L'Organisation et la structure des Boryokudan

 

 

Introduction du chapitre

La famille Yakuza fonctionne selon des principes similaires à ceux de la famille traditionnelle japonaise. Elle compte de nombreux membres et enfants. Le père est à la tête de la famille, et tous ses enfants lui doivent obéissance et respect. En retour, le père leur prodigue sa protection. Chaque membre doit être prêt à se battre, et dans les cas extrêmes, à mourir pour sa famille. Le noyau central d'une famille regroupe entre 20 et 200 membres, et si l'on ajoute les membres de la famille élargie, le chiffre peut atteindre plusieurs milliers.

La notion de famille est très importante dans la société des Boryokudan. Nous verrons par la suite que cette organisation repose sur l'image de la relation «père»-«fils», aussi forte que celle d'une vraie famille unie par les liens du sang. Cette relation est la base, le ciment sans lequel l'organisation ne peut fonctionner. Elle conduit les Boryokudan à passer des accords et des alliances entre les différentes familles. La famille est une sorte de garantie pour la paix sociale entre les membres du Boryokudan, ainsi qu'une source de sécurité par rapport au monde extérieur.

 

 

Des organisations familiales complexes et ramifiées

Malgré une évolution certaine dans le monde de la pègre japonaise au cours des derniers siècles, la structure de base des syndicats du crimes est restée la même. Chaque groupe dispose de son territoire sur lequel il exerce ses activités, dans le respect des règles de famille (Ikka). Le noyau central du groupe peut être assimilé à une famille ou à une bande (Kumi). Comme dans une vraie famille, il y a un chef (Kumicho). Le chef est assisté d'un lieutenant (Wakagashira) et d'un sous-lieutenant (Wakagashira-hosa). En dessous de la «direction», il existe de nombreux personnages occupant des positions intermédiaires qui sont un peu les « fils » (Wahashu) du « père ». Néanmoins, cette structure est plus ou moins complexe et importante, en fonction du syndicat comme dans le cas du Yamaguchi-gumi.

Exemple d'une structure familiale simple de Yakuza

Le grand père

Enfant Enfant Enfant _ Père

Enfant Enfant

Structure du Yamaguchi-gumi.

Oyabun ou Kumicho

N°1

Yoshinori Watanabe : chef du clan , il réside à Kobe au quartier général du Yamaguchi-gumi. Son clan originel était le Yakamen-gumi de Kobe.

Saiko Komon

Kazuo Nakashini : premier conseiller, il est en charge de 15 gangs, soit 439 membres, basés à Osaka

Sokaiya-honbucho

Saizo Nishimoto : chef du quartier général à Kobe, en charge de 6 gangs, soit 108 membres. 

Wakagashira N°2

Masaru Takumi, lieutenant adjoint, contrôle 11 gangs à Osaka, 941 mbres

membres.

Fuku-honbucho

Tetsuo Nogami : assistant basé à Osaka, il contrôle 8 gangs avec 164 membres.

Komon

Plusieurs conseillers assistent également le Kumicho

Shingiin

Conseiller « juridique »

Kumicho-hisho

Secrétaire du Kumicho

Kaikei

Comptable

Watagashira-hosa

Lieutenant adjoint

Shateigashira N°3

Keisuke Masuda, en charge de 4 gangs (111 membre)

Shateigashira-honsa

Assistant du Shateigashira

Shatei

Les petits frères qui sont aussi des chefs de gangs (102).

Wakashu

Les « jeunes hommes » réunis en 750 clans soit environ 31 000.

