ANNEXE 4

IPARRETARRAK (IK)

Si depuis bientôt trente ans, le terrorisme ensanglante le pays basque espagnol, force est de constater que le modèle Etarre n'est pas des plus suivi en Euskadi-nord : les élections dans cette région créditent en permanence les séparatistes d'un peu moins de 3 % des voix. Une infrastructure terroriste existe toutefois, c'est IPARETARRAK "les Etarres du Nord" fondé vers 1973 par Philippe Bidart.

Bidart est né en 1953 à Saint-Etienne de Baïgorry, un ravissant village entre la Nivellle et le col d'Ispeguy, à quelques kilomètres de l'Espagne. Sa famille, nationaliste basque, très croyante, a été très marquée par la guerre d'Espagne, la répression franquiste et les souffrances des frères du sud de la frontière. Philippe commence par se faire une petite notoriété en étant un champion de pelote basque, accèdant même à la  finale des championnats de France junior. Il entre ensuite au séminaire d'Ustarritz, où il se lie avec des prêtres indépendantistes. Très actif durant son service militaire, il effectue des stages commando. Tenté un moment par la prêtrise, il finit par enseigner dans une école en langue basque ("Ikastolak") puis vend, à Biarritz des ouvrages et objets artisanaux basques . Très marqué par le procès de Burgos, Bidart s'engage aux côtés des Etarres (filatures, renseignement, logistique). Fasciné par l'ETA, il réunit un petit groupe et se lance dans l'activisme, quoiqu'à un niveau modeste modeste : attaque d'une pharmacie, plasticage d'un relais de chasse, attentats lors du passage du Tour de France et contre les locaux d'un institut psycho-pédagogique.  Nous sommes alors en 1973.

C'en est fini du cénacle qui se présentait jusqu'alors comme un mouvement politico-culturel oeuvrant, sans violence, pour une prise de conscience du fait national basque.
Le 18 mars 1980, IK fait le saut : deux de ses militants sont tués par leur propre bombe, alors qu'ils tentent de piéger la voiture du sous-préfet de Bayonne. A leur enterrement, on ne dénombre pas moins de quatorze prêtres. On commence alors à prendre au sérieux les "agités" de Baïgorry. Le 7 novembre 1981, un commando de deux hommes attaque la caisse d'épargne de Saint-Paul-les-Dax. Sur la bande vidéo qui a enregistré l'action, on reconnaît les deux assaillants : Xavier Manterola, arrêté peu après et Philippe Bidart. C'est pour lui le début de la traque. En mars 1982, on retrouve sa trace lors de l'assassinat au pistolet-mitrailleur de deux CRS, à Saint-Etienne de Baïgorry. Formellement reconnu, tout comme son adjoint Joseph Etcheveste, il déclare à ses proches qu'il s'agit d'une "bavure", qu'il ne cherchait pas à tuer. Qu'importe, le pas est alors définitivement franchi : Bidart devient un symbole, attire dans la région plusieurs compagnies de CRS. Cela ne fait guère l'affaire d'ETA, mécontente d'être dérangée dans son "sanctuaire".

La liste des actes de guérilla s'allonge : an août 1983, une fusillade a lieu à Leon, dans les Landes, au camping Lou Pantaou : un gendarme est tué, un autre blessé. Là encore, Bidart est reconnu. C'est de cette période que datent les véritables débuts médiatiques d'IK. Un manifeste est diffusé : officialisation de la langue basque, l'"Euskera", mise en place d'une planification économique appropriée, définition d'un cadre institutionnel "permettant au peuple basque de déterminer librement son avenir". IK se dote d'un bulletin d'information, 'Ildo", et d'une série de relais, les Herri Taldeak (constitués sur le modèle de Herri Batasuna au sud) et "Elan", cénacle politico culturel dirigé par "Xan" Cascara.  Sur le terrain, les bombes se font plus puissantes et plus nombreuses. De véritables campagnes visent les gendarmeries, les véhicules de police, les agences de travail temporaire, les perceptions, les offices de tourisme et même les voies de chemin de fer (avant le passage du Talgo en 1983).

 En décembre 1986, se produit le seul réel acte de guérilla urbaine d'IK. Un commando dirigé par Philippe Bidart fait évader de la prison de Pau Gaby Mouesca et Maddi Heguy.
1987 n'est pas une bonne année pour IK. En juin, Pierre "Betti" Bidart est arrêté; une semaine plus tard, Maddi Heguy est tuée, par un train au moment de son arrestation. Le 21 du même mois, Christophe Istèque saute avec une bombe qu'il préparait. l'un de ses complices, Patrick Lambaye est grièvement blessé. Il est arrêté sur le champ avec Gaby Mouesca et Henri Perès. Le 15 juillet 1987, IK est dissout en Conseil des Ministres.

Le 25 août, Bidart, repéré, s'enfuit en assassinant un gendarme à Biscarosse; Pendant plusieurs mois, il va rester introuvable malgré le "plan épervier", l'usage d'hélicoptères, la mise sur le pied de guerre du GIGN, des gendarmes, d'éléments de l'armée… sans oublier la police. On perquisitionne même le monastère de Belloc où son oncle par alliance a été moine. Et puis, au soir du 19 février 1988, Philippe Bidart, Joseph Etcheveste, Pierre Aguerre, Philippe Lascary et Jean-Pierre Hiribaren sont arrêtés dans une villa du Boucau, près de Bayonne, par le GIGN et les Gendarmes. Etcheveste et Aguerre sont blessés. Bidart était en fuite depuis sept ans. Il rejoint ses frères "Betti" et "Babi" en prison. Le lendemain, plusieurs sympathisants d'IK sont arrêtés à leur tour.

Ce sui n'empêche pas une ultime bravade d'IK, qui glisse dans la boite aux lettres de l'AFP à Bayonne un communiqué où il admet que "ce grave événement constitue un revers pour notre organisation". Il ajoute "Nous tenons à avertir l'Etat français et les notables locaux complices de la politique criminelle que ce ne sera pas le coup de grâce qu'ils espèrent sans doute". En conclusion "que chaque Abertzale, au niveau où il peut le faire s'engage dans la lutte pour que vive notre peuple et soutienne la lutte armée".
Une bouteille à la mer. En attendant, il semble bien que le coup porté à IK soit de ceux dont on ne se relève pas…

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