomène de communication
et un effet de la communication ; il utilise la violence comme un canal
par lequel se transmettent des messages, la surprise terrifiante comme
un moyen de forcer l'attention publique ; il se sert des média,
il en fait un amplificateur et une arme qu'il faut manier avec l'efficacité
d'une mitraillette - c'est son mode d'action de masse sur les esprits,
sa manière d'exister médiatiquement afin d'accéder
à l'existence politique par la dramatisation violente.» (...)
«Enfin, le système trouve
en ce temps des changements, des incertitudes, des crises, et en ce milieu
qui en est spécifique, l'espace urbanisé sans rivages d'aucune
sorte, des conditions particulièrement propices à son fonctionnement.»
Balandier, op. cit.