Source: Yakuza Past and Present

Un système d'organisation complexe et ramifié

L'organisation traditionnelle d'un Boryokudan est pyramidale. Le pouvoir est relativement concentré au sommet de la pyramide, dont le chef suprême est connu sous le nom de Socho ou Kaicho. Néanmoins, avant d'être le chef du groupe, il est d'abord le père (Oyabun)41.La famille centrale est le Bunke. Chaque chef dirige un clan et un sous-chef, lui-même chargé de sa propre bande. Chaque clan dépend d'une bande supérieure, mais chacun conserve son identité avec son propre fonctionnement et son nom. Chacune de ses unités dispose d'un minimum de trois échelons, voire cinq dans les organisations les plus importantes comme le Yamaguchi-gumi. Si, jusque là, la structure de l'organisation est relativement simple, elle se complexifie avec diverses ramifications qui viennent compléter l'unité centrale. Le clan s'élargit, en effet, avec la participation verticale d'un autre groupe, ou d'une alliance avec une autre famille de même niveau. Ainsi, l'organisation se compose de dizaines de bandes, et dans certains cas, de plusieurs milliers. Chaque membre est sous les ordres d'un chef, lui-même dépendant d'un autre supérieur. Les bandes qui sont de même niveau hiérarchique peuvent passer des accords. En 1996, les chefs de l'Inagawa-kai, principal syndicat du Kanto, et les chefs du Yamaguchi-gumi du Kansai, ont passé une alliance sacralisée par un échange de coupes de saké.42 Dans le cas d'une organisation complexe avec participations d'autres familles, l'Oyabun subordonné est l'O-Oyabun. L'O-Oyabun regarde les subordonnés de ses Kobun comme ses petits enfants (Magobun), le chef du premier groupe est un peu considéré comme l'oncle (Ojinun) des enfants de l'autre famille et vice et versa. La direction générale des Boryokudan décide des actions à entreprendre, et les membres subalternes les exécutent. Les chefs suprêmes peuvent également intervenir en cas de conflits majeurs entre les différentes bandes. Pendant les vacances d'un chef, un intérimaire est désigné. Les termes familiaux, employés par les Yakuza, montrent combien la signification et l'intégrité des relations des membres de leurs "familles" sont réelles. Ces liens de parenté tiennent une place importante dans la vie associative des Boryokudan. Toutefois, et il est essentiel de le souligner, la position des membres dans la famille Yakuza ne dépend pas des liens du sang. Le fils n'est pas l'enfant légitime du père, et les autres membres des gangs n'ont pas forcément de liens de parenté. Le rang de chaque membre est fonction de sa bravoure et de son ancienneté au sein de chaque organisation. Il existe cependant des cas exceptionnels de Yakuza solitaires. Ces derniers n'appartiennent à aucune famille, et n'ont aucun compagnon. Dans un monde où le fonctionnement d'un syndicat repose essentiellement sur la force de son groupe, les chances de survie, pour ce Yakuza, sont très restreintes. Aucun Boryokudan n'accepte qu'un autre Yakuza opère sur son territoire, seul les plus vaillants résistent et parfois même constituent leur propre groupe.

 

 
 

La place de la femme dans la société Yakuza

Le monde de la pègre est à l'image des autres sociétés patriarcales. La femme y joue un rôle important, tout en restant dans l'ombre. Les seules femmes plus ou moins visibles du groupe sont celles des chefs. La femme de l'Oyabun est appelée Ane-san ou Anego-san (grande s_ur). Cette femme bénéficie de sa position d'épouse du chef suprême, pour recevoir les hommages qui lui sont dus. Malgré une grande discrétion, les femmes de Yakuza exercent une influence considérable sur leurs maris. Elles sont, selon la tradition, issues du même monde, celui des organisations de l'ombre. Les épouses restent rarement sans activité. Elles tiennent des bars, des clubs, des restaurants et autres lieux de distractions. Malgré ces occupations, la confiance des Yakusa dans leurs épouses reste limitée. Certains, préfèrent d'ailleurs que les femmes restent en dehors des affaires, car ils les jugent trop faibles. Les Yakuza pensent en effet que les femmes ne sont pas capables de se battre comme des hommes; or un membre doit être prêt à se battre jusqu'à la mort. Ils pensent, comme tous les hommes d'une société japonaise qui reste très machiste, que les femmes naissent pour donner des enfants, les élever et s'occuper de la maison. Par ailleurs, ils ne pensent pas que les femmes soient capables de garder le silence (sur leurs activités courantes, ou en cas d'arrestation). Malgré ces préjugés à leur encontre, Il existe, dans l'histoire de la pègre nippone, des exemples, où des épouses de Yakuza sont parvenues à jouer un rôle important. Ce fut le cas de Taoka Fumiko, la veuve de Kazuo Taoka, qui prit la succession de son mari en attendant la nomination de son successeur. Mais cet exemple reste une exception.

