Les "Posses" : nervis hyperviolents et narcotrafic inter-continental

Introduction

Comme le tableau d'honneur des bons élèves de l'école de jadis; comme le "hit parade" dont les rock-stars d'aujourd'hui se disputent les premières places, le FBI publie régulièrement la liste des dix criminels qu'il recherche le plus activement. Juillet 1995 : O'Neil Vassell fait son entrée parmi les "ten most wanted". Une première historique : il n'a que 18 ans. Pour les fédéraux américains, il a commis trois meurtres (connus...)  et d'innombrables agressions violentes de la Caroline du nord au Connecticut. O'Neil Vassell appartient au "Rats posse", un gang jamaïquain de trafiquants de crack.

La Jamaïque, justement, en 1993. Une de ces années électorales qu'on appelle là-bas "la saison du flingue". Les législatives de la fin mars ont été plutôt paisibles. A peine 155 assassinats, pour une population de 2,5 millions d'habitants. Le même exercice démocratique avait fait 800 morts en 1980. En proportion, une élection en France provoquerait 18 000 meurtres...

Un mois avant les élections de 93, la Jamaïque perdait son gangster le plus célèbre : Lester Coke, dit "Jim Brown", chef du "Shower posse" - dont nous reparlons plus bas. Emprisonné à Kingston, en attente d'extradition vers les Etats-Unis, où la justice accuse le Shower posse d'avoir importé 150 tonnes de cannabis et 10 tonnes de cocaïne en trois ans, Lester Coke meurt bizarrement, brûlé vif dans sa cellule. En Jamaïque même, Coke a été cent fois inculpé pour viols, meurtres, attaques à main armée - mais jamais condamné, les témoins de ses crimes ayant fâcheusement tendance à s'évaporer.

Et voilà qu'à ses obsèques, l'homme qui domine depuis trente ans la vie politique jamaïquaine prend la parole. Coïncidence ? La circonscription d'Edward Seaga, député inamovible, dix ans premier ministre, et le fief criminel de Coke ne font qu'un. "Tivoli gardens" : derrière ce nom poétique fleurant les reggaes de Bob Marley, un sinistre ghetto de Kingston-ouest surnommé "concrete jungle", la jungle de béton, par ses habitants. Devant le cercueil de Coke - et tous les journalistes locaux - Seaga déclare : "Notre communauté aimait et respectait Jim Brown, qui était son protecteur. Sans approuver son mode de vie, je lui suis reconnaissant de tout ce qu'il a fait pour nous". Un peu comme si Bill Clinton prononcait l’éloge funèbre d’un parrain de la mafia de New York...

Voila le contexte dans lequel cette île paradisiaque a engendré la criminalité organisée la plus violente de la planète. Et se trouve dans le tiercé de tête des meurtres en proportion de sa population : 29,3 homicides/100 000 habitants, derrière la Colombie et l'Afrique du sud (1) .
 
 

(1) Derniers chiffres connus : 1993, 653 meurtres; 1994, 688. Une augmentation ininterrompue depuis dix ans. Colombie : 25 273 meurtres en 1995; près de 70 meurtres pour 100 000 habitants...

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