L'Organisation et la structure des
Boryokudan
Introduction du chapitre
La famille Yakuza fonctionne
selon des principes similaires à ceux de la famille traditionnelle
japonaise. Elle compte de nombreux membres et enfants. Le père est
à la tête de la famille, et tous ses enfants lui doivent obéissance
et respect. En retour, le père leur prodigue sa protection. Chaque
membre doit être prêt à se battre, et dans les cas extrêmes,
à mourir pour sa famille. Le noyau central d'une famille regroupe
entre 20 et 200 membres, et si l'on ajoute les membres de la famille élargie,
le chiffre peut atteindre plusieurs milliers.
La notion de famille est très
importante dans la société des Boryokudan. Nous verrons par
la suite que cette organisation repose sur l'image de la relation «père»-«fils»,
aussi forte que celle d'une vraie famille unie par les liens du sang. Cette
relation est la base, le ciment sans lequel l'organisation ne peut fonctionner.
Elle conduit les Boryokudan à passer des accords et des alliances
entre les différentes familles. La famille est une sorte de garantie
pour la paix sociale entre les membres du Boryokudan, ainsi qu'une source
de sécurité par rapport au monde extérieur.
Des organisations familiales complexes et ramifiées
Malgré une évolution
certaine dans le monde de la pègre japonaise au cours des derniers
siècles, la structure de base des syndicats du crimes est restée
la même. Chaque groupe dispose de son territoire sur lequel il exerce
ses activités, dans le respect des règles de famille (Ikka).
Le noyau central du groupe peut être assimilé à une
famille ou à une bande (Kumi). Comme dans une vraie famille, il
y a un chef (Kumicho). Le chef est assisté d'un lieutenant (Wakagashira)
et d'un sous-lieutenant (Wakagashira-hosa). En dessous de la «direction»,
il existe de nombreux personnages occupant des positions intermédiaires
qui sont un peu les « fils » (Wahashu) du « père
». Néanmoins, cette structure est plus ou moins complexe et
importante, en fonction du syndicat comme dans le cas du Yamaguchi-gumi.
Exemple d'une structure familiale
simple de Yakuza
Le grand père
Enfant Enfant Enfant _ Père
Enfant Enfant
Structure du Yamaguchi-gumi.
Oyabun ou Kumicho
N°1
|
Yoshinori Watanabe : chef du
clan , il réside à Kobe au quartier général
du Yamaguchi-gumi. Son clan originel était le Yakamen-gumi de Kobe.
|
Saiko Komon
|
Kazuo Nakashini : premier conseiller,
il est en charge de 15 gangs, soit 439 membres, basés à Osaka
|
Sokaiya-honbucho
|
Saizo Nishimoto : chef du quartier
général à Kobe, en charge de 6 gangs, soit 108 membres.
|
Wakagashira N°2
|
Masaru Takumi, lieutenant adjoint,
contrôle 11 gangs à Osaka, 941 mbres
membres.
|
Fuku-honbucho
|
Tetsuo Nogami : assistant basé
à Osaka, il contrôle 8 gangs avec 164 membres.
|
Komon
|
Plusieurs conseillers assistent
également le Kumicho
|
Shingiin
|
Conseiller « juridique
»
|
Kumicho-hisho
|
Secrétaire du Kumicho
|
Kaikei
|
Comptable
|
Watagashira-hosa
|
Lieutenant adjoint
|
Shateigashira N°3
|
Keisuke Masuda, en charge de
4 gangs (111 membre)
|
Shateigashira-honsa
|
Assistant du Shateigashira
|
Shatei
|
Les petits frères qui
sont aussi des chefs de gangs (102).
|
Wakashu
|
Les « jeunes hommes »
réunis en 750 clans soit environ 31 000.
|
Source: Yakuza Past and Present
Un système d'organisation
complexe et ramifié
L'organisation traditionnelle
d'un Boryokudan est pyramidale. Le pouvoir est relativement concentré
au sommet de la pyramide, dont le chef suprême est connu sous le
nom de Socho ou Kaicho. Néanmoins, avant d'être le chef du
groupe, il est d'abord le père (Oyabun)41.La
famille centrale est le Bunke. Chaque chef dirige un clan et un sous-chef,
lui-même chargé de sa propre bande. Chaque clan dépend
d'une bande supérieure, mais chacun conserve son identité
avec son propre fonctionnement et son nom. Chacune de ses unités
dispose d'un minimum de trois échelons, voire cinq dans les organisations
les plus importantes comme le Yamaguchi-gumi. Si, jusque là, la
structure de l'organisation est relativement simple, elle se complexifie
avec diverses ramifications qui viennent compléter l'unité
centrale. Le clan s'élargit, en effet, avec la participation verticale
d'un autre groupe, ou d'une alliance avec une autre famille de même
niveau. Ainsi, l'organisation se compose de dizaines de bandes, et dans
certains cas, de plusieurs milliers. Chaque membre est sous les ordres
d'un chef, lui-même dépendant d'un autre supérieur.