 

 
 

Les principales bandes43

Le Yamaguchi-gumi

Kazuo Taoka miroir du Yamaguchi-gumi

Kazuo Taoka est né en 1913 sur l'île de Shikoku. Orphelin très jeune, il fut envoyé à Kobe pour y travailler. A l'âge de 14 ans, il nouait ses premières relations avec les milieux interlopes locaux, et en particulier avec le Yamaguchi Noburu, à la tête d'un petit gang. Après un apprentissage de neuf années, Taoka avait une véritable réputation de bagarreur et devenait membre à part entière du groupe. En 1936, il était jeté en prison pour l'assassinat d'un membre appartenant à un gang ennemi. En 1943, Taoka était libéré et en 1946, suite au décès de Yamaguchi Noburu, il prenait la tête du groupe. Très habile dans la manière de manager les hommes, il retournait sur les docks de Kobe pour y constituer le Yamaguchi-gumi. Simultanément, il prenait une large part de marché de l'industrie du jeu et du racket professionnel. Kazuo Taoka a été l'Oyabun du Yamaguchi-gumi depuis le milieu des années 40 jusqu'à sa mort. Il a survécu à de nombreuses tentatives de meurtre, parmi lesquelles, celle organisée lors de la célèbre attaque de 1978, où l'un de ses opposants lui tira une balle dans le cou au cours d'une réception donnée dans sa propre maison.

Le Yamaguchi-gumi est le syndicat du crime le plus puissant du Japon. Son emblème est une broche en forme de losange, que les membres portent sur le revers de leurs costumes. Cet objet, et les tatouages, sont deux traits distinctifs qui leur permettent d'ouvrir un grand nombre de portes et d'obtenir ce qu'ils souhaitent. Malgré la puissance de la bande, et la reconnaissance dont elle jouit à l'extérieur, le Yamaguchi-gumi a eu quelques difficultés dans les années 80. A cette époque, Taoka décidait en effet d'étendre son territoire à l'île d'Hokkaido. A l'arrivée du clan à l'aéroport de Saporo, l'accueil était autre que celui envisagé. Des gangs locaux étaient présents, afin de repousser "l'envahisseur" au-delà des frontières. La bagarre entre les deux groupes fut telle, qu'elle nécessitât l'intervention de plus de 2000 hommes des forces de l'ordre, avant de parvenir à séparer leurs membres. En Juillet 1981, Taoka décédait d'une crise cardiaque, après avoir été, pendant trente cinq ans, à la tête du Yamaguchi-gumi . Les funérailles furent célébrées dans le plus grand respect de la tradition japonaise, réunissant près de 200 gangs, mais aussi de nombreuses personnalités du show business nippon (acteurs, musiciens, chanteurs), tout comme des officiers de police en tenue. Taoka fut responsable de l'introduction de la pègre dans le milieu professionnel sportif, également dans celui des divertissements comme l'industrie du film (très lucrative). Par la suite, la police procéda à de multiples raids dans tous les bureaux du Yamaguchi-gumi de l'archipel. Elle devait arrêter près de 900 hommes, et saisir de nombreux produits de contrebande, tels que des armes à feu, de la drogue, des épées. Le successeur de Taoka aurait du être son second. Or Yakamen fut emprisonné jusqu'à la fin de l'année 1982. Ce fut donc sa femme, Taoka Fumiko, appelée aussi «Ane-san», qui organisa l'intérim pendant cette année là. Yakamen n'eut néanmoins pas le loisir de servir le Yamaguchi-gumi en tant que chef, car il décéda d'une cirrhose du foie. La structure du Yamaguchi-gumi en fut alors profondément ébranlée.

Le fonctionnement et l'évolution des activités du gang

Du vivant de Taoka, le Yamaguchi-gumi contrôlait près de 2500 sources de revenus. Il exploitait l'industrie des jeux, et particulièrement le Pachinko, pratiquait l'usure et investissait de manière massive dans les divertissements sportifs. Le fonctionnement du Yamaguchi-gumi n'a pas changé depuis 300 ans. Le fondement du groupe est la relation Oyabun-Kobun, avec le contrôle quotidien du syndicat. Son chiffre d'affaire annuel est d'environ 460 millions de dollars. Ses méthodes de management sont dignes des plus grandes entreprises et sont particulièrement enviées par les autres mafias du monde. Le Yamaguchi-gumi regroupe près de 103 parrains de différents niveaux, qui contrôlent 500 gangs. Chacun de ces grands patrons gagne au minimum 130 000 dollars par an. Le chef de gang perçoit aux alentours de 43 000 dollars par mois, soit près de 360 000 dollars par an, après avoir déduit chaque mois 13 000 dollars pour les dépenses de divertissement et de bureaux. Le montant de la somme gagnée par un chef dépend du nombre d'hommes qu'il a sous ses ordres. Le Yamaguchi-gumi a commencé à investir dans le trafic des narcotiques et surtout dans celui des amphétamines. Le groupe s'intéresse à tout ce qui peut être générateur de profit comme le sont l'usure, la fraude, la pornographie (la pornographie hard au Japon est interdite), les vêtements pour les matches de base-ball, les courses de chevaux et les enchères sur les biens publics (domaine de prédilection des Yakuza). Les agences immobilières, les écoles de langues (spécialisées surtout en anglais) sont également des secteurs fortement investis. Pendant le court « règne » de Taoka Fumiko (épouse de Yakamen, cf. supra), le nombre de membres du groupe est passé de 587 en1982, à 13346 membres en 1983 . En outre, le contrôle du Yamaguchi-gumi s'est étendu de 36, à 47 préfectures, au Japon.

