A. Une hiérarchie de type militaire

1) des rôles et des fonctions bien définis à l'intérieur des bandes

Le motard criminel est intégré dans la bande du fait de ses capacités particulières (souvent hériter de son passage dans l'armée : sports de combat, maniement des armes, renseignement,...) ou de l'intérêt que la bande peut retirer de son intégration (dons pour la chimie, « carnet d'adresses » criminel intéressant,...). Le club est ensuite organisé de manière pyramidale. Les titres peuvent varier d'un club à un autre mais la structure reste généralement toujours la même :

- Président : dirige le club, il a un droit de véto sur toute décision prise par les membres. Il représente le club dans les transactions commerciales et financières ou en matière de relations publiques et sert d'intermédiaire avec les autorités ;

- Vice-Président : il remplace le Président en l'absence de celui-ci ;

- Secrétaire-trésorier : il rédige les procès-verbaux des réunions du club, s'occupe de la comptabilité (perçoit notamment les amendes et les cotisations des membres) et détient la liste des membres (avec adresses et numéros de téléphone) ;

- Sergent d'armes : c'est le spécialiste des affaires « militaires » de la bande, il s'occupe de la discipline interne et des conflits potentiels avec les autres gangs. S'il doit être d'une certaine force physique et d'une certaine ardeur au combat, son atout principal doit être de savoir se faire respecter, sans user de violence ;

- Membres attitrés : portent les couleurs du club, paient leur cotisation et participent aux réunions ;

- Membres honoraires : ils ont prouvé leur attachement au club (professions en relation avec le monde de la moto ; criminels ; avocats ou conseillers juridiques ;...). Ils peuvent participer aux déplacements et aux festivités mais n'ont pas de droit de vote ;

- Postulants (« prospects ») : se sont des candidats qui sont en période de probation. Ils ne sont pas autorisés à assister aux réunions et ne portent pas les couleurs (seulement l'arc inférieur). Durant cette période (qui peut durer jusqu'à deux ans chez les Hells Angels), ils accomplissent les basses besognes du club ;

- Parasites (« hangarounds ») : se sont souvent des criminels qui sont en affaires avec le club. Ils servent de soutien à l'occasion mais ne peuvent avoir aucune influence sur la vie interne du club. Il faut un vote majoritaire des membres attitrés pour qu'ils passent « prospects ».

Cette ossature au niveau d'un club (ou chapitre) se retrouve au niveau national. En effet, il existe le plus souvent un « chapitre-mère » qui contrôle la totalité des chapitres dans le reste du pays voire dans le monde. Pour les Hells Angels, cette maison-mère est le chapitre d'Oakland (Californie) ; pour les Bandidos, il s'agit de Corpus Christi (Texas) et pour les Outlaws, Chicago puis Detroit. Ainsi, il existe un Président national entouré de vice-Présidents (en charge d'une région particulière), d'un secrétaire-trésorier national et d'un « National Enforcer » (chargé de la sécurité). Les chapitres sont tenus de faire des réunions hebdomadaires (« messes ») où sont discutées les récentes activités du club. Des procès-verbaux sont alors établis et des copies sont envoyées au responsable régional, ainsi qu'aux autres chapitres. Mensuellement, une réunion régionale est tenue : c'est l'occasion de connaître l'ensemble des activités de l'organisation sur toute la région, voire au niveau mondial. Aux États-Unis, chez les Hells Angels, il existe deux zones appelées "East Coast" (chapitres du Connecticut, Illinois, Indiana, Kentucky, Maine, Massachussetts, Minnesota, Nebraska, New-Hampshire, New-York, Caroline du Nord et du Sud, Ohio et Rhode-Island) et "West Coast" (chapitres d'Alaska, Californie, Washington, Arizona et Nevada). Chaque chapitre nomme un représentant au sein de cette assemblée régionale qui prend alors la même structure que les chapitres (Président, vice-Président, ...). Un délégué est également élu pour siéger au sein de l'autre assemblée et ainsi faire le lien entre les deux ensembles.