Les bandes qui sont de même niveau hiérarchique peuvent passer
des accords. En 1996, les chefs de l'Inagawa-kai, principal syndicat du
Kanto, et les chefs du Yamaguchi-gumi du Kansai, ont passé une alliance
sacralisée par un échange de coupes de saké.42
Dans le cas d'une organisation complexe avec participations d'autres familles,
l'Oyabun subordonné est l'O-Oyabun. L'O-Oyabun regarde les subordonnés
de ses Kobun comme ses petits enfants (Magobun), le chef du premier groupe
est un peu considéré comme l'oncle (Ojinun) des enfants de
l'autre famille et vice et versa. La direction générale des
Boryokudan décide des actions à entreprendre, et les membres
subalternes les exécutent. Les chefs suprêmes peuvent également
intervenir en cas de conflits majeurs entre les différentes bandes.
Pendant les vacances d'un chef, un intérimaire est désigné.
Les termes familiaux, employés par les Yakuza, montrent combien
la signification et l'intégrité des relations des membres
de leurs "familles" sont réelles. Ces liens de parenté tiennent
une place importante dans la vie associative des Boryokudan. Toutefois,
et il est essentiel de le souligner, la position des membres dans la famille
Yakuza ne dépend pas des liens du sang. Le fils n'est pas l'enfant
légitime du père, et les autres membres des gangs n'ont pas
forcément de liens de parenté. Le rang de chaque membre est
fonction de sa bravoure et de son ancienneté au sein de chaque organisation.
Il existe cependant des cas exceptionnels de Yakuza solitaires. Ces derniers
n'appartiennent à aucune famille, et n'ont aucun compagnon. Dans
un monde où le fonctionnement d'un syndicat repose essentiellement
sur la force de son groupe, les chances de survie, pour ce Yakuza, sont
très restreintes. Aucun Boryokudan n'accepte qu'un autre Yakuza
opère sur son territoire, seul les plus vaillants résistent
et parfois même constituent leur propre groupe.
La place de la femme dans la société
Yakuza
Le monde de la pègre
est à l'image des autres sociétés patriarcales. La
femme y joue un rôle important, tout en restant dans l'ombre. Les
seules femmes plus ou moins visibles du groupe sont celles des chefs. La
femme de l'Oyabun est appelée Ane-san ou Anego-san (grande s_ur).
Cette femme bénéficie de sa position d'épouse du chef
suprême, pour recevoir les hommages qui lui sont dus. Malgré
une grande discrétion, les femmes de Yakuza exercent une influence
considérable sur leurs maris. Elles sont, selon la tradition, issues
du même monde, celui des organisations de l'ombre. Les épouses
restent rarement sans activité. Elles tiennent des bars, des clubs,
des restaurants et autres lieux de distractions. Malgré ces occupations,
la confiance des Yakusa dans leurs épouses reste limitée.
Certains, préfèrent d'ailleurs que les femmes restent en
dehors des affaires, car ils les jugent trop faibles. Les Yakuza pensent
en effet que les femmes ne sont pas capables de se battre comme des hommes;
or un membre doit être prêt à se battre jusqu'à
la mort. Ils pensent, comme tous les hommes d'une société
japonaise qui reste très machiste, que les femmes naissent pour
donner des enfants, les élever et s'occuper de la maison. Par ailleurs,
ils ne pensent pas que les femmes soient capables de garder le silence
(sur leurs activités courantes, ou en cas d'arrestation). Malgré
ces préjugés à leur encontre, Il existe, dans l'histoire
de la pègre nippone, des exemples, où des épouses
de Yakuza sont parvenues à jouer un rôle important. Ce fut
le cas de Taoka Fumiko, la veuve de Kazuo Taoka, qui prit la succession
de son mari en attendant la nomination de son successeur. Mais cet exemple
reste une exception.