En 1983, Fumiko était écartée du pouvoir et Mashisa Takenaka prenait le contrôle du Boryokudan. Son style militant l'emportait sur son opposant Hiroshi Yamamoto. Ce dernier, par accès de rage, décidait de se venger, en faisant exécuter Takenaka en 1985. Auparavant, il avait pris le contrôle de 13000 membres du groupe, et créé l'Ichawa-kai, devenu par la suite l'un des plus puissants syndicats du crime. L'assassinat de Takenaka fut à l'origine d'une véritable guerre des gangs. Kazuo Nakashini, devenu le nouvel Oyabun du Yamaguchi-gumi, décida en effet de se venger, et déclara la guerre à l'Ichawa-kai. L'intervention de la police devint nécessaire. Elle procéda à l'arrestation de 1000 Yakuza pendant les affrontements et confisqua de nombreuses armes. Affaibli, et en désespoir de cause, le Yamaguchi-gumi se tourna alors vers les gangs américains pour trouver les moyens nécessaires à sa guerre. Il les obtint (lance-roquettes, machines-outils pour fabriquer des armes), contre paiements sous forme de narcotiques. Néanmoins, les organisateurs de la contre-offensive furent arrêtés, et le Yamaguchi-gumi se trouva, de nouveau, dans le désarroi le plus complet.

Fiche signalétique du Yamaguchi-gumi aujourd'hui

- Le groupe est basé à Kobe

-  Il descend des Tekya

- Ascension du groupe sous l'égide de Kazuo Taoka

- 92 Oyabun.

- 18 600 membres soit 40% du nombre total de Yakuza.

- Implantation géographique très étendue, 80% des préfectures du Japon sont couvertes par le groupe

- Groupe très hiérarchisé avec environ 110 bandes.

- Chef actuel Yoshio Watanabe


L'Inagawa-kai

Inagawa Kakuji "l'homme-miroir" de l'Inagawa-kai

Le malfrat Inagawa Kakuji fit ses premiers pas dans la criminalité organisée pendant la seconde guerre mondiale. Il créa un petit syndicat du crime à Yokohama, dans le but d'intimider et de harceler les Coréens et les chinois qui contrôlaient alors le marché noir. Pendant ces années, le gang gagna en importance et en puissance au sein de la pègre japonaise. Le groupe pratiquait diverses activités allant de l'intimidation, du contrôle des bandes au chantage. Le gang s'appelait alors le Kakusei-kai.

En 1960, l'influence du syndicat s'étendit au nord de Tokyo et à l'île de Hokkaido. Les sources principales de revenus se répartissaient entre les jeux, le casino et le racket. Le groupe était traqué par la police, mais dès 1963, Inagawa fit appel aux politiciens pour trouver une légitimité. La même année il changea le nom de son groupe pour celui de Kinsai-kai. Il demandait en outre aux autorités d'obtenir un statut politique. La police ferma les yeux sur les affaires de Inagawa, car il était devenu un combattant acharné du communisme. Il conclut ainsi de nombreuses alliances avec les autres Yakuza, afin de former une unité forte et capable d'affronter ce qui était perçu, à l'époque, comme un fléau. A la fin des années 60, Inagawa était incarcéré, et le projet d'union fut remis à plus tard. A sa sortie de prison, constatant que son groupe s'était effrité, il conclut un pacte avec Kodama, le parrain du Yamaguchi-gumi. Cette alliance aboutissait à la formation du syndicat du crime le plus puissant du Japon.