Tous les ans, il est organisé une « randonnée mondiale » (world run) à laquelle participent des représentants de l'ensemble des chapitres mondiaux. C'est bien sûr l'occasion de faire la fête entre personnes de la même « confrérie », mais il s'agit surtout de traiter des affaires et de planifier diverses activités illicites. En 1990, cette rencontre internationale s'est déroulée à Sturgis (Dakota du Sud) pendant le fameux moto-cross annuel des Collines Noires dont c'était justement le cinquantième anniversaire. Les H.A. américains, organisateurs, n'ont pas hésité à acheter un ranch pour être tranquilles. L'année suivante, la randonnée mondiale australienne a quelque peu été gâchée par les services de répression. Les demandes de visas de 116 H.A. de 12 pays et 44 chapitres ont été refusées suite à une longue procédure judiciaire. Le sommet de Mildura (près de Victoria) n'a donc réuni que les membres australiens du gang et quelques étrangers dont les visas avaient été accordés avant la décision judiciaire. En juillet 1992, c'est Sherbrooke (Canada) qui a accueilli le sommet mondial des Hells : une politique de restriction de visas (calquée sur l'expérience australienne) a été mise en place pour cette réunion qui devait réunir près de 130 motards canadiens, autant d'américains et une soixantaine d'européens. Mais 32 motards ont été repoussés aux frontières du pays. A la mi-août 1993, près de 400 Hells Angels (américains, canadiens, norvégiens, suisses, allemands, anglais, néerlandais, brésiliens, sud-africains,...) se sont donnés rendez-vous à La Grange de Meslay, près de Tours, en France. La réunion s'est tenue sans grand problème, hormis le décès d'un membre anglais tué dans un accident de circulation. En 1998, c'est Rio de Janeiro qui a accueilli le World Run. En 2000, le « World Run » s'est déroulé en Finlande (60 motards ont été refoulés par les autorités finlandaises). En 2001 enfin, le « World Run » s'est tenu dans le Var, en France.

2) les statuts des autres bandes

Outre une organisation stricte à l'intérieur même de la bande, les autres clubs criminels de motards (de moindre importance que les grands groupes comme les Hells Angels, les Outlaws ou les Bandidos) se positionnent tous par rapport à leur modèle. Ils peuvent leur être hostiles et s'ensuit alors un conflit de territoire ; ou alors ils leur sont subordonnés. La neutralité est plutôt rare dans ce milieu où tout groupe de motards criminels doit choisir son camp : Hells Angels ou Bandidos / Outlaws. Les sous-bandes adoptent en général les mêmes règles de fonctionnement que leurs « aînés ». Les clubs « hangaround » organisent leurs activités criminelles en liaison ou sous le contrôle des « grands frères », qui peuvent à l'occasion les utiliser pour certaines opérations, notamment des passages à tabac, des recouvrements de dettes, les transports de drogue,... Si ces bandes ont montré leur savoir-faire et leur fidélité, elles peuvent devenir un club-propect (ou club-école), avec le même processus que pour un motard « prospect » (parrainage par un autre chapitre, période de probation, besognes diverses,...). Ces bandes peuvent alors se réclamer des Hells Angels ou des Bandidos sans toutefois porter l'ensemble des couleurs et en arborant l'écusson « Prospect ». A la fin de cette période de probation, le club tout entier ou les membres jugés dignes de porter les couleurs sont intronisés dans la confrérie des motards et deviennent ainsi un chapitre à part entière, avec tous les droits et devoirs qui y sont liés (paiement des cotisations, respect des règles,...).

Il est interdit aux autres bandes de faire référence ou d'arborer des couleurs pouvant rappeler les H.A. ou Bandidos. En outre, tout groupe arborant le sigle « M.C. » ou se déclarant « un-pourcentiste » doit avoir l'autorisation de s'installer sur le « territoire » d'une bande, à défaut de quoi de graves sanctions sont prises à son égard. C'est une autre sous-bande qui est en général chargée du travail : passage à tabac des dirigeants du club, destruction de leur local et (humiliation suprême) vol des couleurs. Ainsi, une telle recherche d'élitisme permet aux membres des Hells Angels d'éviter de se salir les mains : les membres des sous-groupes sont trop heureux de prendre des risques (expéditions punitives, transport d'armes ou de drogue, recouvrement de dettes,...) pour prouver leur valeur et donc intégrer pleinement l'organisation. Une étude de la presse canadienne46 permet de vérifier assez clairement que les motards arrêtés sont très rarement des Hells Angels, les journalistes se contentent de préciser si la bande en question y est liée. Les quelques arrestations de Hells Angels se font surtout dans le cadre d'activité de haut degré criminel comme le blanchiment ou le trafic de stupéfiants à grande échelle. Ces affaires nécessitent souvent de longues et complexes enquêtes tant sur le plan policier que judiciaire.

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46 Les problèmes de sécurité publique liés aux motards se posent de manière aiguë dans ce pays (attentats à la bombe, incendies, meurtres, trafic de stupéfiants,...) Voir en annexe.