Les principales bandes43
Le Yamaguchi-gumi
Kazuo Taoka miroir du Yamaguchi-gumi
Kazuo Taoka est né en
1913 sur l'île de Shikoku. Orphelin très jeune, il fut envoyé
à Kobe pour y travailler. A l'âge de 14 ans, il nouait ses
premières relations avec les milieux interlopes locaux, et en particulier
avec le Yamaguchi Noburu, à la tête d'un petit gang. Après
un apprentissage de neuf années, Taoka avait une véritable
réputation de bagarreur et devenait membre à part entière
du groupe. En 1936, il était jeté en prison pour l'assassinat
d'un membre appartenant à un gang ennemi. En 1943, Taoka était
libéré et en 1946, suite au décès de Yamaguchi
Noburu, il prenait la tête du groupe. Très habile dans la
manière de manager les hommes, il retournait sur les docks de Kobe
pour y constituer le Yamaguchi-gumi. Simultanément, il prenait une
large part de marché de l'industrie du jeu et du racket professionnel.
Kazuo Taoka a été l'Oyabun du Yamaguchi-gumi depuis le milieu
des années 40 jusqu'à sa mort. Il a survécu à
de nombreuses tentatives de meurtre, parmi lesquelles, celle organisée
lors de la célèbre attaque de 1978, où l'un de ses
opposants lui tira une balle dans le cou au cours d'une réception
donnée dans sa propre maison.
Le Yamaguchi-gumi est le syndicat
du crime le plus puissant du Japon. Son emblème est une broche en
forme de losange, que les membres portent sur le revers de leurs costumes.
Cet objet, et les tatouages, sont deux traits distinctifs qui leur permettent
d'ouvrir un grand nombre de portes et d'obtenir ce qu'ils souhaitent. Malgré
la puissance de la bande, et la reconnaissance dont elle jouit à
l'extérieur, le Yamaguchi-gumi a eu quelques difficultés
dans les années 80. A cette époque, Taoka décidait
en effet d'étendre son territoire à l'île d'Hokkaido.
A l'arrivée du clan à l'aéroport de Saporo, l'accueil
était autre que celui envisagé. Des gangs locaux étaient
présents, afin de repousser "l'envahisseur" au-delà des frontières.
La bagarre entre les deux groupes fut telle, qu'elle nécessitât
l'intervention de plus de 2000 hommes des forces de l'ordre, avant de parvenir
à séparer leurs membres. En Juillet 1981, Taoka décédait
d'une crise cardiaque, après avoir été, pendant trente
cinq ans, à la tête du Yamaguchi-gumi . Les funérailles
furent célébrées dans le plus grand respect de la
tradition japonaise, réunissant près de 200 gangs, mais aussi
de nombreuses personnalités du show business nippon (acteurs, musiciens,
chanteurs), tout comme des officiers de police en tenue. Taoka fut responsable
de l'introduction de la pègre dans le milieu professionnel sportif,
également dans celui des divertissements comme l'industrie du film
(très lucrative). Par la suite, la police procéda à
de multiples raids dans tous les bureaux du Yamaguchi-gumi de l'archipel.
Elle devait arrêter près de 900 hommes, et saisir de nombreux
produits de contrebande, tels que des armes à feu, de la drogue,
des épées. Le successeur de Taoka aurait du être son
second. Or Yakamen fut emprisonné jusqu'à la fin de l'année
1982. Ce fut donc sa femme, Taoka Fumiko, appelée aussi «Ane-san»,
qui organisa l'intérim pendant cette année là. Yakamen
n'eut néanmoins pas le loisir de servir le Yamaguchi-gumi en tant
que chef, car il décéda d'une cirrhose du foie. La structure
du Yamaguchi-gumi en fut alors profondément ébranlée.
Le fonctionnement et l'évolution
des activités du gang
Du vivant de Taoka, le Yamaguchi-gumi
contrôlait près de 2500 sources de revenus. Il exploitait
l'industrie des jeux, et particulièrement le Pachinko, pratiquait
l'usure et investissait de manière massive dans les divertissements
sportifs. Le fonctionnement du Yamaguchi-gumi n'a pas changé depuis
300 ans. Le fondement du groupe est la relation Oyabun-Kobun, avec le contrôle
quotidien du syndicat. Son chiffre d'affaire annuel est d'environ 460 millions
de dollars. Ses méthodes de management sont dignes des plus grandes
entreprises et sont particulièrement enviées par les autres
mafias du monde. Le Yamaguchi-gumi regroupe près de 103 parrains
de différents niveaux, qui contrôlent 500 gangs. Chacun de
ces grands patrons gagne au minimum 130 000 dollars par an. Le chef de
gang perçoit aux alentours de 43 000 dollars par mois, soit près
de 360 000 dollars par an, après avoir déduit chaque mois
13 000 dollars pour les dépenses de divertissement et de bureaux.
Le montant de la somme gagnée par un chef dépend du nombre
d'hommes qu'il a sous ses ordres. Le Yamaguchi-gumi a commencé à
investir dans le trafic des narcotiques et surtout dans celui des amphétamines.