Dans les année 70, la branche d'Inagawa (l'Inagawa-kai) étendit ses activités à la drogue, à l'usure et toutes les autres formes de vices rémunératrices. Le montant annuel des bénéfices était évalué à 200 millions de dollars. En 1979, la police estimait que 879 sociétés légales (restaurants, entreprises de construction...) servaient de couverture au gang. Le syndicat, quant à lui, était composé de 119 bandes placées sous l'égide de 12 grands patrons. Inagawa supervisait les opérations de son groupe depuis le centre de Tokyo où il résidait. Il entretenait de bonnes relations avec la police locale et les hommes clés du monde des affaires. Parallèlement à ces activités, Inagawa sponsorisait, trois à quatre fois par mois, des tournois de golf. En 1984 un film était produit sur lui, qui était l'équivalent du «Parrain». Inagawa pensait, à cette période, que son organisation allait devenir la plus grande que le Japon avait jamais connue.

La fiche signalétique de l'Inagawa-kai aujourd'hui

- L'Inagawa-kai est basé à Tokyo

- Il est présent dans 20 préfectures du Japon

- Organisation centralisée

- Organisation très hiérarchisée

- 6700 membres

- 313 clans

- Le chef : Kakuji Inagawa âgé de plus de 80 ans et son fils Chihiro le futur successeur.

- Particularité de l'Inagawa-kai : les 20% de Coréens parmi ses membres.

Le Sumiyoshi-gumi

Le Sumyoshi-gumi est une organisation beaucoup plus souple que celle du Yamaguchi-gumi.

Implantation à Tokyo et dans l'est du pays.

L'organisation descend des Bakuto

Spécialité d'origine: les jeux clandestins

Les activités traditionnelles :

La pornographie

La prostitution

Le trafic d'amphétamines

Et autres activités traditionnelles des Yakuza

Possède une entreprise légale d'événements sportifs et artistiques.

L'organisation regroupe environ 6700 membres

Organisation structurée en 117 clans

Le chef actuel Masao Hori

 

 
 
 

Les rites d'appartenance et de rupture

Les rites tiennent un place importante dans la société japonaise. Les Boryokudan instaurent leurs propres pratiques et rituels. Afin de mieux comprendre ces rites, il faut se pencher sur la relation Oyabun-Kobun.

La relation Oyabun-Kobun44

L'Organisation des Boryokudan fonctionne comme une microsociété dont le fondement est la relation Oyabun-kobun.

Cette relation, mal identifiée par les spécialistes, serait celle que peut avoir un père et son fils, un patron avec son employé, un artisan et son apprenti...Les termes employés par la mafia nippone, poussent à penser que cette relation s'apparenterait davantage à celle d'un père avec son fils. Le système est un héritage de la féodalité japonaise. Il est au c_ur de la tradition Yakuza, sans lequel cette dernière ne pourrait vivre. Comme dans une famille traditionnelle, les rapports d'autorités sont inhérents au bon déroulement de la vie sociale des Yakuza. Pour le journaliste Philippe Pons, la relation est assimilée à un « mécanisme régulateur des relations sociales ». Cette relation existait déjà au moment où sont apparus les premiers syndicats du crime. La relation Oyabun-Kobun repose sur un code d'honneur et éthique, qui peut parfois se révéler contraignant. Le fondement de cette relation est la loyauté que se donnent mutuellement le père et le fils. Le Kobun doit obéissance à l'Oyabun qui le protège en retour. Outre son rôle de père, l'Oyabun joue un rôle de médiateur dans les conflits entre les bandes, et il se charge également des relations avec l'extérieur.

L'Intronisation

L'introduction d'un membre au sein d'un Boryokudan est un moment mémorable dans la vie d'un Yakuza, un peu comme l'est le mariage, pour les chrétiens. L'intronisation se déroule au cours d'une cérémonie silencieuse, préparée avec les plus grands soins, et pendant laquelle l'Oyabun et le Kobun échangent une coupe de saké. La cérémonie n'est pas célébrée de la même manière par tous les syndicats du crime nippon, mais certaines grandes règles sont respectées.

Lieu et date de la cérémonie

La cérémonie est habituellement célébrée à une date décidée en fonction du calendrier lunaire. Elle se déroule dans une pièce japonaise traditionnelle. A l'intérieur, se trouvent un autel shintoïste devant lequel a lieu l'intronisation, ainsi qu'une table basse placée au centre de la pièce, devant une sorte alcôve qui sert de dépôt aux objets précieux offerts pour l'occasion.

La table

Sur la table sont disposés une multitude d'offrandes et une feuille de forme triangulaire sur laquelle sont posés :

deux flacons de saké,

deux coupes,

deux petits ramequins contenant du sel (en forme de cône),

deux poissons, posés de manière à ce que leurs dorsales supérieures soient en contact

une paire de baguette

Les participants

L'Oyabun et le futur Kobun sont respectivement assis à gauche et à droite de la table.

