Le scénario criminel

Le scénario criminel reconstitue la chronologie des faits la plus probable. On parle également des aspects dynamiques de la scène du crime. Il est d'usage de prendre comme point de repère les évènements tenus pour acquis. Ceux-ci résultent des conclusions médico-légales, des résultats scientifiques et techniques, mais aussi des déductions empiriques évidentes. Par exemple, la cause de la mort est l'égorgement ; aucune trace de sang n'est constatée sur les lieux où le corps est découvert; donc la victime a été tuée ailleurs puis transportée à cet endroit.

Il est indispensable de distinguer les séquences du mode opératoire, avant, pendant et après le passage à l'acte. Cela permet de mieux cerner l'évolution du niveau de contrôle de l'auteur, et sur quelle(s) composante(s) du scénario il porte chronologiquement son attention. Ainsi, un corps mutilé retrouvé sur une scène de crime désordonnée renvoie à un tueur inorganisé. Mais la victime en question a été prise en auto-stop dans la nuit près d'une gare, ce qui renvoie à un tueur organisé. Finalement, le tueur est mixte parce qu'il s'est montré organisé avant le passage à l'acte, et inorganisé pendant ou/et après le passage à l'acte. Par conséquent, il est parti organisé mais est devenu inorganisé, ce qui montre bien qu'il a perdu à un moment donné le contrôle de la situation. Or, s'il est organisé au départ, les composantes du scénario n'ont pas été choisies au hasard : l'auto-stoppeuse, la nuit, la gare ont leur importance. Et s'il est inorganisé à l'arrivée, la mutilation n'a problablement pas été planifiée (escalade criminelle), tout comme le terrain vague d'opportunité. Il était donc fort improbable, notamment, qu'il dépose le corps à la gare après son crime ou qu'il s'attaque de nouveau à une auto-stoppeuse dans la nuit.

Cet état d'esprit général permet de proposer les enchaînements les plus vraisemblables entre les différentes composantes du scénario, pour chaque séquence du mode opératoire. Dans le cas présent, le tueur a pu attendre dans sa voiture près de la gare, sélectionner sa victime parmi les voyageurs, la suivre jusqu'à ce qu'elle lève le pouce, converser quelque peu et l'amener à l'endroit prévu pour le crime. C'est typiquement organisé. Puis, sur place, la victime a résisté, elle est sortie du véhicule et il l'a rattrapée en s'acharnant sur elle au couteau. Pris dans son élan, il l'a décapitée, démembrée et éviscérée. C'est alors qu'il panique, parce que rien ne s'est passé comme prévu, et dépose son corps sur le terrain vague le plus proche qu'il connaît. C'est typiquement inorganisé. Cette reconstitution n'est bien entendu qu'une hypothèse de travail. Elle doit être complétée par toutes les informations à disposition, et confirmée par les autres indicateurs. Mais elle est bien plus probable, par exemple, que celle du conducteur qui passe par hasard devant la gare, qui rend service à la première venue, et qui, pris d'une pulsion sexuelle, s'arrête sur un terrain vague, la mutile de son vivant, et abandonne son corps après avoir fait disparaître tout indice compromettant.

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