Le groupe s'intéresse à tout ce qui peut être générateur
de profit comme le sont l'usure, la fraude, la pornographie (la pornographie
hard au Japon est interdite), les vêtements pour les matches de base-ball,
les courses de chevaux et les enchères sur les biens publics (domaine
de prédilection des Yakuza). Les agences immobilières, les
écoles de langues (spécialisées surtout en anglais)
sont également des secteurs fortement investis. Pendant le court
« règne » de Taoka Fumiko (épouse de Yakamen,
cf. supra), le nombre de membres du groupe est passé de 587 en1982,
à 13346 membres en 1983 . En outre, le contrôle du Yamaguchi-gumi
s'est étendu de 36, à 47 préfectures, au Japon.
En 1983, Fumiko était
écartée du pouvoir et Mashisa Takenaka prenait le contrôle
du Boryokudan. Son style militant l'emportait sur son opposant Hiroshi
Yamamoto. Ce dernier, par accès de rage, décidait de se venger,
en faisant exécuter Takenaka en 1985. Auparavant, il avait pris
le contrôle de 13000 membres du groupe, et créé l'Ichawa-kai,
devenu par la suite l'un des plus puissants syndicats du crime. L'assassinat
de Takenaka fut à l'origine d'une véritable guerre des gangs.
Kazuo Nakashini, devenu le nouvel Oyabun du Yamaguchi-gumi, décida
en effet de se venger, et déclara la guerre à l'Ichawa-kai.
L'intervention de la police devint nécessaire. Elle procéda
à l'arrestation de 1000 Yakuza pendant les affrontements et confisqua
de nombreuses armes. Affaibli, et en désespoir de cause, le Yamaguchi-gumi
se tourna alors vers les gangs américains pour trouver les moyens
nécessaires à sa guerre. Il les obtint (lance-roquettes,
machines-outils pour fabriquer des armes), contre paiements sous forme
de narcotiques. Néanmoins, les organisateurs de la contre-offensive
furent arrêtés, et le Yamaguchi-gumi se trouva, de nouveau,
dans le désarroi le plus complet.
Fiche signalétique du
Yamaguchi-gumi aujourd'hui
- Le groupe est basé
à Kobe
- Il descend des Tekya
- Ascension du groupe sous l'égide
de Kazuo Taoka
- 92 Oyabun.
- 18 600 membres soit 40% du
nombre total de Yakuza.
- Implantation géographique
très étendue, 80% des préfectures du Japon sont couvertes
par le groupe
- Groupe très hiérarchisé
avec environ 110 bandes.
- Chef actuel Yoshio Watanabe
L'Inagawa-kai
Inagawa Kakuji "l'homme-miroir"
de l'Inagawa-kai
Le malfrat Inagawa Kakuji fit
ses premiers pas dans la criminalité organisée pendant la
seconde guerre mondiale. Il créa un petit syndicat du crime à
Yokohama, dans le but d'intimider et de harceler les Coréens et
les chinois qui contrôlaient alors le marché noir. Pendant
ces années, le gang gagna en importance et en puissance au sein
de la pègre japonaise. Le groupe pratiquait diverses activités
allant de l'intimidation, du contrôle des bandes au chantage. Le
gang s'appelait alors le Kakusei-kai.
En 1960, l'influence du syndicat
s'étendit au nord de Tokyo et à l'île de Hokkaido.
Les sources principales de revenus se répartissaient entre les jeux,
le casino et le racket. Le groupe était traqué par la police,
mais dès 1963, Inagawa fit appel aux politiciens pour trouver une
légitimité. La même année il changea le nom
de son groupe pour celui de Kinsai-kai. Il demandait en outre aux autorités
d'obtenir un statut politique. La police ferma les yeux sur les affaires
de Inagawa, car il était devenu un combattant acharné du
communisme. Il conclut ainsi de nombreuses alliances avec les autres Yakuza,
afin de former une unité forte et capable d'affronter ce qui était
perçu, à l'époque, comme un fléau. A la fin
des années 60, Inagawa était incarcéré, et
le projet d'union fut remis à plus tard. A sa sortie de prison,
constatant que son groupe s'était effrité, il conclut un
pacte avec Kodama, le parrain du Yamaguchi-gumi. Cette alliance aboutissait
à la formation du syndicat du crime le plus puissant du Japon.
Dans les année 70, la
branche d'Inagawa (l'Inagawa-kai) étendit ses activités à
la drogue, à l'usure et toutes les autres formes de vices rémunératrices.
Le montant annuel des bénéfices était évalué
à 200 millions de dollars. En 1979, la police estimait que 879 sociétés
légales (restaurants, entreprises de construction...) servaient
de couverture au gang. Le syndicat, quant à lui, était composé
de 119 bandes placées sous l'égide de 12 grands patrons.