L'homme qui joue l'intermédiaire (Haorihakama) entre les deux parties, est assis au milieu.

Les invités, vêtus de kimono de cérémonie sont assis sur les talons en ligne de chaque côté de la pièce.

La femme de l'Oyabun est assise en retrait des autres invités.

Le déroulement de la cérémonie.

Les rites de la cérémonie

L'intermédiaire commence la cérémonie en disposant les baguettes et les poissons l'un contre l'autre. Par la suite, il prend un flacon de saké qu'il verse en trois fois45 dans la première coupe. Il répète l'opération avec le deuxième flacon. L'avant-dernière étape consiste à rajouter une pincée de sel au saké. La quatrième étape est le plongeon (trois fois) de la tête des deux poissons dans les coupes. Cette mixture achevée est, dans la tradition Yakuza, sensée représenter le sang.

Une fois les préparations achevées par l'Haorihakama, l'Oyabun et le Kobun procèdent à l'échange des coupes de saké.

Le discours

Lors du discours d'intronisation, le code d'honneur est lu à l'aspirant Kobun, lui rappelant certains grands principes, comme l'allégeance à son supérieur, l'obéissance aux ordres...

La clôture de la cérémonie

La cérémonie s'achève officiellement par une acclamation (« Omedeto gozaimasu »), poussée en ch_ur par les participants pour féliciter l'impétrant. Le geste rompt avec le silence observé jusqu'alors. Le nouveau Kobun change également de nom (inscrit sur une petite tablette en bois disposée au siège du groupe). Il devra se montrer à la hauteur des espérances de l'Oyabun. En cas de non-respect des règles ou de faute grave, il se verra sévèrement puni - une réprimande qui donne également lieu à une cérémonie.

Le Code d'honneur des Yakuza

Le Code d'honneur de la pègre nippone est très important, au même titre que les autres rites et coutumes de l'organisation. Le code d'honneur, « Ninkyodo » se traduit par « La voie chevaleresque » en français. La signification n'est pas innocente. Elle légitime les prétentions des Yakuza à jouer un rôle social, en inscrivant leurs actes dans le " Bushido", le code des anciens samouraïs. L'objectif premier de ce code est, selon les Yakuza, de défendre les délaissés de la société.

Les principales règles en sont les suivantes :

1. Tu n'offenseras pas les bons citoyens.

2. Tu ne prendras pas la femme du voisin

3. Tu ne voleras pas l'organisation

4. Tu ne te drogueras pas

5. Tu devras obéissance à ton supérieur

6. Tu accepteras de mourir pour le père ou de faire de la prison pour lui

7. Tu ne devras parler du groupe à quiconque

8. En prison tu ne diras rien

9. Il n'est pas permis de tuer un Katagari46.

Les origines du code d'honneur des Yakuza remontent aux Samouraï.

Entre les XIIe et XIV e siècles, les Samouraï établissent et appliquent un code très strict, connu sous le nom de Bushido « La voie du guerrier ». Ce code est inspiré en majeure partie de leurs croyances bouddhistes zen. Cette pratique apprend essentiellement l'autodiscipline. Dans le cas des samouraï, cela se traduit par l'obligation, pour chaque guerrier, de développer des aptitudes martiales, de vivre le plus simplement possible (ignorer le confort), et de faire preuve d'une loyauté extrême envers ses compagnons. Comme pour les Yakuza, chaque guerrier doit être prêt à donner sa vie pour l'Empereur, son Dairnio47, ou pour sauver son honneur. Les guerriers vivant à l'époque dans un contexte d'insécurité permanente, ils doivent être prêts à commettre Sepuku (Hara-kiri), plutôt que de se rendre à un ennemi. Dans le code du Bushido, on peut trouver une règle des plus surprenantes, puisque le futur Samouraï est éduqué dans l'« objectif de vivre en préparant sa mort ». Le moine-Samouraï Jocho Yamamoto (1659-1719) disait alors que «la mort est le but du guerrier».

La cérémonie de rupture et de demande de pardon

La rupture

Si l'Oyabun n'est pas satisfait de son Kobun, il peut décider de s'en séparer ou lui demander de laver sa faute s'il en a commis une. Dans le cas d'une simple rupture, le «licenciement» se passe de façon très simple, lors d'une cérémonie durant laquelle le Kobun rend la coupe de saké (parfois remplie d'eau) à son Oyabun.