Inagawa supervisait les opérations de son groupe depuis le centre
de Tokyo où il résidait. Il entretenait de bonnes relations
avec la police locale et les hommes clés du monde des affaires.
Parallèlement à ces activités, Inagawa sponsorisait,
trois à quatre fois par mois, des tournois de golf. En 1984 un film
était produit sur lui, qui était l'équivalent du «Parrain».
Inagawa pensait, à cette période, que son organisation allait
devenir la plus grande que le Japon avait jamais connue.
La fiche signalétique
de l'Inagawa-kai aujourd'hui
- L'Inagawa-kai est basé
à Tokyo
- Il est présent dans
20 préfectures du Japon
- Organisation centralisée
- Organisation très hiérarchisée
- 6700 membres
- 313 clans
- Le chef : Kakuji Inagawa âgé
de plus de 80 ans et son fils Chihiro le futur successeur.
- Particularité de l'Inagawa-kai
: les 20% de Coréens parmi ses membres.
Le Sumiyoshi-gumi
Le Sumyoshi-gumi est une organisation
beaucoup plus souple que celle du Yamaguchi-gumi.
Implantation à Tokyo
et dans l'est du pays.
L'organisation descend des Bakuto
Spécialité d'origine:
les jeux clandestins
Les activités traditionnelles
:
La pornographie
La prostitution
Le trafic d'amphétamines
Et autres activités traditionnelles
des Yakuza
Possède une entreprise
légale d'événements sportifs et artistiques.
L'organisation regroupe environ
6700 membres
Organisation structurée
en 117 clans
Le chef actuel Masao Hori
Les rites d'appartenance et de rupture
Les rites tiennent un place
importante dans la société japonaise. Les Boryokudan instaurent
leurs propres pratiques et rituels. Afin de mieux comprendre ces rites,
il faut se pencher sur la relation Oyabun-Kobun.
La relation Oyabun-Kobun44
L'Organisation des Boryokudan
fonctionne comme une microsociété dont le fondement est la
relation Oyabun-kobun.
Cette relation, mal identifiée
par les spécialistes, serait celle que peut avoir un père
et son fils, un patron avec son employé, un artisan et son apprenti...Les
termes employés par la mafia nippone, poussent à penser que
cette relation s'apparenterait davantage à celle d'un père
avec son fils. Le système est un héritage de la féodalité
japonaise. Il est au c_ur de la tradition Yakuza, sans lequel cette dernière
ne pourrait vivre. Comme dans une famille traditionnelle, les rapports
d'autorités sont inhérents au bon déroulement de la
vie sociale des Yakuza. Pour le journaliste Philippe Pons, la relation
est assimilée à un « mécanisme régulateur
des relations sociales ». Cette relation existait déjà
au moment où sont apparus les premiers syndicats du crime. La relation
Oyabun-Kobun repose sur un code d'honneur et éthique, qui peut parfois
se révéler contraignant. Le fondement de cette relation est
la loyauté que se donnent mutuellement le père et le fils.
Le Kobun doit obéissance à l'Oyabun qui le protège
en retour. Outre son rôle de père, l'Oyabun joue un rôle
de médiateur dans les conflits entre les bandes, et il se charge
également des relations avec l'extérieur.
L'Intronisation
L'introduction d'un membre au
sein d'un Boryokudan est un moment mémorable dans la vie d'un Yakuza,
un peu comme l'est le mariage, pour les chrétiens. L'intronisation
se déroule au cours d'une cérémonie silencieuse, préparée
avec les plus grands soins, et pendant laquelle l'Oyabun et le Kobun échangent
une coupe de saké. La cérémonie n'est pas célébrée
de la même manière par tous les syndicats du crime nippon,
mais certaines grandes règles sont respectées.
Lieu et date de la cérémonie
La cérémonie est
habituellement célébrée à une date décidée
en fonction du calendrier lunaire. Elle se déroule dans une pièce
japonaise traditionnelle. A l'intérieur, se trouvent un autel shintoïste
devant lequel a lieu l'intronisation, ainsi qu'une table basse placée
au centre de la pièce, devant une sorte alcôve qui sert de
dépôt aux objets précieux offerts pour l'occasion.
La table
Sur la table sont disposés
une multitude d'offrandes et une feuille de forme triangulaire sur laquelle
sont posés :
deux flacons de saké,
deux coupes,
deux petits ramequins contenant
du sel (en forme de cône),
deux poissons, posés
de manière à ce que leurs dorsales supérieures soient
en contact
une paire de baguette
Les participants
L'Oyabun et le futur Kobun sont
respectivement assis à gauche et à droite de la table.
L'homme qui joue l'intermédiaire
(Haorihakama) entre les deux parties, est assis au milieu.
Les invités, vêtus
de kimono de cérémonie sont assis sur les talons en ligne
de chaque côté de la pièce.
La femme de l'Oyabun est assise
en retrait des autres invités.
Le déroulement de
la cérémonie.
Les rites de la cérémonie
L'intermédiaire commence
la cérémonie en disposant les baguettes et les poissons l'un
contre l'autre. Par la suite, il prend un flacon de saké qu'il verse
en trois fois45
dans la première coupe. Il répète l'opération
avec le deuxième flacon. L'avant-dernière étape consiste
à rajouter une pincée de sel au saké. La quatrième
étape est le plongeon (trois fois) de la tête des deux poissons
dans les coupes. Cette mixture achevée est, dans la tradition Yakuza,
sensée représenter le sang.
Une fois les préparations
achevées par l'Haorihakama, l'Oyabun et le Kobun procèdent
à l'échange des coupes de saké.
Le discours
Lors du discours d'intronisation,
le code d'honneur est lu à l'aspirant Kobun, lui rappelant certains
grands principes, comme l'allégeance à son supérieur,
l'obéissance aux ordres...
La clôture de la cérémonie
La cérémonie s'achève
officiellement par une acclamation (« Omedeto gozaimasu »),
poussée en ch_ur par les participants pour féliciter l'impétrant.
Le geste rompt avec le silence observé jusqu'alors. Le nouveau Kobun
change également de nom (inscrit sur une petite tablette en bois
disposée au siège du groupe). Il devra se montrer à
la hauteur des espérances de l'Oyabun. En cas de non-respect des
règles ou de faute grave, il se verra sévèrement puni
- une réprimande qui donne également lieu à une cérémonie.
Le Code d'honneur des Yakuza
Le Code d'honneur de la pègre
nippone est très important, au même titre que les autres rites
et coutumes de l'organisation. Le code d'honneur, « Ninkyodo »
se traduit par « La voie chevaleresque » en français.
La signification n'est pas innocente. Elle légitime les prétentions
des Yakuza à jouer un rôle social, en inscrivant leurs actes
dans le " Bushido", le code des anciens samouraïs. L'objectif premier
de ce code est, selon les Yakuza, de défendre les délaissés
de la société.
Les principales règles
en sont les suivantes :
1. Tu n'offenseras pas les bons
citoyens.
2. Tu ne prendras pas la femme
du voisin
3. Tu ne voleras pas l'organisation
4. Tu ne te drogueras pas
5. Tu devras obéissance
à ton supérieur
6. Tu accepteras de mourir pour
le père ou de faire de la prison pour lui
7. Tu ne devras parler du groupe
à quiconque
8. En prison tu ne diras rien
9. Il n'est pas permis de tuer
un Katagari46.
Les origines du code d'honneur
des Yakuza remontent aux Samouraï.
Entre les XIIe et
XIV e siècles, les Samouraï établissent et
appliquent un code très strict, connu sous le nom de Bushido «
La voie du guerrier ». Ce code est inspiré en majeure partie
de leurs croyances bouddhistes zen. Cette pratique apprend essentiellement
l'autodiscipline. Dans le cas des samouraï, cela se traduit par l'obligation,
pour chaque guerrier, de développer des aptitudes martiales, de
vivre le plus simplement possible (ignorer le confort), et de faire preuve
d'une loyauté extrême envers ses compagnons. Comme pour les
Yakuza, chaque guerrier doit être prêt à donner sa vie
pour l'Empereur, son Dairnio47,
ou pour sauver son honneur. Les guerriers vivant à l'époque
dans un contexte d'insécurité permanente, ils doivent être
prêts à commettre Sepuku (Hara-kiri), plutôt que de
se rendre à un ennemi. Dans le code du Bushido, on peut trouver
une règle des plus surprenantes, puisque le futur Samouraï
est éduqué dans l'« objectif de vivre en préparant
sa mort ». Le moine-Samouraï Jocho Yamamoto (1659-1719) disait
alors que «la mort est le but du guerrier».
La cérémonie de rupture et
de demande de pardon
La rupture
Si l'Oyabun n'est pas satisfait
de son Kobun, il peut décider de s'en séparer ou lui demander
de laver sa faute s'il en a commis une. Dans le cas d'une simple rupture,
le «licenciement» se passe de façon très simple,
lors d'une cérémonie durant laquelle le Kobun rend la coupe
de saké (parfois remplie d'eau) à son Oyabun.