La pratique du Yubitsume

La pratique de l'auto-ablation du petit doigt ou de l'annulaire (le Yubitsume ou Otoshimae) est utilisée par les Yakuza pour "présenter des excuses" à leur Oyabun. Il s'agit d'un acte qui a pour objet de laver une erreur ou le manquement à devoir. Il arrive aussi que le Yubitsume soit employé par des Yakuza afin de sauver la vie de l'un de leurs enfants. Le Yakuza fautif coupe lui-même son auriculaire : soit en présence de l'offensé, à qui il remet alors l'auriculaire dans un petit linge blanc, soit seul, à son domicile, et il l'envoie alors à l'Oyabun. La faute lavée, si le Yakuza commet une nouvelle erreur, il répète l'opération avec l'annulaire et ainsi de suite. Il est donc possible de voir des membres de la pègre nippone amputés de plusieurs doigts. Cette pratique remonte aux Bakuto. Un joueur professionnel qui ne pouvait s'acquitter d'une dette, pratiquait l'auto-ablation de l'auriculaire. Le malfrat ainsi devenu vulnérable, ne pouvait plus exercer aussi habilement ses activités, ni se défendre. En outre, le jeu étant interdit, il était facile pour les autorités de repérer les joueurs.

Aujourd'hui, la pratique du Yubitsume a évolué. Depuis les années 80, et surtout depuis la loi antigang de 1992, le nombre de ces actes tend à diminuer. En outre, de plus en plus de Yakuza ont recours à la chirurgie plastique pour se faire greffer des doigts artificiels. La décision s'explique par leur volonté d'être plus discret, notamment lors de déplacements à l'étranger, où les douanes sont vigilantes. Certains Yakuza «repentis» ont également recours à cette chirurgie afin de recommencer une nouvelle vie et d'éviter que le passé soit un trop lourd fardeau ou un obstacle à leur future carrière dans le monde légal.48

La pratique du tatouage

Les tatouages représentent une partie importante des coutumes Yakuza. Les membres de la pègre font, en effet, tatouer pratiquement l'intégralité de leur corps. La longueur de l'intervention, qui s'élève en moyenne à une centaine d'heures, prouve la capacité des Yakuza à supporter la souffrance. L'origine de cette pratique remonte également aux Bakuto. Ceux-ci avaient pour habitude de tatouer un cercle noir autour de leur bras à la suite de chaque crime commis. Cette coutume marque en outre la volonté des malfrats de se distinguer du reste de la population nippone, et d'occuper une place à part dans la société.

 

 
 

L'Organisation financière et le système de rémunération.

L'Organisation et l'administration financières des Yakuza fonctionnent selon le même principe que celles de la « famille » : c'est un système complexe. Deux stratégies de financement, remplissant des objectifs différents, sont utilisées.

Le système du "tribut de base" (Sonokin)

Le premier de ces mouvements financiers concerne les subordonnés du groupe qui, chaque mois, s'acquittent d'un tribut (Sonokin) auprès du supérieur hiérarchique direct. Le revenu part de la base de la pyramide pour cheminer graduellement jusqu'à son sommet. A chaque échelon, la somme d'argent est gonflée par les apports du Yakuza subalterne. Au début des année 90, le revenu global d'un groupe était d'environ un million de yens. Néanmoins, il existe des disparités de revenus en fonction de l'Organisation. En général, plus le groupe est important en terme d'adhérents et de puissance, plus le chiffre d'affaire total est important. On estime, le montant total des tributs du Yamaguchi-gumi à plus de 1700 milliards de yens. Le Boryokudan s'articule alors en 116 grosses bandes. Les 13 clans du Kansai auraient accumulé près de 350 millions de yens, les 20 clans du Chubu et de Hokuriku 240 millions, les dix bandes du Kanto et d'Hokkaido, 356 millions, le reste provenant des autres membres des bandes affiliées.

Cette stratégie de financement est destinée à la rémunération directe des syndicats. Le principe d'acheminement de l'argent de la base vers le sommet a été conçu dans une optique de sécurité et de protection des chefs intermédiaires des Boryokudan. Ce système de rémunération leur permet en effet de ne pas trop s'impliquer dans le monde des affaires illégales.