La pratique du Yubitsume
La pratique de l'auto-ablation
du petit doigt ou de l'annulaire (le Yubitsume ou Otoshimae) est utilisée
par les Yakuza pour "présenter des excuses" à leur Oyabun.
Il s'agit d'un acte qui a pour objet de laver une erreur ou le manquement
à devoir. Il arrive aussi que le Yubitsume soit employé par
des Yakuza afin de sauver la vie de l'un de leurs enfants. Le Yakuza fautif
coupe lui-même son auriculaire : soit en présence de l'offensé,
à qui il remet alors l'auriculaire dans un petit linge blanc, soit
seul, à son domicile, et il l'envoie alors à l'Oyabun. La
faute lavée, si le Yakuza commet une nouvelle erreur, il répète
l'opération avec l'annulaire et ainsi de suite. Il est donc possible
de voir des membres de la pègre nippone amputés de plusieurs
doigts. Cette pratique remonte aux Bakuto. Un joueur professionnel qui
ne pouvait s'acquitter d'une dette, pratiquait l'auto-ablation de l'auriculaire.
Le malfrat ainsi devenu vulnérable, ne pouvait plus exercer aussi
habilement ses activités, ni se défendre. En outre, le jeu
étant interdit, il était facile pour les autorités
de repérer les joueurs.
Aujourd'hui, la pratique du
Yubitsume a évolué. Depuis les années 80, et surtout
depuis la loi antigang de 1992, le nombre de ces actes tend à diminuer.
En outre, de plus en plus de Yakuza ont recours à la chirurgie plastique
pour se faire greffer des doigts artificiels. La décision s'explique
par leur volonté d'être plus discret, notamment lors de déplacements
à l'étranger, où les douanes sont vigilantes. Certains
Yakuza «repentis» ont également recours à cette
chirurgie afin de recommencer une nouvelle vie et d'éviter que le
passé soit un trop lourd fardeau ou un obstacle à leur future
carrière dans le monde légal.48
La pratique du tatouage
Les tatouages représentent
une partie importante des coutumes Yakuza. Les membres de la pègre
font, en effet, tatouer pratiquement l'intégralité de leur
corps. La longueur de l'intervention, qui s'élève en moyenne
à une centaine d'heures, prouve la capacité des Yakuza à
supporter la souffrance. L'origine de cette pratique remonte également
aux Bakuto. Ceux-ci avaient pour habitude de tatouer un cercle noir autour
de leur bras à la suite de chaque crime commis. Cette coutume marque
en outre la volonté des malfrats de se distinguer du reste de la
population nippone, et d'occuper une place à part dans la société.
L'Organisation financière et le système
de rémunération.
L'Organisation et l'administration
financières des Yakuza fonctionnent selon le même principe
que celles de la « famille » : c'est un système complexe.
Deux stratégies de financement, remplissant des objectifs différents,
sont utilisées.
Le système du "tribut
de base" (Sonokin)
Le premier de ces mouvements
financiers concerne les subordonnés du groupe qui, chaque mois,
s'acquittent d'un tribut (Sonokin) auprès du supérieur hiérarchique
direct. Le revenu part de la base de la pyramide pour cheminer graduellement
jusqu'à son sommet. A chaque échelon, la somme d'argent est
gonflée par les apports du Yakuza subalterne. Au début des
année 90, le revenu global d'un groupe était d'environ un
million de yens. Néanmoins, il existe des disparités de revenus
en fonction de l'Organisation. En général, plus le groupe
est important en terme d'adhérents et de puissance, plus le chiffre
d'affaire total est important. On estime, le montant total des tributs
du Yamaguchi-gumi à plus de 1700 milliards de yens. Le Boryokudan
s'articule alors en 116 grosses bandes. Les 13 clans du Kansai auraient
accumulé près de 350 millions de yens, les 20 clans du Chubu
et de Hokuriku 240 millions, les dix bandes du Kanto et d'Hokkaido, 356
millions, le reste provenant des autres membres des bandes affiliées.
Cette stratégie de financement
est destinée à la rémunération directe des
syndicats. Le principe d'acheminement de l'argent de la base vers le sommet
a été conçu dans une optique de sécurité
et de protection des chefs intermédiaires des Boryokudan. Ce système
de rémunération leur permet en effet de ne pas trop s'impliquer
dans le monde des affaires illégales.
La provision des dépenses
"exceptionnelles"
Le deuxième mode de financement
a été élaboré afin de couvrir les frais et
dépenses exceptionnelles. Il s'agit ici de collectes qui suivent
le même chemin que le tribut, c'est à dire qu'elles sont drainées
à partir de la base pour arriver à la direction de chaque
syndicat. Ces contributions couvrent les frais d'enterrement, de mariage,
les fêtes lors de la libération de prison de l'un des membres
ou de la nomination d'un nouveau chef. Jusqu'en 1992, les Boryokudan étant
considérés comme de simples associations, ces versements
d'argent se faisaient de manière presque totalement transparente.
Selon la police nationale nippone, les estimations portant sur les revenus
liés à ces opérations sont bien en dessous de la réalité.
Répartition des sources
de revenus (dans les années 80)
- 38.4% du revenu global proviennent
du trafic d'amphétamines
- 20% d'activités légales
(bars, clubs, restaurants...)
- 16.7% des jeux clandestins
et des paris (Nomikoi) sur les courses
- 11% des « fournitures
de fonctionnement »
- 10% du crime économique
: (chantage, racket...)
Ces revenus cachent d'autres
réalités, sous la forme de rémunérations originales.
Il s'agit de sommes versées aux Yakuza, sous des libellés
originaux du type : "location de plantes vertes", de "décorations
de Noël", à des prix exorbitants. Elles dissimulent en fait
des prestations pour des activités de "protection".
Des cotisations élevées
que certains gangsters ne peuvent plus payer
Chaque mois, un Yakuza doit
s'acquitter d'une redevance qu'il verse à son supérieur hiérarchique.
Ces frais d'adhésion ou «d'appartenance» à un
syndicat sont parfois considérables. Ils ont augmenté au
cours des années et certains patrons n'hésitent pas à
majorer leurs « primes » de 270 à 450 dollars. Les Yakuza
qui ne sont plus à même de payer leurs cotisations, préfèrent
quitter le gang. Cette situation est particulièrement complexe,
car si entrer dans un gang est difficile, en sortir est également
une entreprise périlleuse. Les membres rencontrent souvent des difficultés
économiques et ne parviennent plus à financer leurs propres
besoins (famille, école pour les enfants...). Leur commerce est
en perte de vitesse ou risque la faillite. Par le passé, certains
individus en difficulté ont tenté de trouver des arrangements
à l'amiable pour démissionner, mais en vain. Aujourd'hui,
les Yakuza dans ce cas, se tournent vers la police afin qu'elle les aide
à dénouer les liens avec leur monde d'origine. Au cours du
premier semestre de 1999, la police à publié 297 décrets
(contre 255 l'année précédente) ayant tous pour objectif
de stopper les Yakuza qui voulaient forcer des jeunes à adhérer
à leur groupe ou les empêcher de «démissionner»49.
Conclusion du chapitre
La cohésion des groupes
criminels japonais est assurée par un système de rites et
de coutumes - autant de pratiques jugées indispensables à
leur pérennité. La « famille » est le coeur de
l'organisation, et les liens qu'elle tisse sont supérieurs aux liens
biologiques. Outre la structure fonctionnelle pyramidale des gangs, l'organisation
financière elle-même est régentée selon des
principes très stricts.
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41
En réalité il n'y a pas de traduction exacte pour le terme
Oyabun,
mais d'après les divers traductions données par les spécialistes
(patrons, chef...), le terme de « père » est sans doute
celle qui se rapproche le plus du rôle de l'Oyabun dans la pègre
nippone.
42
Ito Hirotoshi, « Yakuza Entrepreneurs Active Behind the Scenes »,
http://www.members.tripod.com
. Nous décrivons un peu plus loin les rites pratiqués
par les yakuza.
43
Tous les noms des syndicats du crime japonais portent un suffixe, il peut
s'agir de gumi (gang, compagnie), de kai (association, société)
et rengo ( fédération, coalition), dans : Thierry Cretin,
Mafias
du monde : Organisations criminelles transnationales, Actualité
et perpectives, 2ième édition revue et augmentée
PUF, Paris, septembre 1998.
44
Il faut noter la traduction française des particules des mots japonais
Oyabun et Kobun : Oya (parent), Ko (enfant), Bun (statut).
45
Le versement en trois fois est un rituel observé au cours des mariages
shintoïstes.
46
Dans le langage « Yakuza », le terme Katagari désigne
toutes les personnes qui ne sont pas des membres de la pègre. La
police constate que la règle est peu appliquée, étant
donnée la multiplication des meurtres « accidentels »
perpétués contre les citoyens ces dernières années.
47
Le Dairnio (daymio) au temps des Samouraï était le «
seigneur Féodal ».
48http://www.ft.com
, "Yakuza given a helping hand by «Mr finger»: only one person
dares give the finger to Tokyo's gangsters", The japanese mafia's favourite
Yorkshireman.
49
Agence France Presse «Yakuza, Gansters flee high membership fees»,
Financial
Times, 23.09.1999.