La provision des dépenses "exceptionnelles"

Le deuxième mode de financement a été élaboré afin de couvrir les frais et dépenses exceptionnelles. Il s'agit ici de collectes qui suivent le même chemin que le tribut, c'est à dire qu'elles sont drainées à partir de la base pour arriver à la direction de chaque syndicat. Ces contributions couvrent les frais d'enterrement, de mariage, les fêtes lors de la libération de prison de l'un des membres ou de la nomination d'un nouveau chef. Jusqu'en 1992, les Boryokudan étant considérés comme de simples associations, ces versements d'argent se faisaient de manière presque totalement transparente. Selon la police nationale nippone, les estimations portant sur les revenus liés à ces opérations sont bien en dessous de la réalité.

Répartition des sources de revenus (dans les années 80)

- 38.4% du revenu global proviennent du trafic d'amphétamines

- 20% d'activités légales (bars, clubs, restaurants...)

- 16.7% des jeux clandestins et des paris (Nomikoi) sur les courses

- 11% des « fournitures de fonctionnement »

- 10% du crime économique : (chantage, racket...)

Ces revenus cachent d'autres réalités, sous la forme de rémunérations originales. Il s'agit de sommes versées aux Yakuza, sous des libellés originaux du type : "location de plantes vertes", de "décorations de Noël", à des prix exorbitants. Elles dissimulent en fait des prestations pour des activités de "protection".

Des cotisations élevées que certains gangsters ne peuvent plus payer

Chaque mois, un Yakuza doit s'acquitter d'une redevance qu'il verse à son supérieur hiérarchique. Ces frais d'adhésion ou «d'appartenance» à un syndicat sont parfois considérables. Ils ont augmenté au cours des années et certains patrons n'hésitent pas à majorer leurs « primes » de 270 à 450 dollars. Les Yakuza qui ne sont plus à même de payer leurs cotisations, préfèrent quitter le gang. Cette situation est particulièrement complexe, car si entrer dans un gang est difficile, en sortir est également une entreprise périlleuse. Les membres rencontrent souvent des difficultés économiques et ne parviennent plus à financer leurs propres besoins (famille, école pour les enfants...). Leur commerce est en perte de vitesse ou risque la faillite. Par le passé, certains individus en difficulté ont tenté de trouver des arrangements à l'amiable pour démissionner, mais en vain. Aujourd'hui, les Yakuza dans ce cas, se tournent vers la police afin qu'elle les aide à dénouer les liens avec leur monde d'origine. Au cours du premier semestre de 1999, la police à publié 297 décrets (contre 255 l'année précédente) ayant tous pour objectif de stopper les Yakuza qui voulaient forcer des jeunes à adhérer à leur groupe ou les empêcher de «démissionner»49.

 

 
 

Conclusion du chapitre

La cohésion des groupes criminels japonais est assurée par un système de rites et de coutumes - autant de pratiques jugées indispensables à leur pérennité. La « famille » est le coeur de l'organisation, et les liens qu'elle tisse sont supérieurs aux liens biologiques. Outre la structure fonctionnelle pyramidale des gangs, l'organisation financière elle-même est régentée selon des principes très stricts.


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41  En réalité il n'y a pas de traduction exacte pour le terme Oyabun, mais d'après les divers traductions données par les spécialistes (patrons, chef...), le terme de « père » est sans doute celle qui se rapproche le plus du rôle de l'Oyabun dans la pègre nippone.

42 Ito Hirotoshi, « Yakuza Entrepreneurs Active Behind the Scenes », http://www.members.tripod.com . Nous décrivons un peu plus loin les rites pratiqués par les yakuza.

43 Tous les noms des syndicats du crime japonais portent un suffixe, il peut s'agir de gumi (gang, compagnie), de kai (association, société) et rengo ( fédération, coalition), dans : Thierry Cretin, Mafias du monde : Organisations criminelles transnationales, Actualité et perpectives, 2ième édition revue et augmentée PUF, Paris, septembre 1998.

44 Il faut noter la traduction française des particules des mots japonais Oyabun et Kobun : Oya (parent), Ko (enfant), Bun (statut).

45 Le versement en trois fois est un rituel observé au cours des mariages shintoïstes.

46 Dans le langage « Yakuza », le terme Katagari désigne toutes les personnes qui ne sont pas des membres de la pègre. La police constate que la règle est peu appliquée, étant donnée la multiplication des meurtres « accidentels » perpétués contre les citoyens ces dernières années.

47 Le Dairnio (daymio) au temps des Samouraï était le « seigneur Féodal ».

48http://www.ft.com , "Yakuza given a helping hand by «Mr finger»: only one person dares give the finger to Tokyo's gangsters", The japanese mafia's favourite Yorkshireman.

49 Agence France Presse «Yakuza, Gansters flee high membership fees», Financial Times, 23.09.1999.